Chauvette c. Centre de santé dentaire Lanaudière |
2012 QCCQ 16973 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
JOLIETTE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
705-32-011802-110 |
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DATE : |
Le 13 décembre 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
JULIE MESSIER, J.C.Q. |
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LISE CHAUVETTE |
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Partie demanderesse |
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c. |
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CENTRE DE SANTÉ DENTAIRE LANAUDIÈRE |
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-et- |
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DR MARC-ANDRÉ BARRETTE |
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-et- |
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CENTRE DENTAIRE BÉLANGER |
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Lise Chauvette (Chauvette) réclame de Marc-André Barrette (Barrette), dentiste et des centres pour lesquels il travaille, le Centre de Santé dentaire Lanaudière et le Centre dentaire Bélanger, la somme de 7 000 $ alléguant de mauvais traitements, douleurs, ennuis et inconvénients résultant de la faute professionnelle de Barrette dans l'installation d'une nouvelle barre retentive et de nouvelles prothèses.
[2] Barrette nie avoir commis une faute et ajoute que c'est Chauvette qui lui est redevable de la somme de 4 800 $ en paiement des services rendus.
QUESTION EN LITIGE
[3] Chauvette a-t-elle fait la preuve d'une faute professionnelle de Barrette engageant sa responsabilité?
LES FAITS
[4] Chauvette porte des prothèses depuis plusieurs années. En mars 2010, elle consulte le Dr Barrette afin de faire refaire la barre de rétention et les deux prothèses qui s'y rattacheront.
[5] En mars, Barrette investigue le type de matériel qui se retrouve dans la bouche de Chauvette, il appelle les dentistes y ayant travaillé. En avril, il enlève les prothèses pour dévisser la barre de rétention afin de faire les empreintes des implants.
[6] Barrette découvre alors que le matériel se trouvant dans la bouche de Chauvette à deux endroits, est âgé, discontinué, que le laboratoire qui fait les prothèses n'a pas ce matériel de répertorié, et qu'ils n'ont pas les instruments pour y accéder.
[7] Avant d'arriver à ces conclusions, quelques rencontres furent nécessaires. Lorsqu'il annonce à Chauvette qu'il ne peut faire le travail, l'accompagnateur de celle-ci Jean-Pierre Cloutier (Cloutier) indique au dentiste qu'ils pensent à le poursuivre.
[8] Cloutier appelle alors directement le laboratoire. Devant la pression mise par l'ami de la cliente, Dr Barrette organise à son bureau une rencontre avec le technicien du laboratoire et un représentant des pièces Zimmer, soit les pièces problématiques qui n'existent plus aujourd'hui.
[9] Le représentant a des outils pour enlever les vieux implants que ni le dentiste, ni le technicien de laboratoire n'avait, ainsi il est en mesure de déterminer le diamètre des têtes de piliers. Cette information est primordiale afin de faire la barre de rétention. Ce rendez-vous s'est fait le 23 juillet, soit quatre mois après la première rencontre. Le tout a pris environ 12 rencontres ce qui est hors de l'ordinaire.
[10] À partir de là, le dossier se déroule normalement, le technicien fait la barre qui s'avère confortable pour Chauvette. Puis, il prépare les prothèses, les premières faites s'enlèvent avec difficulté. Dr Barrette enlève le tout, remet les anciennes et demande au technicien de les reprendre.
[11] Le 7 octobre, nouvel essai barre et prothèse, essai de deux semaines, c'est la première fois que Chauvette quitte avec l'ensemble dans sa bouche. Chauvette est insatisfaite, elle trouve que les prothèses lui blessent les gencives, qu'elles coupent mal et se nettoient mal.
[12] Après deux rencontres d'ajustements, Barrette offre de reprendre les prothèses. Chauvette refuse cette offre, elle garde le matériel et réclame 2 000 $ en dommages à Barrette à qui, par l'intermédiaire de Cloutier, elle exige de signer une entente à cet effet.
[13] Barrette ne peut accepter les exigences de Chauvette considérant le temps, le travail et l'argent investis. La barre de rétention à elle seule coûte 3 800 $ en honoraires et laboratoire, et le résultat obtenu est satisfaisant. Quant aux prothèses, elle ne nécessitait que des ajustements.
[14] Devant l'impossibilité de s'entendre, Barrette transmet sa facturation de 4 800 $, soit le solde dû sur le contrat total de 6 800 $. À la réception de la facture, Chauvette dépose une plainte au Fonds d'assurance responsabilité-professionnelle. Le Fonds tient une enquête, interroge Chauvette et Barrette, et organise un rendez-vous entre Chauvette et un professionnel indépendant.
[15] Chauvette a déposé une lettre du 29 juin 2011, en provenance du Fonds d'assurance responsabilité-professionnelle de l'Ordre des dentistes du Québec qui énonce les conclusions de l'expert lesquelles sont reprises ici :
« (…)
Pour débuter, l'expert, qui a rencontré votre cliente le 13 avril dernier, a conclu que votre cliente n'avait aucune douleur ou sensibilité aux implants et qu'elle n'avait aucune douleur ou sensibilité ou problème quelconque reliés avec la nouvelle barre machinée sur implants posés par le docteur Barrette.
De plus, il conclut qu'il n'y a aucun dommage relié aux traitements effectués par le docteur Barrette.
(…) »
[16] Après avoir rencontré Barrette une dernière fois et refusé son offre de reprendre les prothèses, Chauvette est allée voir un autre dentiste. Ce dentiste, Jean-François Goyer, n'a pas témoigné à l'audience, mais a déposé une déclaration pour valoir témoignage dont le contenu est entièrement repris.
