COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
||
|
||
|
||
Dossier : |
261005 |
|
Cas : |
CM-2012-2588 |
|
|
||
Référence : |
2013 QCCRT 0006 |
|
|
||
Montréal, le |
9 janvier 2013 |
|
______________________________________________________________________ |
||
|
||
DEVANT LES COMMISSAIRES : |
Sylvain Bailly, juge administratif André Michaud, juge administratif Irène Zaïkoff, vice-présidente |
|
______________________________________________________________________ |
||
|
||
|
||
Pur Noisetier inc.
|
||
Requérante |
||
c. |
||
|
||
Chrystyne Dupuis
|
||
Intimée |
||
|
||
______________________________________________________________________ |
||
|
||
DÉCISION |
||
______________________________________________________________________ |
||
|
||
|
||
[1]
Pur Noisetier inc. (la
requérante
) demande
la révision de la décision de la Commission rendue le 18 avril 2012
(
[2]
La demande de révision s’appuie sur le paragraphe
3° du premier alinéa de l’article
[3] Les faits, tels que rapportés dans la décision initiale, ne sont pas contestés par la requérante. Elle soumet cependant que la décision comporte des erreurs dans l’appréciation de la preuve.
[4] Selon la requérante, la Commission a erronément conclu que madame Dupuis avait subi une mesure disciplinaire lorsqu’elle lui a offert un poste de montage de colliers plutôt que de continuer à agir comme contremaîtresse. La requérante soutient qu’elle a pourtant établi que madame Dupuis avait subi une mesure administrative.
[5] La requérante est une entreprise familiale qui fabrique des colliers et des bracelets à partir de bois de noisetier. Madame Dupuis est embauchée en février 2008, elle connaît les deux propriétaires de l’entreprise et va même en voyage avec eux.
[6] Au début de l’année 2010, l’obtention de commandes importantes exerce une forte pression sur la production. La supérieure immédiate de madame Dupuis, qui travaille alors à l’expédition, se plaint de l’attitude de cette dernière qui crée un climat malsain de travail. D’autres employées viennent se plaindre également de l’attitude de madame Dupuis.
[7] En avril 2010, les propriétaires de la requérante rencontrent madame Dupuis et lui font des reproches quant à son attitude au travail. À la suite de cette rencontre, madame Dupuis soutient que les autres employées cessent de lui parler. Elle est aussi retirée de son poste à l’expédition.
[8] Malgré les problèmes d’attitude de madame Dupuis, les propriétaires lui offrent un poste de contremaîtresse, responsable des employées qui travaillent à domicile. Ils espèrent que ceci contribuera à améliorer le climat de travail.
[9] Cela ne se produira pas. Au contraire, les employées de madame Dupuis ne cessent de se plaindre d’elle auprès des propriétaires. De plus, madame Dupuis refuse d’utiliser la feuille de suivi d’inventaire informatisé, ce qui désorganise son travail. D’autres employées se plaignent également du fait que madame Dupuis les fait attendre trop longtemps lorsqu’elles viennent porter leur production.
[10] Les propriétaires sont insatisfaits du travail de madame Dupuis. Ceux-ci estiment qu’ils n’ont d’autre choix que de lui retirer le poste de contremaîtresse car, selon eux, ses problèmes d’attitude, son refus d’utiliser les processus de production et le fait de faire attendre indûment les employées qui viennent porter leur production font en sorte qu’elle ne peut plus occuper ce poste.
[11] Le 11 juin 2010, ils lui offrent donc un poste qui consiste à faire des colliers à la maison. Madame Dupuis demande une semaine de congé pour y réfléchir. Elle consulte un médecin qui lui prescrit un arrêt de travail de trois semaines. Le 21 juin, la requérante est toujours sans nouvelles de madame Dupuis qui n’est pas retournée au travail après sa semaine de réflexion. La requérante estime alors que madame Dupuis refuse le poste de fabrication de colliers à la maison et qu’elle démissionne. La requérante soutient n’avoir reçu le certificat médical de madame Dupuis que le 22 juin, alors qu’il est daté du 15 juin précédent.
[12] Madame Dupuis, de fait, ne revient jamais au travail et dépose sa plainte le 2 juillet suivant.
[13] La requérante soutient que le vice de fond fondamental et primordial identifié provient de la qualification qu’a faite la Commission d’une offre de la requérante à madame Dupuis d’être transférée dans un poste de montage de colliers plutôt que de continuer à agir comme contremaîtresse. En effet, la Commission a considéré cette offre de transfert comme une mesure disciplinaire alors que la preuve administrée devant elle démontrerait qu’il s’agit d’une mesure administrative.
[14] Madame Dupuis soutient au contraire que la décision de la Commission n’est entachée d’aucun vice de fond de nature à l’invalider. Au contraire, la Commission a correctement apprécié la preuve, elle a entendu les témoins, observé leurs attitudes et leurs comportements et a évalué et apprécié leurs témoignages. Elle conclut correctement que la mesure appliquée par la requérante est une mesure disciplinaire puisqu’il s’agit d’une rétrogradation.
