Gréaux et Samson (Garderie Les Petites Tawinnes) |
2013 QCCSST 7 |
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COMMISSION DE LA SANTÉ
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Direction régionale Capitale-Nationale |
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N o Dossier CSST : |
139 821 623 |
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N o Plainte : |
QUE12-113 |
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Décision rendue le : 24 janvier 2013 |
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DEVANT LE CONCILIATEUR-DÉCIDEUR : |
Marie-France Marier |
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Travailleuse : |
Magali Gréaux |
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Employeur : |
Josée Samson, Garderie les petites tawinnes |
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DÉCISION |
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[1]
Le 19 juillet 2012, la travailleuse
dépose une plainte à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la
Commission) en vertu de l’article
[2] La travailleuse déclare avoir illégalement été l’objet d’un congédiement le 10 juillet 2012 , parce qu’elle a exercé un droit en vertu de la LSST.
[3] Le 20 septembre 2012, les parties sont convoquées à l’audience du 30 novembre 2012. L’audience est tenue le 7 décembre 2012. La travailleuse et son représentant sont présents. L’employeur est absent.
[4] La soussignée retient les éléments pertinents suivants en relation avec cette affaire.
[5] La travailleuse témoigne occuper un emploi d’éducatrice chez l’employeur depuis le 13 juin 2011. Elle travaille 40 heures par semaine au taux de 16,00 $ l’heure selon le relevé de paye déposé lors de l’audience.
[6] Le 31 mai 2012, elle apprend qu’elle est enceinte et en informe immédiatement son employeur.
[7] Le 18 juin 2012, à la demande et en présence de Mme Josée Samson propriétaire de la garderie, elle prend rendez-vous au centre médical pour formuler une demande de retrait préventif. Une consultation médicale est alors prévue pour le 11 juillet 2012.
[8] La travailleuse dépose en preuve une lettre de son médecin traitant, pour attester les motifs de cette consultation médicale. La lettre datée du 29 novembre 2012 se lit comme suit :
St-Augustin, le 29 novembre 2012.
RE : Magalie Greaux
DN ; -08-07-1983
Madame,
Monsieur,
Madame Greaux s’est présentée le 11 juillet 2012 sur rendez-vous pour une consultation médicale (1 ière visite de grossesse + retrait préventif) et selon les données disponibles dans nos archives, le rendez-vous a été pris le 18 juin 2012 à 10 :52 hre.
Espérant ces informations à votre satisfaction. Veuillez accepter, Madame, Monsieur, l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Bien à vous,
Benoît Grenier, M.D.
[sic]
[9] Le 9 juillet 2012, avec l’approbation de l’employeur, la travailleuse s’absente pour un suivi médical de grossesse en avant-midi, et prend des heures dans sa banque de temps supplémentaire pour le reste de la journée.
[10] Le 10 juillet 2012, la travailleuse retourne au travail. Dès son arrivée, Mme Samson la rencontre et l’informe qu’un parent a déposé une plainte contre elle. Mme Samson lui donne des explications quant aux circonstances entourant la plainte et conclut que la travailleuse n’a d’autre choix que de démissionner, sinon l’employeur sera dans l’obligation de la congédier et, que de toute façon elle cesse de la payer.
[11] La travailleuse déclare que lors de la rencontre avec l’employeur, elle ne comprend pas ce qui se passe. Elle ignore les faits allégués par l’employeur et soutient que son état de santé l’empêche de poser les gestes brusques que l’employeur lui reproche. Elle informe Mme Samson qu’elle ferait tout de même sa demande de retrait préventif le lendemain.
[12] Le 11 juillet 2012, la travailleuse consulte son médecin traitant qui complète la demande de retrait préventif.
[13] Elle déclare avoir reçu le 12 juillet 2012, un certificat visant le retrait préventif et l’affectation de la travailleuse enceinte ou qui allaite. Ce qui est corroboré au dossier de réclamation de la travailleuse à la Commission.
[14] Au certificat du 12 juillet 2012, le médecin désigné note entre autre que :
Nous considérons qu’une affectation ou un retrait préventif est indiqué dès réception du certificat.
En raison des similitudes observées dans les descriptions de tâches d’éducatrice en garderie, cette étude de poste n’a pas fait l’objet d’une validation auprès de l’employeur ou de la travailleuse.
[15] Le même jour, la travailleuse se présente chez l’employeur où une employée lui remet une lettre de congédiement signée par Mme Josée Samson. La lettre est la suivante :
Mardi le 10 juillet 2012 Québec
Madame Magali Gréaux
Cette lettre est pour vous informer de votre congédiment au sein de la garderie ’’Les petites Tawinnes’’. Lors de notre entretien de ce matin, je vous ai fait part de toutes les raisons menant à ce congédiment. Comme mentionné, de nombreuses plaintes ont été faites à votre égard de la part des parents qui bénéficient des services de la garderie. Ces plaintes avaient pour sujet la manière brusque dont vous avez traité certains enfants. De plus, certaines plaintes ont été déposées en raison de votre attitude et des habitudes que vous aviez envers certains enfants.
