TRIBUNAL D'ARBITRAGE

 

CANADA 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt : 2013-0915

 

 

DATE : 22 novembre 2012

 

 

DEVANT L’ARBITRE: M. PAUL IMBEAU

 

 

ALLIANCE DU PERSONNEL PROFESSIONNEL ET TECHNIQUE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX (CPS ET APTMQ)

Ci-après appelé(e) « le syndicat »

 

Et

 

CENTRE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX DES SOMMETS

Ci-après appelé(e) « l'employeur »

 

Grief: #2011-07-A142 - Syndical - Maintien d'une liste de disponibilité suffisante pour les    technologistes médicaux

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

           

[1] Le grief soumis à cet arbitrage a été fait le 19 juillet 2011 et se lit comme suit :

Sujet du grief : Contestation de l'inertie et de l'inaction de l'employeur à prendre les moyens nécessaires pour maintenir une liste de disponibilité suffisante pour les technologistes médicaux. L'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), demande à l'employeur de respecter les dispositions de la convention collective APTS en vigueur. Le syndicat conteste la décision de l'employeur de ne pas prendre les moyens nécessaires afin d'embaucher des technologistes médicaux en nombre suffisant pur maintenir une liste de disponibilité qui permette d'assurer le remplacement des postes temporairement dépourvus de leur personne titulaire. Cette inaction outrancière de l'employeur à agir de façon responsable et conforme à la clause 6.01 des dispositions locales de la convention collective engendre des conséquences négatives et préjudiciables pour le personnel du laboratoire qui doit assumer un nombre incroyablement élevé de quarts de travail en temps supplémentaire obligatoire. Cette situation, imputable directement à l'inertie de l'employeur et qui risque d'entraîner un épuisement du personnel et des problèmes de santé pour les technologistes médicaux, est contraire à la convention collective et aux obligations des administrateurs du CSSS des Sommets d'agir raisonnablement envers ces travailleurs.

Par conséquent, le syndicat réclame :

-que la décision de l'employeur à ne pas prendre les moyens nécessaires pour maintenir une liste de disponibilité fonctionnelle soit déclarée nulle et illégale ;

-que l'arbitre ordonne à l'employeur de prendre les moyens nécessaires pour corriger la situation en embauchant un nombre suffisant de technologistes médicaux pour maintenir la liste de disponibilité suffisante qui permette d'assurer le remplacement des postes temporairement dépourvus de leur titulaire ;

-que l'employeur verse à l'exécutif local de I'APTS et CSSS des sommets une indemnité pour le préjudice subi ;

-que l'employeur verse une indemnité au personnel lésé ;

-que les sommes soient versées avec intérêt légal (S-3)

[2]        Quant à l'article 6.01 des dispositions locales dont il est ici question, celui-ci se lit comme suit :

Liste de disponibilité

La liste de disponibilité est utilisée pour suppléer à l'équipe de remplacement, plus particulièrement pour combler les postes temporairement dépourvus de la personne titulaire, pour combler les surcroîts de travail, pour exécuter des travaux à durée limitée (inférieure à un (1) an, sauf entente entre les parties), ou pour toute autre raison convenue entre les parties.

Aux fins de combler les postes temporairement dépourvus de leur personne titulaire, l'Employeur s'engage à utiliser les ressources disponibles normales de l'unité de négociation en accordant la priorité aux personnes salariées à temps partiel qui ont exprimé par écrit leur disponibilité et aux personnes salariées de la liste de disponibilité.

L'Employeur s'efforce de prendre les moyens nécessaires afin de maintenir une liste de disponibilité suffisante dans chacun des titres d'emploi.

[3] Après les admissions d'usage relatives au mandat de l'arbitre et au respect des délais et procédures applicables, et après avoir demandé à l'arbitre de réserver sa compétence en ce qui regarde le quantum éventuellement applicable, le procureur du syndicat explique tout d'abord sommairement que ce grief origine de ce que pendant une assez longue période, c'est-à-dire de la fin de 2010 jusqu'à la date du grief, la liste de disponibilité n'a pas été suffisante chez les technologistes médicaux, l'employeur négligeant de prendre les moyens nécessaires pour la maintenir à un niveau suffisant.

[4] S'il reconnaît que depuis le dépôt de ce grief des ajustements ont été apportés à cette liste de disponibilité, le procureur propose de déposer une preuve qui permette à l'arbitre de constater la situation alors vécue par les plaignants, et à la lumière de laquelle il puisse ordonner à l'employeur de prendre à l'avenir les moyens nécessaires en semblable circonstance.

Témoignage de M. Éric Rousseau  :

[5] À cet égard, il cite tout d'abord M. Éric Rousseau, technicien en travail social depuis 2003 et président du syndicat depuis 2008. Après avoir sommairement décrit son rôle lors de rencontres avec l'employeur en ce qui regarde les relations de travail, il explique comment ce grief a été fait au nom d'environ 17 techniciens de laboratoire et technologistes médicaux.

[6] En juillet 2011, le service regroupait en effet environ 15 titulaires de poste et environ 2 employés sur la liste de rappel, ceux-ci étant répartis entre le CSSS et les centres de prélèvement de Sainte-Agathe, de Mont-Tremblant et du Centre hospitalier.

[7] Au cours de la période allant de janvier à juillet 2011, ces 2 employés qui étaient sur la liste de rappel travaillaient au maximum de leur disponibilité et travaillaient même quelque fois plus que de façon volontaire.

[8] Quant à une prévision des absences chez ces technologistes médicaux, si plusieurs absences n'étaient pas planifiables notamment dans le cas d'une invalidité originant de motifs physiques ou psychologiques, d'autres absences étaient prévisibles, le nombre d'employées en planification familiales ayant augmenté depuis la fin de 2010.

[9] À quelques reprises et au plus tard en février 2011, il a informé l'employeur de ce que plusieurs employées étaient enceintes ou prévoyaient le devenir. En juin 2011, il lui a notamment rappelé que 2 employées étaient enceintes et que 4 autres planifiaient le devenir, ce qui n'était pas inhabituel car, sauf pour ce qui est de 4 ou 5 employées, tous les autres ont encore moins de 35 ans.

[10] Lors de ces rappels de la situation à la conseillère en ressources humaines responsable des laboratoires, il a proposé diverses mesures alternatives qui lui avaient été confiées par les salariés du département.

[11] Il a également fait des rappels à ce sujet en avril, en mai et certainement en juin 2011 lors de rencontres du comité de relations de travail.

