TRIBUNAL d'ARBITRAGE

 

 

CANADA

PROVINCE de QUÉBEC

 

N° de certificat de dépôt DQ-2013-0510

 

Le 28 octobre 2012

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE de GRIEF

Code du travail, L.R.Q., c. C-27, article 100

 

 

 

 

VILLE de MONTRÉAL «l'Employeur»

 

-ET-

 

SYNDICAT des COLS BLEUS REGROUPÉS de MONTRÉAL

(SYNDICAT CANADIEN de la FONCTION PUBLIQUE (SCFP))

SECTION LOCAL 301)

«le Syndicat»

 

-et- Madame Jeanne Masson «la Plaignante»

 

 

Nature des griefs n° griefs n ° 031039 et 030989: suspension sans solde de deux jours

 

Date respective des griefs: 27 septembre 2003 et 18 octobre 2003

 

Convention collective 1995 - 2000

 

 

 

 

Noël Mallette, arbitre de grief

 

 Monsieur Yvon Pagé, représentant de l'Employeur

Me Ronald Cloutier (SCFP), procureur du Syndicat

 

 

 


La PRÉSENTATION des PARTIES

 

[1]        L'Employeur, la Ville de Montréal , représente en l’espèce l’arrondissement de Ville-Marie, également connu sous l’appellation d’arrondissement (ville) centre. Les griefs de la Plaignante proviennent du Service des travaux publics, la division Parcs et horticulture de cet arrondissement.

 

[2]        Le Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, la section locale 301 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), accrédité sous l'empire du Code du travail du Québec, L.R.Q., c. C-27, et affilié à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), représente les salariées et salariés de l'unité d'accréditation des cols bleus.

 

[3]        Me Ronald Cloutier représentait le Syndicat, tandis que monsieur Yvon Pagé, conseiller principal en relations de travail, occupait pour l'Employeur.

 

 

L'EXPOSÉ de CAUSE

 

[4]        L’Employeur a imposé à la Plaignante deux suspensions disciplinaires d’une durée de deux journées chacune, pour insubordination et incivilité, d’abord le 27 septembre 2003 puis le 18 octobre 2003. Le Syndicat les conteste.

 

 

La COMPÉTENCE de l'ARBITRE

 

[5]        Le procureur du Syndicat et le représentant de l'Employeur ont procédé aux constats d'usage et ainsi reconnu, au moment opportun à cet effet, avoir respecté les dispositions impératives du paragraphe 21.05 de la convention collective relativement à l'acheminement du grief dont je suis validement saisi, en plus de convenir de la légalité du processus de ma nomination à titre d'arbitre par le ministre du Travail. Le représentant de l'Employeur a reconnu devoir assumer le fardeau de la preuve, en matière disciplinaire.

 

 

La PREUVE DOCUMENTAIRE et TESTIMONIALE

 

[6]        Le représentant de l'Employeur a produit les témoins suivants: (1) la Plaignante, madame Jeanne Masson, au service de l’Employeur depuis le 11 janvier 1998, aux titres de chauffeuse de véhicules motorisés et de jardinière, sous le statut de salariée temps plein; (2) monsieur Claude Nicol, contremaître en horticulture à la division des parcs de l’arrondissement Ville-Marie et supérieur hiérarchique actuel de la Plaignante; (3) madame Isabelle Goulet, contremaîtresse en horticulture d’une douzaine de subalternes, à l’arrondissement Ville-Marie, en poste depuis sept ans et supérieure hiérarchique de la Plaignante au moment de la survenance des événements qui ont débouché sur les griefs, qui affiche une formation académique en biologie et en botanique et dont l’expérience chez l’Employeur l’a amenée à d’abord exercer des fonctions de préposée aux travaux et à la propreté, de chauffeuse-opératrice d’appareils motorisés, de jardinière - jardin botanique ou régions ou chauffeuse et de jardinière. Le procureur du Syndicat n’a, quant à lui, produit que la Plaignante.

 

[7]        La preuve des parties à l’arbitrage tient, dans un premier temps, comme toujours en pareille matière, essentiellement aux lettres des mesures disciplinaires de l’Employeur à l’encontre de la conduite de la Plaignante, de même qu’aux griefs du Syndicat qui les ont contestées. S’ajoutent exceptionnellement, en l’espèce, à la preuve testimoniale, des notes personnelles et contemporaines des deux principales intervenantes au dossier, la Plaignante et sa supérieure immédiate, madame Goulet. 

 

[8]        Madame Goulet a en effet consigné en un document de plus de cinq pages à interligne simple une chronique des manquements quasi quotidiens reprochés à la Plaignante durant l’été 2003, du 31 mai au 22 septembre, intitulée liste des principales dérogations aux règlements de Jeanne Masson (566559) jardinière, pour la saison estivale 2003 (pièce E-6). Chaque incident identifié n’a pas débouché sur un avis d’infraction spécifique, à l’exception des fautes qui ont conduit aux deux lettres de suspension sans solde (pièces S-3 et S-6). Je ne retiendrai d’ailleurs de cette liste que les notes des journées spécifiques qui ont débouché sur l’imposition d’une mesure disciplinaire, bien que tout le document soit en preuve.

 

[9]        Monsieur Nicol explique la pratique de l’Employeur selon laquelle chaque remontrance formulée à l’endroit d’un salarié de l’Employeur est consignée dans un constat d’infraction remis devant témoin. Madame Goulet souligne donc que, quant à elle, sa contribution directe à l’imposition des sanctions disciplinaires à la Plaignante tient aux constats d’infraction formels (pièces E-4.1 à E-4.6). Je ne les reprends pas ci-après parce qu’ils n’ajoutent rien au dossier et qu’ils ne me paraissent pas synchronisés rigoureusement aux avis de mesure disciplinaire . Monsieur Nicol souligne que ces avis de mesure disciplinaire (pièces S-3 et S-6) sont l’œuvre du comité de discipline de l’Employeur, pas son seul fait ni celui de madame Goulet.

 

[10]      Enfin, les notes personnelles et contemporaines de la Plaignante, élaborées en réplique partielle aux commentaires de sa supérieure et aux mesures disciplinaires de l’Employeur à son endroit, sont regroupées en trois documents qui réfèrent respectivement aux événements des 6 septembre (pièce E-1), 7 septembre (pièce E-2) et 8 septembre (pièce E-3), relatifs à la première sanction disciplinaire (pièce S-3). La Plaignante n’a en effet pas consigné ni soumis de notes personnelles relatives à sa seconde mesure disciplinaire (pièce S-6). Je citerai donc, dans le résumé de la preuve documentaire et testimoniale des parties, d’abord les notes contemporaines et personnelles de ces deux personnes, puis leurs témoignages respectifs.

 

[11]      Madame Goulet est assujettie à un horaire quotidien de 11,67 heures, de 6h15 à 18h45, du lundi au mercredi, de la mi-avril à la fin d’octobre de chaque année. Cet horaire de travail correspond à celui de la Plaignante.

 

[12]      La Plaignante occupait, à l’été 2003, au moment de la survenance des événements qui ont donné lieu aux présents griefs, la fonction supérieure de jardinière - jardin botanique ou régions et chauffeuse, en plus de celle de chauffeuse de véhicule motorisé. La Plaignante soutient effectuer les tâches de jardinière auprès de l’Employeur depuis 1998 et elle prétend ne jamais avoir rencontré de problèmes auparavant relativement à sa prestation. Elle estime avoir effectué «toutes les tâches pertinentes», en cinq ans, à compter de son embauche jusqu’au moment de la survenance des événements qui ont débouché sur les mesures disciplinaires et sur ses deux griefs. La Plaignante précise que certains éléments de sa description de tâches sont écrits, d’autres verbaux, sans préciser lesquels ni en déposer la version écrite.

 

[13]      Monsieur Nicol identifie deux endroits appelés clos qui servent de lieux de rassemblement et de points de départ du personnel, au moment du début du quart de travail, vers divers sites situés dans l’arrondissement desservi, d’abord le 2915 de la rue Ste-Catherine, à Montréal, puis le 1800 du chemin Remembrance, à Ville Mont-Royal. La Plaignante était affectée, à la fin de l’été 2003, au premier clos.

 

[14]      La Plaignante est présentement la subalterne de monsieur Nicol mais, au moment des événements litigieux, madame Goulet occupait cette même fonction de supérieure hiérarchique de la Plaignante.

 

[15]      Madame Goulet dit avoir toujours communiqué ses directives chaque jour à chacune de la douzaine de ses subalternes, de manière à les informer clairement des tâches à accomplir et à s’informer, en retour, des progrès réalisés dans la prestation et des difficultés rencontrées. Elle indique que ses directives quotidiennes, de même que celles de monsieur Nicol, sont généralement orales mais qu’elle les formule parfois par écrit, si leur compréhension s’avère difficile, tel qu’il appert de tous les constats d’infraction (pièces E-4.1 à 4.6). La Plaignante exigeait toujours par ailleurs des directives écrites et madame Goulet s’y est toujours pliée, pour éviter, comme par le passé, qu’elle s’abstienne d’exécuter les ordres uniquement verbaux.

 

[16]      Les directives du 21 septembre 2003 (pièce E-5) sont l’illustration du mode de fonctionnement de madame Goulet (bien que toutes les directives n’aient pas été produites à l’arbitrage):

 

Médéric-Martin, cour Hochelaga.

1.   Désherber les plates-bandes d’arbustes et les nettoyer. Faire de même avec les espaces d’arbres, le sol, les escaliers, les bordures de l’espace de la station d’autobus. Nettoyer tout le secteur montré le 20 septembre par le contremaître.

2.   Plate-bande de fleurs et d’arbustes, coin s/o de Jeanne-Mance et Maisonneuve. Désherber, nettoyer la plate-bande. Retirer les fleurs mortes SEULEMENT et les branches mortes SEULEMENT .

(soulignés et majuscules dans le texte)

 

[17]      Madame Goulet explique que la prestation de la Plaignante s’avère toujours insatisfaisante, en dépit du suivi quotidien qu’elle assure de sa prestation. L’Employeur ne dispose pas pour autant d’une grille d’analyse qui lui permette de jauger le rendement de la Plaignante selon des attentes mesurables strictes.

 

[18]       Le premier geste répréhensif de la Plaignante dans le présent dossier survint le 6 septembre 2003. La mesure disciplinaire qui le sanctionne a aussi tablé sur trois autres incidents, deux en date du lendemain 7 septembre et un quatrième survenu le 8 septembre.

 

[19]      L’Employeur a en effet imposé, le 27 septembre 2003, une première de deux suspensions sans solde de deux jours, à compter du lendemain, pour les motifs énumérés au formulaire intitulé avis de mesure disciplinaire (pièce S-3):

 

Compte tenu de l'infraction (des infractions) suivante(s) commise(s) le ou vers le (date et heure),

 

1. 06/09/2003 Parc Félix-Antoine Savard (fonction travaillée 232).

Refus de se conformer aux directives de son contremaître. Elle a coupé des branches d'arbres malgré l'interdiction formelle émise quelques minutes avant et a retardé l'exécution de la tâche demandée

 

2. 07/09/2003 Planétarium Dow (fonction travaillée, 232)

Refus d’entendre les recommandations et directives de son contre maître. Quitter les lieux de travail sans autorisation.

 

3.   07/09/2003 Planétarium Dow (fonction travaillée, 419)

Refus de se conformer aux directives émises par son contremaître. Elle a refusé de nettoyer les plates-bandes, tel que demandé oralement et par écrit.

 

4. 08/09/2003 2915, rue Ste-Catherine (fonction travaillée, 232)

Refus d'écouter les directives de son contremaître. Refus d’exécuter le travail demandé en quittant les lieux agressivement sans autorisation.

 

Suspension de 2 jours à compter du 28 septembre 2003.

 

[20]      Les parties ont tenu le 13 septembre 2003 (pièce S-2) la rencontre préalable à l’imposition d’une mesure disciplinaire, prévue au paragraphe 20.03 de la convention collective.

 

[21]      Avant de référer, le 20 janvier 2004 (pièce S-5), le grief à l’arbitrage, le Syndicat l’a d’abord logé auprès de l’Employeur sous le n° 03-0989 (pièce S-4), le 17 novembre 2003, en contestation de cette suspension sans solde de deux jours:

 

Nous considérons injustifié l'avis de suspension imposé à l'employée, citée en rubrique, le 27 septembre 2003 relativement à des incidents survenus les 6, 7 et 8 septembre 2003.

