Aussant c. Axa Assurances inc. |
2013 QCCQ 398 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
RICHELIEU |
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LOCALITÉ DE |
SOREL-TRACY |
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« Chambre Civile » |
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N° : |
765-22-002011-114 |
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DATE : |
Le 24 janvier 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
CLAUDE LAPORTE, J.C.Q. |
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LORAINE AUSSANT |
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Partie demanderesse |
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c. |
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AXA ASSURANCE INC. |
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Partie défenderesse |
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c. |
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DIANE SAVARD |
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Partie défenderesse en garantie |
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JUGEMENT |
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[1] Loraine Aussant réclame de Axa Assurance Inc. ( Axa ) le paiement du produit d'une assurance-vie à la suite du décès de Charles Crevier.
[2] Axa soumet avoir été libérée de ses obligations contractuelles par le paiement fait à la défenderesse en garantie Diane Savard. Dans son action en garantie elle réclame de cette dernière le remboursement de la somme qu'elle lui a payée dans l'éventualité où elle serait condamnée dans l'action principale.
[3] Diane Savard plaide être la seule à qui Axa devait payer l'indemnité.
LES FAITS
[4] Pour l'essentiel, les faits se résument tel que suit :
· Charles Crevier et Diane Savard se sont épousés le 10 juin 1972 . Le lien du mariage n'a jamais été dissous avant le décès de Crevier.
· Une police d'assurance est émise le 15 novembre 1988 par la Compagnie d'assurance Provinces-Unies en vertu de laquelle Charles Crevier assurait sa vie pour un montant de 100 000,00 $. Il y désignait comme bénéficiaires ses "héritiers légaux".
· Le 2 juin 1994 la police d'assurance a été continuée par la défenderesse Axa.
· Le 7 mai 1996 intervient une "convention d'accord" ( P-2 ) entre Charles Crevier et Diane Savard en vertu de laquelle Charles Crevier désigne irrévocablement la défenderesse en garantie comme bénéficiaire de ladite police.
· Dans un document [1] portant la date du 15 février 2002 Charles Crevier désignait les personnes suivantes comme bénéficiaires irrévocables à la police d'assurance :
· Loraine Aussant (50 %)
· Julie Crevier (25 %)
· Geneviève Crevier (25 %)
· Ce changement de bénéficiaires est transmis à Axa et noté par cette dernière le 26 mars 2002 .
· Une "demande de valeur de rachat, avance en espèces ou retrait partiel" est complétée par Charles Crevier le 19 mai 2009 . Sur ce document ( P-3 ) se retrouvent les signatures de Charles Crevier de même que de Julie Crevier, Loraine Aussant et Geneviève Crevier (section "bénéficiaires") et celle de Diane Savard (qui signe comme "témoin").
· Charles Crevier décède le 16 septembre 2009 .
· Lors du décès de Charles Crevier les livres de Axa indiquent comme bénéficiaires irrévocables à la police d'assurance : Loraine Aussant, Julie Crevier et Geneviève Crevier;
· Le 22 octobre 2009 la convention d'accord du 7 mai 1996 entre Charles Crevier et Diane Savard est reçue par Axa.
· Le paiement à Savard est effectué par Axa après le 22 octobre 2009.
[5] Les trois parties ont produit une série d'admissions que le Tribunal a reprises dans le cadre du paragraphe [4]. Le montant payable à Aussant, s'il en est, est admis à 44 000,00 $.
[6] À l'audience la demanderesse explique que le document P-3 a été complété parce que Charles Crevier désirait procéder à un prélèvement sur sa police d'assurance. Elle fut la première à signer, ajoutant qu'elle devait signer ce document car elle était bénéficiaire. Selon elle Crevier aurait ainsi obtenu une somme d'environ 12 000,00 $.
[7] À la suite du décès de Charles Crevier la demanderesse communique avec Axa et s'entretient avec un représentant qui l'informe que "la procédure prend son temps" et que "les démarches sont en cours".
[8] Environ un mois plus tard on l'informe cette fois que le dossier est réglé et "qu'on était surpris de voir mon nom comme bénéficiaire".
[9] Le 28 décembre 2009 Axa s'explique dans une lettre transmise à Aussant :
«Nous vous informons qu'en février 2002, monsieur Crevier a fait effectuer un changement de bénéficiaire sur cette police, en partie, en votre faveur. Or, après l'étude de l'ensemble des documents qui nous ont été soumis suite à son décès, ce changement de bénéficiaire fait par M. Crevier n'était pas valide puisqu'un bénéficiaire irrévocable avait déjà été nommé, antérieurement à février 2002.»