[12] Il rappelait alors à l'employeur comment en devenant enceintes, les employées ne pourraient plus travailler le soir, la nuit ou les fins de semaine, à moins qu'il y ait une réorganisation importante du travail au laboratoire, ce qui à l'époque était une chose déjà souhaitée.

[13] En réduisant le nombre de personnes disponibles pour travailler de soir, de nuit et de fin de semaine, les congés et autres absences faisaient en sorte que le travail en temps supplémentaire devenait plus important, car les personnes sur la liste de rappel travaillaient déjà au maximum de la disponibilité qu'elles avaient offerte.

[14] Un peu de travail en temps supplémentaire non-obligatoire pouvait également à l'époque être fait par des salariées devenues enceintes, notamment lorsqu'un quart de travail cédulé était demeuré vacant. Toutefois, lorsque ce travail non-obligatoire s'avérait insuffisant, alors le travail à exécuter devait être complété par du travail supplémentaire obligatoire.

[15] C'est afin que le travail en temps supplémentaire obligatoire puisse être distribué que le syndicat a demandé que la liste en soit affichée. Il devenait ainsi possible d'assigner à l'avance les quarts de travail vacants et ainsi éviter que ceux-ci ne soient à la dernière minute imposés en temps supplémentaire obligatoire.

[16] En 2010, un quart de travail d'une durée de 7 heures a dû être imposé à environ 10 reprises, alors que de janvier à octobre 2011, un total de 78 quarts de travail ont été imposés, la plupart étant d'une durée de 7 heures, seuls quelques uns d'entre eux n'étant que d'une durée de 4 heures.

[17] Cet accroissement du temps supplémentaire obligatoire à eu des conséquences sur les employés au point que le Programme d'aide aux employés (PAE) y est maintenant impliqué.

[18] Des alternatives ont été proposées, mais elles n'ont jamais été appliquées. C'est ainsi qu'ont été suggérés l'utilisation de boites vocales, le réaménagement de certains quarts de travail, une aide pour remplacer le personnel de secrétariat lorsqu'il est absent et dont le travail doit alors être fait par un technologiste médical travaillant déjà en pénurie. Il a également été suggéré d'utiliser l'été les services d'étudiants ayant complété une deuxième année de CEGEP. Seul ce dernier moyen a été utilisé et l'est encore aujourd'hui.

[19] Il est d'autre part à la connaissance du syndicat qu'à l'été 2011, des candidatures ont été offertes à l'employeur pour aller sur la liste de disponibilité, mais que ces personnes n'ont pas été reçues en entrevue, et n'ont même pas été relancées. Il y a notamment le cas de Mme J. Gignac une ancienne employée de l'employeur, laquelle est enseignante au CEGEP en technologie médicale et qui n'a pas été rappelée. Il y a également Mme J. Pelletier qui a soumis son c.v. en mai, mais qui n'a pas reçu de réponse avant l'automne 2011.

[20] En ce qui regarde ces dernières candidatures, le syndicat n'en a pas été informé avant le mois de juin 2011. Celui-ci a d'autre part été alors avisé par l'employeur qu'il n'y aurait pas de recrutement au cours de l'été. Seule une retraitée a d'ailleurs été réembauchée le 7 juillet 2011.

[21] Si le syndicat a fait un grief, c'est que l'employeur l'a informé qu'il ne ferait pas d'embauche, alors que Mme Gignac, une technologiste médicale, s'était offerte pour venir remplacer dans un centre de prélèvement.

[22] En ce qui regarde le support dont avait besoin l'équipe, le personnel commençait à être fatigué par toutes ces heures de travail fait en temps supplémentaire obligatoire. Les gens devenaient plus méfiants les uns envers les autres, surtout en ce qui regardait la question de savoir à qui venait le tour de travailler en temps supplémentaire obligatoire, craignant que quelqu'un ne tente de sauter son tour.

[23] Deux employées qui avaient reçu un billet de leur médecin traitant ont même choisi de ne pas les déposer auprès de l'employeur.

[24] Il ne se rappelle pas de démarches faites par l'employeur pour informer le syndicat de tentatives qu'il aurait faites pour recruter du personnel. Au comité de relations professionnelles de juin 2011, l'employeur avait toutefois déclaré prendre tous les moyens pour que la situation se corrige.

[25] Il ne peut dire si à l'époque c'est l'employeur ou le syndicat qui a déclaré que la réaffectation des tâches de la travailleuse enceinte ou la réorganisation du travail au laboratoire ne pouvait être considérée comme une option.

[26] C'est un médecin qui avait la responsabilité de déterminer qu'une salariée enceinte ne pouvait travailler le soir, la nuit ou la fin de semaine, des restrictions médicales qui ont par la suite été révisées.

[27] Au cours de la période allant de février à juillet 2011, et même s'il n'y avait pas d'entente écrite à ce sujet, l'employeur et le syndicat étaient d'accord pour que l'affectation du temps supplémentaire obligatoire soit faite par ordre d'ancienneté inversée.

[28] Entre les mois de janvier et de juillet 2011, il y a eu entre 40 et 50 quarts de travail faits en temps supplémentaire obligatoire.

[29] En ce qui regarde l'usage de boites vocales, il est à la connaissance du syndicat que plusieurs autres CSSS utilisent un logiciel particulier qui permet d'éviter les pertes de temps en communiquant directement au laboratoire.

[30] Concernant le personnel, il ne s'agissait pas tant d'embaucher un personnel additionnel, mais uniquement de disposer des technologistes médicaux requis pour faire le travail, le personnel doté de cette compétence étant regroupé au laboratoire où cette expertise est requise.

[31] En ce qui regarde le réaménagement de certains quarts de travail, il s'agissait de mesures permettant de modifier les horaires tout en apportant une efficience supplémentaire. Il a d'ailleurs vu Mme Parenteau en février 2011 à ce sujet, de sorte que celle-ci connaissait déjà alors la difficulté de trouver du personnel pour certains quarts de travail du soir.

[32] Concernant l'aide requise lors des absences du personnel de secrétariat, celle-ci visait surtout à éviter que le technologiste médical en devoir n'ait à faire ce travail. Il ne peut toutefois dire comment le travail se fait durant la période des vacances. Il ne peut davantage dire combien de jours il y a eu une telle absence au secrétariat entre les mois de janvier et de juillet 2011.

