Morin c. Lévesque

2012 QCCQ 15457

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

LOCALITÉ DE

LAVAL

« Chambre civile »

N° :

540-32-023347-105

 

 

 

DATE :

  7 décembre 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JACQUES LACHAPELLE, JCQ

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DANIELLE MORIN

Demanderesse

c.

RÉNALD LÉVESQUE

Défendeur

 

 

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JUGEMENT

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[1]            La demanderesse réclame du défendeur 7 000 $ pour remédier aux vices cachés dont était affecté l'immeuble acheté du défendeur en mai 2007.

[2]            La demanderesse a acheté du défendeur un immeuble situé au […] à Laval pour la somme de 333 000 $.

[3]            Cette maison avait été construite par le défendeur en 1977.

[4]            Avant l'achat, la demanderesse avait fait procéder à une inspection par Normand Remington, ingénieur. Celui-ci ne note rien de particulier quant aux vices cachés relatifs à la présente réclamation, soit la présence de fourmis charpentières et de bois pourri dans la cheminée, la salle de bain à l'étage.

[5]            Il ne voit aucun indice particulier pouvant laisser supposer la présence de problèmes de détérioration à ces endroits.

[6]            Quant à la terrasse, il écrit : « Nous avons noté à l'arrière que la terrasse s'affaissait par endroit et qu'un muret de retenu de bois s'inclinait et s'affaissait : plusieurs pièces composant le muret sont détériorées (pourriture) et doivent être remplacées. La détérioration est telle qu'une rénovation majeure de ces éléments est à prévoir. »

[7]            En 2009, la demanderesse fait refaire la cheminée qui n'était pas fonctionnelle. Elle constate la présence de fourmis et la pourriture du bois.

[8]            Aucune mise en demeure n'est alors envoyée au défendeur à ce sujet.

[9]            En janvier 2010, elle constate la présence anormale de fourmis dans la maison. Elle fait appel à un exterminateur qui lui révèle la présence de fourmis charpentières qui se sont installées dans la maison sans doute à cause du bois pourri qui y attire ces fourmis.

[10]         Inquiète par la présence de ces insectes, elle procède à leur extermination complète au coût de 2 875 $. Aucune dénonciation n'est auparavant adressée au défendeur.

[11]         Le 14 juin 2010, elle met en demeure le défendeur de lui rembourser le coût de l'extermination et lui réclame 7 000 $ pour remédier aux vices cachés à la salle de bain, au patio extérieur, à la pergola de même qu'au ponceau.

[12]         À la suite d'une lettre de l'avocat du défendeur, le 20 juillet 2010, elle invite par écrit le procureur du défendeur à visiter les lieux en lui suggérant la semaine du 26 juillet et en lui précisant qu'elle sera absente du 1 er au 15 août. Elle lui fait alors parvenir des photographies des lieux montrant la présence des fourmis et la pourriture du bois.

[13]         Aucune suite n'a été donnée à cette invitation. Le défendeur témoigne pour sa part qu'il n'a jamais constaté, à l'époque où il habitait la maison, la présence de fourmis, pas plus que la pourriture du bois.

[14]         Il ajoute qu'il n'a pas à payer pour l'extermination des fourmis parce qu'il n'a pas été mis en demeure avant les travaux d'extermination. Enfin, il plaide que la cause est prescrite.

ANALYSE ET DÉCISION

[15]         Dans un premier temps, il convient d'établir quelques principes en matière de vices cachés qui sont définis à l'article 1726 du Code civil qui prévoit :

1726.  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

 

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[16]         Pour les fins du présent dossier, il convient également de citer l'article 1739 :

1739.  L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.

 

[…]

[17]         À la lumière de ces principes, il y a lieu de décider de cette réclamation en examinant les divers éléments de la demande :

1)         Les travaux pour la réfection de la cheminée

Contrairement à ce qui est prévu à l'article 1739 cité plus haut, les travaux de réfection de la cheminée n'ont pas été dénoncés au défendeur.

La demanderesse n'a pas droit au remboursement des dépenses qu'elle a effectuées pour remédier à ce problème.

2)         Le coût d'extermination des fourmis charpentières

Il en est de même pour l'extermination de ces insectes où le défendeur n'a aucunement été informé de ce problème.

S'il en avait été informé, il aurait pu constater leur présence, faire procéder lui-même à un coût moindre à leur extermination.

3)         Le coût des travaux de la terrasse

Il ne s'agit pas ici d'un vice caché. Tel que mentionné précédemment, l'inspecteur Normand Remington avait signalé la présence de ce problème et la nécessité de procéder à des travaux majeurs.

4)         La salle de bain

L'exterminateur mandaté par la demanderesse a constaté la présence de fourmis charpentières. Il note que les fourmis étaient installées dans le bois pourri de la toilette à l'étage. L'état de pourriture du plancher indique que la dégradation du bois a dû commencer cinq ou six ans auparavant, soit avant la vente. Il s'agit donc d'un vice antérieur à la vente.

La demanderesse l'a dénoncé au vendeur conformément à la Loi et la poursuite a été intentée le 7 octobre 2010, avant l'arrivée de la prescription.

Le montant de la réclamation pour la réfection de la salle de bain

[18]         Il s'agit ici d'un vice caché tel que défini à l'article 1726 cité plus haut, dont le vendeur est responsable.

[19]         La demanderesse n'a pas procédé à la réparation de la toilette. Elle a cependant déposé une évaluation des coûts au montant de 5 322,70 $ incluant la céramique.

[20]         Pour déterminer le montant de la compensation à laquelle a droit la demanderesse, il faut tenir compte de l'âge qu'avait cette salle de bain au moment de l'achat de la propriété en 2007. Celle-ci aurait été rénovée en 1997.

[21]         Considérant que cette salle de bain avait plus de 13 ans, il y a lieu de réduire la réclamation de la demanderesse de 50%. Le Tribunal accorde donc 2 661,35 $.

[22]         La demanderesse désire que ses témoins soient indemnisés pour leur présence à la cour à titre de témoins experts.

[23]         Seul Denis Andrade et Normand Remington peuvent être considérés comme expert. Il convient de leur allouer le montant dû à un expert par le Tarif en vigueur conformément à l'article 987 C.p.c.

[24]         Quant à Martial Lapointe, celui-ci n'a fait que les travaux à la cheminée et ne peut être considéré comme un expert.

[25]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[26]         CONDAMNE le défendeur à payer à la demanderesse 2 661,35 $ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil à compter de l'assignation et aux frais au montant de 159 $;

[27]         CONDAMNE le défendeur à payer aux témoins, Normand Remington et Denny Andrade les indemnités payables comme expert selon le Tarif en vigueur conformément à l'article 987 C.p.c.

 

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JACQUES LACHAPELLE, JCQ

 

 

 

Date d’audience :

19 novembre 2012