 

Conséquemment, en vertu des dispositions de la convention collective de travail, nous demandons en faveur de Mme Masson, le retrait immédiat de l'avis de suspension de 2 jours daté du 27 septembre 2003 de son dossier et réclamons en son nom, le remboursement du salaire perdu aux taux du temps régulier et supplémentaire pour les journées de suspension qu'elle subissait les 28 et 29 septembre 2003 et pour tous les jours subséquents avec paiement des intérêts légaux ainsi que les indemnités prévues à l'article 100.12 du Code du travail , le tout payable dans les 120 jours du règlement. De plus, nous réclamons tous les bénéfices et avantages se rattachant à cette réclamation.

 

[22]      La première faute reprochée à la Plaignante, le 6 septembre 2003, est ainsi libellée, à l’ avis de mesure disciplinaire (pièce S-3):

 

1. 06/09/2003 Parc Félix-Antoine Savard (fonction travaillée 232).

Refus de se conformer aux directives de son contremaître. Elle a coupé des branches d'arbres malgré l'interdiction formelle émise quelques minutes avant et a retardé l'exécution de la tâche demandée

 

[23]      La liste des principales dérogations aux règlements de Jeanne Masson […] pour la saison estivale 2003 (pièce E-6), dressée par madame Goulet relativement aux incidents reprochés le 6 septembre 2003, est la suivante:

 

6 septembre, Parc Félix-Antoine Savard

19. Mme Masson reçoit pour mandat de tailler un bosquet jugé dangereux, Je prends soin de lui interdire à nouveau de tailler les arbres environnants. Armée de mon scepticisme, je dois constater sur les lieux, à 8h30, qu'elle est en train de tailler un grand sapin et que le travail demandé n'a pas été commencé.

 

20. Pour cette offense et conséquemment à la répétition de mes interdictions, Madame recevra un premier avis pour cette infraction le lendemain, 7 septembre 2003.

 

[24]      La Plaignante a soumis la réplique suivante (pièce E-1) à l’ avis de mesure disciplinaire (pièce S-3):

 

Signature 6 septembre 2003 à 8 h 30 - mission - sous-traitance - servir des intérêts politiques.

 

1.   Conformément à l'article 4.9.1, vous ne vous êtes pas conformée aux directives émises par votre contremaître. Lieux Parc Félix-Antoine Savard Référence: Taille d'arbres malgré l'interdiction.

 

2.   Madame Goulet, qui ne veut recevoir d'ordre, bien entendu, des employés, ne cesse de me dire comment faire mon travail qui est fort simple: pour cet été 2003, l'entretien des parcs

 

3.   Ainsi, régulièrement, Madame Goulet m'empêche de remplir ma mission: soit de rendre les parcs propres, sécuritaires et esthétiques afin de répondre aux besoins et attentes bien légitimes d'une clientèle déjà fort insatisfaite: Policiers (qui me suggèrent de raser le tout) et citoyens, même les itinérants et parents qui trouvent leurs parcs bien sales, inesthétiques et dangereux.

 

4.   Cette dame me fixe constamment des délais d'exécution irréalistes en temps alors que cette tâche d'entretien est difficile à évaluer. De plus, volontairement cette dame ne me procure pas les outils appropriés lorsque nécessaire pour effectuer de façon performante mes tâches (loader / souffleuse). D'ailleurs, aucun contremaître mature ne m'a fixé de délai jusqu'à date. On me laisse gérer mon temps en toute responsabilité.

 

5.   Cette dame discrédite régulièrement mon travail et cherche constamment à faire de moi une urgentologue, en m'assignant uniquement au désherbage alors que ma tâche de jardinière ne se limite pas à cela. Je me [sic] dois enlever également les branches mortes, dangereuses pour la sécurité des jeunes et inesthétiques pour le commun des mortels.

 

6.  Je m'interroge sur les intentions de ma contremaîtresse ainsi que de la mission de la Ville envers ses jardinier(e)s:

● Veut-on, à la demande des émondeurs, protéger leur travail, alors que cette taille (à partir du sol) relève des jardiniers (ranimer le conflit entre jardiniers et émondeurs)?

● Veut-on faire une dompe des parcs afin de déplaire assez aux citoyens afin de tout raser pour y construire, entre autres, des condos, entre autres (plus d'argent)?

● Veut-elle éliminer nos emplois, en démontrant notre incompétence, afin d'avoir recours à la sous-traitance (éliminer nos jobs)?

● Veut-on gérer le temps dans les parcs?

● A-t-on des intentions inavouées de servir certains intérêts politiques en discréditant mon travail?

 

Cette [sic] interrogation doit être soumise au Syndicat et possiblement au ministère du Travail.

 

7.   Pour ma part, il serait grandement suffisant que Madame Goulet m'indique uniquement le parc à nettoyer en mettant l'accent sur tel aspect; c'est tout et qu'elle cesse de me narguer lorsqu'elle vient me retrouver sur les lieux du travail. Celle-ci profiterait grandement d'une formation accélérée en relation [sic] de travail.

 

8.   Les branches taillées et laissées dans ce parc étaient celles d'un citoyen. Mais je constate que mon arrêt de mort est quasiment signé lorsque je coupe une branche morte, inesthétique ou dangereuse et qui relève de ma compétence. Mais lorsque ces mêmes contremaîtres décident de saccager un parc au désarroi et grogne des citoyens impuissants, ou sont les représentants, défenseurs de ces citoyens?

 

9.   Je demande la mise à l'ordre et une évaluation de ces contremaîtres à leur patron et/ou une évaluation des gestionnaires au ministère du Travail.

 

[25]      La Plaignante qualifie la teneure générale de ce document de réplique au manque de respect de madame Goulet à son endroit. Puis elle en décrit certains éléments. Du paragraphe n° 3 elle dira qu’elle réfère ainsi à l’entretien général d’un parc. La Plaignante dit ramasser les papiers qui y trainent et essuyer les critiques de tous les citoyens. Les limitations de mouvements et les restrictions que lui impose sa contremaîtresse génèrent de la frustration tant chez elle que chez les citoyens qu’elle dessert.

 

[26]      La Plaignante dit même prendre des initiatives telles vider des poubelles pleines bien que cette tâche relève plutôt d’un préposé aux travaux et à la propreté qu’à son propre titre de jardinière. La Plaignante se défend néanmoins de «prendre le travail d’un autre». Elle dit s’imposer les mêmes obligations relativement aux tâches réservées aux émondeurs et elle s’autorise à couper les branches d’arbres qui pendent «au niveau des yeux», par mesure de sécurité.

 

[27]      À la question de savoir si les directives de la contremaîtresse du début du quart de travail de ce jour-là en particulier étaient de «couper des branches d’arbres», la Plaignante décrit le degré de saleté du parc et sa dangerosité, du fait qu’il ait été mal entretenu depuis longtemps, devenu «presque un dépotoir», et elle conclut avoir exécuté la directive de madame Goulet de «nettoyer le parc». L’automne constitue, selon elle, une saison propice à cet égard du fait de l’accumulation de déchets tout au long de l’été. Les reproches de l’Employeur à son endroit tenaient au fait qu’elle aurait coupé des branches d’arbres sans autorisation. Il appert toutefois que l’amas de branches qui s’y trouvaient n’était pas son fait à elle, mais plutôt celui de citoyens.

 

[28]      La Plaignante déplore, au paragraphe n° 5, son rôle d’urgentologue. Cette assertion tient au fait que le 24 août 2003, au Planétarium, on lui a reproché sa prestation réalisée en 1½ journée qui aurait normalement dû en prendre 4, selon elle, puisque le parc avait été négligé durant une année. Madame Goulet n’avait pourtant pas spécifié au préalable la durée de cette intervention.

 

[29]      La Plaignante réfère à la «mission de la Ville envers ses jardiniers», au paragraphe n° 6 de son document. Cette assertion découle, selon la Plaignante, d’une «interrogation» qui lui vient du fait de plaintes de policiers et de simples citoyens relativement à l’état des parcs, de leur nombre sans cesse décroissant et du travail d’entretien moindre qui s’y effectue. Quant à la référence au ministère du Travail du même paragraphe, la Plaignante avoue «ne pas trop s’y connaître en la matière», de même qu’au partage des tâches respectives des émondeurs et des jardiniers. Elle déplore à cet égard la pression exercée par les émondeurs pour élargir leur domaine d’intervention aux dépens de celui des jardiniers.

 

[30]      La Plaignante rappelle ainsi sa version des faits relatifs au premier reproche contenu à l’ avis de mesure disciplinaire (pièce S-3). Madame Goulet est arrivée sur les lieux vers 8h30, ce 6 septembre 2003. Il s’y trouvait déjà «un tas d’arbres» et madame Goulet a blâmé la Plaignante d’avoir coupé des branches d’arbres, à l’encontre des directives exprès. La Plaignante estime cependant que ce tas de branches est plutôt le fait d’une opération menée dans le parc par un citoyen. La seule coupe pratiquée par la Plaignante, selon elle, ne visait que les branches et les feuilles qui gênaient alors l’exécution de son travail.

 

[31]      La Plaignante continue à nier avoir coupé des branches, à l’encontre des directives de sa contremaîtresse. L’émondage qu’elle soutient avoir pratiqué visait la protection exclusive de ses yeux mis en danger par des branches à cette hauteur précise. Madame Goulet contredit cependant la Plaignante qu’elle a effectivement surprise ce jour-là «à tailler les branches d’un grand sapin jusqu’en bas», sans danger au niveau des yeux, contrairement à ses prétentions. Madame Goulet qualifie d’ailleurs généralement le travail de la Plaignante, dans ses tâches d’émondage et de nettoyage, de «destruction».

 

[32]      La Plaignante conteste l’accusation d’avoir enfreint les directive de madame Goulet, et pourtant elle admet du même souffle ne pas se souvenir de ces directives. La Plaignante corrige ensuite son témoignage sur cette même question et soutient, de façon plutôt confuse, avoir émondé, à la hauteur des yeux, un arbre, certes pas d’en avoir coupé des branches. Puis elle prétend de nouveau ne plus se souvenir, pour finalement conclure: «Mettez: «non». Je n’ai pas coupé de branches».

 

[33] La Plaignante avait manifesté plusieurs fois sa préférence pour «tailler les branches vivantes» des arbres, aux dires de madame Goulet. Outre que cette affectation ne répondait pas à une urgence du moment, madame Goulet explique que l’été ne constitue pas le moment approprié pour s’adonner à ce genre de tâches, saison plus propice à l’émondage des branches mortes.

 

[34]      Madame Goulet insiste en effet pour rappeler tous les matins qu’on s’abstienne du rabattage, c’est-à-dire de couper les branches vivantes. Cette tâche du rabattage des arbustes, jamais des arbres, ne s’exécute qu’en fin de saison, aux trois ou quatre ans. La Plaignante faisait ainsi fi de ses directives et n’en faisait qu’à sa tête de couper des branches saines, tout en évitant le désherbage que madame Goulet lui avait pourtant confié.

 

[35]      Celle-ci dit s’être rendue auprès de la Plaignante pour lui rappeler ses directives de même que ses interdictions, puisque le comportement de la Plaignante constituait un danger pour la santé des plantes au point que la désobéissance de la Plaignante aux directives explicites mettait en cause son jugement. Malgré les répétitions nombreuses des directives, la Plaignante se distrayait dans des tâches qu’elle devait s’interdire d’exécuter et négligeait celles pressantes à réaliser.

 

[36]      La Plaignante reconnaît enfin que les directives de madame Goulet visaient bien le nettoyage du parc, ce que la Plaignante estime avoir accompli. Le parc s’avérait tellement sale que la Plaignante dit y avoir rempli 32 sacs de déchets.

 

[37]      Ces directives spécifiques de la journée relatives au nettoyage du parc et transmises à la Plaignante trouvaient leur origine au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) qui estimait l’emplacement de ce parc dangereux, selon madame Goulet, sans préciser davantage.