[33] A sa connaissance, c'est la mère de Mme Gignac qui a tout d'abord fait part de la disponibilité de cette dernière, puis c'est elle-même qui a communiqué directement avec l'employeur, 2 à 3 semaines plus tard.

[34] Quant à Mme Pelletier, il ne peut dire quand elle a au départ communiqué avec l'employeur, mais il est à sa connaissance que c'est au début de mai qu'elle est venue lui remettre en main propre son c.v.. Si Mme Pelletier peut ne pas avoir alors été immédiatement disponible, il n'a pas été informé des disponibilités qui ne convenaient pas alors à l'employeur.

[35] Il ne se rappelle pas de ce qu'en juin Mme Parenteau aurait rencontré les salariés et leur aurait fait part des démarches effectuées par l'employeur entre les mois de janvier et de juillet 2011 en vue de trouver des alternatives.

[36] Il ne se rappelle pas davantage de ce que Mme Desrochers leur aurait alors expliqué que s'il n'y avait pas de recrutement de fait pour l'été, c'est que la durée de l'orientation requise par ce type de personnel étant de l'ordre de 30 jours, elle était d'une durée trop importante pour le temps disponible.

[37] C'est de Mme Desrochers qu'il a appris que l'orientation du personnel de laboratoire est de l'ordre de 30 jours.

Témoignage de Mme Julie Desrochers  :

[38] Au service des ressources humaines de l'employeur depuis le mois d'avril 2010, elle est plus particulièrement responsable de la planification de la main-d'œuvre et de son remplacement.

[39] En ce qui regarde le laboratoire, elle en a vu le chef de service afin d'explorer les façons d'améliorer ce service, d'en dresser un portrait de la main-d'œuvre, en étudier notamment des questions reliées à la liste de rappel, à la structure des postes et à l'ajout éventuel d'un poste à temps complet.

[40] En ce qui regarde les postes de remplacement, les règles de la convention collective prévoient une disponibilité minimum qui doit être respectée au cours de la première année d'emploi. À cet égard, la chef du service l'a consultée au sujet de Mme S. Thériault qui avait été embauchée et qui souhaitait changer sa disponibilité.

[41] Quant au poste ajouté à la structure sur 2 quarts de travail afin de combler les besoins de remplacement, on l'a consulté à ce sujet, car Mme J. Beaulieu a obtenu ce poste en mai ou juin, alors qu'elle était déjà en congé de maternité à ce moment-là.

[42] En plus d'explications relatives à l'application de la convention collective, Mme Parenteau a fait état de problèmes de qualification de la main-d'œuvre au laboratoire. Elle lui a demandé son opinion sur une façon de procéder qui assure une disponibilité additionnelle à l'équipe de base lorsque requise de remplacer les personnes absentes, comme cela doit être fait également dans d'autres services, tel celui de l'inhalothérapie.

[43] À son arrivée, il n'y avait pas vraiment de besoin de main-d'œuvre puisque l'employeur venait d'embaucher 2 personnes.

[44] À l'aide des tableaux E-1 à E-8, elle donne ensuite la liste des employés œuvrant au laboratoire le 1er janvier (E-1) et le 19 juillet 2011 (E-2) ; la liste des embauches et des départs survenus depuis avril 2008 (E-3) ; le relevé au 27 juillet 2011 des postes actifs et vacants dans les laboratoires regroupés (E-4).

[45] Quant aux démarches effectuées après l'automne 2010 afin de recruter des technologistes médicales pour la liste de rappel, elle présente en E-5 le résultat des entrevues effectuées au cours de 2011 ; en E-6, E-7 et E-8, les c.v. récoltés lors de salons d'emploi tenus dans certains CEGEP en 2009-2010, 2010-2011 et 2011-2012,

[46] En mai 2010, 2 technologistes médicales ont été recrutées, mais l'une d'entre elles a quitté le 25 novembre 2010, et l'autre l'a fait le 18 août 2011.

[47] Quant à la garantie d'emploi d'un certain nombre d'heures de travail par période de 2 semaines, celle-ci était donnée par l'employeur lorsqu'une disponibilité additionnelle était offerte par la salariée

[48] Dans le cas d'une absence temporaire, le remplacement se faisait sur une base temporaire, ce qui a été le cas au laboratoire ou une salariée a été en congé de maternité jusqu'en mars 2011.

[49] Lors du Salon emploi 2009-2010 (E-6), des technologistes médicaux étaient disponibles au Collège Rosemont et au CEGEP de Saint-Jérôme, mais aucun d'entre eux n'a soumis de c.v. à l'employeur.

[50] Chaque année, de l'affichage et une journée porte-ouverte sont faits afin d'attirer des candidats aux postes disponibles. De janvier à juillet 2011, 16 c.v. ont ainsi été reçus.

[51] Elle considère que le laboratoire de Saint-Jérôme est favorisé d'une part parce qu'il est plus gros, mais également parce que le CEGEP étant situé dans la même ville, les étudiants peuvent y faire des stages.

[52] Quant aux principaux problèmes expérimentés en juillet 2011, il y avait le désistement d'une employée récemment embauchée ; l'absence maladie depuis le mois de février d'une employée qui avait jusque-là été disponible à plein temps ; une absence le 4 juillet d'une employée qui avait toutefois prévenu partir vers la mi-août ; l'annonce d'une grossesse au printemps 2011 et l'annonce d'une autre en septembre 2011, soit 2 absences maladie, le réaffectation le jour et pour des tâches administratives d'une employée de nuit, le désistement d'une employée, et le réembauchage d'une autre employée le 7 juillet.

[53] Le président du syndicat lui ayant fait part de la déclaration de la chef de service à l'effet qu'il n'y aurait pas d'embauche cet été-là, après l'avoir consultée elle a informé le président du syndicat que cette décision découlait du fait de la longueur de l'orientation des nouveaux employés, une orientation qui est de 34 jours dans le cas des technologistes médicaux.

[54] Le travail des technologistes médicaux étant fait de jour, de soir et de nuit, il implique d'être capable de travailler dans tous les secteurs du laboratoire, d'où les 34 jours d'orientation que requiert le nouvel employé. En mai ou juin, il aurait été trop tard pour entreprendre une telle orientation, cette dernière ne pouvant être complétée avant qu'une bonne partie de l'été ne soit terminée.

[55] Il fallait également tenir compte de ce que l'orientation des nouveaux employés étant faite par les gens du service, ces derniers doivent de plus pouvoir être libérés pour faire ce travail d'orientation des nouveaux employés.

