TRIBUNAL D’ARBITRAGE

   RÉGIMES DE RETRAITE ET D’ASSSURANCES

 

C A N A D A                                    

PROVINCE DE QUÉBEC

                                                          

                                                           GILLES FOURNIER

 

ci-après appelé «L’APPELANT  »

 

 

ET

 

COMMISSION ADMINISTRATIVE DES RÉGIMES DE RETRAITE ET D’ASSU-RANCES (CARRA)

 

ci-après appelée  « L’INTIMÉE »

 

 

                                                           Dossier :  2011 5033  

 

Objet :  Contestation par l’appelant de la décision du Comité de réexamen qui lui a été communiquée par poste recommandée le 8 avril 2011 (pages 42 à 47 du dossier d’appel) rejetant à l’unanimité sa demande visant à modifier la réduction de sa rente de retraite et le salaire de référence utilisé pour la période du 28 août 2008 au 27 août 2009, ainsi que sa contestation de la date de prise d’effet de sa retraite graduelle, et maintenant dès lors les décisions rendues par l’intimée (pages 11 et 12 ainsi que 7 et 8 du dossier d’appel) sur ces questions.

 

N/d :  2300-155-G/12

 

ARBITRE :                                                  Me Jean Gauvin

Représentant  de l’appelant :                lui-même     

Procureure de l’intimée :                        Me Alexandre Duplain

                                                                       Services juridiques

                                                                       CARRA

Date d’audience :                                        11 janvier 2013

Lieu d’audience :                                         Québec                                            

Date de la décision :                                   15 janvier 2013       

 

 

DÉCISION ARBITRALE

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I-          MOYEN PRÉLIMINAIRE DE L’INTIMÉE

[1]          Dans un premier temps,  le procureur de l’intimée souligne les faits suivants que révèle le dossier d’appel :

a)            La décision du Comité de réexamen a été transmise par poste recommandée à l’appelant le 11 avril 2011 comme en fait foi le récépissé de recommandation postale obtenu par l’intimée de Poste Canada le 12 octobre 2011 (pièce I-1).

b)            La demande d’arbitrage de l’appelant est parvenue au greffe des tribunaux d’arbitrage par la poste ordinaire et ledit greffe l’a reçue le 12 juillet 2011 (pages 53 à 57 du dossier d’appel).

c)             L’article 181 de la Loi sur le RREGOP est une disposition impérative et le délai de 90 jours de la transmission de la décision du Comité de réexamen qui y est stipulé pour la réception d’une demande d’arbitrage d’une telle décision est un délai de rigueur et de déchéance.

d)            Ladite demande d’arbitrage, tel que le révèle la preuve non contredite découlant du dossier d’appel ainsi que du récépissé de recommandation postale obtenu de Poste Canada, n’a pas été reçue par le greffe des tribunaux d’arbitrage (Régimes de retraite) ou par l’intimée dans le délai de 90 jours de l’article 181 :  elle a été reçue après l’expiration de ce délai.

e)            Cette demande d’arbitrage est dès lors irrecevable et l’arbitre auquel elle a été référée n’a aucune compétence juridictionnelle pour s’en saisir et décider du fond du litige qui en est l’objet.

[2]           Dans un deuxième temps, à l’appui de ce moyen préliminaire concluant à l’irrecevabilité de la demande d’arbitrage et au défaut de compétence juridictionnelle de l’arbitre en regard du fond du litige qui en est l’objet, le procureur de l’intimée dépose les décisions suivantes :

Décision arbitrale numéro 2040213 rendue par Me Serge Brault, le 10 mai 2004, dans l’affaire LÉONARD CHEVARIE -et- CARRA;

Décision arbitrale numéro 2011008 que j’ai rendue le 8 février 2011 dans l’affaire MICHÈLE CHARTIER -et- CARRA;

 

II-         RÉPONSE DE L’APPELANT

[3]           D’une part, l’appelant est invité à ce stade-ci à limiter son argumentaire à l’objection préliminaire puisque, dans l’hypothèse qu’elle soit bien fondée et doive être accueillie, la demande d’arbitrage sera irrecevable et que je n’aurai aucune compétence juridictionnelle pour entendre le litige au mérite et en décider.

[4]           D’autre part, sur la question relative à l’expiration d’un délai de déchéance qui est opposé à la recevabilité de sa demande d’arbitrage, il me réfère à celle-ci, qui est datée du 9 juillet 2011, bien qu’elle n’ait été reçue que le 12 juillet 2011 par le greffe.