Cordialement, Josée Samson
[sic]
[16] Le 19 juillet 2012, la travailleuse considérant son congédiement injustifié, opte pour le dépôt d’une plainte à la Commission. Elle soutient que depuis son embauche le 13 juin 2011, elle a reçu uniquement des commentaires positifs des parents qui bénéficient des services de la garderie.
[17] Elle décide également de mener sa propre enquête au sujet des plaintes alléguées par l’employeur à son endroit.
[18] La travailleuse déclare que les parents lui ont mentionné avoir été informés par l’employeur que des faits lui étaient reprochés dont certains, alors même qu’elle était absente du travail.
[19] Le 12 octobre 2012, la Commission rend une décision pour informer la travailleuse qu’elle n’est pas admissible au retrait préventif prévu par la LSST parce qu’elle a été congédiée.
[20] Le représentant de la travailleuse plaide que l’employeur n’a pas renversé le fardeau de la preuve dans cette affaire.
[21] Il invoque l’absence de gradation de sanctions imposées à la travailleuse avant son congédiement.
[22] Selon lui, le seul élément ayant pu motiver l’employeur à congédier la travailleuse est qu’il a été informé qu’elle faisait des démarches pour obtenir un retrait préventif.
[23] Le représentant de la travailleuse demande à la Commission de rétablir le lien d’emploi de la travailleuse pour lui permettre de bénéficier de ses droits en vertu de la LSST.
[24] La Commission doit déterminer si la travailleuse a été congédiée le 10 juillet 2012 à cause de l’exercice d’un droit que lui confère la LSST.
[
[26] Selon la LSST :
40. Une travailleuse enceinte qui fournit à l’employeur un certificat attestant que les conditions de son travail comportent des dangers physiques pour l’enfant à naître ou, à cause de son état de grossesse, pour elle-même, peut demander d’être affectée à des tâches ne comportant pas de tels dangers et qu’elle est raisonnablement en mesure d’accomplir.
La forme et la teneur de ce certificat sont déterminées par règlement et l’article 33 s’applique à sa délivrance.
227. Le travailleur qui croit avoir été l’objet d’un congédiement, d’une suspension, d’un déplacement, de mesures discriminatoires ou de représailles ou de toute autre sanction à cause de l’exercice d’un droit ou d’une fonction qui lui résulte de la présente loi ou des règlements, peut recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou, à son choix, soumettre une plainte par écrit à la Commission dans les 30 jours de la sanction ou de la mesure dont il se plaint.
228. La section III du chapitre VII de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (chapitre A-3.001) s’appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, à une plainte soumise en vertu de l’article 227 comme s’il s’agissait d’une plainte soumise en vertu de l’article 32 de cette loi.
La décision de la Commission peut faire
l’objet d’une contestation devant la Commission des lésions professionnelles
conformément à l’article
[27] Selon la LATMP :
32. L’employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou des représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu’il a été victime d’une lésion professionnelle ou à cause de l’exercice d’un droit que lui confère la présente loi.
Le travailleur qui croit avoir été l’objet d’une sanction ou d’une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l’article 253.
255. S’il est établi à la satisfaction de la Commission que le travailleur a été l’objet d’une sanction ou d’une mesure visée dans l’article 32 dans les six mois de la date où il a été victime d’une lésion professionnelle ou de la date où il a exercé un droit que lui confère la présente loi, il y a présomption en faveur du travailleur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui parce qu’il a été victime d’une lésion professionnelle ou à cause de l’exercice de ce droit.
Dans ce cas, il incombe à l’employeur de prouver qu’il a pris cette sanction ou cette mesure à l’égard du travailleur pour une autre cause juste et suffisante.
257. Lorsque la Commission dispose d’une plainte soumise en vertu de l’article 32, elle peut ordonner à l’employeur de réintégrer le travailleur dans son emploi avec tous ses privilèges, d’annuler une sanction ou de cesser d’exercer des mesures discriminatoires ou de représailles à l’endroit du travailleur et de verser à celui-ci l’équivalent du salaire et des avantages dont il a été privé.
263. L’employeur doit se conformer à une ordonnance rendue par la Commission en vertu de la présente section dans les huit jours de sa notification.
[28]
Pour qu’il y ait ouverture au
recours de l’article
28.1. Être une travailleuse au sens de la LSST;
28.2. Avoir exercé un droit conféré par la LSST;
28.3. Avoir subi une sanction ou une mesure de la part de l’employeur;
28.4.