[10] La signature de la défenderesse en garantie sur le document P-3 est niée par cette dernière sous réserve de l'objection du procureur de la demanderesse.
QUESTIONS EN LITIGE
[11] Le présent dossier soulève trois questions :
a) L'objection au témoignage de Savard est-elle fondée?
b) À la suite du décès de Charles Crevier, qui de Loraine Aussant et de Diane Savard avait droit au paiement de l'indemnité d'assurance?
c) Dans l'éventualité où la bénéficiaire était Aussant, le paiement effectué par Axa à Savard est-il libératoire?
d) Dans l'éventualité où ce paiement n'est pas libératoire, Axa est-elle en droit de demander à Savard de répéter cette somme?
ANALYSE ET DÉCISION
(a) L'objection au témoignage de Savard est-elle bien fondée?
[12]
La défenderesse en garantie ne pouvait attaquer la validité de sa
signature sur la pièce P-3 sans avoir au préalable produit un affidavit :
« 89. Doivent être expressément alléguées et appuyées d'un affidavit:
(1) la contestation de la signature ou d'une partie importante d'un écrit sous seing privé, ou celle de l'accomplissement des formalités requises pour la validité d'un écrit;
…»
[13] Comme cette règle n'a pas été suivie il s'ensuit que le Tribunal doit conclure que la signature de Savard sur P-3 est la sienne.
[14] Ceci étant, la signature de Savard sur P-3 ne change rien au dossier puisqu'elle ne constitue pas une renonciation de sa part.
(b) Qui de Aussant ou de Savard avait droit au paiement?
[15]
La réponse à cette question passe par l'examen, dans un premier
temps, des articles
2449 C.c.Q. : « . La désignation de la personne à laquelle il est marié ou uni civilement à titre de bénéficiaire, par le titulaire de la police ou l'adhérent, dans un écrit autre qu'un testament, est irrévocable, à moins de stipulation contraire. La désignation de toute autre personne à titre de bénéficiaire est révocable, sauf stipulation contraire dans la police ou dans un écrit distinct autre qu'un testament. La désignation d'une personne en tant que titulaire subrogé est toujours révocable.
Lorsqu'elle peut être faite, la révocation doit résulter d'un écrit; il n'est pas nécessaire, toutefois, qu'elle soit expresse. »
2451 C.c.Q. : « Toute désignation de bénéficiaire demeure révocable tant que l'assureur ne l'a pas reçue, quels que soient les termes employés. »
2452 C.c.Q. : « Les désignations et révocation ne sont opposables à l'assureur que du jour où il les a reçues; lorsque plusieurs désignations de bénéficiaires irrévocables sont faites, sans être conjointes ou simultanées, la priorité est donnée suivant les dates auxquelles l'assureur les reçoit.
Le paiement que l'assureur fait de bonne foi, suivant ces règles, à la dernière personne connue qui y a droit, est libératoire. »
(i) 2449 et 2451 C.c.Q.
[16] Il est acquis que la désignation de Savard s'est faite dans un écrit autre qu'un testament alors qu'elle était mariée à Crevier.
[17] Elle y est de plus désignée comme "bénéficiaire irrévocable".
[18]
En
a parte
le Tribunal ajoute que si Savard n'avait pas été
désignée comme bénéficiaire "irrévocable", le simple fait d'être
désignée comme bénéficiaire rendait cette désignation irrévocable parce qu'elle
était alors mariée à Crevier (article
[19]
L'article
[20]
Quand le législateur stipule à l'article
[21] Compte tenu des mots utilisés par le législateur (le mot " Toute " et l'expression " quels que soient ") il fait peu de doute, aux yeux du Tribunal, que l'intention du législateur était de viser toutes les sortes de désignations , y compris celles qui sont irrévocables. De fait, le Tribunal ira même jusqu'à ajouter que cet article vise surtout les désignations qui sont irrévocables car, autrement il s'agirait d'un truisme.
[22] Si le législateur avait voulu faire une exception des désignations irrévocables de conjoints il se serait exprimé autrement. Par exemple il aurait pu stipuler que "Toute désignation de bénéficiaire irrévocable, à l'exception des personnes mariées ou unies civilement, demeure révocable…"
[23]
L'économie de cette section du Code civil le confirme aussi. Comme cet
article se situe presque immédiatement après l'article
[24] Plusieurs auteurs soutiennent de plus que la réception de la désignation des bénéficiaires (irrévocables) par l'assureur constitue une condition de fond à leur qualification de bénéficiaire irrévocable.
