Maxi-Crisp Canada inc. c. Commission des relations du travail |
2013 QCCS 298 |
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JD 2315
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-073341-128 |
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DATE : |
29 janvier 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
MICHEL DÉZIEL, J.C.S. |
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MAXI-CRISP CANADA INC. |
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Demanderesse |
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c. |
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COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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et JEAN PAQUETTE Défendeurs |
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et |
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KALAVATIBEN PATEL |
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Mise en cause |
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TRANSCRIPTION RÉVISÉE DES MOTIFS DU JUGEMENT RENDU SÉANCE TENANTE LE 15 JANVIER 2013 [1] |
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[1] Le Tribunal est saisi d’une requête en révision judiciaire de l’employeur Maxi-Crisp Canada inc. (« Maxi-Crisp »).
[2] La demanderesse Maxi-Crisp est une corporation légalement constituée ayant son domicile au 2066, rue de la Province, Longueuil (Québec) J4G 1R7, et agit dans la fabrication de produits alimentaires (carrés croustillants à la guimauve). [2]
[3] La mise en cause (« Mme Patel ») occupait, au sein de Maxi-Crisp, la fonction de préposée à la production.
[4] Mme Patel a cessé de travailler pour Maxi-Crisp le 26 février 2009 en raison d’un accident qu’elle prétendait être lié à son travail et qui serait survenu le 16 février 2009.
[5] Le ou vers le 4 novembre 2010, la Commission des lésions professionnelles (« CLP ») rejette la réclamation de Mme Patel visant à déclarer qu’elle avait été victime d’un accident du travail chez Maxi-Crisp.
[6] Le 9 novembre 2010, une représentante de Maxi-Crisp a appelé la mise en cause pour lui indiquer que son emploi était terminé.
[7]
Le 12 janvier 2011, Mme Patel soumet à la Commission des normes du
travail («
CNT
») une plainte en vertu de l’article
[8] Le 4 janvier 2012, le juge administratif Jean Paquette de la Commission des relations du travail (« CRT »), en l’absence de l’employeur, rend une décision - annule le congédiement de Mme Patel et réserve à la CRT sa compétence pour déterminer les mesures de réparation appropriées. [4]
[9] Le 5 janvier 2012, l’employeur prend connaissance de cette décision.
[10]
Le 26 janvier 2012, l’employeur demande une révision administrative de
cette décision et l’annulation de celle-ci aux termes de l’article
[11] Le 17 juillet 2012, le juge administratif rejette la requête en révision au motif que l’avis d’audience R-5 avait été validement signifié et que l’employeur avait fait preuve de négligence. [5]
[12] La requête en révision judiciaire datée du 14 août 2012 présentée dans les délais invoque un manquement à la règle audi alteram partem et vise la cassation de la décision R-6 du 17 juillet 2012 et la révocation de la décision R-3 du 4 janvier 2012.
[13] La signification s’est faite au domicile élu de l’employeur, soit le bureau de ses avocats Stikeman Elliott, 1155, boul. René-Lévesque, bureau 3900.
[14] La place d’affaires de l’employeur est à Longueuil, boulevard de la Province.
[15] Me Guy Masson de Stikeman Elliott est chargé de affaires corporatives de l’employeur. Lorsqu’il reçoit de la correspondance qui ne concerne pas les affaires corporatives, il la transmet à Hélène Fortin (« Fortin »), auditeur externe de l’employeur, ce qu’il fait avec l’avis d’audience.
[16] Sur réception de l’avis d’audience, Fortin tente de le transmettre par Fax Modem à Mme Lessard, représentante de l’employeur, mais il y a échec de transmission.
[17] L’employeur ignore donc que l’audition doit se tenir le 4 janvier 2012 et cette audience se tient en son absence et il ne peut faire valoir ses moyens de défense.
[18] Il y a eu manquement à la règle fondamentale audi alterem partem , soit le droit d’être entendu.
[19] L’employeur n’a pas été négligent.
[20] Le système de traitement de son courrier ou des avis qu’il reçoit n’a jamais connu de raté.
[21] Séance tenante, elle déclare qu’elle a toujours voulu régler le dossier à l’amiable.
[22] À la suggestion du Tribunal, elle conteste et s’en remet à la décision du Tribunal.
[23] Depuis l’arrêt Dunsmuir de la Cour suprême du Canada [6] , il est clairement établi que la norme de contrôle, lorsqu’il est question d’un non-respect d’une règle de justice naturelle, en général, est celle de la décision correcte.
[24] C’est le cas en l’instance, puisqu’il s’agit d’une règle fondamentale, celle d’être entendu - la règle audi alteram partem . [7]
[25] Le Tribunal retient donc la norme de contrôle de la décision correcte qui n’exige pas de déférence comme la norme de la décision raisonnable.
[26] La décision R-6, soit CRT2, rejette la requête de l’employeur et conclut à un manque de sérieux de sa part et que l’employeur ne peut soutenir la négligence d’un tiers : [8]
« [29] L’avis d’audience a été envoyé à l’attention de madame Lessard au soin de Maxi-Crips à la même adresse que celle sur la plainte. La preuve démontre qu’il a été reçu par Me Masson qu’il l’a transmis à madame Fortin.