 

[38]      La seconde faute reprochée à la Plaignante, le 7 septembre 2003, est ainsi libellée, à l’ avis de mesure disciplinaire (pièce S-3):

 

2. 07/09/2003 Planétarium Dow (fonction travaillée, 232)

Refus d’entendre les recommandations et directives de son contre maître. Quitter les lieux de travail sans autorisation.

 

[39]      La liste des principales dérogations aux règlements de Jeanne Masson […] pour la saison estivale 2003 (pièce E-6), dressée par madame Goulet relativement à la première série d’incidents survenus le 7 septembre 2003, est la suivante:

 

7 septembre, Planétarium Dow

21. Le 25 août, Mme Masson a reçu comme mandat (requête de citoyens) de nettoyer une plate-bande d'arbustes pleine de déchets devant le Planétarium. De plus, elle doit désherber deux carrés de sable de 25 pi 2 environ. Il est important de préciser que l'ensemble du travail ne comporte aucun risque pour la santé, même minime, et pourrait être accompli par quiconque, voir un enfant de 5 ans, sans aucune formation et en une demi-journée, au plus une journée de travail. Les deux contremaîtres se déplacent sur les lieux afin de s'assurer que Madame a bien compris son mandat et afin de lui préciser pour la n-ième fois les interdictions de taille.

 

22. À la fin de la journée, les tâches demandées n'ont pas été accomplies et deux haies se sont trouvées taillées malgré nos interdictions. Les 26 et 27 août, je lui précise mes ordres à nouveau avec plus d'insistance. Mme Masson a travaillé durant 3 jours de 11,67 heures dans ce parc, sans ne jamais avoir accompli les deux seules tâches demandées par ses supérieurs. Je constate qu'elle a taillé tous les arbustes du Planétarium.

 

23. De plus, le 26 août, Mme Masson n'était pas sur les lieux du travail une heure après avoir quitté le clos Ste-Catherine (8h15). Je l'ai appelé [sic] sur les ondes sans aucune réponse. Lorsque je lui demande où elle était en matinée, elle me répond avec désinvolture: «comment veux-tu que je le saches [sic]!».

 

24. Mme Masson s'obstine avec insistance, acharnement et agressivité progressifs qu'elle ne peut nettoyer la haie tel en insistant sur le fait que ca prend deux personnes pour accomplir la tâche sans se blesser, hors de tout doute afin de couvrir son refus d'obtempérer. Elle refuse également de désherber les carrés de sable en affirmant les avoir désherbé [sic] durant une journée complète, puis en ajoutant que si ca ne paraissait pas, c'est parce qu'une machinerie lourde est essentielle pour accomplir cette tâche sans risquer de blessures.

 

[40]      Ce travail à effectuer devant l’édifice du Planétarium était planifié de longue date mais la Plaignante ne s’y consacrait pas. Monsieur Nicol et madame Goulet ont attendu deux semaines avant d’aborder la question avec la Plaignante dont la réaction agressive les a surpris tous eux. Le ton de la Plaignante était belliqueux mais «pas aux décibels élevés» et son expression affichait, selon monsieur Nicol, un «je-m’en-foutisme» total, en plus d’une fermeture absolue à toute communication de sa contremaîtresse qu’elle «a envoyée paitre» magistralement. Monsieur Nicol ajoute s’être senti également visé par le mépris et l’agressivité des propos et de l’expression de la Plaignante. Il dit cependant s’être abstenu d’intervenir dans cet esclandre.

 

[41]      La Plaignante soumet ensuite sa version des événements qui ont débouché sur les reproches identifiés au paragraphe n° 2 de l’ avis de mesure disciplinaire (pièce S-3), relatifs à sa prestation au Planétarium et qui se subdivise en deux éléments, d’abord le «r efus d’entendre les recommandations et directives de son contre maître», puis celui de «quitter les lieux de travail sans autorisation».

 

[42]      La Plaignante décrit la nature des directives comme celles propres à la tâche de jardinière en l’espèce, à cet endroit, entreprises le 24 août 2003. Ce mandat consistait à nettoyer quatre platebandes situées des côtés nord et sud de l’édifice, de même qu’un «carré de sable» de la section nord. Madame Goulet lui reprocha alors, le 7 septembre, des événements survenus le 24 août 2003.

 

[43]      Pendant que la Plaignante se trouvait au stationnement sud, madame Goulet se rendit vers le stationnement nord, bordé d’une haie. Quel ne fut pas l’étonnement de la Plaignante de voir madame Goulet retirer de sous la haie devant elle une feuille de papier qu’elle exhiba à la Plaignante. Celle-ci estimait pourtant avoir laissé «impeccable» cette haie la semaine précédente.

 

[44]      La Plaignante nie avoir refusé d’entendre des reproches de madame Goulet à son endroit. Les directives lui imposaient de nettoyer l’arrière du Planétarium, tâche qu’elle dit avoir exécutée.

 

 

 

[45]      Elle admet y avoir vu sa contremaîtresse et s’être dirigée, à 10h45, vers sa camionnette en vue d’aller dîner. C’est alors que l a Plaignante s’est ensuite rendue coupable d’une seconde faute, celle de «quitter les lieux de travail sans autorisation».

 

[46]      L’incident est donc survenu vers le moment de la pause du dîner. Madame Goulet parlait à la Plaignante et celle-ci s’est réfugiée au même moment dans sa camionnette et elle a filé. La Plaignante s’est en effet défilée au moment où madame Goulet lui adressait la parole et elle a quitté les lieux précipitamment. Madame Goulet rappelle que cette pratique de la «fuite en avant» était courante chez la Plaignante.

 

[47]      À la question de décrire les démarches entreprises pour la retrouver, madame Goulet réplique qu’il ne lui appartient pas de la poursuivre ni de la retrouver, autrement que de tenter de la rejoindre sur les ondes de l’Employeur. La Plaignante s’abstenait d’ailleurs généralement, en pareilles circonstances, de répondre à sa radio ou même de se rapporter au clos de la rue Ste-Catherine. Madame Goulet déplore le fait que la Plaignante ne réponde jamais à la radio. La Plaignante est tenue de toujours porter sur elle sa radio à chaque fois où elle se retrouve isolée ou seule, et elle était seule ce jour-là.

 

[48]      Madame Goulet ne se souvient pas expressément être retournée sur place mais sa nature inquiète de la sécurité de son personnel l’y a probablement menée. La Plaignante n’a finalement pas nettoyé les plates-bandes ce jour-là, puisqu’elle n’y est pas retournée de la journée.

 

[49]      Monsieur Nicol a assisté à la scène où la Plaignante a fermé au nez de madame Goulet la vitre de sa camionnette au moment même où celle-ci exprimait des remontrances à la Plaignante. Madame Goulet était en effet à expliquer à la Plaignante comment et où effectuer son travail à l’avant du Planétarium. La Plaignante était sourde aux observations de sa supérieure et elle exigeait la présence d’un délégué syndical pour se prêter aux commentaires de madame Goulet. Monsieur Nicol s’est dit estomaqué, tout comme madame Goulet d’ailleurs, du comportement de la Plaignante.

 

[50]      Monsieur Nicol se rappelle clairement du départ précipité en camionnette de la Plaignante. Il se défend de ne pas s’être lancé, lui non plus, à sa poursuite, invoquant le fait qu’il n’a pas à jouer le rôle du policier. Lui et madame Goulet ont quitté les lieux environ cinq minutes plus tard.

 

[51]      La Plaignante nie, à la question du représentant de l’Employeur, avoir brusquement quitté les lieux sur-le-champ. Elle soutient au contraire être restée sur place, puisque madame Goulet exigeait sa présence au stationnement nord, du stationnement sud où elle se trouvait.

 

[52]      La troisième faute reprochée à la Plaignante, toujours le 7 septembre 2003, est ainsi libellée, à l’ avis de mesure disciplinaire (pièce S-3):

 

3.   07/09/2003 Planétarium Dow (fonction travaillée, 419)

Refus de se conformer aux directives émises par son contremaître. Elle a refusé de nettoyer les plates-bandes, tel que demandé oralement et par écrit.

 

[53]      La liste des principales dérogations aux règlements de Jeanne Masson […] pour la saison estivale 2003 (pièce E-6), dressée par madame Goulet relativement à la seconde série d’incidents du 7 septembre 2003, est la suivante:

 

25. Le 7 septembre, j'envoie à nouveau Madame Masson au Planétarium, où je désire la retrouver pour lui expliquer comment faire le travail, en supposant la bonne foi de Mme Masson. Afin de contrer son obstination, j'ai démontré à Mme Masson, qui craint les blessures, comment faire ce travail de nettoyage du bout des doigts, sans même avoir à entrer en contact physique avec les arbustes, et ce d'une manière efficace et rapide. Je fais de même avec les carrés de sable. J'ai pu vite constater la mauvaise foi et le dessein de Mme Masson qui a pris l'évidence de ma démonstration comme une attaque personnelle. Sous la colère d'avoir été prise en défaut, Mme Masson refuse d'entendre mes commentaires et mes recommandations. Elle me dit agressivement: «Si tu veux me faire des reproches, ce sera devant le délégué!» Elle réagit violemment en me fermant la fenêtre de son camion au visage, alors que je tentais de communiquer avec elle et fuit aussitôt.

 

26. Je lui remet [sic] deux avis d'infraction pour ses offenses, un concernant son refus d'obtempérer et l'autre concernant son attitude agressive.

 

27. À ce jour du 14 septembre 2003, nous avons subséquemment reçu de nouvelles plaintes concernant l'état des plates-bandes en cet endroit.

 

28. Le soir venu, elle dépose sans un mot un petit papier sur le comptoir du magasin indiquant qu'elle allait à la clinique le lendemain (inclus) pour une «piqûre», sans rendez-vous ni papier de médecin...

 

[54]      La Plaignante a produit, en réplique à l’avis d’infraction n° 3, la réplique suivante (pièce E-2):

 

1.   Conformément à l'article 4.9.1, vous ne vous êtes pas conformée aux directives émises par votre contremaître - lieux Planétarium Dow

Refus de nettoyer les plates-bandes tel que demandé. Problème de crédibilité. Ministère concernée [sic]: Ministère du Travail. Machinerie lourde

 

2.   7 septembre 2003 à 10 h 15

Conformément à l'article 4.10.3, vous avez dérogé par votre langage et vos actes à l'ordre et aux mœurs généralement reconnus et acceptés Lieux: Planétarium Dow. Refus d'écouter en quittant les lieux subitement sans autorisation.

 

3.   7 septembre 2003 10 h 15

Madame Goulet vient me retrouver vers 10h, en date du 7 septembre 2003, alors que je nettoie les arbustes du stationnement côté Sud du Planétarium Dow.

 

4.   Madame Goulet revient sur des événements du dimanche 24 août 2003, alors que je lui ai mentionné vers 18h30, alors qu'elle m'eût [sic] reproché ma performance, qu'il existait de la machinerie lourde pour entretenir les carrés de sable 16 x 16 du Planétarium Dow (côté nord).

 

5.   Madame revient donc, en date du 7 septembre 2003 encore une fois me reprocher ma performance et que désherber 4 plates-bandes de fleurs, 2 plates-bandes de conifères, tailler 2 haies afin de pouvoir ramasser les déchets dessous et désherber à bras deux terrains de sables 16 x 16 ne prend pas 1½ journée. Madame Goulet prend alors certains de mes outils pour aller expérimenter la chose; je la laisse faire et poursuis mon travail.

 

6.   Madame Goulet revient ½ h plus tard et cherche à m'éloigner de la camionnette en m'invitant à monter dans la sienne pour nous rendre sur le côté nord du Planétarium. Je lui dis que je devrai au préalable ranger mes outils et verrouiller les portes de ma camionnette, puis je me ravise et lui mentionne que je vais m'y rendre par mes propres moyens.

 

7.   Je vais la retrouver sur le côté nord. Elle me reproche le travail exécuté en date du 24 août 2003 et les quelques papiers laissés au sol par des touristes depuis. Constatant qu'elle ne cherchait que maille à partie [sic], je lui demande alors si elle cherche à me donner de nouvelles tâches ou à me reprocher mon travail. Constatant sa mauvaise foi, je lui rappelle que les reproches se font devant le délégué et retourne à mon travail. Je demande sur les ondes s'il y a un délégué syndical de disponible de fin de semaine rattaché au 2915, Sainte-Catherine ou à la Commune - Aucune de ces réponses.