[56] Trois personnes devant partir à la fois en vacances durant l'été, cette période n'est vraiment pas la bonne pour faire l'orientation du nouveau personnel.

[57] Les jours d'orientation sont répartis comme suit : secteur prélèvement à Ste-Agathe : 3 jours, à Tremblant ; 2 jours ; secteur biochimie : 5 jours ; secteur décontamination : 5 jours ; secteur hématologie : 5 jours ; secteur banque de sang : 8 jours ; secteur laboratoire général de jour : 2 jours ; de soir : 1 jour ; de nuit 3 jours.

[58] Dans la situation qui prévalait, elle a réembauché une retraitée qui avait de l'expérience au laboratoire et ne requérait dont pas d'orientation. Les services de celle-ci n'étaient d'autre part requis qu'au prélèvement. L'employeur propose au besoin de tels emplois aux retraités, mais il doit alors respecter la disponibilité offerte par ces gens.

[59] Du 2 juin à la mi-juillet, Mme Diane Gingras, une consultante en biologie médicale maintenant retraitée du réseau, a étudié la situation. Son, rapport E-10 a été déposé le 1 août 2011. Elle a ensuite elle-même rencontré la chef de service afin de bonifier les postes tel que celle-ci l'avait recommandé.

[60] C'est ainsi qu'à tous ceux qui n'avaient pas de poste à temps complet, elle a proposé de réhausser leur poste de temps partiel à temps complet. Vers le 5 août, la directrice des ressources humaines, la chef de service et elle-même, elles ont présenté ce projet à 3 représentants du syndicat, puis la chef de service a présenté le projet à ses employés en septembre 2011. Le rehaussement des postes a eu lieu en décembre 2011, sauf dans le cas d'un poste dont la titulaire n'est pas encore de retour au travail.

[61] En ce qui regarde l'affichage des vacances, celui-ci a été fait en mars 2011. Le ratio a tout d'abord été réduit de 3 à 2 personnes en vacances à la fois, mais cette façon de faire ayant soulevé de l'insatisfaction chez les employés, une nouvelle discussion a eu lieu avec le syndicat et le ratio a été reporté à 3 personnes à la fois.

[62] En ce qui regarde l'affichage des postes avant juillet 2011, elle a communiqué avec le CEGEP de Saint-Jérôme pour qu'il soit fait comme par les années passées. Elle a également fait un affichage sur internet, ainsi que dans divers organismes tel que l'Ordre des technologistes médicaux, etc...

[63] Quant à la candidature de Mme Gingras proposée en mai 2011, il y a eu un suivi de fait par la chef de service auprès de la mère de celle-ci. Comme cette candidate était déjà une enseignante, elle ne pouvait être disponible avant le mois de juin. C'est pour cela que sa candidature n'a pas pu se rendre au service des ressources humaines. Ayant par la suite obtenu un poste de responsable de stages, elle a perdu tout intérêt pour le poste alors disponible.

[64] Dans le cas de Mme Pelletier, sa candidature a été reçue le 30 mai et elle a fait l'objet d'une discussion avec la chef de service et la consultante qui œuvrait alors au laboratoire. Lorsqu'elle-même a par la suite tenté de la contacter, elle n'y a pas réussi. Elle a ensuite demandé au service de la rejoindre, mais elle avait déménagé (E-5). Ce n'est finalement que le 3 août qu'elle-même et la chef de service ont pu la recevoir en entrevue, ce qui a conduit à son embauche le 12 décembre 2011.

[65] Lors de l'entrevue du mois d'août, celle-ci a indiqué qu'elle se mariait, qu'elle avait acheté une maison, qu'elle avait l'intention de suivre une formation en pâtisserie de sorte qu'elle ne pourrait être disponible qu'à temps partiel jusqu'en janvier 2012. C'est ainsi que si elle avait été embauchée en août 2011, elle n'aurait pu compléter beaucoup plus tôt sa période d'orientation, puisqu'elle ne disposait que de quelques jours par semaine pour ce faire à ce moment-là. Ayant par la suite changé d'idée, elle a toutefois communiqué avec l'employeur et proposé à nouveau sa candidature tel qu'elle l'avait fait le 30 mai 2010. L'employeur l'a finalement engagée le 12 décembre 2011.

[66] Avant que le présent grief ne soit fait, elle a examiné avec la chef de service la possibilité d'utiser du personnel venant de l'extérieur, mais cela a été jugé très difficile vu l'importance de l'orientation requise pour l'utilisation de divers appareils spécialisés et qui varient d'un établissement à l'autre.

[67] Lorsqu'il y a du temps supplémentaire et du temps supplémentaire obligatoire, c'est en général pour compenser des absences pour maladie, des libérations syndicales, des congés de maternité, ou tout autre congé prévu à la convention collective.

[68] Si elle a préparé un portrait de la main-d'œuvre pour chacun des services du secteur de la santé physique, elle a préparé un plan particulier pour les laboratoires, car il y était prévu plusieurs départs à la retraite. De tels départs à la retraite sont habituellement remplacés par de jeunes employés, lesquels comportent des risques de départs temporaires, car après 3 ou 4 ans d'emploi, ils quittent souvent en congés de maternité. Ce sont des remplacements temporaires qui sont alors requis, comme cela s'est produit en 2011.

[69] La participation à des salons d'emploi et de la visibilité dans les écoles sont nécessaires pour assurer le recrutement d'un personnel correspondant aux besoins.

[70] À son arrivée dans l'entreprise, elle a consulté tous les chefs de service en ce qui regardait leurs besoins en main-d'œuvre.

[71] Dans le cas du laboratoire, un poste avait été créé et comblé en 2009, mais cette personne était en congé de maternité à ce moment-là. Dans les circonstances, l'objectif en était donc un de rétention et non d'ajout de personnel.

[72] C'est pour cette raison qu'en mai 2010, elle a pu offrir une garantie de travail de un an à temps complet à la candidate Villeneuve qui se déclarait disponible pour travailler sur les 3 quarts de travail. Quant à la candidate Thériault, celle-ci n'offrait qu'une disponibilité de 2 quarts sur 3, et elle a de toute façon quitté cet emploi à la mi-août 2011.

[73] La pratique de demander aux gens de faire du travail supplémentaire obligatoire demeure exceptionnelle, car dans plusieurs emplois il est possible d'utiliser les services des agencces extérieures. Ce n'est pas là une pratique souhaitable, mais on doit ici le faire occasionnellement.