Avoir déposé sa plainte à
l’intérieur du délai prescrit par l’article
28.5. Avoir opté pour une plainte et non un grief.
[29]
La preuve révèle que la
travailleuse est une travailleuse au sens de la LSST, elle a été l’objet d’une sanction, soit un congédiement le 10 juillet 2012, elle a déposé la
plainte le 19 juillet 2012, soit à l’intérieur du délai prescrit à l’article
[30] Il reste donc à déterminer si la travailleuse a exercé un droit conféré par la LSST;
[31] Dans l’affaire Cakir et Superfit Knitting inc. [1] , la commissaire conclut que la remise d’un certificat de retrait préventif à l’employeur n’est pas conditionnelle à la reconnaissance de l’exercice d’un droit.
[32] Dans l’affaire Dibamehr et Youssef [2] , la commissaire est d’avis que l’expérience de l’employeur concernant les situations de retrait préventif dans le passé lui permettait de comprendre que la travailleuse exerçait un tel droit, malgré l’absence à cette date d’un certificat de retrait préventif.
[33] Dans la présente affaire, la soussignée retient du témoignage crédible de la travailleuse que l’employeur savait, depuis le 18 juin 2012, lorsqu’elle a pris rendez-vous avec son médecin en sa présence, que la travailleuse débutait ses démarches afin de soumettre une demande de retrait préventif.
[34] Aussi, la soussignée est d’avis que l’employeur, œuvrant dans le domaine des garderies, pouvait difficilement ignorer l’issu probable des démarches de la travailleuse.
[35] Dans ce contexte, la soussignée conclut que la travailleuse exerçait un droit en vertu de la LSST le 18 juin 2012, soit avant le congédiement du 10 juillet 2012. En conséquence, la plainte de la travailleuse remplit tous les critères de recevabilité.
[36]
Quant
à
la présomption
édictée à l’article
[37] Tel que stipulé dans cet article, il incombe alors à l’employeur de démontrer qu’il a congédié la travailleuse pour une autre cause juste et suffisante.
[38] La jurisprudence a établi que la Commission doit être satisfaite que la sanction prise contre le travailleur l’a été pour des motifs sérieux par opposition à un prétexte et qu’elle constitue la cause véritable de la mesure alléguée. [3]
[39] Dans la présente affaire, la travailleuse par son témoignage crédible et non contredit, nie tous les motifs invoqués par l’employeur dans la lettre de congédiement du 10 juillet 2012.
[40] Par son absence, l’employeur n’a pu faire la preuve prépondérante que la travailleuse a été congédiée pour des motifs sérieux constituant la cause véritable de la mesure dont elle a été l’objet.
[41]
Dans ces circonstances, la Commission conclut que l’employeur n’a pas renversé la présomption édictée à l’article
[42] Par conséquent, l’employeur doit réintégrer la travailleuse dans son emploi d’éducatrice avec tous ses droits et privilèges et lui verser l’équivalent du salaire et des avantages dont elle a été privée depuis le 10 juillet 2012, date de son congédiement.
[43] La travailleuse étant sans emploi depuis son congédiement le 10 juillet 2012, le calcul du quantum est le suivant :
· Pour la période du 10 juillet 2012 au 21 janvier 2013,
40 heures x 28 semaines x 16,00.00$ : 17 920,00$
· Pour les journées du 22, 23 et 24 janvier 2013 :
8 heures x 16,00.00$ : 128,00$ x 3 jours : 384,00$
Pour un salaire total de 17 920,00$ + 384,00$ = 18 304,00$
POUR CES MOTIFS, la Commission
ACCUEILLE la plainte déposée par la travailleuse le 19 juillet 2012;
ORDONNE à l’employeur d’annuler le congédiement de la travailleuse, de la réintégrer à son emploi d‘éducatrice en garderie avec tous ses droits et privilèges et de lui verser l’équivalent du salaire et des avantages dont elle a été privée depuis le 10 juillet 2012.
ORDONNE à l’employeur de verser à la travailleuse le salaire brut de 18 304,00$ moins les déductions légales applicables; soit le salaire perdu depuis le 10 juillet 2012 jusqu’à la date de la présente décision le 24 janvier 2013.
Soit : 40 heures x 28 semaines x 16,00.00$ = 17 920,00$ + les journées du 22, 23 et 24 janvier 2013, soit 8 heures x 16,00.00$ = 128,00$ x 3 jours = 384,00$, pour un total brut de 18 304,00$.
ORDONNE à l’employeur de verser à la travailleuse le salaire brut de 128,00$ par jour, moins les déductions légales applicables, à concurrence de 5 jours par semaine du lundi au vendredi, à compter du 25 janvier 2013 jusqu’à l’exécution de la présente ordonnance.
ORDONNE à l’employeur de se conformer à la présente ordonnance dans les huit jours de sa notification.
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__________________________________ Marie-France Marier Conciliateur-décideur |
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M. Marc-Antoine Moisan |
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Ver-Mac |
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Représentant de la travailleuse |
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Date d’audience : |
7 décembre 2012 |
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