Héroux & Associés, s.e.n.c.r.l. c. Bouchard |
2013 QCCQ 764 |
COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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LOCALITÉ DE |
QUÉBEC |
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« Chambre civile » |
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N o : |
200-22-063243-125 |
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DATE : |
1 er février 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE ANDRÉ J. BROCHET, J.C.Q. |
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HÉROUX & ASSOCIÉS, AVOCATS, s.e.n.c.r.l. |
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Demanderesse |
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c. |
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HÉLÈNE BOUCHARD |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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JB3844
LA DEMANDE
[1] La demanderesse, Héroux & Associé, avocats, s.e.n.c.r.l. (Me Héroux), réclame un solde d'honoraires professionnels, de débours et de taxes de 7 597,01 $ plus les intérêts que lui devrait la défenderesse, madame Hélène Bouchard.
[2] Cette dernière retient les services de Me Héroux le 9 août 2010, pour la représenter en modification de garde d'enfants et de pension alimentaire.
[3] Madame Bouchard conteste le solde des honoraires réclamés et invoque plusieurs arguments que nous étudierons distinctement.
[4] Soulignons dans un premier temps qu'une convention écrite et signée d'honoraires et de mandat professionnel intervient entre les parties le 9 août 2010.
[5] Par cette convention, madame Bouchard s'engage à payer des honoraires extrajudiciaires au « taux horaire de 200 $, lesdits services professionnels étant facturés par section de 15 minutes ». S'ajoutent à ces honoraires tous les débours judiciaires et extrajudiciaires.
[6] La convention prévoit aussi que les comptes sont payables sur réception et que des intérêts au taux annuel de 18 % sont calculés sur tout solde impayé passé 10 jours.
[7] La première facture de Me Héroux est datée du 5 juillet 2011, pour la période du 10 août 2010 au 17 juin 2011. Elle est détaillée, clairement présentée et inclut 6 700 $ d'honoraires qui, ajoutés aux débours et taxes, forment un compte de 8 317,93 $. Ce premier compte est payé sans protestation par madame Bouchard.
[8] Le 16 septembre 2011, une deuxième facture est communiquée à madame Bouchard, pour la période du 17 juin au 15 septembre 2011. On y réclame 2 050 $ d'honoraires qui, ajoutés aux débours et taxes, forment un compte de 2 685,80 $. Celui-ci est également payé par madame Bouchard sans commentaires particuliers.
[9] Le 21 juillet 2011, une troisième note d'honoraires concernant la journée du 15 juillet 2011 exclusivement est expédiée à madame Bouchard. 700 $ sont facturés pour un compte total de 847,94 $. Cette facture est acquittée, sans plus.
[10] C'est la quatrième facture, soit celle du 22 février 2012, qui est en litige. Pour la période du 16 septembre 2011 au 14 février 2012, Me Héroux réclame 10 161 $ d'honoraires qui, ajoutés aux débours et taxes, forment un compte de 12 597,01 $.
[11] Le 1 er mai 2012, madame Bouchard verse un acompte de 5 000 $, ce qui laisse un solde de 7 597,01 $ réclamé par les présentes procédures, en plus des intérêts conventionnels au taux annuel de 18 %.
[12] Me Héroux est une avocate reçue au Barreau en 1989 et dûment inscrite au Tableau de l'Ordre lorsque les services professionnels sont rendus. Le taux horaire réclamé à sa cliente n'est pas exorbitant, compte tenu de son expérience d'avocate, et il a été accepté par madame Bouchard.
[13] Voyons maintenant les motifs exposés par madame Bouchard pour refuser de payer le solde du compte.
1) Un aspect important du mandat, soit celui de s'assurer de la régularité des paiements de nature alimentaire faits par le père des enfants, n'a pas été accompli de façon diligente.
[14] Madame Bouchard expose que ce qu'elle réclamait d'abord et avant tout de Me Héroux, c'était l'assurance que les paiements de pension alimentaire versés à l'avenir par son ex-conjoint le soient à date régulière, sans qu'elle soit obligée d'assumer elle-même le paiement des aliments en attendant que ce dernier les fasse.
[15] Elle explique avec beaucoup de sympathie les difficultés qu'elle a rencontrées avec l'ex-conjoint à l'égard du paiement de la pension alimentaire et des autres dépenses reliées aux enfants.