[74] Si en 2010 le travail supplémentaire obligatoire n'a pas été aussi important que cela un seul congé de maternité étant survenu, en 2011 la situation a été toute autre puisqu'il y a eu un congé maladie et plus de 140 heures de remplacement.

[75] Lors du remplacement d'une absence, le problème est plus difficile le soir et la nuit, car il y a moins de disponibilité. On doit alors faire appel aux nouveaux employés. chaque mois, un employé peut changer sa disponibilité en fonction des besoins de l'employeur.

[76] Les salons d'emploi dans les CEGEP et autres sont une pratique régulière, mais qui est moins efficace dans le cas de la technologie médicale à cause de la concurrence notamment des hôpitaux.

[77] Les retraités deviennent des occasionnels sur la liste de disponibilité, mais ils n'ont pas priorité et n'accumulent pas d'ancienneté.

[78] En mai et en juin 2011, il était trop tard pour faire de l'orientation, car les vacances débutaient incessamment. En 2011 toutefois, des réhaussements de postes et des garanties d'emploi ont amélioré la rétention, ce qui a augmenté la disponibilité de la main-d'œuvre. C'est ainsi que les postes 6251 et 6253 sont devenus des postes à temps complets, alors que le poste 6256 est passé de 0.6 à 0.8, les garanties d'emploi augmentant la disponibilité pour faire du remplacement.

[79] Après avoir affiché des postes sur le site de Santé Montréal en 2009 et 2011, il y a maintenant de l'affichage en continu sur ce site. L'entreprise s'adresse également à l'Ordre, ce qui n'avait jamais été fait avant 2011. Il y a de plus et de façon régulière un affichage sur le site de l'entreprise.

[80] C'est le 6 mai 2011 qu'elle a soumis sa planificationt de main-d'œuvre au comité des ressources humaines du Conseil d'administration (E-13), une planification qui identifiait entre autres les types d'emploi vulnérables.

[81] Lors d'une rencontre du comité des relations de travail en février ou en mars 2011, les parties ont convenu d'une entente verbale, qui est par la suite devenue écrite, et qui est à l'effet que le temps supplémentaire obligatoire soit à l'avenir fait à tour de rôle par le personnel capable de faire le travail, ce qui permet d'éviter que les gens doivent demeurer sur place à la fin de leur quart de travail.

[82] Au début de 2011, il y avait peu de temps supplémentaire obligatoire, mais celui-ci a par la suite augmenté suite à une invalidité. Conformément aux directives de l'Ordre professionnel, les travailleurs externes ne peuvent effectuer qu'une partie des tâches, un travail qui doit d'ailleurs être approuvé par un technologiste médical professionnel. Ainsi au prélèvement, le travail fait par des étudiants doit être bien encadré.

[83] En mai ou en juin 2011, il était trop tard pour effectuer de l'orientation, car il manquait du personnel, la main-d'œuvre étant réduite par une absence maladie et par les vacances de ceux-là même qui auraient fait cette orientation.

[84] Cette orientation demeure d'autre part essentielle, car les travailleurs débutants ayant été embauchés pour fins de remplacement, ils doivent travailler alors qu'ils sont seuls au laboratoire le soir, la nuit et les fins de semaine.

[85] L'affichage a surtout donné des résultats négatifs, le recrutement se faisant davantage par le bouche-à-oreille, lors de stages ou avec l'aide du CEGEP de Saint-Jérôme.

[86] Le soir, la personne est seule au laboratoire, et elle doit y faire tout ce qui est requis au cours de la soirée, sauf en microbiologie. C'est ce qui explique pourquoi le temps d'orientation est si long.

Témoignage de Mme Jennifer Gignac  :

[87] Au service de l'employeur de 2002 à 2004, elle est enseignante au CEGEP de Saint-Jérôme en technique d'analyse biomédicale depuis 2004, un établissement où elle enseigne maintenant à temps plein.

[88] Elle a offert à l'employeur sa disponibilité en 2010 et 2011 par voie d'un message téléphonique à Mme Parenteau, laquelle n'a toutefois pas retourné ses appels.

[89] En congé de maternité et disposant toujours de son permis de pratique, elle espérait alors pouvoir travailler à temps partiel de jour.

[90] Si c'est par téléphone qu'elle a communiqué avec l'employeur, c'est qu'elle connaissait Mme Parenteau, ayant elle-même été responsable de stages à cet endroit.

[91] Ayant de plus déjà travaillé au prélèvement, elle estimait n'avoir besoin que d'un entraînement réduit. Lors de ces appels, elle souhaitait notamment savoir comment procéder avec le service des ressources humaines à ce sujet.

[92] Elle n'a pas fait de demande par l'intermédiaire de sa mère, celle-ci lui ayant uniquement dit qu'il manquait du personnel au laboratoire, ce qu'elle savait déjà car elle connaît plusieurs personnes qui y travaillent.

[93] C'est à une reprise en 2010 et à deux reprises en 2011 qu'elle a ainsi appelé Mme Parenteau. À chaque fois, comme celle-ci n'a pas répondu à son appel, elle ne l'a pas rappelée.

[94] A ce moment-là, elle voulait uniquement savoir de Mme Parenteau et de vive-voix comment procéder. Elle n'a pas davantage communiqué par écrit avec elle à ce sujet.

Plaidoyer du syndicat  :

[95] La question ici posée est essentiellement celle de savoir si la convention collective a été respectée au cours de la période qui a précédé ce grief du 19 juillet 2011.

[96] La preuve postérieure au grief démontre que l'employeur a effectivement pris des moyens additionnels pour réduire l'impact du manque de personnel sur la liste de disponibilité. Toutefois, c'est de ce qui prévalait au cours de la période qui a précédé ce grief que l'arbitre doit décider.

[97] La preuve fait en effet état de tous les efforts effectués par l'employeur après le grief, ce qui démontre que tous ces efforts ne l'ont pas été auparavant.

[98] Quant à savoir si la liste de disponibilité était alors suffisante, il y a lieu de se demander si l'employeur l'a maintenue eu égard au nombre de remplacements à faire et s'il a fait les efforts requis pour y parvenir.

[99] La convention collective précise bien que l'employeur doit prendre « tous les moyens nécessaires ». Or la preuve démontre que l'employeur a pris deux moyens, des moyens qui ne lui ont toutefois pas permis de rencontrer l'objectif.