 

8.   Madame Goulet revient me retrouver afin de me remettre 2 avis d'infraction pour avoir contrevenue à l'article [sic] 4.9.1 et 4.10.3 [du Code de conduite de l’Employeur].

 

9. Lors de notre rencontre du 13 septembre 2003, elle me mentionne qu'elle a sorti une montagne de déchet sous les arbustes taillés, ce qui est faux (quelques papiers). Si tel est le cas, je me demande qui m'a fait ce coup puisque les lieux sont toujours laissés impeccables.

 

10. Je demande le retrait immédiat de ces deux avis d'infraction et qu'on me procure un loader ou souffleuse au besoin et des outils aiguisés. J'aimerais également que la Ville de Montréal cesse d'utiliser cette dame afin de servir des intérêts politiques de certains.

 

[55]      Du paragraphe n° 1, la Plaignante explique que cet énoncé «ne veut rien dire». Elle dit exprimer son «vrai reproche» au paragraphe n° 5 de son document où elle dénonce la règle qui impose 1½ journée ouvrable pour désherber manuellement l’emplacement qui y est identifié, sans outillage approprié, situation qui accroît le risque d’épicondylite, en répétition à des événements du 7 mars 2003. Cette journée-là, en effet, la Plaignante dit s’être blessée «en piochant», alors qu’elle se trouvait en «fonction supérieure». La Plaignante soutient que les exigences du désherbage de madame Goulet pouvaient réveiller cette vieille blessure.

 

[56]      Madame Goulet dit avoir remis ses directives par écrit à la Plaignante, suite à une demande de citoyens qui dénonçaient la malpropreté de l’entrée du Planétarium, demande qui exige toujours un traitement prioritaire. L’accumulation de déchets y était particulièrement repoussante. Mais la superficie à nettoyer ne correspondait approximativement qu’à 25 pieds carrés.

 

[57]      Madame Goulet demandait depuis deux semaines à la Plaignante de travailler à l’avant de l’édifice, mais celle-ci s’entêtait à travailler à l’arrière, dans le stationnement, en vue d’y effectuer du rabattage inopportun d’arbustes.

 

[58]      Les directives du matin à la Plaignante étaient à l’effet de désherber les deux carrés de sable et de nettoyer la haie à l’aide d’un râteau. Les hésitations de la Plaignante tenaient, selon elle, à la peur de s’infliger une blessure. Madame Goulet croyait calmer ses appréhensions en lui montrant comment procéder sans danger, une tâche d’une couple de minutes de labeur, selon elle.

 

[59]      La Plaignante dit avoir prévenu madame Goulet de l’existence de «machinerie lourde» capable d’enlever les mauvaises herbes. Puis elle avoue ne pas pouvoir identifier un type de machinerie disponible à exécuter tel travail, tout en réitérant sa certitude qu’il en existe. La Plaignante soumet ensuite une suggestion d’équipement susceptible de l’aider à désherber comme étant une «grosse machinerie qui tourne». Le sable des carrés à désherber est durci et le désherbage est «agaçant pour les poignets». Il est donc impérieux de recourir à l’équipement approprié.

 

[60]      Vers 10h30, ce même jour, la Plaignante finit par identifier la «machinerie lourde» pour y effectuer le travail de désherbage exigé, un rotoculteur que le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française (OQLF) définit comme un «engin à moteur muni de deux roues motrices, de poignées de commandes (frein, levier de vitesses, accélérateur) et de dents rotatives, qui est destiné à labourer le sol.» La Plaignante dit avoir déjà «tenu», au sein d’une équipe, cet appareil. Elle avoue cependant ne «pas se souvenir particulièrement» des directives émises par sa supérieure hiérarchique au moment des reproches qu’on lui a alors servis.  

 

[61]      Madame Goulet estime que l’instrument approprié pour effectuer ce travail de désherbage était une pelle bêche à quatre dents, qui permet ensuite de retirer les racines des pissenlits avec le bout des doigts. Une tournée de vérification et de surveillance de ce site menée la semaine précédente avait convaincu madame Goulet que la Plaignante avait alors négligé d’accomplir le travail attendu d’elle. Madame Goulet avait alors tenté sans succès de rejoindre la Plaignante sur les ondes de l’Employeur pour lui faire part de ses commentaires.

 

[62]      Monsieur Nicol confirme que le désherbage des carrés de sable du Planétarium se fait manuellement, puisqu’il faut alors épargner les plantes saines, dans cette opération. Il reconnaît que le seul appareil utile serait une houe (hollandaise) que le Grand dictionnaire terminologique définit ainsi:

 

Outil de jardinage constitué d'un fer plat ou légèrement recourbé, tranchant, percé d'un œil dans lequel passe le manche, et servant aux gros travaux de sarclage ou de désherbage.

 

[63]      Monsieur Nicol souligne en effet que ce type de désherbage doit se faire en surface, ce qui interdit le recours à quelque approche mécanique. À la rigueur, on pourrait recourir à une fourche. L’appareil auquel réfère la Plaignante peut servir à préparer le lit de la plantation, pas au désherbage lequel vise à mettre en valeur les plants.

 

[64]      Monsieur Nicol confirme que les directives portaient effectivement sur le nettoyage des plates bandes à l’avant de l’édifice, plus  précisément la haie et le dessous des épinettes. Monsieur Nicol dit ne plus se souvenir cependant des termes par lesquels la Plaignante a exprimé son refus d’exécuter les tâches exigées.

 

[65]      La Plaignante était affairée à nettoyer les haies du stationnement de cet emplacement lorsque madame Goulet lui servi un reproche relatif à un incident survenu la semaine précédente relatif aux deux journées complètes que la Plaignante avait dû consacrer au nettoyage de deux emplacement de 16 pieds carrés. La Plaignante ne voit rien d’excessif à cet emploi du temps, si on ajoute quatre platebandes de fleurs, des haies et deux terrains de sable de 16 pieds carrés.

 

[66]      La Plaignante avait en effet entrepris cette tâche la semaine précédente. Elle avait alors complété la section nord et il ne lui restait que la section sud, à savoir ces deux carrés de 16 pieds carrés. Madame Goulet prit les outils de la Plaignante, déposés dans sa camionnette, c’est-à-dire une pioche, «pour expérimenter» du côté nord de cet emplacement. Madame Goulet revint environ 30 minutes plus tard pour lui signifier de se déplacer vers les carrés de sable situés du côté nord de l’emplacement.

 

[67]      La Plaignante dit se souvenir que madame Goulet ait prétendu «sortir un amas de papier de la haie» et qu’il s’avérait tout à fait impossible que tant de papier se soit accumulé «en une seule semaine». La Plaignante dénonce également l’accusation, elle aussi fausse selon elle, qu’elle ait refusé de procéder au nettoyage de l’endroit.

 

[68]      La quatrième et dernière faute reprochée à la Plaignante, le 8 septembre 2003, est ainsi libellée, à l’ avis de mesure disciplinaire (pièce S-3):

 

4. 08/09/2003 2915, rue Ste-Catherine (fonction travaillée, 232)

Refus d'écouter les directives de son contremaître. Refus d’exécuter le travail demandé en quittant les lieux agressivement sans autorisation.

 

[69]      La liste des principales dérogations aux règlements de Jeanne Masson […] pour la saison estivale 2003 (pièce E-6), dressée par madame Goulet relativement aux incidents reprochés le 8 septembre 2003, est la suivante:

 

8 septembre, 6h30 AM, 2915 Ste-Catherine

29. J'informe Mme Masson de ses tâches pour la journée. Elle doit remplir 10 petites poubelles vertes de légers copeaux de cèdres [sic] et les répartir dans environ 8 fosses d'arbres (requête de citoyens, xjj23 [sic]). Elle refuse avec une vive réaction en m'invoquant [sic] qu'une machinerie lourde est essentielle à ce travail et qu'il n'est pas question qu'elle le fasse autrement! Je lui propose de l'aide de manuels et elle refuse toujours. Elle quitte le clos en furie en refusant de communiquer avec moi, en me fermant encore la fenêtre de la camionnette au visage, alors que je lui tendais la radio et les clés nécessaires pour accomplir sa tâche. Elle a refusé de les prendre et s'est enfuie en colère sans que personne de ses collègues ne sache où elle allait, avec un véhicule de la ville.

 

30. À 9h00, je reçois un appel d'un sergent de la police de Montréal m'informant que j'ai une employée qui a oublié ses clés dans son camion. Il s'agissait de Mme Masson qui a jugé à propos de se servir des services de la police pour communiquer une information essentielle à son contremaître. Je me rends sur les lieux, rue Alexandre-de-Sève, pour lui remettre un double de ses clés. Elle se trouvait devant une petite clinique où elle a de son propre chef décider [sic] d'aller sans rendez-vous au sujet d'une piqûre de rosier qu'elle aurait subi [sic] le 2 juin 2003.

 

31. Madame Masson est restée à la clinique durant huit heures, sans travailler, jusqu'à 15h30, avec le véhicule de la ville, sans explication aucune concernant cette visite fortuite et douteuse et cette impressionnante attente. Le tout en raison d'une piqûre de rosier qui aurait été subie au début juin, c.-à-d. trois mois auparavant (attestation d'absence fournie, signée par l'infirmière).

 

16h20.

32. Je lance trois appels pour connaître sa position: Mme Masson ne répond pas.

 

16h48.

33. Je trouve Mme Masson en train de remplir une fosse d'arbre tel que demandé avec une quantité de copeaux invraisemblable (trois fois la quantité nécessaire!). Les passant [sic] se moquent en lui notant qu'il est très dangereux de former ainsi une colline de 1 pi de haut au milieu du trottoir. Mme Masson est en train de piétiner doucement le sol en espérant voir cette colline s'affaisser sous son poids depuis une heure. Elle ignore manifestement comment faire ce simple travail, mais n'en dit rien. Lorsque je lui demande ce qu'elle est en train de faire, elle prétend ne pas pouvoir exécuter ce travail par ma faute puisque je ne lui ai pas fourni l'adresse exacte de chacune des autres fosses à emplir... comme si [sic] il y avait un lien pour elle entre sa capacité à remplir le trou et sa capacité de reconnaître une adresse. Pourtant le matin, sur papier, je lui indique on ne peut plus clairement: fosses d'arbres ... situées sur Notre-Darne, côté est, entre St-Laurent et Gosford, côté Nord.

 

34. Le soir venu, voulant me remettre son papier d'infirmière, elle exige de moi agressivement d'y apposer ma signature, sans quoi elle menace de ne pas me le donner. Je lui explique qu'elle ne peut exiger ma signature pour ce genre de papier.

 

[70]      La Plaignante a enfin produit la réplique suivante (pièce E-3):

 

Le 8 septembre 2003 6 h 50

1.   Conformément à l'article 4.10.3, vous avez dérogé par vos actes et votre langage au bon ordre et aux bonnes mœurs  généralement reconnus et acceptés. Lieux : 2015, rue Sainte-Catherine

A.          Refus d'écouter les directives en quittant subitement les lieux sans autorisation

B.         Refus d'informer le contremaître de sa destination et

C.         Refus d'exécution du travail demandé.

 

2.     Madame Goulet me donne 10 poubelles à remplir de copeaux, à bras, en matinée. Je suis contrariée de constater, une fois de plus, d'être utilisée abusivement par mon employeur alors qu'il existe de la machinerie disponible et efficace qui peut et devrait être utilisée.

 

3.     Je souligne qu'à intervalle régulier d'un mois, le ou la contremaître(sse) de la Ville m'empêche d'optimiser mes tâches qui peuvent et devraient être mécanisées afin d'éviter et ou de prévenir des blessures dus à des efforts trop intenses:

1.          (fin mai - début juin) me faire pelleter un gros tas de terre dure à charrier à la pelle afin de libérer une piste de danse en soirée (l'étendre sur le gazon) - Aucun loader de disponible ni de délégué syndical.

2.          6 juillet 2003 - Copeaux laissés sans jugeote à une extrémité au métro Papineau que j'ai dû étendre.

3.          24-25 août 2003 - Désherber avec une pioche 2 carrés de sable à bras (tentinite [sic] du 4 avril 2003) C'est vrai que ça agace à la longue.