[25] Lluelles [3] s'est exprimé comme suit :
«Précisons toutefois qu'aucune stipulation d'irrévocabilité n'est définitive tant que l'assureur ne l'a pas reçue (C.c.Q. art. 2451). Cette prescription du Code constitue une condition de fond de l'irrévocabilité , au contraire de l'article 2452 qui ne crée qu'une règle d'opposabilité face à l'assureur.»
(soulignement ajouté)
[26] Et plus loin [4] il ajoutera, en traitant du cas où le bénéficiaire est l'époux de l'adhérent :
«Ici également, cette irrévocabilité n'est définitive qu'à compter du moment où l'assureur l'a reçue (C.c.Q. article 2451)».
[27] Quant aux auteurs Suzanne Hardy-Lemieux, J.C.S. et al., dans l'Assurance de Personne au Québec [5] , ils écrivent :
«Les
articles
[28]
Les auteurs Lluelles et Moore
[6]
,
traitant du même article
«Cependant, pour assurer une pleine efficacité à pareille désignation, le preneur aura intérêt à en aviser l'assureur (2452 C.c.Q.)»
[29] C'est également la position qu'adopte, et sans ambages, Me Jean-Guy Bergeron [7] :
«Peu importe qui est désigné, conjoint ou autre, peu importe les termes employés, le tout est révocable tant que l'assureur n'a pas reçu la désignation. L'irrévocabilité ne résulte pas ici de l'acceptation du bénéfice par le bénéficiaire et de la communication de cette acceptation au stipulant ou au promettant, comme dans le cas d'une stipulation pour autrui ordinaire. C'est la réception de la désignation par l'assureur qui entraîne ce caractère , que la désignation soit faite à la connaissance ou à l'insu du bénéficiaire. Ainsi, Paule est désignée bénéficiaire irrévocable par Antoine. Cette désignation peut être révoquée tant qu'elle n'est pas reçue par l'assureur.»
(soulignement ajouté)
[30]
Enfin, le législateur, à l'article
(ii) 2452 C.c.Q.
[31]
Quant à l'article
[32] Dans le présent cas la première bénéficiaire irrévocable qui s'est manifestée auprès de l'assureur est la demanderesse.
[33] Il s'ensuit que c'est elle qui aurait dû être payée par Axa, et non Savard.
(c) Si la bénéficiaire était Aussant le paiement effectué par Axa à Savard est-il libératoire?
[34]
Axa plaide que le paiement effectué à Savard était, dans les
circonstances, libératoire, conformément à l'article
[35]
Comme la bonne foi est présumée, le paiement effectué par Axa à Savard
rencontre la première condition du deuxième paragraphe de l'article
[36] Rien dans la preuve ne vient ébranler cette présomption.
[37]
Cependant, Axa aurait dû, conformément à la règle établie à l'article
[38] Son paiement n'est donc pas libératoire.
(d) Axa est-elle en droit de demander à Savard
de répéter le montant reçu?
[39]
Le fondement du recours en garantie d'Axa est l'article
« Le paiement fait par erreur, ou simplement pour éviter un préjudice à celui qui le fait en protestant qu'il ne doit rien, oblige celui qui l'a reçu à le restituer.
Toutefois, il n'y a pas lieu à la restitution lorsque, par suite du paiement, celui qui a reçu de bonne foi a désormais une créance prescrite, a détruit son titre ou s'est privé d'une sûreté, sauf le recours de celui qui a payé contre le véritable débiteur. »
[40] Pour réussir dans son recours en garantie Axa doit prouver que le paiement fait à Savard est le résultat d'une erreur de fait ou de droit. Son fardeau est donc de démontrer : (1) l'absence d'un consentement éclairé pour cause d'erreur, et (2) que l'erreur s'est produite au moment du paiement.
[41] Le consentement peut en effet être vicié par l'erreur (1399 C.c.Q.) :
« Le consentement doit être libre et éclairé.
Il peut être vicié par l'erreur, la crainte ou la lésion. »
[42] Cependant, pour que cette erreur vicie le consentement, elle doit posséder certains attributs :
1400 C.c.Q. :« L'erreur vicie le consentement des parties ou de l'une d'elles lorsqu'elle porte sur la nature du contrat, sur l'objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.
L'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.»
