Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 5 décembre 2012

Référence neutre : 2012 QCTAQ 11987

Dossier  : SAS-M-204886-1211

Devant le juge administratif :

CLAUDE TURPIN

 

G… B…

Partie requérante

c.

C.P.E. A

Partie intimée

 

 


DÉCISION



 


[1]               Le Tribunal est saisi d’une requête par laquelle on demande au Tribunal de suspendre en vertu de l’article 107 de la Loi sur la justice administrative [1] ,  l’exécution d’une décision rendue par l’intimé le 30 octobre 2012 ayant pour effet de ne pas renouveler la reconnaissance de la requérante à titre de  responsable d’un service de garde (RSG) en milieu familial. Cette décision prenant effet le 16 novembre 2012.

[2]               Cette révocation a été précédée d’un avis d’intention de non-renouvellement du 11 septembre 2012.

[3]               Sans entrer dans le fond des motifs, l’intimé reproche à la requérante :

 

1- De ne pas avoir fourni des services de garde éducatifs pendant une période continue de garde maximale de 10 heures par jour.

 

2- De ne pas prévenir dans les délais requis les parents des enfants qui fréquentent son service de garde des jours de fermeture de son service.

 

3- De ne pas avoir fourni les documents requis pour une remplaçante.

 

4- De ne pas offrir un milieu de garde assurant la sécurité des enfants qu’elle reçoit notamment en laissant les enfants jouer sans surveillance dans l’aire de jeu du magasin IKEA et de les laisser jouer dans les modules de restaurants sans assurer une surveillance constante.

 

5- De ne pas entretenir de relations de collaboration avec les parents des enfants  notamment en tenant des propos inappropriés.

 

6- De ne pas entretenir une relation de collaboration avec le Bureau coordonnateur de la garde en milieu familial notamment en tenant des propos déplacés, en raccrochant le téléphone lors de désaccord et en ne fournissant pas des documents à la date prescrite.

[4]               Après avoir examiné les documents produits dont les lettres des parents utilisateurs du service de garde concerné et avoir entendu les témoignages et argumentations lors de l’audience, le Tribunal a pris le tout en délibéré durant une heure trente et vu l’urgence de la situation, a rendu une décision verbale au moment de l’audience du 16 novembre 2012.

[5]               Il a été alors précisé que les motifs plus détaillés seraient produits ultérieurement par écrit et transmis aux parties, d’où la présente décision.

[6]               Le Tribunal doit considérer des critères bien définis pour apprécier une telle requête. Il s’agit de :

 

            - l’apparence de droit;

            - l’urgence de la situation ou le risque de subir un préjudice sérieux et irréparable;

- la balance des inconvénients.

 

I- L’apparence de droit  :

[7]               En début d’audience, l’apparence de droit a été admise par les parties ce qui a d’ailleurs été démontré lors de l’audience.

II- Urgence et risque d’un préjudice sérieux et irréparable  :

 

[8]               L’urgence est évidente puisque le non-renouvellement prend effet le jour de l’audience. À cet effet, le Tribunal tient à souligner le professionnalisme des parties et leurs représentantes pour la tenue d’une audience efficace et respectueuse de l’urgence.

[9]               En ce qui concerne le préjudice sérieux, le Tribunal souligne que la preuve a démontré également un risque de  préjudice sérieux.

[10]            D’une part, il a été démontré que la requérante vit seule et que sa seule source de revenu est son service de garde en milieu familial. Si elle a une formation dans un autre domaine, la requérante a témoigné à l’effet qu’elle ne travaille plus dans ce milieu depuis 1995 et qu’elle ne pourrait y retourner à moins de suivre une formation d’appoint en informatique. Elle rajoute que la formation en informatique requise serait au-delà de ses capacités puisque les avancés dans ce domaine sont une des raisons pour lesquelles elle a quitté ce milieu il y a déjà plusieurs années.

[11]            L’intimée a suggéré que la requérante pourrait opérer un service de garde non subventionné. La requérante a pour sa part évalué qu’elle devrait alors charger aux parents une somme de 40$ par jour par enfant pour couvrir ses frais et avoir sensiblement le même revenu qu’actuellement.

[12]            Du même souffle, il a été démontré qu’il y avait un « surplus » de places disponibles à 7$ par jour à Laval dans un territoire débutant dans un rayon de un kilomètre du service de garde de la requérante.

