Section des affaires sociales
En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière
Référence neutre : 2012 QCTAQ 08625
Dossier : SAS-M-196490-1202
MARTINE LAVOIE
SOLANGE TARDY
c.
SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC
[1] Il s’agit d’un recours à l’encontre d’une décision rendue par l'intimée, la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ), le 29 décembre 2011. L'intimée confirme que le requérant doit satisfaire aux conditions suivantes pour obtenir un nouveau permis de conduire :
- subir un examen médical et transmettre le rapport d’examen à la Société;
- se soumettre à une évaluation complète auprès de l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (l’ Association ).
[2] Cette décision est basée sur le rapport d’évaluation sommaire, dont les résultats obtenus démontrent que le comportement du requérant, face à la consommation d'alcool, représente encore un risque pour la sécurité routière.
[3] Bien que dûment convoqué, le requérant n’est ni présent ni représenté à l’audience. Tel qu’autorisé par la Loi sur la justice administrative , le Tribunal a procédé à l’audience en la seule présence du représentant de l'intimée.
[4] À l’audience, le procureur de l’intimée a déposé les questionnaires complétés par le requérant dans le cadre de l'évaluation sommaire. Le Tribunal a émis une ordonnance de non-divulgation et de non-publication des documents.
[5] De la preuve au dossier, le Tribunal retient les éléments suivants.
[6]
À la suite d’une déclaration de culpabilité, survenue le 18 mars 2011
pour une infraction à l'article 253 (a) du
Code criminel
[1]
,
commise le 26 août 2008, soit d’avoir conduit avec les facultés affaiblies, le
permis de conduire du requérant est révoqué ou son droit d’en obtenir un est
suspendu, selon les termes de l'article
[7] Par lettre en date du 1 er avril 2011, la Société avise le requérant que, pour être admissible à l’obtention d’un nouveau permis de conduire à compter du 18 mars 2012, il devra se soumettre à une évaluation sommaire et, si celle-ci est favorable, il devra suivre le programme « Alcofrein ». Si l’évaluation est non favorable, il devra entreprendre une autre démarche.
[8] De même, la Société informe le requérant que, si aucune autre sanction n’est en vigueur à son dossier, il pourra obtenir un permis restreint à compter du 18 juin 2011, en participant à un programme d’utilisation d’antidémarreur.
[9] Le 19 décembre 2011, madame M. Prévost, évaluatrice accréditée par l’ Association , procède à l’évaluation sommaire de la compatibilité du comportement du requérant relativement à la consommation d’alcool ou de drogue, avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier. Cette évaluation est défavorable, d’où la recommandation d’évaluation complète.
[10] L’évaluatrice motive ainsi sa recommandation non favorable :
[Transcription conforme]
« Mister (…) is 40 years old; he is single and lives alone. He completed high school and studies in plumbing. He is working as a plumber since 22 years.
Mister (…) was
referred to undergo a summary assessment according to the article
Mister (…) was
convicted in court for one year on March 18, 2011 for driving/care while
impaired according to the article
In interview, he reported that he drinks one to two alcoholic beverages once or twice a week or less. He said he drinks usually with friends at their home. He also does cocaine (infra nasal) once a month or less from one quart to one half gram. He doesn't use any psychotropic medication. In the past 35 days, Mister (…) drank one or two beers at three different occasions and there was no excessive episode. But on one occasion he also took one quart of gram of cocaine at the same time.
His habits of consumption alcohol and drug were more important before. In December 2008, he went to a rehabilitation program (A). He reports having ceased his consumption about 3 years. He did also the external program at Foster in 2010. He attempts meetings at different peer help group since 2008.
According to the results of self-administrated tests, he presents important indicators of alcohol and drug abuse in the past. In fact, he admitted he had experimented bad feelings about his habits and still he feels bad about it when he consumes. In the past year, he has failed to do what was normally expected from him to do because of drinking. In the past, his relatives (mother) worried about his way of drinking, his drinking created problems such as fights and drunk driving, he asked for help to somebody, he tried to limit himself and thinks it's still important for him to do so; he went for professional treatment and peer help. He mixed alcohol and drug and this enhance the risk of impaired driving. The blood alcohol level at the time of the arrest was high.
ln conformity with the established understanding between the Association des Centres de Réadaptation en Dépendance du Québec (ACRDQ) and the Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ), the summary assessment of Mister (…) must be concluded by a non favorable recommendation based on his lifetime alcohol and drug consumption and the consequences of his habits. In the last year, he feels bad when he drinks and does use drug. Also, he uses drug and alcohol in concomitance and it is important to note that this enhance the risk of impaired driving.
Conclusion:
We confirm that the above-mentioned individual was evaluated. The following elements were noted:
UNFAVORABLE RECOMMENDATION.
Consequently, it is recommended that the above-mentioned individual receive a complete evaluation in order to insure that the individual’s substance use will no longer be considered incompatible with the safe operation of a road vehicle. »
[11] À l’audience, le représentant de l’intimée fait valoir que les tests de l’évaluation sommaire sont uniformes pour tous et qu’aucune discrétion ne permet d’interpréter les résultats. Le procureur fait le survol des réponses fournies par le requérant et met en lumière ce qui a conduit au résultat d’échec. Les habitudes de consommation du requérant expliquent notamment les résultats obtenus.