[43] Il est acquis, de plus, que si le paiement est fait en toute connaissance de cause, il est considéré comme une libéralité et la répétition est alors refusée. S'il provient d'une erreur inexcusable, il n'y a pas de répétition.
[44] Tel qu'indiqué plus haut, pour avoir gain de cause, Axa devait prouver une erreur de sa part au moment du paiement.
[45] L'erreur est définie comme un " Acte de l'esprit qui tient pour vrai ce qui est faux et inversement; jugement, faits psychiques qui en résultent " [8]
[46] Axa n'a fait entendre aucun témoin ni présenté quelque preuve que ce soit concernant les circonstances entourant le paiement à Savard.
[47] Axa n'a même jamais allégué avoir commis une erreur.
[48] Le fondement du recours en garantie d'Axa est que si le Tribunal en venait à la conclusion que l'action principale doit être accueillie, son paiement à Savard aura été fait "sans droit". C'est ce qui découle du paragraphe (2) de sa requête introductive d'instance en garantie - que le Tribunal considère comme étant plutôt un recours récursoire anticipé :
«Advenant le cas où le Tribunal en viendrait à la conclusion que le paiement du produit de la police d'assurance portant le numéro 006097939 effectué à la défenderesse en garantie Diane Savard n'était pas libératoire et que cette dernière aurait reçue, sans droit, de tel somme d'argent, la demanderesse en garantie requiert donc le Tribunal d'ordonner à ce que Diane Savard l'indemnise de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle, en capital, intérêts et frais dans le cas de la demande principale.»
[49] Lors des plaidoiries Axa s'en est remise à une sorte de présomption voulant que si le Tribunal en venait à la conclusion que le paiement aurait originalement dû être fait à Aussant, c'est donc qu'il a été fait par erreur à Savard…
[50] Tous s'accordent sur le principe voulant que le fardeau de la preuve des conditions donnant ouverture à répétition - comme, du reste, dans tous les cas (2803 C.c.Q.) - appartient au solvens . Ainsi, Vincent Karim [9] écrit :
«Enfin, il faut noter que la preuve des conditions de la réception de l'indu incombe au solvens . Le paiement effectué par erreur constitue un fait juridique pouvant être prouvé par tous les moyens de preuve, y compris la preuve testimoniale. En fait, c'est la preuve de l'erreur qui est requise ici, et l'erreur a toujours été considérée comme un fait juridique . L'erreur subjective doit être corroborée puisque le Tribunal ne serait pas satisfait du témoignage du solvens quant à sa propre erreur. De plus, il doit faire la preuve de certains faits ou circonstances qui ont entouré le paiement prétendument fait par erreur .»
(soulignement ajouté)
[51] Le même auteur aura mentionné plus tôt dans le même ouvrage [10] :
«Le Code civil exige une erreur de la part du solvens , et non de l' accipiens , que cette erreur soit de fait ou de droit. De plus, l'erreur doit être commise au moment du paiement. En l'absence d'erreur de la part du solvens , ou si ce dernier ne fait pas la preuve d'un paiement fait pour éviter un préjudice, les tribunaux considère le paiement comme une libéralité , voire une donation et refusent de conclure à la restitution. Il en est de même lorsque le solvens acquitte volontairement une obligation naturelle, puisqu'une telle exécution constitut bel et bien un paiement valable et la répétition n'est pas admise, conformément à l'article 1554 , ali 2 C.c.Q.»
(soulignement ajouté)
[52] Dans Droit des Obligations, Lluelles et Benoit Moore [11] ajoutent :
«Par
contre, les tribunaux
exigent maintenant, par analogie avec l'article
(soulignement ajouté)
[53] Jean Pineau et Serge Gaudet [12] opinent comme suit :
«Pour qu'il y ait lieu répétition de l'indu, il faut donc que le solvens ait commis une erreur et qu'il apporte la preuve de cette erreur. »
(soulignement ajouté)
[54] Pourquoi exiger la preuve de l'erreur? Selon ces mêmes auteurs [13] :
«L'exigence de l'erreur afin de pouvoir répéter l'indu, s'explique par une raison fort simple celui qui paierait sciemment, en toute connaissance de cause, une dette qu'il sait ne pas devoir, indique par ce fait même qu'il fait une donation ou qu'il entend gérer l'affaire d'autrui; celui qui paie en totalité ou en partie une dette litigieuse, qu'il croit ne pas devoir, mais qu'il préfère néanmoins payer, donne alors à penser qu'il achète la paix ou accepte de transiger. Si tel est le cas, il ne peut y avoir lieu à répétition, car le paiement n'est pas fait sans cause.»