[16] C'est le manque de régularité de Monsieur, pour ne pas dire sa bonne foi douteuse, qui importunait surtout madame Bouchard. Ce problème n'a pas été réglé par le travail professionnel de Me Héroux puisque dès les premières semaines qui ont suivi le jugement entérinant la nouvelle convention à l'égard de la pension alimentaire et de la garde des enfants, l'ex-conjoint a recommencé ses retards dans le versements de la pension.
[17] Me Héroux explique qu'il y a des limites à ce qu'elle peut faire à ce sujet. Elle dit avoir expliqué à Madame qu'elle insisterait sur ce point mais que finalement, l'ultime arme serait l'outrage au Tribunal, qui est une procédure spéciale et qui n'a pas été engagée de toute façon.
[18] À ce sujet, le Tribunal est sensible à ce que madame Bouchard dit. Toutefois, il ne peut imposer à Me Héroux le résultat final qui était demandé puisque dans de telles circonstances, l'avocat n'a qu'une obligation de moyen et il semble que toutes les obligations professionnelles qui étaient à la charge de Me Héroux, à savoir intervention auprès de l'avocat de Monsieur et convention stricte à l'égard des paiements, semblent avoir été accomplis et c'est pourquoi cet argument de madame Bouchard sera rejeté. Un ex-conjoint qui ne paie pas avec discipline et régularité ce qu'il doit pour les enfants est soumis aux règles du percepteur des pensions et de l'outrage.
2) Temps écoulé pour régler le dossier
[19] Madame Bouchard reproche à Me Héroux son manque de diligence et s'appuyant sur le Code de déontologie des avocats , dit qu'elle a manqué à son devoir de faire preuve, dans l'exercice de sa profession, de disponibilité et de diligence raisonnable. (Code de déontologie , art. 3.03.01)
[20] La preuve a révélé qu'effectivement, il y a eu de longues périodes au cours desquelles aucun travail professionnel n'a été fait dans le dossier. Ces périodes sont expliquées partiellement par des problèmes familiaux dont était victime Me Héroux.
[21] Toutefois, le présent litige ne concerne pas comme telle la déontologie, mais les honoraires facturés. Le Tribunal ne peut conclure que ces délais ont entraîné comme tels des honoraires additionnels substantiels qui eurent été différents dans d'autres circonstances.
[22] Par exemple, les vacations à la Cour des 17 et 21 octobre 2011 étaient totalement justifiées, selon les explications de Me Héroux, puisqu'il a fallu retourner devant le Tribunal compte tenu de la nature du dossier.
[23] Une vacation de deux heures pour présentation de la convention devant le juge Michaud implique qu'il a fallu pour Me Héroux qu'elle s'absente de son bureau durant toute cette période pour se rendre au palais de justice et qu'elle présente la requête, soit elle-même ou par son associé, ce qui n'est pas déraisonnable.
3) L'avocat a omis de rendre compte de son travail ( Code de déontologie , article 3.03.04).
[24] Madame Bouchard reproche à Me Héroux son absence de rigueur quant aux relances des suivis du dossier, ce qui a occasionné de multiples retards et diverses correspondances. Il faut comprendre la cliente, qui a constamment besoin de savoir où en est son dossier.
[25] Toutefois, cet argument n'est pas prouvé au point où il influe sur les honoraires. À l'analyse de tous les documents du dossier ainsi que des pièces D-1 à D-8, D-21 et D-24 soumises par madame Bouchard, le Tribunal ne peut se convaincre de la transgression par Me Héroux de cette obligation déontologique alliant une influence sur les honoraires facturés.
4) Crédit à l'égard de la présentation d'un tableau, établissement des arrérages, confusion et incohérence dans la transmission de documents
[26] Madame Bouchard reproche à l'avocate Héroux d'avoir pris beaucoup de temps à préparer des tableaux d'arrérages et d'avoir réclamé aussi inutilement des documents en sa possession, créant ainsi une confusion à l'égard de la présentation de son dossier.
[27] Il appert en effet que Me Héroux disait disposer de documents constituant le dossier complet de madame Bouchard et que plus tard, elle a évoqué le contraire en réclamant diverses factures d'activités, de frais de scolarité, etc. (Lettre du 7 décembre 2010 vs courriel du 19 mai 2011)
[28] Les 31 mai et 16 juin 2011, et Me Bouchard et l'avocate adverse ont relevé des erreurs nécessitant la préparation d'un troisième tableau d'arrérages. Comme le souligne la défenderesse en référant au compte, un total «de 9 heures de calculs et de recalculs» a été rendu nécessaire pour obtenir un simple tableau (défense, par. 9).