[100] L'article 6.01 de la convention collective n'impose pas à l'employeur une obligation de résultat, mais une obligation de moyens. S'il est possible que celui-ci ne réussisse pas, cela n'est pas pour autant une excuse. Il n'est pas davantage suffisant de démontrer qu'un moyen n'a pas été efficace dans le passé pour justifier de ne pas tenter de l'utiliser à nouveau, les moyens utilisés devant être à la mesure des circonstances.

[101] En ce qui regarde la première moitié de 2011, la preuve n'est pas contradictoire à l'effet que seules deux personnes demeuraient sur la liste de disponibilité à un moment où des besoins additionnels importants prévalaient suite notamment à un congé maladie, à un congé maternité, à un retrait préventif, aux vacances et aux autres congés prévus à là convention collective.

[102] En 2010 et 2011, deux départs ont eu lieu et aucune embauche n'a été faite. La liste de disponibilité était insuffisante et l'employeur le savait. La preuve démontre non seulement que Mme Desrochers avait étudié le sujet, mais qu'avant que ce grief ne soit fait, le président du syndicat local en a également discuté avec l'employeur en CRT. Celui-ci est même allé jusqu'à proposer une entente relative au temps supplémentaire obligatoire afin d'en atténuer l'impact négatif sur les salariés, et notamment éviter un climat de travail détérioré.

[103] C'est donc à plusieurs reprises que l'employeur a été avisé de la situation, une situation qui avait des effets également sur les familles des travailleurs. C'est d'ailleurs pour éviter ce genre de conséquences que les parties ont convenu de l'article 6.01 dans leur convention collective.

[104] Quant à la question de savoir si l'employeur a fait tous les efforts requis pour respecter ses obligations, il faut mesurer à la fois la qualité et la quantité des efforts faits. Eu égard aux circonstances et à la situation qui prévalait, on doit ici chercher si l'employeur a fait des efforts diligents et raisonnables pour rencontrer ces objectifs, c'est-à-dire des efforts adaptés à la situation.

[105] Vu le sérieux de la situation, il ne suffisait pas de faire comme d'habitude, mais d'adapter les moyens à la situation. Il fallait donc les utiliser tous et n'en laisser aucun de côté. L'employeur devait donc redoubler d'effort pour régler la situation, le tout tel que le prévoit l'article 6.01 de la convention collective.

[106] La preuve est toutefois à l'effet que l'employeur n'a pas modifié ses façons de faire, continuant à être présent à des salons d'emploi, ce qu'il savait être peu efficace. Quant à des communications avec l'Ordre et certains CEGEP, ils ont eu lieu à l'automne 2011, c'est-à-dire après le grief et pas avant, soit une preuve qui démontre que l'employeur n'a pas pris en temps utile les moyens nécessaires.

[107] Dans cette affaire, il importe enfin de rappeler que ce n'est pas au syndicat mais à l'employeur de démontrer avoir pris les moyens qui devaient être utilisés. Alors que la situation commandait une stratégie spéciale de recrutement, la preuve démontre que l'employeur n'a rien fait de plus.

[108] Quant aux tableaux E-12 sur diverses données descriptives de la situation de la main-d'œuvre à l'automne 2010, il ne s'agit pas là d'une stratégie de recrutement à être adoptée mais de la description d'un service qui se trouvait dans une situation critique.

[109] En ce qui regarde la planification de la main-d'œuvre et notamment la situation des technologistes médicaux, le document E-13 donne une photo qui démontre bien que cela allait mal. Il demeure anormal en effet de devoir ainsi forcer le personnel à travailler en temps supplémentaire obligatoire.

[110] Quant aux documents E-9 et E-10, cette étude de la consultante Gingras ne s'aurait être considérée comme un moyen pris pour régler la situation conformément à l'article 6.01, cette dernière question ne faisant pas l'objet de ce rapport. En effet, le contrat de service E-9 ne vise pas à proposer une stratégie de recrutement, mais à essayer de faire plus avec moins dans les laboratoires de l'employeur.

[111] On y propose en effet de développer un modèle d'optimisation, de réingéniérie, ce qui est différent des moyens qui étaient nécessaires pour trouver du monde. Ce mandat a conduit au rapport E-10 lequel montre à quel point les besoins en main-d'œuvre étaient grands.

[112] La preuve ne démontre donc pas que les moyens pris par l'employeur ont été suffisamment nombreux et de la qualité requise pour répondre aux besoins. Il lui fallait faire plus que cela. En mai et juin 2011, c'est comme si l'employeur avait abandonné alors qu'il aurait dû continuer, comme il l'a fait à l'automne 2011.

[113] Dans le cas de Mme Gignac qui a téléphoné à Mme Parenteau, la chef de service qui savait que celle-ci pourrait faire le travail, faire l'effort nécessaire aurait été au minimum de lui retourner son appel, ce qu'elle n'a pas fait.

[114] Tout au cours de la première moitié de 2011, c'est-à-dire avant le grief, l'employeur n'a pas préparé de plan, ni préparé de stratégie novatrice en vue de régler les problèmes de disponibilité dans les laboratoires. S'il est possible d'imaginer divers moyens, tel le recours à des agences de placement etc..., il n'est pas suffisant de les identifier, car c'est de les appliquer dont il est question.

[115] Le procureur du syndicat complète ses représentations en demandant à l'arbitre de réserver le cas échéant sa compétence pour décider du quantum applicable advenant que les parties soient dans l'incapacité de ce faire entre-temps.

Plaidoyer de l'emloyeur

[116] L'employeur débute ses représentations en rappelant les dispositions de l'article 11,02 de la convention collective nationale, lesquelles prévoient qu'un grief doit être déposé au plus tard dans les 6 mois de l'occurence des faits dont il origine, soit le 19 janvier 2011 dans le cas qui nous occupe, le grief datant. du 19 juillet 2011.

[117] Il propose ensuite que dans ce grief, le syndicat va au-delà de la portée de l'article 6,01 de la convention collective locale lorsqu'il conteste ce qu'il décrit comme l'inaction outrancière de l'employeur quand celui-ci décide de ne pas prendre les moyens nécessaires pour embaucher un nombre suffisant de technologistes médicaux pc maintenir une liste de disponibilité suffisante, c'est-à-dire qui permette le remplacement dans les postes temporairement dépourvus de leur personne titulaire.

[118] À cet égard, il rappelle que le syndicat reconnaît lui-même que l'employeur a une obligation de moyens. Toutefois, en demandant à l'arbitre d'ordonner à l'employeur d'embaucher des technologistes médicaux en un nombre suffisant qui permette d'assurer le remplacement des postes temporairement dépourvus de leur titulaire, syndicat demande dans les faits à l'arbitre de reconnaître à l'employeur une obligation de résultat.