4.          8 septembre 2003 - Remplir 10 poubelles à bras de copeaux pour les mettre dans la camionnette. (problème résolu)

 

4.     Bref, la Ville de Montréal ne manque pas de moyen afin de s'assurer qu'un accident est bien consolidé. L'avis du médecin est très secondaire et un petit test, une fois par mois, paraît bien inoffensif. En plus d'inciter son employé à faire un refus de travail, ce comportement relève quasi du harcèlement et de la mauvaise foi de l'employeur (utiliser son employée pour arroser avec un seau les 35 bacs à fleurs de la Place Jacques- Cartier pour s'assurer que ma fascite [sic] plantaire est bien consolidée est provocateur).

 

5.   Je reconnais le pouvoir hiérarchique de tous les contremaîtres et qu'un employé peut être initié au processus graduel de frustration, si tel est leur plaisir; que le patron a le droit de gérance; je reconnais également les contraintes organisationnelles et je conviens qu'un contremaître doit se sentir supporté; Mais la Ville de Montréal ne doit pas oublier les valeurs de leurs employés: la santé et la sécurité au travail et j'aimerais également me sentir supportée comme première responsable de ma santé et sécurité au travail et comme première responsable de ma performance.

 

6. Je demande le retrait immédiat de cet avis et l'imputabilité en matière d'organisation du travail si on ne peut me procurer un loader et les outils nécessaires à ma tâche (loader et souffleuse après avoir désherbé). Je peux également très bien m'organiser en communiquant avec le répartiteur de la Commune, soit M. Yves Renaud.

 

7. Lors de notre rencontre du samedi 13 septembre 2003, devant le délégué syndical, et M. Claude Nichol [sic], lorsque j'ai appris à Madame Goulet que j'avais eu recours à un loader pour remplir ses 10 poubelles (¾ de la camionnette), celle-ci me l'a reprochée [sic]: «Quoi, tu es allée chercher un loader sans ma permission». Celle-ci aurait d'ailleurs été prête, si elle avait eu le soutien, de me flanquer un nouvel avis d'infraction. Bref; attendre dans un CLSC de 9h30 à 15h30 est serait [sic] tout à fait inacceptable pour Madame, alors que pelleter toute une journée serait tout à fait convenable.

 

8.  Refus d'informer le contremaître de sa destination problème crédibilité AM

J'ai mentionné à Madame Goulet vers 6h45 que je me rendais au CLSC, en matinée pour un deuxième examen à la suite d'une piqûre accidentelle en date du 2 juin 2002 [plutôt 2003], lors du travail au métro Beaudry (piqûre probable de ronce de rose alors que je déposais un sac à l'arrière de la camionnette de la Ville, vers 15h30).

 

9. Madame Goulet me répond alors de lui rapporter l'attestation d'absence 9h CLSC. Vers 9h alors que Madame Goulet vient me retrouver au CLSC sur la rue de la Visitation pour avoir oublié mes clés dans la camionnette, celle-ci nie avoir reçu l'avis d'accident de travail survenu en date du 2 juin 2003 alors qu'elle m'a personnellement confirmée [sic] le samedi, le 7 juin 2003, avoir été avisée par Madame Edith Olivier, qui a reçu en mains propres le rapport d'accident

 

10. (9h30 à 15h30 au CLSC)

 

11. À 16h30, Madame connaissait par radio mon 10-3 (boul. St-Laurent).

 

12. Vers 18h15 j'apporte à Madame Goulet mon avis d'absence: (Au CLSC de 9h30 à 15h30). Madame Goulet refuse d'apposer ses initiales en guise d'accusé réception.

 

13. Je dois retourner la voir avec un témoin, soit l'employé Serge Guitar à l'effet qu'elle l'a bien reçue [sic], ce que Madame Goulet lui reproche: Tu n'a pas à signer cela! Après qu'il lui eut expliqué qu'il n'était qu'un témoin de réception, je réponds: «C'est parce qu'elle veut me couper!» (Voir avis d'infraction remis par Madame Goulet à 16h45 devant M. Claude Nichol [sic].)

 

Je demande la mise à l'ordre de cette contremaîtresse et de son coach et demande que les contremaîtres accusent réception de tous papiers reçus transmis.

 

14. Refus d’exécution du travail demandé.

Au CLSC, sur Visitation, vers 9h, alors que j'avais oublié mes clés dans la camionnette, les 10 poubelles étaient pleines de copeaux à l'arrière, de la camionnette, à l'évidente déception de madame Goulet, celle-ci, regardant les poubelles, toute étonnée que j'aie exécuté son travail. Témoin également présent sur les lieux : M. Jean Gosselin, délégué syndical du Mont-Royal.

 

15. Vers 16h30, lorsque Madame Goulet m'a demandé mon 10-3 sur les ondes, celle-ci a pu me trouver exactement à l'endroit mentionné: Sur le boul. Saint-Laurent, en train de remplir, tel que demandé un trou d'arbre de copeaux.

 

16. Madame Goulet, n'a d'ailleurs pas manqué l'occasion, en venant m'apporter cet avis d'infraction de se moquer de moi et de mon travail. Celle-ci a même suggéré à M. Claude Nichol [sic]: «On prend une photo de son travail!» Serait-on en train de vouloir prouver mon incompétence ! À qui donc???

 

17. Je demande le retrait immédiat de cet avis

 

[71]      La Plaignante explique ainsi son commentaire du second paragraphe de  sa missive. Elle soutient qu’un loader était alors sur place et disponible aux jardiniers comme aux autres catégories de personnel. La position d’obstruction de sa contremaîtresse ne l’a cependant pas empêchée de répondre à sa commande. La Plaignante souligne avoir «déjà pelleté un tas de copeaux, de même qu’un tas de terre, en plus d’avoir désherbé un terrain manuellement».

 

[72]      Quand à l’incident de sa visite à une clinique ou au CLSC, la Plaignante devait recevoir ce jour-là, vers 9h, une injection au CLSC de la Visitation, situé à cinq minutes du clos, en conséquence d’un accident du travail subi le 2 juin 2003. La Plaignante, alors en poste à la station de métro Beaudry, s’y piqua le doigt, soit sur une seringue déposée dans un sac, soit sur des ronces, au moment où elle s’affairait à désherber des rosiers, quand elle a retiré de la haie un sac de papier qu’elle n’a pas ouvert. Elle a alors égratigné son poignet gauche.

 

[73]      La Plaignante soutient avoir immédiatement ressenti une vive douleur «le long du bras», en plus d’être saisie d’une vive crise d’angoisse, d’où sa décision de se rendre sur-le-champ à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et y passer la nuit à la réception de l’urgence, pour y recevoir une injection dont elle ignore cependant la nature. La CSST a d’ailleurs accepté sa lésion comme un accident du travail. La Plaignante n’a cependant pas subi d’arrêt de travail. Elle a ensuite dû recevoir une seconde injection laquelle a confirmé l’absence d’infection.

 

[74]      La Plaignante explique que cette deuxième injection, qui fait maintenant problème aux yeux de sa supérieure, était «requise en prévention» sans qu’elle ne sache pour autant avec précision sa raison d’être plus précise. L’ordonnance médicale référait la Plaignante à un CLSC, entre 9h et 15h30, en vue de cette seconde injection. Madame Goulet aurait refusé son autorisation. Une troisième «injection de prévention» s’est finalement révélée nécessaire trois mois plus tard.

 

[75]      La Plaignante avait donc un rendez-vous à un CLSC, dès 9h, en vue de cette injection. La Plaignante dit avoir prévenu madame Goulet, dès 6h45, de son rendez-vous au CLSC, après l’affectation de ses tâches à 6h. Ayant oublié ses clefs à l’intérieur de sa camionnette garée à proximité du CLSC, elle dit avoir alors rejoint madame Goulet par l’entremise d’un policier, puisqu’elle avait laissé sa radio à l’intérieur de sa camionnette. Le policier arrivé sur les lieux par hasard rejoignit madame Goulet. Celle-ci, accompagnée de monsieur Nicol,  apporta à la Plaignante un double des clef de la camionnette.

 

[76]      La Plaignante a en conséquence produit un rapport d’accident du travail (dont elle dit ne pas se souvenir de la provenance) à madame Édith Olivier que madame Goulet a nié, le 13 septembre 2003, avoir reçu mais qui lui aurait cependant été acheminé, selon la Plaignante, le 7 juin 2003. La Plaignante dit s’être mise, sans succès, ce 13 septembre, à la recherche de madame Goulet et c’est pourquoi elle a remis le formulaire à madame Olivier.

 

[77]      Madame Goulet avait, en début de quart de travail, affecté la Plaignante à une tâche qui consistait à remplir 10 poubelles de copeaux, à la cour du clos du 2915 de la rue Ste-Catherine. La Plaignante trouvait cette demande abusive. La Plaignante soutient en effet qu’une pelle mécanique sise sur les lieux du travail serait davantage l’instrument approprié que l’opération manuelle exigée indûment d’elle. La Plaignante a donc refusé de s’exécuter, non sans avoir suggéré au préalable à sa contremaîtresse de faire elle-même ce travail. La Plaignante a fait remplir les poubelles de copeaux et elle nie à cet égard toute insubordination à l’endroit de sa contremaîtresse.

 

[78]      Madame Goulet rappelle que la Plaignante a eu à remplir 10 poubelles d’une cinquantaine de litres chacune de copeaux à répartir ensuite entre huit fosses d’arbres. Madame Goulet décrit ces copeaux «légers comme du vent» tellement qu’on puisse soulever en même temps quatre de ces poubelles remplies. Il s‘agit d’une tâche d’entre 30 et 45 minutes. Madame Goulet qualifie la tâche de «banale» et pourtant la Plaignante exigeait le recours à de la machinerie lourde. À titre de comparaison, madame Goulet soumet l’illustration suivante: c’est comme si on utilisait la pelle d’une chargeuse-pelleteuse (pépine) pour remplir un contenant de yogourt. Une simple pelle à neige aurait suffi à remplir facilement les poubelles de copeaux.

 

[79]      Vers 8h30, la Plaignante, toujours au clos, manifestait beaucoup de colère et d’agressivité, qu’elle exprimait par des cris, tout en traitant madame Goulet de «bourreau et de monstre». La Plaignante a explosé d’une colère incontrôlable que madame Goulet a même ressentie comme une menace à son intégrité physique. Son exigence du recours à de la machinerie lourde pour remplir les poubelles de copeaux était injustifiée et déraisonnable. Madame Goulet le lui a démontré par la prestation d’autres jardiniers ce qui a semblé déstabiliser la Plaignante qui, selon madame Goulet, a ressenti cette explication comme une «menace».

 

[80]      Trente minutes plus tard, vers 9h, la Plaignante aurait dû avoir complété sa tâche. Au même moment madame Goulet a plutôt reçu appel de la police pour la prévenir que le véhicule automobile de la Plaignante était immobilisé sur la rue Alexandre-Desèves et que les copeaux se trouvaient toujours dans la benne de la camionnette de la Plaignante. Il lui fallait donc apporter à la Plaignante un double des clefs de la camionnette de la Plaignante.

 

[81]      Le véhicule de la Plaignante était garé devant une clinique médicale où celle-ci y avait un rendez-vous dont madame Goulet dit n’avoir jamais été saisie, pas plus que la Plaignante n’avait consigné dans un rapport les causes de cet accident de ronces ou de piqure de seringue dont elle alléguait la survenance. Madame Goulet évoque une note à cet effet que la Plaignante prétend avoir déposé au garage, pas à son bureau.

 

[82]      Madame Goulet est retournée, en après-midi, au site auquel la Plaignante était affectée pour l’y trouver juchée sur un amas de copeaux qui obstruait la rue Ste-Catherine. Madame Goulet dit avoir reçu un appel de la police qui se plaignait de l’obstruction que causait cet amas de copeaux sur un trottoir, au mauvais endroit donc.

 

[83]      C’est ce soir-là que la Plaignante a remis à madame Goulet son certificat médical sans aucune explication relativement à une épicondylite dont madame Goulet n’avait jusqu’alors jamais entendu parler, puisque la Plaignante ne souffrait pas d’une limitation fonctionnelle.