[5]          En outre, il invoque qu’il y avait à cette époque une grève tournante qui sévissait aux Postes et qui risquait à tout moment de perturber les activités reliées à la livraison du courrier et même de les paralyser;  avoir au cours de cette période demandé à l’intimée  des documents, qu’elle a longuement tardé à lui communiquer et qui ne lui sont parvenus, en partie, qu’en janvier 2011; qu’il a été contraint d’attendre ainsi à la dernière minute pour soumettre sa demande d’arbitrage;  qu’il n’est pas impossible qu’il ait expédié sa demande d’arbitrage par télécopieur dès le 9 ou le 10 juillet tout en l’ayant alors néanmoins mise à la poste;  enfin, demande un délai jusqu’au 14 janvier 2013 pour effectuer une vérification à ce sujet et m’en faire parvenir, ainsi qu’au procureur de l’intimée, la preuve si tant est qu’une telle télécopie en ait été reçue en temps utile par l’intimée ou par le greffier.

[6]          Je décide alors de cette demande comme suit :  le moyen préliminaire soumis par le procureur de l’intimée sera pris en délibéré à compter du 14 janvier 2013 si l’appelant s’avère dans l’impossibilité de fournir la preuve envisagée, mais à compter du 16 janvier 2013, pour permettre au procureur de l’intimée d’y réagir, dans le cas contraire.

[7]          Le matin du 14 janvier 2013, je reçois de l’appelant une lettre dont copie conforme est également remise au procureur de l’intimée.

[8]          Cette lettre soulève des hypothèses mais ne fournit aucune preuve de l’envoi et de la réception de la demande d’arbitrage par télécopieur ou autrement à une date se situant à l’intérieur du délai de 90 jours de l’article 181 de la Loi sur le RREGOP.

[9]           Le moyen préliminaire est donc pris en délibéré, tel que convenu le 11 janvier 2013, ce 14 janvier 2013.

III-        MOTIFS ET DÉCISION

[10]        L’article 181 de la Loi sur le RREGOP, depuis sa modification par l’entrée en vigueur de l’article 155 du projet de loi numéro 74 sanctionnée le 17 décembre 2004 (L.R.Q., 2004, chap. 39, art. 155), stipule :

« L’employé ou le bénéficiaire peut, dans les 90 jours de la date de  la transmission de la décision du Comité de réexamen, faire une demande d’arbitrage. »

[11]        Antérieurement à cette modification, cet article 181 se lisait jusqu’alors comme suit :

« Un employé peut demander dans les 90 jours de la date de la mise à la poste de la décision du Comité de réexamen, faire une demande d’arbitrage. »

[12]        Cette modification a été apportée afin de rendre cet article 181 de la Loi sur le RREGOP conforme à la Loi sur le cadre juridique des nouvelles technologies de l’information par l’utilisation d’un moyen technologique neutre, les articles 28 et 31 de cette loi y stipulant ce qui suit :

« 28.  Un document peut être transmis, envoyé ou expédié par tout mode de transmission approprié à son support, à moins que la loi n’exige l’emploi exclusif d’un mode spécifique de transmission.

Lorsque la loi prévoit l’utilisation des services de la poste ou du courrier, cette exigence peut être satisfaite en faisant appel à la technologie appropriée au support du document devant être transmis.  De même, lorsque la loi prévoit l’utilisation de la poste certifiée ou recommandée, cette exigence peut être satisfaite, dans le cas d’un document technologique, au moyen d’un accusé de réception sur le support approprié signé par le destinataire ou par un autre moyen convenu.

Lorsque la loi prévoit l’envoi d’un document à une adresse spécifique, celle-ci se compose, dans le cas d’un document technologique, d’un identifiant propre à l’emplacement où le destinataire peut recevoir communication d’un tel document. »;

« 31.  Un document technologique est présumé transmis, envoyé ou expédié lorsque le geste qui marque le début de son parcours vers l’adresse active du destinataire  est accompli par l’expéditeur ou sur son ordre et que ce parcours ne peut être contremandé ou, s’il peut l’être, n’a pas été contremandé par lui ou sur son ordre.

Le document technologique est présumé reçu ou remis lorsqu’il devient accessible à l’adresse que le destinataire indique à quelqu’un être l’emplacement où il accepte de recevoir de lui un document ou celle qu’il représente publiquement être un emplacement où il accepte de recevoir les documents qui lui sont destinés, dans la mesure où cette adresse est active au moment de l’envoi.  Le document reçu est présumé intelligible, à moins d’un avis contraire envoyé à l’expéditeur dès l’ouverture du document.