[119] Dans ses représentations, le syndicat ne tient pas compte de tout ce qui est arrivé des embauches et des départs qui sont survenus. Il ne tient pas davantage compte des articles 4.01 et 4.02 de la convention collective locale lesquels prévoient les divers circonstances faisant en sorte que des postes deviennent dépourvus de leur personne titulaire et de la discrétion avec laquelle l'employeur peut décider de combler ces postes de façon complète, partielle et/ou interrompue.

[120] À la question de savoir comment l'employeur a pris les moyens nécessaires, faut non seulement tenir compte de ce que plusieurs postes sont devenus d'une façon imprévisible dépourvus de leur titulaire, par exemple suite à une décision d'un médecin traitant, mais également de ce que les parties ont de plus tenté à l'avance de planifier temps supplémentaire obligatoire en procédant à son affectation par voie d'ancienneté inversée.

[121] Dans la présente affaire, l'employeur connaissait des difficultés de recrutement rien dans la preuve ne permet de conclure qu'il ne s'est pas efforcé de maintenir une liste de disponibilité suffisante, allant même jusqu'à chercher des retraités pour soulager ses technologistes médicaux.

[122] La preuve a également été faite de la durée de 34 jours requise pour l'orientation des nouveaux technologistes médicaux. Quant à la possibilité d'une plus grand souplesse en matière d'orientation, on doit tenir compte qu’il s'agit-là d'une exigence de l'emploi des technologistes médicaux de ce CSSS que d'être capable de travailler seuls le soir, la nuit et les fins de semaine, une exigence que l'employeur n'a pas ici l'obligation de changer.

[123] La preuve démontre que la main-d'œuvre était stable et qu'aucun problème particulier ne prévalait dans le secteur à l'arrivée de Mme Desrochers en avril 2010. Celle-ci a par la suite rencontré la chef de service des laboratoires et identifié les besoins en ce qui regarde le personnel disponible à temps complet le jour, le soir et la nuit, ce qui a conduit à l'embauche de deux employés (E-3). Les disponibilités étaient alors offertes conformément à l'article 6,03, et l'employeur réussissait à compléter les remplacements à l'aide ,de la main-d'œuvre disponible.

[124] En ce qui regarde les diverses démarches de recrutement faites notamment auprès de la meilleure clientèle, c'est-à-dire celle des finissants via les salons d'emploi, il s'agit-là d'un processus continu, qui se poursuit année après année, et qui implique même au besoin de se rendre à l'extérieur de la région, comme par exemple au CEGEP de Chicoutimi. Les relevés E-6, E-7 et E-8 illustrent les démarches effectuées en cette matière en 2009, 2010 et 2011.

[125] Le relevé E-5 rappelle quant à lui le nombre de c.v. reçus ainsi que diverses candidatures retenues dont certaines ont par la suite fait l'objet d'une embauche ou d'un désistement au cours de 2011.

[126] L'ensemble de ces efforts de l'employeur a porté fruit, et la partie syndicale a ici même reconnu que la situation s'était grandement amélioré par la suite.

[127] Quant au mandat confié à la consultante Gingras en juin 2011, celui-ci a conduit entre autres aux mesures de réorganisation du travail, à prévoir pour couvrir tous les quarts de travail, et notamment à quelques embauches et au réhaussement d'un certain nombre de postes, ce qui a contribué à des disponibilités additionnelles.

[128] Vu les difficultées vécues suite aux absences maladie ou de maternité, auxquelles se sont ajoutés l'affectation de jour à des tâches administratives d'une travailleuse de nuit et le désistement d'une employée, l'employeur propose que le temps supplémentaire obligatoire n'aurait pas été aussi important si le syndicat avait accepté de réduire de 3 à 2 le nombre de personnes autorisées à partir en vacances à la fois.

[129] Dans son témoignage, le président du syndicat a reproché à l'employeur de ne pas avoir tenu compte de la démarche faite auprès de lui par la mère de Mme Gignac, alors que cette dernière est venue ici témoigner de ce que ce n'est pas sa mère, mais bien elle-même qui a tenté de communiquer avec l'employeur, se limitant toutefois à laisser un message téléphonique, sa disponibilité d'alors n'étant qu'à temps partiel et au prélèvement. Au cours de l'été, Mme Desrochers a par la suite communiqué avec Mme Gignac en vue de vérifier sa disponibilité, mais cette dernière ne l'était plus, une dernière démarche que le président du syndicat a possiblement ignoré jusque-là.

[130] Quant à la candidature de Mme Pelletier que le président du syndicat reproche également à l'employeur d'avoir négligé, l'employeur a eu de la difficulté à la rejoindre car celle-ci avait déménagé. Lorsque par la suite elle a été reçue en entrevue, celle-ci a fait état d'une disponibilité temporairement à temps partielle, vu ses projets de mariage, d'achat d'une maison et de compléter des études alors en cours. Si l'employeur l'avait embauchée en août 2011, son orientation se serait déroulée à temps partiel à partir du mois d'octobre, de sorte qu'elle n'aurait de toute façon pas été disponible au travail avant le mois de décembre 2011. Il n'est donc pas vrai que l'employeur n'a pas considéré cette candidature.

DÉCISION  :

[131] Dans le grief qu'il soumet à cet arbitrage, le syndicat reproche à l'employeur de ne pas avoir pris les moyens nécessaires pour éviter que du travail soit fait en temps supplémentaire obligatoire (TSO) par les technologistes médicaux qu'il représente dans les laboratoires de l'employeur

[132] Le langage utilisé par le syndicat dans le libellé de son grief reflète sans doute une certaine exaspération de ses membres, ceux-ci ayant notamment dû faire jusqu'à 140 heures de TSO au cours du semestre terminé en juillet 2011.

[133] Largement ici rapportée, la preuve a d'autre part été faite tout d'abord de l'embauche en avril 2010 de Mme Desrochers. L'étude de la main-d'œuvre que celle-ci a effectuée au cours de l'automne 2010 et de l'hiver 2011 a permis de dégager une vue d'ensemble de la situation, le tout tel que rapporté dans le document E-10.

[134] Cette planification a également permis de confirmer la tendance générale déjà observée et qui est au remplacement progressif du personnel plus ancien par un personnel plus jeune, et par voie de conséquence plus susceptible d'éventuellement s'absenter pour des motifs notamment de maternité.