[12] Le procureur rappelle au Tribunal que son rôle se limite à vérifier si les tests standardisés ont été effectués selon le protocole.
[13] Le Tribunal doit déterminer si la décision de l’intimée, qui oblige le requérant à se soumettre à une évaluation complète, est bien fondée.
[14] Puisque l’infraction visée à l’article 180 a été commise le 26 août 2008, soit avant l’entrée en vigueur de la Loi modifiant le code de la sécurité routière et le Règlement sur les points d’inaptitude (2007, chapitre 40) [3] , ce sont les articles 76 , alinéa 4 et 76.1 du Code de la sécurité routière [4] qui trouvent application. Les extraits pertinents se lisent comme suit :
« 76. […]
[…]
Conditions additionnelles du nouveau permis
Dans le cas où l’infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension en est une visée au paragraphe 4 o du premier alinéa de l’article 180, les conditions additionnelles suivantes s’appliquent à la délivrance du nouveau permis :
1 o si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, la personne ne s’est vu imposer ni révocation ni suspension en vertu du paragraphe 4 o du premier alinéa de l’article 180, elle doit alors :
a) suivre avec succès le programme d’éducation reconnu par le ministre de la Sécurité publique et destiné à sensibiliser les conducteurs aux problèmes de la consommation d’alcool ou de drogue;
b) établir à la satisfaction de la Société, au terme d’une évaluation sommaire faite par une personne dûment autorisée oeuvrant au sein d’un centre de réadaptation pour personnes alcooliques et autres personnes toxicomanes ou au sein d’un centre hospitalier offrant un service de réadaptation pour de telles personnes, que son rapport à l’alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d’un véhicule routier de la classe demandée. En cas d’échec, il doit être satisfait à cette exigence au moyen d’une évaluation complète ;
[…] »
« 76.1 Le nouveau permis délivré en vertu du quatrième alinéa de l’article 76 n’autorise une personne à conduire un véhicule routier pour une période d’un, de deux ou de trois ans selon que, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, la personne s’est vu imposer respectivement aucune, une seule ou plus d’une révocation ou suspension en vertu du paragraphe 4 o du premier alinéa de l’article 180, que s’il est muni d’un antidémarreur éthylométrique agréé par la Société .
[…]
Le présent article ne s’applique pas dans le cas où l’évaluation sommaire prévue au sous-paragraphe b du paragraphe 1 o du quatrième alinéa de l’article 76 établit que le rapport de la personne à l’alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d’un véhicule routier de la classe demandée .
[…]
(Emphase ajoutée)
[15] Comme requis, le requérant s’est soumis à une évaluation sommaire effectuée par l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec . Le rapport de cette évaluation lui fut défavorable. Ainsi, la recommandation émise dans cette évaluation sommaire a été que le requérant se soumette à une évaluation complète afin de s’assurer que ses habitudes de consommation d’alcool ou de drogues ne soient plus incompatibles avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.
[16] D’où la décision, ici contestée, du 29 décembre 2011 posant des exigences en ce qui a trait, notamment, à l’obligation pour le requérant de se soumettre à une évaluation complète.
[17]
Les textes de loi sont clairs. Leur application est stricte et, ni le
Tribunal, ni l’intimée ne peuvent y déroger. Advenant un échec à l’évaluation
sommaire requise pour l’obtention d’un nouveau permis, à la suite d’une
déclaration de culpabilité à une infraction commise à l’article
[18] La procédure standardisée utilisée pour procéder à l’évaluation a été appliquée correctement, et les données sur lesquelles l’évaluatrice s’est appuyée sont valides. Le rôle du Tribunal n’est pas de substituer sa propre évaluation à celle de l’évaluateur ou de remettre en question la pertinence ou la valeur des tests administrés [5] . Le Tribunal doit s’assurer que les tests standardisés ont été effectués selon le protocole. Ainsi, la recommandation non favorable émise par l’évaluateur autorisé et qualifié par l’ Association est valable.
[19] Tel que mentionné par le Tribunal à maintes reprises, les dispositions du Code de la sécurité routière sont d’ordre public et visent la protection du public ainsi que celle du détenteur de permis de conduire.
[20] Conséquemment, tel que prescrit par le Code de la sécurité routière , le requérant n’a d’autre choix, s’il veut obtenir son permis de conduire, que de se soumettre à une évaluation complète et d’y démontrer que son rapport à l’alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.
PAR CES MOTIFS, le Tribunal :
- REJETTE le recours.
Raiche Pineault Touchette
Me Mario Forget
Procureur de la partie intimée
[1] L.R., 1985, c.C-46.
[2] L.R.Q., c. C-24.2.
[3]
Article 96 : disposition transitoire référant à l’article
[4]
Il s’agit des articles
[5] SAS-Q-157317-0908.