« Plainte Principale du patient
Madame Chauvette s'est présentée à mon bureau, nous disant qu'elle avait de nouvelles prothèses en bouche, sur une nouvelle barre implanto-portée et qu'elle était insatisfaite autant au point de vue esthétique que fonctionnelles.
Madame avait apporté ses anciennes prothèses avec elle. Je lui ai suggéré de garder son ancienne prothèse du maxillaire supérieur, car celle-ci est en bonne condition et que Madame est bien avec, et lui ai suggéré également de refaire seulement la prothèse mandibulaire sur sa nouvelle barre implanto-portée.
Nous avons donc procédé au traitement tel que discuté avec Madame. Le traitement fait Madame fut très satisfaite du travail effectué.
Dr Jean-François Goyer
(…) »
[17] Le nombre de rendez-vous pour effectuer le travail pour une prothèse seulement n'a pas été démontré.
ANALYSE ET CONCLUSION :
Expertise
[18] Bien qu'annoncé par la demanderesse à sa liste de témoins, le Dr Goyer, le dentiste qui l'a suivie après son passage chez le Dr Barrette n'est pas venu témoigner. Pourtant, il est le seul expert à avoir examiné l'état de la bouche de Chauvette après les derniers essais chez Barrette, ainsi que la qualité du travail de son confrère.
[19] Or, sa déclaration est silencieuse sur les deux sujets. Goyer se contente d'indiquer que Chauvette est insatisfaite de l'esthétique et du fonctionnel, mais il n'émet aucune opinion professionnelle sur l'esthétique et la fonctionnalité des prothèses préparées par Barrette.
[20] De son côté, Barrette a démontré par le dépôt des conclusions du professionnel de l'Ordre que son travail n'avait causé aucun dommage à Chauvette.
[21]
Les articles
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[22] En matière de responsabilité professionnelle, Chauvette devait démontrer qu'il y a eu une faute, qu'elle a eu un dommage et que c'est la faute qui a causé le dommage (lien de causalité).
[23] L'obligation d'un dentiste en est une de moyen [1] . Ainsi, le critère d'évaluation quant à sa conduite est celui objectif du professionnel prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.
[24] La preuve démontre qu'en tout temps, dans le dossier Chauvette, Barrette a exercé son métier avec cette prudence et diligence. Il a identifié en début de dossier une problématique inhabituelle; il a consulté d'autres professionnels afin de trouver une solution; il a emprunté certaines pistes de solution suggérées qui ne se sont pas avérées positives non pas par faute de professionnalisme ou de non-connaissance des règles de l'art, mais par la nature même du matériel se trouvant dans la bouche de Chauvette que tout autre dentiste autre que Barrette n'aurait pu traiter faute d'existence d'outils qui ne sont plus accessibles au professionnel présentement à cause de leur vétusté.
[25] Il a clairement informé sa cliente des limites atteintes et de son incapacité à continuer. C'est cette dernière qui, par une pression avouée, a forcé l'intervention du manufacturier de l'implant, ce qui est fortement inhabituel et démontre encore plus que ce n'est pas le travail de Barrette qui doit être remis ou en cause, mais bien les faits hors du contrôle de chaque partie au dossier.
[26] Grâce à la persistance de Chauvette qui est louable, puisqu'elle apporte la solution au problème avec l'intervention du manufacturier. Grâce à des instruments qui ne sont plus en circulation les informations requises au dentiste et à son technicien de laboratoire ont pu être trouvées.
[27] Aucun événement particulier n'affecte la suite du dossier. Chauvette n'a pas fait la preuve que les prothèses préparées qui nécessitaient des ajustements ne rencontraient pas les critères des règles de l'art. Que des ajustements furent nécessaires ne font pas preuve de la mauvaise fabrication.
[28] Aucune preuve ne soutient les allégations de blessures ou douleurs. D'ailleurs, le Tribunal note la faible crédibilité de Chauvette à ce sujet qui indique « ne pas avoir été en mesure de manger durant toute la durée des événements, soit environ huit mois, ce qui l'a rendu faible et malade ».
[29] Il y a une nette exagération dans le propos de Chauvette qui n'a pu souffrir durant huit mois, puisque durant sept mois, elle portait son ancien matériel, ce n'est que le huitième mois que le nouveau matériel lui fut posé.
[30] En conclusion, Chauvette n'a pas fait la preuve d'une faute ni d'un dommage. Lorsqu'elle a décidé de mettre fin à l'entente, il ne restait que des ajustements. Le Tribunal note qu'une reprise entière lui était offerte afin de la satisfaire entièrement, ce qu'elle a refusé, préférant partir avec tout le matériel sans payer sa facture qui par demande reconventionnelle est réclamée aujourd'hui. Barrette a cédé ses droits quant à la facturation à la Clinique dentaire Bélanger Tremblay inc.
[31] Comme lorsque la décision de Chauvette de mettre fin à l'entente de service, la prestation était complétée nécessitant que des ajustements qui furent refusés par elle, la balance sur le contrat est donc entièrement due.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la demande;
ACCUEILLE la demande reconventionnelle;
CONDAMNE
la demanderesse
à payer à la défenderesse, Clinique dentaire Bélanger Tremblay inc. la somme de
4 800$, avec intérêts au taux légal, et l'indemnité additionnelle prévue à
l'article
CONDAMNE la demanderesse à payer au défendeur Dr Marc-André Barrette les frais judiciaires de 148 $.
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__________________________________ JULIE MESSIER, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
Le 18 octobre 2012 |
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