[55] Dans Jurisclasseur [14] on lit :
«En
vertu de l'article
Suivant la doctrine et la jurisprudence majoritaire, l'appréciation de la preuve de l'erreur inexcusable doit être faite in concreto c'est-à-dire en tenant compte des caractéristiques propres de la personne.»
(soulignement ajouté)
[56] Baudouin [15] écrira pour sa part concernant l'arrimage entre 1491 C.c.Q. et 1400 C.c.Q. :
«De plus, la jurisprudence a pris l'initiative d'étendre à la répétition de l'indu la position que le législateur a adoptée en matière de vice du consentement : tout comme l'erreur inexcusable ne permet pas d'obtenir la nullité du contrat, elle ne permet pas d'avantage d'obtenir la répétition de l'indu, une interprétation tout à fait cohérente du Code civil, conçu comme un ensemble.»
[57] Il est reconnu, de plus, qu'en cas d'une erreur purement subjective le témoignage de la partie qui l'invoque doit être corroboré [16] . Enfin, l'erreur ne se présume pas, en cas de doute, la validité du contrat doit être favorisée.
[58]
Y a-t-il eu erreur? Axa s'est-elle méprise sur l'identité de la
personne à qui elle avait l'obligation de payer l'indemnité? Pourquoi et
comment a-t-elle commis cette erreur? S'agit-il d'une erreur de fait ou de
droit? A-t-elle examiné ses registres? A-t-elle pris acte des articles
[59] La preuve ne répond à aucune de ces interrogations.
[60] Non seulement Axa n'a pas plaidé l'erreur - ce qui, techniquement, devrait l'empêcher de la prouver - mais encore plaide-t-elle avoir payé en toute connaissance de cause la personne qui, selon elle, y avait droit [17] .
[61]
Le fait que le Tribunal en vienne à la conclusion que Axa aurait dû
payer Aussant n'entraîne pas la conclusion que le paiement effectué par Axa a
été fait par erreur : l'article
[62] La demanderesse en garantie n'a pas déchargé son fardeau.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[63] FAIT DROIT à l'action de la demanderesse Loraine Aussant;
[64]
CONDAMNE
la défenderesse Axa Assurance Inc. à payer à Loraine
Aussant la somme de 44 000,00 $ avec intérêts et l'indemnité additionnelle
prévue à l'article
[65] AVEC DÉPENS.
[66] REJETTE l'action en garantie de Axa;
[67] AVEC DÉPENS.
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__________________________________ CLAUDE LAPORTE, J.C.Q. |
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Me Raymond Clair |
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Procureur de la demanderesse |
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Me Michel Gendron |
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Procureur de la défenderesse Axa Assurance Inc. |
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Me Christian Crevier |
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Procureur de la défenderesse en garantie Diane Savard |
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[1] Formulaire "Changement de bénéficiaire" de Axa.
[2]
Comme, par exemple, ce qui est prévu à l'article
[3] Didier Lluelles, Précis des Assurances Terrestres, 5è Édition, Édi. Thémis, 2009, page 441.
[4] Ib. page 442
[5] L'Assurance de Personnes du Québec, CCH, page 3122.
[6] Didier Lluelles et Benoit Moore, Droit des obligations, Les Éditions Thémis, 2 ième édi., 2012, page 1380, note de bas de page no. 43.
[7] Me Jean-Guy Bergeron, Précis de Droits des Assurances, Éditions Revue de Droit Université de Sherbrooke, 1996, pages 145 et 146.
[8] Le Petit Robert, 1991, Paris, page 684.
[9] Vincent Karim, Les Obligations, Wilson et Lafleur, volume I, 2 ième édition 2002, page 706.
[10] Ib. page 704.
[11] Note 6, page 1379.
[12] Jean Pineau et Serge Gaudet, Théorie des Obligations, Les Éditions Thémis, 4 ème édi., 2001, page 471.
[13] Ib. page 471.
[14] Jurisclasseur Québec, Obligations et Responsabilité Civile, Lexis Nexis, Montréal, 2008, page 3 / 29.
[15] Baudouin et Jobin, Les Obligations, 6 ième édition, Les Éditions Yvon Blais, page 557.
[16]
Société Nationale de fiducie
c.
Robitaille
[17] Paragraphe 18 de son plaidoyer. Voir également la lettre de Axa du 28 décembre 2009 où on mentionne que le changement de bénéficiaire (Aussant) "n'était pas valide".