 

[84]      La conclusion du témoignage de la Plaignante relativement à cet incident est le suivant. La directive de madame Goulet visait le remplissage de 10 poubelles de copeaux destinés à remplir des fosses d’arbres et la Plaignante s’y est soumise. La Plaignante estime en effet avoir précisément répondu à cette directive.

 

[85]      La Plaignante ni avoir quitté les lieux précipitamment, sans autorisation. En effet, madame Goulet aurait remis à la Plaignante les clefs de la camionnette et sa radio, au clos, au début de la journée de travail. Puis celle-ci s’est attelée à faire remplir les poubelles de copeaux.

 

[86]      La Plaignante prétend avoir prévenue madame Goulet, la veille de son rendez-vous à la clinique, qu’une seconde injection s’avérait nécessaire à contrer les effets possibles de la piqure dont elle avait été victime et qu’elle s’y rendrait lors de sa pause du lendemain. Ce qu’elle dit avoir effectivement fait. C’est alors qu’elle a inopinément laissé ses clefs du véhicule dans sa camionnette, de même que sa radio à ondes courtes, d’où sa requête à madame Goulet. C’est alors également que madame Goulet aurait demandé à la Plaignante de justifier son absence du travail par l’ attestation d’absence (pièce S-9) produite par une infirmière du CLSC Hochelaga-Maisonneuve le 8 septembre 2003 à l’effet suivant:

 

[La Plaignante] s’est présentée au CLSC Hochelaga-Maisonneuve pour une consultation médicale, des soins infirmiers, une vaccination, le 8 septembre 2003, depuis 9h25 à 15h30, suite à un accident du travail du 2 juin 2003 - piqûre accidentelle.

 

[87]      En contre-interrogatoire, madame Goulet reconnaît que la Plaignante avait finalement laissé ce formulaire sur le comptoir du magasin, sans le lui remettre directement, d’où ce n’est que le lendemain qu’elle dit en avoir pris connaissance. Plaignante lui a finalement remis un document qui attestait de sa présence au CLSC durant huit heures.  

 

[88]      La Plaignante dit avoir remis le jour-même à sa contremaîtresse ce document, après 15h30, puisqu’elle a alors complété, avant la fin du quart de travail de 18h30, la tâche de remplir de copeaux la fosse des arbres. La Plaignante soutient que madame Goulet aurait «refusé son formulaire d’absence», ce qui aurait obligé la Plaignante «à revenir avec un témoin, monsieur Serge Guitar», un collègue de travail.

 

[89]      Madame Goulet lui a alors remis deux avis disciplinaires qu’elle dit avoir pris, malgré son mécontentement. Elle prétend avoir néanmoins gardé le silence. Monsieur Nicol agit à titre de témoin au moment où madame Goulet signifia sa remontrance à la Plaignante.

 

[90]      L’Employeur a ensuite imposé, le 18 octobre 2003, une seconde suspension sans solde de deux jours, à compter du lendemain, pour les motifs énumérés au formulaire intitulé Avis de mesure disciplinaire (pièce S-6) et remis à la Plaignante le 18 octobre 2003:

 

Compte tenu de l'infraction (des infractions) suivante(s) commise(s) le ou vers le (date et heure),

 

1.   21/09/03 14h45 Parc Médéric-Martin

[La Plaignante] a coupé des branches d’arbustes malgré les nombreuses interdictions formelles émises le matin même par sa contremaîtresse.

[La Plaignante] a retardé ainsi indument l’exécution de la tâche demandée, soit le désherbage au sol.

2.   21/09/03 18h30 2915, rue Ste-Catherine

[La Plaignante] a refusé de montrer son permis de conduire à sa contremaîtresse.

[La Plaignante] a manifesté son refus avec agressivité (ton de voix élevé et cris) et de façon irrespectueuse en exigeant et en donnant des ordres à son supérieur hiérarchique de lui remettre des documents cléricaux

 

Nous nous trouvons dans l’obligation de vous suspendre pour 2 jours à compter du 19 octobre 2003.

 

[91]      Le Syndicat a répliqué à la suspension sans solde de deux jours de la Plaignante par le grief suivant (pièce S-7) du 11 décembre 2003:

 

Nous considérons injustifié l'avis de suspension imposé à l'employée, citée en rubrique, le 18 octobre 2003, relativement à des incidents survenus le 21 septembre 2003.

 

Conséquemment, en vertu des dispositions de la convention collective de travail, nous demandons en faveur de Mme Masson, le retrait immédiat de l'avis de suspension de deux (2) jours, daté du 18 octobre 2003, de son dossier et réclamons en son nom, le remboursement du salaire perdu aux taux du temps régulier et supplémentaire pour les journées de suspension qu'elle subissait à compter du 19 octobre 2003 et pour tous les jours subséquents avec paiement des intérêts légaux ainsi que les indemnités prévues à l'article 100.12 du Code du travail , le tout payable dans les 120 jours du règlement. De plus, nous réclamons tous les bénéfices et avantages se rattachant à cette réclamation.

 

[92]     Le premier incident du 21 septembre 2003 de la liste des principales dérogations aux règlements de Jeanne Masson […] pour la saison estivale 2003 (pièce E-6), dressée par madame Goulet, est le suivant:

 

21 septembre, Parc Médéric-Martin, 11h17

37. Alors que je passe devant le parc, je vois Mme Masson couper au sécateur des branches d'un conifère dans le parc. Elle a pour mandat de seulement désherber le terrain avec interdiction formelle et écrite de tailler (voir copie du papier donné à Mme Masson). Je l'appelle sur les ondes et lui dit de ne pas tailler les arbres. Elle me répond Je ne taille rien!. Je lui répond que je suis en train de la voir faire,..

 

[93]      Je reprends, pour fin de commodité, la première faute reprochée à la Plaignante, le 21 septembre 2003, laquelle est ainsi libellée à l’ avis de mesure disciplinaire (pièce S-6):

 

1.   21/09/03 14h45 Parc Médéric-Martin

[La Plaignante] a coupé des branches d’arbustes malgré les nombreuses interdictions formelles émises le matin même par sa contremaîtresse.

[La Plaignante] a retardé ainsi indument l’exécution de la tâche demandée, soit le désherbage au sol.

 

[94]      Madame Goulet énonce les directives qu’a ignorées la Plaignante dans un geste d’insubordination. La tâche à y exécuter était comparable à celle effectuée au Planétarium. Madame Goulet dit s’être retrouvée, vers 8h30, à proximité du parc. Elle y vit la Plaignante, armée d’un sécateur, en train de couper toutes les pousses de l’année. Madame Goulet dit n’y avoir rien compris. Madame Goulet lui intima l’ordre, par radio, de s’en abstenir mais la Plaignante nia s’être adonnée à cette tâche. Madame Goulet a insisté pour rencontrer la Plaignante laquelle a refusé de la voir. Madame Goulet a envoyé d’autres jardiniers compléter le travail de la Plaignante.

 

[95]      La Plaignante dit ne pas se souvenir avoir rencontré sa contremaîtresse, ce matin-là. Son affectation ce jour-là, comme tout l’été, consistait essentiellement au nettoyage du parc. Elle y a d’ailleurs rempli 32 sacs de détritus. Elle dit y avoir d’ailleurs consacré toute sa journée ouvrable. Elle estimait supérieure l’urgence de se consacrer d’abord au nettoyage avant le désherbage.

 

[96]      La seconde et dernière faute reprochée à la Plaignante, toujours le 21 septembre 2003, est ainsi libellée, à l’ avis de mesure disciplinaire (pièce S-6):

 

2.   21/09/03 18h30 2915, rue Ste-Catherine

[La Plaignante] a refusé de montrer son permis de conduire à sa contremaîtresse.

[La Plaignante] a manifesté son refus avec agressivité (ton de voix élevé et cris) et de façon irrespectueuse en exigeant et en donnant des ordres à son supérieur hiérarchique de lui remettre des documents cléricaux

 

[97]      Le second incident du 21 septembre 2003 de la liste des principales dérogations aux règlements de Jeanne Masson […] pour la saison estivale 2003 (pièce E-6), dressée par madame Goulet, est le suivant:

 

38. Comme je doute depuis longtemps que Mme Masson possède un permis de conduire, et puisque je l'ai vu maintes fois avoir des manœuvres excentriques et très dangereuses, je demande subtilement à toute mon équipe de me procurer leur permis pour que je fasse une vérification d'usage et une photocopie. Devant tous les employés, Mme Masson refuse avec violence de me fournir son permis. Elle dit que je ne suis pas son contremaître, que c'est M. Pierre Dinel. Je l'informe que je ne peux la faire conduire davantage si je ne peux pas le voir. Elle refuse avec encore plus d'agressivité à mon égard et exige en réponse à ma demande que je lui redonne le papier d’infirmière qu’elle m’avait remis le 8 septembre! Dieu sait où va son raisonnement!

 

[98]      Le personnel affecté à la conduite des véhicules automobiles de l’Employeur doit donc détenir le permis de conduire de la SAAQ, en plus de celui émis par l’Employeur, lequel constitue une accréditation interne et atteste que le salarié détenteur est habilité à conduire une camionnette de l’Employeur. Le centre de formation de l’Employeur s’assure que tout conducteur détient toutes les accréditations requises. Il semble que cette exigence n’existe plus maintenant chez l’Employeur mais elle était de rigueur au moment de la survenance des événements litigieux.

 

[99]      La Plaignante dit posséder un permis de conduire d’un véhicule automobile émis par la SAAQ quant aux classes 2, 3, 4 et 5, sans toutefois détenir le permis interne délivré par l’Employeur.

 

[100]    La Plaignante explique ainsi les motifs de son refus d’exhiber son permis à sa contremaîtresse. Il était alors 18h30, c’était la fin du quart de travail et la Plaignante s’apprêtait à quitter le clos de la rue Ste-Catherine. Le contremaître alors en poste, monsieur Pierre Dinelle, avait procédé aux vérifications d’usage et madame Goulet venait de demander à la Plaignante si elle possédait son permis de conduire un véhicule automobile émis par l’Employeur.

 

[101]    La Plaignante dit ne pas avoir demandé à l’Employeur l’émission d’un permis interne. Madame Goulet insiste et exige de la Plaignante qu’elle exhibe son permis de conduire de la SAAQ avant de lui délivrer celui de l’Employeur qu’elle avait à la main. La Plaignante explique son refus de l’émission à son intention du permis de conduite de l’Employeur du fait qu’elle «ne demandait pas d’autre classe».

 

[102]    La Plaignante rapporte que madame Goulet lui aurait intimé l’ordre de produire, la semaine suivante, son permis de conduire à défaut de quoi elle lui interdirait l’accès à un véhicule de l’Employeur. La Plaignante justifie son acceptation de soumettre son permis à monsieur Dinelle et son refus de le soumettre à madame Goulet par sa crainte que celle-ci ne «vérifie des infractions» qu’elle aurait pu commettre. 

 

[103]    Madame Goulet décrit le ton des interventions de la Plaignante comme élevé, sans être grossier. Celle-ci se refuse absolument à recevoir quelque commentaire hors la présence de son délégué syndical.

 

[104]    Madame Goulet, en contre-interrogatoire, précise que la Plaignante a manifesté son agressivité par des cris, au moment où elle refusait de ses plier à sa demande. Madame Goulet s’est même sentie menacée dans son intégrité physique et psychologique. La présence de personnes dans leur entourage n’a alors nullement gêné la Plaignante et n’a jamais généré quelque retenue de sa part quant à la violence verbale de ses commentaires.

 

[105]    La Plaignante nie l’allégation de l’ avis de mesures disciplinaires (pièce S-6) à l’effet qu’elle aurait haussé le ton, qu’elle aurait au contraire maintenu un «ton normal, comme ici même» à l’audience d’arbitrage. Elle insiste pour souligner ne jamais élever la voix envers un contremaître. La Plaignante assure ne pas avoir crié en dépit de son mécontentement de la situation.

 

[106]    La Plaignante explique que l’incident de la reconnaissance du permis de conduire interne de l’Employeur s’est déroulé à la fin du quart de travail, vers 18h30. Monsieur Dinelle se serait livré à la même vérification un mois auparavant auprès d’elle. La Plaignante dit avoir répondu que la détention de ce permis s’avérait inutile pour la conduite de véhicule que l’Employeur lui confiait. Madame Goulet arborait alors dans sa main deux ou trois exemplaires de ce type de permis. La Plaignante se demandait bien pourquoi on lui imposerait alors un permis de conduire interne, elle qui, embauchée en 1998, n’a jamais eu à se soumettre à cette exigence d’un examen de conduite.

