Karmiris c. Matassa

2013 QCCQ 614

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-123173-108

 

DATE :

11 janvier 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

HENRI RICHARD, J.C.Q.

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JOHN KARMIRIS

Demandeur

c.

ALESSANDRO MATASSA

-et-

ANNA PERSURICH

Défendeurs

 

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JUGEMENT

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[1]            Alléguant la présence d'un vice caché relatif au mur de soutènement d'une partie du terrain vendu, John Karmiris réclame à Anna Persurich et à Alessandro Matassa 7 000 $.

[2]            En contestation, Mme Persurich et M. Matassa plaident qu'aucun vice caché, au sens des articles 1726 et suivants du Code civil du Québec («  C.c.Q.  »), n'affecte le bien vendu au moment de la vente.

 

Question en litige

 

[3]            Un vice caché affecte-t-il, au moment de la vente, le bien vendu par Mme Persurich et M. Matassa à M. Karmiris ?

 

Les faits et l'analyse

 

[4]            Le 24 février 2009, à la suite de deux visites de l'immeuble de Mme Persurich et M. Matassa, M. Karmiris présente une promesse d'achat qui est notamment conditionnelle à une inspection par un expert en bâtiments.

[5]            Cette inspection s'effectue dans les dix jours de cette promesse d'achat et aucun élément n'est soulevé en vue de l'annuler ou de renégocier ses termes et conditions.

[6]            Les visites préachat de M. Karmiris et son inspecteur s'effectuent en hiver et personne ne remarque que le mur qui soutient l'extrémité arrière du terrain s'affaisse, si bien qu'il empiète en partie sur le terrain du voisin. Pourtant, cette situation est notamment décrite au certificat de localisation remis à M. Karmiris qui indique notamment:

« La position d'une partie du muret de bois érigé le long de la limite nord-ouest donne l'apparence d'un empiètement par occupation sur une partie du lot 2 376 510. (voisin arrière) »

[7]            Une preuve contradictoire est présentée quant aux discussions avant l'achat relatives à l'état du mur de soutènement et de l'arrière-cour.

[8]            M. Karmiris témoigne que M. Matassa lui indique que par manque de temps, il omet d'ériger une clôture sur la partie arrière du terrain.

[9]            De son côté, M. Matassa indique que le prix de vente est réduit de 15 000 $ afin de tenir compte des travaux au mur de soutènement qui s'affaisse et dont l'état est apparent.

[10]         L'acte de vente intervient le 27 avril 2009 et M. Karmiris ne visite pas les lieux entre la fin février et la date de signature de l'acte de vente.

[11]         En fait, Mme Persurich et M. Matassa déménagent le 27 juin 2009 et M. Karmiris prend possession des lieux à son retour de voyage de noces, à la mi-juillet 2009.

[12]         Il constate alors l'état d'affaissement du mur de soutènement et du terrain arrière.

[13]         M. Karmiris dénonce et met en demeure Mme Persurich et M. Matassa par lettre du 15 décembre 2009 dans laquelle il fait état de son étonnement « de constater que les poutres de soutien (en bois) retenant le terrain, étaient complètement détruits » et que le terrain de la cour arrière « est inégal et doit être nivelé, et ce, pour permettre la pose du gazon ».

[14]         Le recours de M. Karmiris est fondé sur la garantie légale contre les vices cachés prévue à l'article 1726 C.c.Q. :

«  1726.  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. »

[15]         Quatre conditions relatives au vice doivent être satisfaites afin de conclure à la présence d'un vice caché. Le vice doit être: a) antérieur à la vente; b) grave; c) inconnu de l'acheteur; et d) caché (occulte).

[16]         La détermination du caractère occulte d'un vice est une question de droit.

[17]         Récemment, des auteurs se penchent sur la notion d'« acheteur prudent et diligent » [1] .

[18]         Les enseignements qui en découlent établissent que l'acheteur prudent et diligent  d'un immeuble procède à un examen visuel attentif et complet du bâtiment et du terrain.

[19]         Il importe de préciser que cet examen ne se limite pas à des visites antérieures à la présentation d'une promesse d'achat, mais bien avant la signature de l'acte de vente. Ainsi, les mots « lors de la vente » utilisés à l'article 1726 C.c.Q. ne laissent place à aucun doute.

[20]         Si l'état du terrain en cause, qui est surélevé par rapport aux terrains adjacents, ne peut faire l'objet d'un examen en hiver, le Tribunal doit examiner le comportement de l'« acheteur prudent et diligent », eu égard à la date de la signature de l'acte de vente.

[21]         La vente intervient le 27 avril 2009. Aucun obstacle n'empêche M. Karmiris de procéder à un « examen visuel attentif et complet » de l'immeuble visé en vue de déceler la présence de vices qui l'affectent ou d'indices pouvant en laisser présager l'existence.

[22]         La preuve démontre que M. Karmiris fait défaut, avant l'acte de vente du 27 avril 2009, de procéder à un tel examen visuel attentif. S'il l'avait fait, il aurait facilement constaté l'affaissement du mur de soutènement et, par conséquent, de la partie arrière du terrain qu'il achète.

[23]         Au surplus, la preuve ne permet pas de conclure que le défaut de M. Karmiris de procéder à un tel examen visuel attentif de l'immeuble en cause découle de manœuvres mensongères, frauduleuses ou autres de Mme Persurich ou de M. Matassa. En fait, peu importe les propos échangés quant à l'état de l'immeuble vendu avant la vente, si M. Karmiris avait examiné le terrain arrière, il aurait constaté l'état de décrépitude du mur de soutènement.

[24]         En conséquence, le Tribunal conclut que l'immeuble vendu n'est pas affecté, lors de la vente, d'aucun vice caché au sens de l'article 1726 C.c.Q.   M. Karmiris n'agit pas à titre d'acheteur prudent et diligent en ne procédant à aucun examen visuel attentif et complet de l'immeuble avant de s'en porter acquéreur, le 27 avril 2009.

 

PAR CES MOTIFS, le Tribunal:

 

REJETTE la demande de John Karmiris;

CONDAMNE John Karmiris à payer à Anna Persurich et à Allesandro Matassa 148 $ à titre de frais judiciaires.

 

 

 

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Henri Richard, J.C.Q.

 

 

 

 

Date d’audience :

3 janvier 2013

 



[1]     Isabelle VIENS, « La prudence et la diligence de l'acheteur en matière de vices cachés: un concept à définitions multiples », dans Droit Immobilier - 2 e colloque, La collection Blais, volume 15, Éditions Yvon Blais, 2012, pp. 1-45;

      Geneviève COTNAM et René VINCENT, « Le caractère caché du vice », dans Droit Immobilier, La collection Blais, volume 5, Éditions Yvon Blais, 2010, pp. 73-94.