[15] La requérante doit démontrer « la présence d’un vice fondamental et sérieux qui doit nécessairement entraîner la nullité de la décision » , tel que décidé dans l’affaire Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 4479 c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des Centres jeunesse de Montréal (STTCJM-CSN) , 2003 QCCRT 142 :
[24] Donc, lorsqu’on demande à la Commission de réviser une de ses propres décisions en vertu du paragraphe 3 du 1er alinéa de l’article 127, on ne peut pas lui demander de substituer son interprétation à celle déjà faite, on doit plutôt lui démontrer la présence d’un vice fondamental et sérieux qui doit nécessairement entraîner la nullité de la décision.
[25] La doctrine et la jurisprudence enseignent que, peuvent entre autres constituer un vice de fond ou de procédure une erreur grossière, un accroc sérieux et grave à la procédure, une décision ultra vires , c’est-à-dire rendue sans que la Commission ait eu la compétence pour le faire, une décision rendue en l’absence de preuve ou en ignorant une preuve évidente. Il faut aussi que soit démontrée la nécessité d’une correction à cause de ce vice sérieux.
[16] Dans la décision contestée, la Commission s’exprime ainsi sur la distinction qu’elle apporte entre une mesure administrative et une mesure disciplinaire :
[ 69 ] Avant de répondre à la question, la Commission doit d’abord qualifier la nature de la décision prise par l’employeur de lui retirer ses responsabilités de contremaîtresse, car les pouvoirs d’intervention de la Commission sont différents s’il s’agit d’un congédiement administratif ou disciplinaire.
(…)
[ 75 ] La preuve ne permet aucunement de conclure que les lacunes reprochées à la plaignante sont indépendantes de sa volonté et que le retrait du poste est assimilable à une décision administrative.
[ 76 ] La preuve indique au contraire que les capacités de la plaignante ne soulèvent aucun problème pendant plus de deux ans, et ce même lorsqu’elle aide Geneviève Lagacé dans les tâches de contremaîtresse. Sa prestation de travail est jugée impeccable, méritant boni et augmentations de salaire, constat confirmé par ailleurs par Patrick Lafond.
(…)
[82] Pour la Commission, ces fautes commises par la plaignante ne sont pas suffisamment graves pour justifier cette mesure et passer outre à la gradation des sanctions, surtout en tenant compte du contexte particulier de cette affaire.
(…)
[
85
]
En retirant à la plaignante le poste de contremaîtresse et en lui
imposant de fabriquer des colliers à la maison, l’employeur a modifié
unilatéralement des conditions essentielles de son contrat de travail. La
plaignante a manifesté son refus en déposant sa plainte. Sa fin d’emploi
constitue un congédiement déguisé tel que défini par la Cour suprême dans
l’arrêt
Farber
c.
Cie Trust Royal
, (
1997 CanLII 387 (CSC)
,
[ 86 ] Son départ ne doit donc pas être considéré comme une démission, mais un congédiement.
[87] Toutefois, le comportement de la plaignante nécessite une mesure disciplinaire. La plaignante doit respecter l’autorité hiérarchique et se plier aux directives et aux consignes de son employeur. Elle doit également modifier son attitude envers ses collègues de travail. Malgré de nombreux avis verbaux, la plaignante refuse de s’y conformer. Dans ce contexte, l’ajout d’une réprimande écrite serait superflu. Il était temps d’imposer une suspension pour faire comprendre à la plaignante la gravité de la situation. Dans les circonstances, la Commission substitue au congédiement une suspension d’un mois.
[17] La Commission, dans sa décision initiale, a analysé les différences entre les mesures administratives et les mesures disciplinaires. À la suite de cette analyse, elle a conclu que les reproches adressés à madame Dupuis relevaient de sa volonté. Elle en conclut donc que les mesures appliquées sont de nature disciplinaire et non administrative. De plus, elle estime que les fautes commises ne sont pas suffisamment graves pour passer outre à la gradation des sanctions. C'est pourquoi la Commission impose tout de même une suspension d’un mois à madame Dupuis afin qu’elle comprenne qu’elle doit respecter l’autorité hiérarchique et corriger son attitude.
[18] La conclusion à laquelle en arrive la Commission découle d’une appréciation de l’ensemble de la preuve qu’elle a correctement rapportée dans sa décision. Les conclusions auxquelles elle arrive sont des issues possibles. La démonstration n’a pas été faite que la décision a été rendue en l’absence de preuve ou dans l’ignorance d’une preuve évidente, ni qu’elle soit autrement affectée d’un vice de fond de nature à l’invalider.
[19] On ne demande rien d’autre à la présente formation que d’apprécier la preuve autrement et d’en arriver à une conclusion différente, soit qu’il s’agit d’une mesure administrative. Ceci n’est pas son rôle en révision.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
REJETTE la requête.
|
||
|
__________________________________ Irène Zaïkoff, présidente de la formation
__________________________________ Sylvain Bailly
__________________________________ André Michaud
|
|
|
||
M e Denis L. Blouin |
||
THERRIEN COUTURE AVOCATS, S.E.N.C.R.L. |
||
Représentant de la requérante |
||
|
||
M e Bertrand Dubuc |
||
Représentant de l’intimée |
||
|
||
Date de l’audience : |
12 octobre 2012 |
|