 

[107]    La Plaignante estime que seule la conduite d’une déneigeuse sur chenillettes Bombardier exige tel permis de conduire. Madame Goulet aurait alors exigé de la Plaignante qu’elle lui exhibe, au début de son prochain quart de travail son permis de conduire de la SAAQ, à défaut de quoi elle lui interdirait l’accès à un véhicule. La Plaignante dit s’être soumise à cette exigence de madame Goulet mais tout ce qu’elle obtint en retour fut un avis de suspension.

 

[108]    Il semble, selon la Plaignante, que ce soit aussi le moment où elle demanda à madame Goulet copie du rapport d’accident du travail émis par la CSST, suite à l’accident survenu à la station de métro Beaudry en juin 2003, d’où sa demande de production de «documents cléricaux». Madame Goulet avait en effet, selon la Plaignante, égaré le rapport d’accident du 13 septembre 2003 que celle-ci avait remis à madame Olivier laquelle devait en saisir madame Goulet. La Plaignante disait l’exiger de madame Goulet «en vue de faire valoir ses droits».

 

[109]    Madame Goulet dit que la Plaignante l’ignore et que cette attitude se manifeste en diverses circonstances dont, selon ses prétentions, pour le motif que monsieur Dinelle serait son véritable contremaître, pas elle, d’où, également sa remise à madame Olivier de son rapport d’accident du 2 juin, pas à elle.

 

 

Les PLAIDOIRIES

 

Le représentant de l'Employeur

 

[110]    Le représentant de l'Employeur résume ainsi les principaux éléments de la preuve devant moi.

 

[111]    Le dossier s’avère simple: c’est un tissu de contradictions de la part de la Plaignante qui conteste l’opportunité des reproches formulés à l’encontre de sa conduite répréhensible laquelle justifie les deux suspensions sans solde de deux journées chacune que l’Employeur lui a imposées.

 

[112]    En effet, l’Employeur lui a abord imposé, à l’ avis de mesure disciplinaire (pièce S-3) du 27 septembre 2003, deux journées de suspension sans solde en raison de quatre événements litigieux répartis sur trois jours, les 6, 7 et 8 septembre 2003, puis, à l’ avis de mesure disciplinaire (pièce S-6) du 18 octobre 2003 qui identifie à son tour deux événements litigieux survenus le même jour, le 21 septembre 2003, deux journées additionnelles de suspension sans solde. L’Employeur lui reproche son insubordination et son manque de respect envers sa supérieure hiérarchique, un cadre de l’Employeur.

 

[113]    L’ aide-mémoire (pièce E-1) de la Plaignante, relatif à des événements du 6 septembre 2003, traduit sa propension à la contestation et formule de nombreuses critiques envers ses supérieurs, madame Goulet et monsieur Nicol, deux personnes en autorité. L’ aide-mémoire (pièce E-2) de la Plaignante, relatif à des événements du lendemain, 7 septembre 2003, constitue la réponse de la Plaignante à l’ avis de mesure disciplinaire (pièce S-3) et la Plaignante continue à contester l’autorité de madame Goulet et de monsieur Nicol. Ces deux contremaîtres ont témoigné sur les faits de l’affaire que nie complètement la Plaignante et la simple négation de celle-ci mine sa crédibilité. La Plaignante s’entête à exécuter les tâches qu’elle détermine elle-même, à l’encontre des directives.

 

[114]    Si l’Employeur n’avait, à l’ avis de mesure disciplinaire (pièce S-3), qu’une faute à reprocher à la Plaignante, il ne lui aurait vraisemblablement pas imposé de sanction. Les deux contremaîtres ont tous deux tenté de guider la Plaignante mais non seulement celle-ci était-elle récalcitrante mais encore elle a fui contre toute logique. La seconde suspension sans solde s’appuie sur la survenance de deux événements qui traduisent toujours le même comportement chez la Plaignante. Les arguments que soulève la Plaignante relativement à la dangerosité de son travail ne tiennent pas la route mais ils la justifient, selon elle, de continuer à faire à sa tête. En semblable situation la Plaignante aurait pu, si le contexte s’y était prêté, invoquer son droit de refus en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail mais elle préfère faire à sa tête.

 

[115]    La Plaignante soumet en plus des exigences excessives. Ainsi, elle suggère le recours à de la machinerie lourde pour exécuter des tâches qui n’en exigent pas, tel le remplissage de poubelles de copeaux de bois.

 

[116]    Le représentant de l'Employeur dépose, en appui à ses prétentions, certains extraits de l’ouvrage de Linda Bernier, Guy Blanchet, Lukasz Granosik, Éric Séguin. 2011. Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dans les rapports collectifs du travail . Cowansville: Les Éditions Yvon Biais (pagination irrégulière), relatifs à la progression des sanctions, aux paragraphes 3.005, 3.007 et 3.008.

 

[117]    Le représentant de l’Employeur souligne que ces extraits reconnaissent le principe de la progression des sanctions dans des cas qui favorisent l’amendement de la conduite de la personne visée par une sanction disciplinaire. Il y a en l’espèce «escalade» de la conduite répréhensible de la Plaignante et l’Employeur a dû sévir comme il l’a fait.

 

[118]    Le représentant de l'Employeur dépose ensuite, en appui à ses prétentions, la sentence arbitrale du 27 décembre 2005 (n° de dépôt 2004-9092) de l’arbitre Viateur Larouche dans l’affaire Travailleurs et Travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, local 500 - ET- Alimentation Montée St-jean [sic] inc. qu’il ne commente cependant pas autrement qu’en disant que l’Employeur a invoqué en l’espèce, quant à la Plaignante, des «raisons sérieuses» et que ses deux contremaîtres ont fait preuve d’une «grande patience». Ils ont d’ailleurs, aux dire du représentant de l’Employeur, constaté ensemble une partie des incidents impliquant la Plaignante et ils contredisent lourdement le témoignage de la Plaignante. Il y a ainsi corroboration.

 

[119]    Le représentant de l'Employeur n’a pas formellement conclu au rejet du grief de la Plaignante mais cette conclusion est implicite.

 

 

Le procureur du Syndicat

 

[120]    Le procureur du Syndicat résume, lui également, les principaux éléments de la preuve devant moi, en plus de tracer le cadre juridique qu'il estime pertinent.

 

[121]    L’Employeur ne dispose pas d’un iota de preuve contre la Plaignante. Ainsi, dans sa liste des principales dérogations aux règlements de Jeanne Masson (566559) jardinières, pour la saison estivale 2003 (pièce E-6, par 38), madame Goulet exprime avoir un «doute» sur la détention par la Plaignante d’un permis de conduire interne. Les témoignages doivent rapporter des faits, pas des opinions. L’Employeur a créé et entretenu un climat de suspicion à partir d’un «doute» sur une question aussi anodine que la détention ou non par la Plaignante d’un permis de conduire.

 

[122]    Madame Goulet est une personne inexpérimentée à titre de contremaîtresse et elle déplore que la Plaignante mette en doute son jugement comme s’il s’agissait d’une vérité unidimensionnelle. Elle qualifie d’insubordination des objections de la Plaignante à certaines de ses directives auxquelles celle-ci s’est pliée par ailleurs. Il peut y avoir, d’une personne à l’autre, des méthodes de travail différentes ou même des visions différentes, sans que ces approches diverses ne soient assimilées à de la contestation.

 

[123]    Les deux griefs du Syndicat au nom de la Plaignante soulèvent une question de fond importante, celle de l’insubordination.

 

[124]    Le procureur du Syndicat dépose, en appui à ses prétentions, les deux sentences arbitrales suivantes: d’abord M.V. Express inc. - ET- Pierre Pelletier , Bruno Leclerc, le 21 août 2007, (en vertu des articles 240 à 246 de la section XIV, partie III du Code canadien du travail ), puis Ville de Thetford Mines -ET- Syndicat des employés municipaux de la Ville de Thetford Mines inc. (FISA) , 2007 CanLII 69311, Bruno Leclerc.

 

[125]    Le procureur du Syndicat attire d'abord mon attention sur un passage de l'affaire M.V. Express inc. (p. 6), une citation d’ Earl Edward Palmer and Bruce Murdoch Palmer. 1991. Collective Agreement Arbitration in Canada . Third Edition. Toronto: Butterworths, CXXXVI, 767 p. (traduction de l’arbitre Leclerc):

 

L'insubordination sous-entend le refus intentionnel d'un employé de suivre les directives de son employeur.

 

Donc, l'insubordination pourrait se définir comme l'ignorance d'un ordre clair donné par une personne en position d'autorité. Ainsi, en général, une accusation d'insubordination a trois éléments constitutifs:

a)   Il doit y avoir un ordre clair compris par le plaignant;

b)   L'ordre doit être donné par une personne en position d'autorité;

c)   L'ordre n'est pas suivi. (p. 315-316)

 

[126]    En l’espèce, l’Employeur justifie l’imposition à ce moment-là de mesures disciplinaires à la Plaignante du fait qu’il ait fait défaut de lui en imposer plus tôt. Il s’avère, à la lumière de la preuve, que la contremaîtresse voulait changer les façons de faire. La Plaignante ne s’y est pas opposée et elle à toujours effectué le travail requis d’elle sans pour autant toujours se soumettre aux directives de sa contremaîtresse.

 

[127]    L’Employeur reproche à la Plaignante son langage inapproprié. La Plaignante a toutefois répondu aux ordres reçus dans un «cadre» et selon des «mœurs» généralement acceptés. Le contre-interrogatoire a révélé, chez la contremaîtresse, un sentiment de menaces ressenties, une «impression» qui ne constitue pas une preuve.

 

[128]    Le procureur du Syndicat situe le désaccord de la Plaignante et de madame Goulet dans le contexte propre à l’altercation de deux amis de longue date, l’un étant avec le temps devenu le supérieur hiérarchique de l’autre, comme dans l’affaire Ville de Thetford Mines , quant au rapport avec l’autorité, comme le fait l’arbitre Bruno Leclerc (par. [23] et [28]).

 

[129]    L’Employeur a fait défaut de prouver le langage injurieux de la Plaignante et l’altercation entre celle-ci et sa contremaîtresse qui s’apparenterait à de l’insubordination

 

[130]    Le procureur du Syndicat a conclu à l'accueil du grief et au fait que je réserve ma compétence, conformément à l'article 100.12 , paragraphe d) du Code du travail du Québec, relativement à la fixation, le cas échéant, de tout montant dû en vertu de la présente sentence arbitrale.

 

 

La DÉCISION

 

Les motifs

 

[131]    Les faits de la présente affaire sont simples. Une preuve prépondérante est à l’effet que la Plaignante a fait preuve d’insubordination répétée à l’endroit de sa supérieure hiérarchique. Elle a également manqué à son obligation de civilité envers cette dernière. L’Employeur a sanctionné sa conduite et ses paroles par deux suspensions disciplinaires d’une durée de deux journées chacune, une première le 27 septembre 2003 puis une seconde le 18 octobre 2003. Le Syndicat conteste ces deux mesures disciplinaires.

 

[132]    La convention collective intervenue entre les parties (pièce S-1) définit, aux articles 20 et 21, le cadre juridique qu’elles ont déterminé en semblable matière, mais aucun n’est litigieux en l’espèce et les parties ne l’ont pas évoqué à l’arbitrage.

 

[133]    J'ai étudié la preuve soumise respectivement par le représentant de l’Employeur et par le procureur du Syndicat, soupesé les arguments de leurs plaidoiries respectives, évalué la crédibilité des témoins, de même que j'ai considéré la jurisprudence produite au soutien des prétentions des parties.

 

[134]    La crédibilité de la Plaignante est sérieuse entachée et diminués par son refus obstiné ou son incapacité entêtée à répondre aux questions les plus directes et les plus simples. La Plaignante a saisi l’occasion de la plupart des questions pour afficher ses remontrances et sa rancœur à l’endroit de son Employeur et de ses représentants. Elle est cependant toujours restée digne et en contrôle de ses émotions.