[135] La preuve a d'autre part été faite qu'en plus des annonces, salons d'emploi et autres démarches de recrutement habituelles effectuées en continu depuis quelques années, l’employeur a retenu les services d’une consultante spécialisée en vue d'identifier des mesures additionnelles qui permettent notamment d'atténuer si possible les difficultés de fonctionnement de ce secteur, y incluant sans doute celles vécues par le personnel et reliées à la question du temps supplémentaire obligatoire.

[136] En plus des quelques embauches qui ont par la suite pu être effectuées à l'été et à l'automne 2011, plusieurs ré-haussements de postes ont permis d'augmenter d'une façon significative le nombre de quarts de travail disponibles pour le temps supplémentaire, réduisant d'autant le risque de devoir à l'avenir recourir à nouveau au temps supplémentaire obligatoire.

[137] La preuve permet de plus de croire qu'avec une planification de la main-d'œuvre qui offre désormais une perspective à moins court terme en ces matières, il sera davantage possible pour l'employeur d'éviter de se retrouver à nouveau comme piégé à la dernière minute par le besoin d'un personnel spécialisé qui requiert une période d'orientation aussi importante avant de pouvoir effectuer d'une façon sécuritaire le travail à accomplir.

[138] Possiblement faite sans une explication très élaborée puisque le président du syndicat déclare même être incapable de s'en souvenir, et alors que les technologistes médicaux compensaient déjà depuis un certain temps par du temps supplémentaire obligatoire une combinaison inhabituelle de départs, d'absences maladie, d'absences maternité et autres, l'arbitre peut comprendre que l'employeur ait particulièrement inquiété le syndicat en juin 2011 lorsqu'il lui a déclaré qu'il n'aurait pas l'intention d'ajouter de personnel à ce moment-là.

[139] Le président Rousseau a également précisé que c'est de Mme Desrochers qu'il a finalement appris que l'orientation des technologistes médicaux est d'une durée de 34 jours, une information qu'il aurait donc ignorée jusque-là.

[140] En ce qui regarde les explications données par Mme Desrochers quant à ce qui s'est véritablement passé dans le cas de Mme Villemeuve et celui de Mme Thériault, et également en ce qui regarde le témoignage de Mme Gignac sur ce qui s'est à nouveau véritablement passé dans son cas, cette preuve permet maintenant de comprendre à quel point une partie de la réalité pouvait encore échapper au syndicat au moment où celui-ci a fait son grief.

[141] En ce qui regarde les faits et attitudes tout-à-fait inacceptables qu'il croyait être imputables à l'employeur et contre lesquels il a cru devoir réagir avec toute l'énergie qu'il a exprimée dans le libellé de son grief, il apparaît maintenant de la preuve que la perception que le syndicat avait alors de tels faits et attitudes n'aurait sans doute pas résisté à une enquête plus approfondie.

[141] Dans cette affaire et tel que la jurisprudence et les parties l'ont reconnu, l'employeur a une obligation de moyens et non une obligation de résultat. Quant aux moyens eux-mêmes, la preuve a donc été faite que l'ensemble de ceux qui ont été pris par l'employeur au cours de cette période difficile, ces moyens ont permis aux difficultés de se résorber malgré tout assez rapidement au cours des mois suivants, ce qui confirme que l'employeur s'est acquitté des obligations qu'il avait dans les circonstances.

[142] Le syndicat quant à lui ne s'est donc pas acquitté du fardeau qu'il avait de démontrer que l'employeur n'a pas assumé les obligations qu'il avait en vertu de l'article 6.01 de la convention collective. Par voie de conséquence, ce grief ne peut qu'être ici rejeté.

 

M. PAUL IMBEAU, ing. CRIA

 

Me Denis Bradet

Représentant du syndicat

 

Me Véronique Morin

Représentant de l'employeur

 

Audience à Sainte-Agathe-des-Monts, les 5 juin et 24 octobre 2012.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Autorités du Syndicat

*           Centre hospitalier de Lachine et Syndicat canadien de la fonction publique. section locale 2881 , Me André Sylvestre, arbitre, le 10 juin 1992 ;

*           Hôpital de Chicoutimi et Association professionnelle des technologistes médicaux du Québec , Me Gilles Desnoyers, arbitre, le 3 avril 1991 ;

*           Syndiçat des employés(es) du CSSS du Lac-des-Deux-Montagnes - CSN et CSSS du Lac-des-Deux-Montagnes , Me Pierre Laplante, arbitre, le 6 octobre 2009 ;

*           Syndicat canadien des communications de l'énergie e du papier (SCEP). section locale 841 et Smurfit - MBI (Mont-Royal), Me Carol Jobin, arbitre, le 12 janvier 2004 ;

*           Regroupement de la santé et des services sociaux de la MRC de Maskinongé et Syndicat canadien de la fonction publique section locale 995  ; M. Gilles Ferland, arbitre, le 14 janvier 2000  ;

*           Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux et Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke , Me Richard Guay, arbitre, le 31 mars 2012 ;

Autorités de l'employeur

*           Centre hospitalier Côte-des-Neiges e Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2148 , Me Marc Gravel, arbitre, le 25 novembre 1988  ;

*           Centre hospitalier de l'Université Laval et Syndicat canadien de la fonction publique , Me Marc Boisvert, arbitre, le 17 septembre 1991  ;

*           Centre d'acceuil Jeanne-Crevier et Union des employé(e)s de service, local 298 (F.T.Q.) Me Jean-Pierre Lussier, arbitre, le 31 janvier 1992 ;

*           Centre hospitalier de Lachine et Syndicat canadien de la fonction publique section locale 2881 , Me André Sylvestre, arbitre, le 10 juin 1992 ;

*           Hôpital Rivière-des-Prairies et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 313 , Me François Hamelin, arbitre, le 3 décembre 1992 ;

*           Syndicat des travailleuses et travailleurs de l'Hôpital de l'Enfant-Jésus et Centre hospitalier affilié universitaire de Québec , Me Jean-Guy Clément, arbitre, le 30 avril 1999 ;

*           Centres d'hébergement et de soins de longue durée Estriade et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1224 , Me Alain Corriveau, arbitre, le 21 septembre 2000 ;

*           Regroupement de la santé et des services sociaux de la Municipalité régionale de comté de Maskinongé et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 995 , M. Gilles Ferland, arbitre, le 14 janvier 2000.