[29] Au sujet du présent item, un crédit de 5 heures d'honoraires sera octroyé à madame Bouchard, compte tenu qu'elle a raison de formuler ces reproches à Me Héroux.
5) Rencontre du 15 juillet 2011
[30] Madame Bouchard proteste à l'égard de la rencontre du 15 juillet 2011, en disant qu'elle n'a pas été autorisée et qu'elle n'en a été avisée qu'une fois le fait accompli.
[31] Le Tribunal n'est pas d'accord. Le mandat général que lui avait confié par écrit madame Bouchard autorisait Me Héroux à tenir ces rencontres pour l'utilité de l'avancement du dossier. Si cette dernière en avait objection formelle, elle aurait dû le formuler par écrit à Me Héroux. Le même raisonnement s'applique à l'égard du travail effectué l'après-midi du 28 novembre 2011 pour la rencontre du lendemain, au bureau de l'avocate adverse.
6) Les courriels
[32]
Madame Bouchard conteste le droit de Me Leroux de lui réclamer .25
heures de temps pour les courriels reçus. Elle dit avoir été surprise d'une
telle facturation et invoque un manque d'information, contrairement aux
dispositions de l'article
[33] Cette contestation n'est pas fondée. D'abord, la convention d'honoraires considère le temps consacré au dossier par section de 15 minutes. Ensuite, les premières factures émises par Me Leroux et payées par madame Bouchard contenaient des inscriptions de courriels nombreux. Jamais madame Bouchard n'a protesté à ces inscriptions. Il y a eu acceptation tacite de cette modalité de facturation qui fut peut-être coûteuse, mais acceptée par madame Bouchard.
7) Conclusion
[34] Il a semblé au Tribunal, compte tenu des diverses réflexions faites par madame Bouchard dans les courriels expédiés à Me Héroux faisant part de sa satisfaction et de ses engagements à payer son compte d'honoraires, que cette dernière s'est ravisée puisqu'elle n'était pas satisfaite du résultat final de toute l'opération orchestrée par Me Héroux à l'égard de la pension alimentaire et de la garde des enfants.
[35] Cette réaction, normale puisque, admettons-le, les honoraires de Me Héroux sont quand même importants et substantiels, n'autorisent pas madame Bouchard à renier son engagement de payer les honoraires à raison de 200 $ l'heure. Non plus que sa situation économique, qui était modeste lorsqu'elle signe cette convention d'honoraires, n'autorise le Tribunal à annuler ou amoindrir les effets de la convention d'honoraires.
[36] Faut-il le préciser une autre fois, le Tribunal ne siège pas en matière déontologique dans la présente affaire, mais est appelé à juger de la justesse et du bien-fondé d'une réclamation d'honoraires d'avocat.
[37] L'analyse détaillée de tous les comptes ne fait pas voir de services professionnels rendus de façon excessive, démesurée et étrangère à la recherche de bons résultats pour madame Bouchard, sauf à l'égard de 1.25 heure chargée pour la préparation du dossier pour fin d'entreposage qui ne consiste aucunement en des services professionnels et qui sera créditée au compte, ainsi que de 5 heures excédentaires pour la préparation du tableau d'arrérages.
[38] Ainsi donc, madame Bouchard aura droit à un crédit de 6.25 heures, soit 1 250 $, formant ainsi un solde de 6 159,82 $ avec les taxes.
[39]
Quant aux intérêts, les articles
[40] Il y a lieu de mitiger les dépens en les limitant aux débours, la demanderesse ayant plaidé sa propre cause contre celle qui fut jadis une cliente.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
CONDAMNE la défenderesse, madame Hélène Bouchard, à payer à la demanderesse, Héroux & Associé, Avocats, la somme de 6 159.82 $, avec les intérêts au taux de 18 % l'an à compter du 30 mai 2012.
AVEC DÉPENS limités aux débours légaux.
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__________________________________ ANDRÉ J. BROCHET, J.C.Q. |
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Me Marie-Claude Héroux |
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Héroux & Associé |
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Procureure de la demanderesse |
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Madame Hélène Bouchard |
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[…] Québec (Québec) […] |
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Défenderesse |
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Date d’audience : |
12 septembre 2012 |
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