Lorsque le moment de l’envoi ou de la réception du document doit être établi, il peut l’être par un bordereau d’envoi ou un accusé de réception, ou par la production des renseignements conservés avec le document lorsqu’ils garantissent les dates, heures, minutes, secondes de l’envoi ou de la réception et l’indication de sa provenance et de sa destination, ou par un autre moyen convenu qui présente de telles garanties. »

[13]       En l’espèce, la preuve démontre que le Comité de réexamen a transmis sa décision par poste recommandée à l’intimée le 11 avril 2011, le récépissé de recommandation postale émis par le bureau de poste (pièce I-1) y étant marqué d’un tampon indiquant cette date comme date de l’envoi dudit document à l’appelant, mais elle implique toutefois que la demande d’arbitrage remplie par l’appelant le 9 juillet 2011 n’a pu être reçue, au plus tôt, que le 11 juillet 2011 mais plus vraisemblablement, que le 12 juillet 2011, tel que l’indique le tampon apposé par le greffe des tribunaux d’arbitrage sur réception de ladite demande d’arbitrage (pages 53 à 57 du dossier d’appel), puisque le 9 juillet 2011 était un samedi, qu’il ne se fait pas de livraison de courrier les samedis et dimanches et que le délai de livraison de la poste expédiée par courrier ordinaire est réputé être généralement de 3 jours de la date de sa mise à la poste.

[14]       Il s’ensuit donc que cette demande d’arbitrage a été reçue après l’expiration du délai de 90 jours, puisque la seule preuve de sa réception indique que celle-ci a eu lieu le 12 juillet 2011 et qu’il s’était donc écoulé une période de 92 jours depuis la date du 11 avril 2011.

[15]       De fait, il m’apparaît ici utile de rappeler les dispositions pertinentes du Code de procédure civile du Québec en ce qui a trait aux règles portant sur la computation des délais :

Article 6 :  Sont jours non juridiques : 

a)     les dimanches;

(…)

Article 7 :  Si la date fixée pour faire une chose tombe un jour non juridique, la chose peut être valablement faite le 1 er jour juridique qui suit.

Article 8 :  Dans la computation de tout délai fixé par ce Code, ou imparti en vertu de quelqu’une de ses dispositions, y compris un délai d’appel :

1-     Le jour qui marque le point de départ n’est pas compté, mais celui de l’échéance l’est;

2-     Les jours non juridiques sont comptés; mais lorsque le dernier jour est non juridique, le délai est prorogé au 1 er jour juridique suivant;

3-     Le samedi est assimilé à un jour non juridique.

 

[16]       L’application de ces règles à la demande d’arbitrage de l’appelant se traduit donc comme suit :

1-    Le délai de 90 jours a commencé à courir le 12 avril 2011 et celui de son échéance fut le 10 juillet 2011, alors un dimanche.

2-    Le dimanche étant un  jour non juridique, cette échéance fut dès lors prorogée au lendemain, soit au 11 juillet 2011.

[17]        La demande d’arbitrage de l’appelant a donc été reçue après cette échéance et , conséquemment, après l’expiration de ce délai puisque la seule preuve valable présentée à l’audience et découlant du dossier d’appel est à l’effet qu’elle ne l’a été que le 12 juillet 2011.

[18]       Or, la jurisprudence arbitrale découlant notamment des décisions suivantes :

décision Nicole Bernier, numéro 1998038,

décision Pierre Bélanger, du 2 décembre 1998,

décision Cécile Lanctôt, du 8 mars 2002,

décision Marie-Paule Houle, du 3 janvier 2003,

décision Léonard Chevarie, du 10 mai 2004,

décision Michèle Chartier, du 8 février 2011,

est à l’effet qu’il s’agit d’un délai de rigueur dont le non respect entraîne l’impossibilité pour l’appelant d’être entendu par l’arbitre sur le fond de son recours car celui-ci doit alors déclarer irrecevable  sa demande d’arbitrage.

[19]        Par souci de cohérence avec l’application  qui a ainsi été faite de cet article 181 de la Loi sur le RREGOP dans ces décisions arbitrales, je me dois de m’y conformer car cette application ne m’apparaît nullement déraisonnable et  je n’ai dès lors aucune raison de les écarter.

[20]       POUIR TOUS CES MOTIFS, je n’ai d’autre choix que d’appliquer l’article 181 de la Loi sur le RREGOP dans toute sa rigueur, de déclarer dès lors le recours de l’appelant comme étant irrecevable et, conséquemment, de le rejeter, sans plus.

Québec, le 15 janvier 2013

 

 

 

 

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JEAN GAUVIN, avocat

Arbitre