[13]            Le Tribunal s’explique mal comment des parents pourraient opter pour un service de garde à 40$ par jour par enfant alors qu’il y a plusieurs choix de places disponibles à 7$ dans les environs. Cette option ne permettrait donc pas à la requérante de minimiser le préjudice financier.

[14]            L’intimé a allégué que le préjudice subit par la requérante pourrait faire l’objet d’une compensation si le Tribunal lui donne raison sur le fond de la contestation.

[15]            Sans minimiser les bienfaits de cette opportunité, le Tribunal considère  que cette possibilité d’une indemnisation à postériori ne peut être tenue en compte dans le présent litige.

[16]            En effet, la requérante a fait état de son budget et a mentionné que si sa garderie ferme ses portes, elle devra vendre sa maison acquise justement pour son service de garde. Également, le véhicule acheté correspond à ses besoins pour le service de garde.

[17]            Les enfants utilisateurs du service de garde, subiront un préjudice s’ils doivent être changés de service de garde si on se fit aux lettres des parents utilisateurs. Certains y sont depuis plusieurs années et les parents sont à ce point soucieux de leurs stabilités qu’ils ont refusé une offre de relocalisation dans un rayon raisonnable du service de garde de la requérante, préférant attendre l’issue de la présente requête.

[18]            De l’avis du Tribunal, la preuve a démontré que la non-reconnaissance de la requérante entraînait pour elle, les enfants et leurs parents un préjudice sérieux, voire irréparable.

 

 

III- Balance des inconvénients  :

[19]            Le Tribunal considère que la preuve a démontré que la balance des inconvénients favorisait la suspension de la décision et le maintien de la reconnaissance.

[20]            D’une part, plusieurs des reproches adressés à la requérante relèvent de situations isolées et que les sorties avaient été précédées de l’autorisation des parents.

[21]            Dans un autre cas, le mode de fonctionnement reproché à savoir laisser les enfants jouer dans les modules des restaurants sans surveillance, se serait produit environ 3,4 fois par année. Ce genre de « sortie » se faisait avec l’autorisation des parents et la notion de suffisance de surveillance sera débattue lors de l’audience sur le fond du litige.

[22]            Sans décider sur la justesse des reproches, le Tribunal constate que les enfants ne se sont pas retrouvés dans des situations dangereuses lors de ces événements et que la compréhension du niveau et du mode de surveillance requis diffère d’une partie à l’autre.

[23]            Au surplus, la requérante a pris l’engagement de ne pas amener les enfants dans les airs de jeux de commerces ou restaurants.

[24]            Le maintien de la reconnaissance permettra également aux parents utilisateurs de conserver un service subventionné, mais également de maintenir une stabilité pour leurs enfants.

[25]            Ainsi, la balance des inconvénients favorise le maintien de l’ouverture du service de garde en milieu familial de la requérante.

[26]            Subsidiairement, l’intimée a requis du Tribunal que s’il maintenait l’ouverture du service de garde, que l’intimé soit autorisé à faire à chaque mois une visite de contrôle de plus que ce que le règlement et la Loi autorisent.

[27]            Le Tribunal a refusé cette demande au motif que la preuve a démontré que les reproches adressés à la requérante sont relatifs soit aux contacts avec les parents, soit à des activités hors de la garderie. Ainsi, le Tribunal a jugé qu’une visite additionnelle par mois au service de garde n’était pas pertinente à ce stade-ci du recours.

[28]            POUR CES MOTIFS , le Tribunal :

·         ACCUEILLE   la requête de la requérante.

·         PREND ACTE de l’engagement de la requérante de ne pas amener les enfants dans les aires de jeux sauf dans les parcs municipaux, les cours d’école ou sur son propre terrain et ORDONNE à la requérante de s’y conformer jusqu’à l’issue des procédures au fond.

·         ORDONNE LA SUSPENSION à compter du 16 novembre 2012 de la décision de non-renouvellement de la reconnaissance de la requérante à titre de responsable de service de garde en milieu familial qui a été rendue le 30 octobre 2012.

[29]            Cette suspension de la décision aura effet jusqu’à ce que la décision finale soit rendue sur le recours formé par la requérante.

[30]            Cette décision a été rendue verbalement devant les parties le vendredi 16 novembre 2012.


 

 

CLAUDE TURPIN, j.a.t.a.q.


 

Barabé, Casavant (Les serv. juridiques de la CSQ)

Me Amélie Bélanger Wilson

Procureure de la partie requérante

 

Contentieux de l'Association québécoise des CPE

Me Émilie Grenon

Procureure de la partie intimée


 



[1] L.R.Q., c. J-3.