[30] La réception de cet avis à sa principale place d’affaires enclenche le tout. Maxi-Crisp ne peut soutenir qu’il s’agit de la négligence d’un tiers. Si l’entreprise a mis sur pied un processus complexe pour la transmission de l’information envoyée à sa principale place d’affaires, elle doit en supporter les conséquences.
[31] Maxi-Crisp ne peut affirmer d’un côté ne pas avoir été avisé au 2066, rue de la Province, à Longueuil et de l’autre déclarer aux yeux des tiers de bonne foi qu’elle fait affaire principalement sur le boulevard René-Lévesque.
[32] Adopter la position de Maxi-Crisp ferait en sorte qu’elle pourrait soutenir tout aussi bien le contraire, soit que tout document transmis au 2066, rue de la Province, à Longueuil, ne lui aurait pas été transmis correctement puisque sa principale place d’affaires au Registre se trouvait sur le boulevard René-Lévesque. Elle ne peut pas jouer sur les deux tableaux en même temps. On voit bien que cela n’a pas de sens.
[33] Notons que, malgré le fait que Maxi-Crisp prétende que l’adresse du boulevard René-Lévesque ne soit pas la bonne, elle n’a rien fait pour rectifier la situation même après réception de la copie de la plainte.
[34] La consultation du Registre démontre que ce n’est qu’après réception de la décision dont elle demande la révision, que Maxi-Crisp a modifié l’inscription au Registre pour y mettre comme son domicile le 2066, rue de la Province, à Longueuil.
[35] Que madame Fortin ait eu des problèmes de transmission de courriel n’est d’aucun secours. Rappelons que madame Lessard était au courant qu’en raison de l’échec de la conciliation à la CNT, que le dossier serait transféré à la Commission pour audience. La Commission est d’avis que, connaissant l’existence d’une plainte et n’ayant rien fait pour corriger l’adresse, elle devait prendre des précautions élémentaires pour s’assurer d’être prévenue de la date d’audience.
[36] La Commission conclut que Maxi-Crisp a fait preuve d’un manque de sérieux flagrant dans la conduite de ses affaires en ne faisant pas un suivi adéquat du dossier dans lequel elle était l’unique défenderesse afin de s’assurer de la protection de ses intérêts.
[37] Le fait que la Commission ait transmis la décision à deux endroits ne vient pas effacer la négligence de Maxi-Crisp dans la conduite de ses affaires.
[38] La révocation d’une décision est une exception à la règle générale, le manque de diligence minimale de Maxi-Crisp en ne posant pas de geste concret vers la revendication de sa défense en temps utile, milite en faveur de maintenir la décision du 4 janvier 2012.
[39] En conclusion, la preuve ne convainc pas la Commission que Maxi-Crisp avait des raisons jugées suffisantes de ne pas se présenter à l’audience du 4 janvier 2012 pour se faire entendre.»
(Reproduction intégrale)
[27] Le Tribunal est d’avis que l’employeur n’a pas été négligent, avait droit à la révision administrative et à la révocation de la décision du 4 janvier 2012.
[28]
Les motifs invoqués par l’employeur sont sérieux et auraient dû être
retenus par le juge administratif comme étant une raison suffisante aux termes
de l’article
[29] La requête en révision judiciaire équivaut à une requête en rétraction de jugement au sens des articles 482 et suivants C.p.c. [9]
[30] Il n’y a pas d’injustice grave pour Mme Patel si la requête en révision est accueillie : elle n’aura qu’à revenir répéter ses arguments devant la CRT, à moins qu’il y ait eu règlement entre-temps.
[31] Donc, la signification de l’avis d’audience était valide, mais n’a pas été effective.
[32] L’employeur a donc été privé de son droit d’être entendu et de faire valoir ses moyens de défense en droit et en faits.
[33] La décision CRT2 ne résiste donc pas à la norme d’intervention, celle de la décision correcte.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la requête introductive d’instance en révision judiciaire;
RÉVISE et CASSE la décision R-6 de la Commission des relations du travail datée du 17 juillet 2012 et rendue dans le dossier 204406-CM-2012-0374 par le juge administratif Guy Roy;
PROCÈDE à rendre la décision que le juge administratif Guy Roy aurait dû rendre le 17 juillet 2012;
RÉVOQUE la décision R-3 rendue par le juge administratif Jean Paquette le 4 janvier 2012;
ORDONNE
que le dossier
soit retourné devant la Commission des relations du travail pour être assigné
devant un autre juge administratif, afin qu’il procède à l’audition de la
plainte en vertu de l’article
LE TOUT avec dépens.
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_________________________________ michel déziel, J.C.S. |
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Me Annie Francescon BERNARD & BRASSARD |
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Procureure de la demanderesse |
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La mise en cause se représente seule |
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Date d'audience : 15 janvier 2013 |
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[1] Transcription demandée le 17 janvier 2013 par Me Pascale Synnott, procureure de la Commission des relations du travail.
[2] Pièce R-1 - Copie de l’état des renseignements d’une personne morale au registre des entreprises.
[3] Pièce R-2 - Copie de la plainte.
[4] Pièce R-3.
[5] Pièce R-6.
[6]
Dunsmuir
c.
Nouveau-Brunswick
, [2008] R.C.S. 190,
[7]
Groulx-Robertson ltée
c.
Québec (Commission des relations du travail
,
[8] Pièce R-6, par. 29 à 39.
[9]
Graphic Communications
c.
9162-8388 Québec inc.
,