 

[135]    La Plaignante affiche péremptoirement, sans le moindre appui sur des faits, des certitudes invraisemblables. Elle affirme sans broncher, avec une assurance imperturbable, des prétentions et des certitudes qui s’apparentent plutôt au mieux à des hypothèses pour le moins fragiles, sinon à des erreurs grossières. Le témoignage de la Plaignante est ainsi  parfois émaillé d’incongruité. La preuve en révèle un nombre important.  Elle affiche un esprit outrageusement contradictoire (un «mauvais esprit») et elle est inutilement provocatrice tant dans ses propos que dans ses attitudes.

 

[136]    La contremaîtresse de l’Employeur et supérieure hiérarchique de la Plaignante, madame Goulet, soumise à un contre-interrogatoire particulièrement vigoureux, a su répondre à toutes les questions avec calme et pondération. Elle s’exprime dans une langue châtiée, avec clarté et mesure, affichant toujours, même lorsque aiguillonnée en toute légalité, une complète rigueur et un calme imperturbable. Son témoignage empreint à la fois de rationalité, de logique et d’humanisme m’a impressionné et je ne puis faire autrement de lui reconnaître une crédibilité sans tâche.

 

[137]    Je reprends les deux principaux motifs de l’Employeur d’imposer deux suspensions distinctes de deux journées chacune à la Plaignante, pour insubordination et manquement à son obligation de civilité.

 

[138]    L’insubordination est la première faute reprochée par l’Employeur à la Plaignante. La preuve prépondérante est à l’effet que la Plaignante n’invoque jamais clairement et de façon crédible l’absence de directives de la part de madame Goulet pour justifier des initiatives qu’elle-même aurait prises et qui se sont avérées néfastes, selon le constat factuel de madame Goulet, pas davantage que leur mauvaise compréhension qui aurait pu résulter en des erreurs d’accomplissement de tâches précises. Elle conteste tout simplement l’opportunité et le bien fondé de ces directives.

 

[139]    La Plaignante porte des jugements de valeur sur les décisions et des directives de sa supérieure hiérarchique dont elle conteste manifestement, sans aucune justification, l’opportunité. Les qualifications techniques supérieures de madame Goulet ne laissent pas de doute sur sa capacité à prendre des décisions éclairées, fondées sur la science et la logique. Son expérience de gestionnaire n’en fait pas non plus une néophyte. Elle est de plus animée d’une grande patience et ses rapports interpersonnels semblent imbus de respect, ce qui n’est pas le cas de la Plaignante.

 

[140]    Le procureur du Syndicat soumet à mon attention un passage de l'affaire M.V. Express inc. (p. 6) de l’arbitre Bruno Leclerc, c’est-à-dire essentiellement une citation de Palmer and Palmer (1991: 315-316):

 

L'insubordination sous-entend le refus intentionnel d'un employé de suivre les directives de son employeur.

 

Donc, l'insubordination pourrait se définir comme l'ignorance d'un ordre clair donné par une personne en position d'autorité. Ainsi, en général, une accusation d'insubordination a trois éléments constitutifs:

a)   Il doit y avoir un ordre clair compris par le plaignant;

b)   L'ordre doit être donné par une personne en position d'autorité;

c)   L'ordre n'est pas suivi. .

 

[141]    L’insubordination ne perd pas ses caractéristiques et la gravité de cette faute n’est pas amoindrie du fait que la Plaignante vers qui l’ordre est dirigé atteint peut-être néanmoins finalement, après tergiversations sur tergiversations, les objectifs qu’aura fixés à son intention sa supérieure, par d’autres moyens. Un sage gestionnaire et un  leader éclairé saura se rallier à une idée supérieure à la sienne. Toutefois, l’obligation d’obéissance imposée au salarié assujetti à l’autorité d’un supérieur n’est pas pour autant réduite, même dans ce dernier cas. La Plaignante ne peut même pas songer à évoquer cette  avenue dans le cas devant moi. La preuve largement prépondérante écarte sa moindre capacité à contester sur des bases le moindrement rigoureuse l’opportunité des directives que lui transmet sa contremaîtresse.

 

[142]    La preuve prépondérante, dans le présent dossier, est d’ailleurs à l’effet d’y retrouver les trois éléments constitutifs de l’insubordination énoncés par Palmer and Palmer, que reprend à son compte l’arbitre Leclerc. Les faits de l’affaire M.V. Express inc. diffèrent singulièrement de ceux de l’affaire devant moi. Dans cette dernière affaire, l’employeur aurait essuyé trois refus, les 14, 17 et 19 septembre 2006, de la part du plaignant d’effectuer des livraisons par camion (par. [3]) et il aurait en conséquence imposé des sanctions respectives d’une lettre de réprimande, d’une suspension de trois jours, enfin du congédiement. L’arbitre Leclerc casse les trois sanctions pour le motif que la «preuve est peu fiable. Elle tient de la supposition» (par. [26]).

 

[143]    La crédibilité des témoins de l’Employeur devant moi est irréprochable et je ne peux en dire autant de la crédibilité de la Plaignante. Ainsi, la preuve prépondérante au soutien des conclusions recherchées par l’Employeur, quant à la question de l’insubordination de la Plaignante, n’autorise aucune intervention de ma part. J’écarte donc cette affaire M.V. Express inc. mais je retiens la pertinence de la définition classique de l’insubordination qu’elle véhicule.

 

[144]    Le salarié, si compétent soit-il ou prétend-il être, doit se plier aux ordres légitimes de son supérieur et sa discrétion de refus d’obéissance est fort étroite, en plus d’en avoir le fardeau de la preuve. Les ordres contestés avec brusquerie en l’espèce ne tombent pas dans la catégorie de ceux qu’on peut écarter parce qu’ils sont illégaux ou qu’ils mettent en péril la sécurité des personnes, y compris celle de la Plaignante. C’est un cas élémentaire de l’application de l’adage « work now, grieve later ».

 

[145]    Le manquement à l’obligation de civilité constitue le second fondement des mesures disciplinaires imposées par l’Employeur à la Plaignante, bien qu’il ne qualifie pas ainsi la faute de la Plaignante.

 

[146]    La conduite impolie et inadmissible répond au concept d’incivilité. Le Petit Larousse illustré définit ainsi le terme «civilité: respect des bienséances». Un salarié n’y contrevient pas nécessairement de manière toujours grossière et scatologique. Il peut même donner à cette violation la forme de silences, de détournements du regard, de chantonnements à des directives, à des remarques, à une conversation qui se transforme en monologue de la part de l’autre interlocuteur. La Plaignante a eu recours à ces commentaires acerbes et elle a également donné à la notion d’incivilité la forme de la fuite délibérée, en camionnette, au moment où sa supérieure s’adressait poliment à elle.

 

[147]    La Plaignante a fait preuve d’incivilité grave, manifeste son insubordination de manière intempestive, irrévérencieuse, prétentieuse et arrogante. Elle affiche un comportement asocial avec sa supérieur hiérarchique à qui, dans notre régime de relations de travail, elle doit obéissance et, dans le contexte du savoir vivre en société, politesse. Se conduire autrement, c’est-à-dire précisément comme la preuve prépondérante devant moi le révèle, met en péril la relation de déférence réciproque qui doit toujours présider aux rapports interpersonnels entre supérieurs et subordonnés, que la Plaignante aime ou non cette obligation.

 

[148]    L’impolitesse de la Plaignante s’est manifestée dans ses écrits qui la desservent considérablement. Sa conduite à cet égard à l’audience a été irréprochable. Mais le mal était déjà fait. La preuve testimoniale a corroboré la preuve documentaire.

 

[149]    En effet, la première réplique de la Plaignante (pièce E-1) au premier avis d’infraction (pièce S-3), en regard de l’incident du 6 septembre 2003 survenu au Parc Félix-Antoine Savard est un pamphlet, un réquisitoire incompréhensible (par. 3), prétentieux (par. 5), impoli et grossier (par. 2, 4, 7), aux commentaires gratuits (par. 8, 9), aux accusations simplistes (al. introductif, par. 6), aux requêtes inopportunes (par. 9), qui prête généralement sans fondement des intentions désobligeantes aux gestes et aux paroles de madame Goulet.

 

[150]    La seconde réplique de la Plaignante, consignée à la pièce E-2, est pratiquement de la même eau que la précédente, à l’exception de certains commentaires davantage rationnels (par. 2, 3, 4, 5, 8) que les accusations farfelues de la réplique de la pièce E-1, qui n’en est toutefois malheureusement encore une fois pas totalement dépourvue (par. 1, 6, 7, 9, 10).

 

[151]    Enfin la troisième réplique de la Plaignante, reproduite à la pièce E-3, pèche par les mêmes fautes que la première et elle est généralement tout aussi irrévérencieuse et exagérée dans son ton et ses propos (sauf les par. 9 et 15).

 

[152]    Après avoir constaté l’existence des fautes de la Plaignante, je dois m’interroger sur l’opportunité des sanctions eu égard à la gravité de celles-là. Le principe de la gradation des sanctions a-t-il été respecté en l’espèce?

 

[153]    Le représentant de l'Employeur dépose, en appui à ses prétentions, certains extraits de l’ouvrage de Bernier et al. (2011: par. 3.005, 3.007 et 3.008), relatifs à la progression des sanctions:

 

3.001 […] a) La progression des sanctions

3.005. […] le salarié doit, d'une part, avoir la chance d'amender sa conduite fautive et, d'autre part, le congédiement étant la mesure disciplinaire extrême, l'employeur ne peut l'imposer qu'après avoir épuisé toutes les autres solutions. Le tribunal d'arbitrage qui n'aurait pas tenu compte du principe de la progres sion des sanctions en confirmant le congédiement d'un salarié, alors que ce principe s'appliquait, rend une décision manifestement déraisonnable.

 

Il est contraire au principe de la progression des sanctions qu'un employeur ne sanctionne pas les fautes immédiatement et qu'il choisisse d'attendre que celles-ci s'accumulent avant de sévir.

 

3.007. Lorsque la convention collective prévoit la progression des sanctions, l'employeur ne peut s'y soustraire tant au niveau du fond qu'au niveau de la forme prescrite à la convention. Toutefois le tribunal d'arbitrage garde son pouvoir d'évaluer l'applicabilité de ce principe et d'imposer toute mesure disciplinaire appropriée dans les circonstances . […]

 

3.008. La règle de la progression des sanctions n'est pas d'application absolue et l'employeur n'est pas tenu de s'y conformer en cas de fautes de nature différente ou en cas de faute grave .. Il s'agit la plupart du temps de cas de fraude, vol, manquement à l'obligation de loyauté ou encore de comportements hautement répréhensibles ou criminels comme les agressions sexuelles, la négligence criminelle, etc. Ce principe ne s'applique pas non plus en cas de comportement irréversible de la part d'un salarié, c'est-à-dire lorsque l'employeur démontre que même la discipline progressive n'aurait pas amené le salarié à amender sa conduite et à la rendre conforme aux attentes de l'employeur.

 

[154]    Le représentant de l'Employeur dépose ensuite, en appui à ses prétentions, la sentence arbitrale du 27 décembre 2005 (n° de dépôt 2004-9092) de l’arbitre Viateur Larouche, dans l’affaire Travailleurs et Travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, local 500 - ET- Alimentation Montée St-jean [sic] inc. Les faits de cette affaire étaient relatifs au refus d’un boucher de l’employeur de travailler, au taux du salaire en temps supplémentaire, la journée fériée de la Fête du Canada.

 

[155]    La pertinence de l’affaire en regard de celle devant moi tient au concept de faute grave qui justifierait l’employeur d’outrepasser la notion de gradation des sanctions dans le contexte de cette convention collective qui exigeait, pour justifier une suspension, la présence au dossier d’au moins «un avis écrit» à moins qu’il ne s’agisse d’un congédiement ou d’une «suspension pour faute grave» (sous-par. 6.01b de la convention collective cité au par. [21] de la sentence). L’arbitre Larouche invoque, à l’appui de sa compétence à maintenir l’opportunité de la suspension de deux jours infligée au plaignant, la seconde phrase du par. 3.0007, de l’extrait de l’ouvrage de Bernier et al. (2011) que cite également le représentant de l’Employeur devant moi.

 

[156]    La convention collective soumise à mon interprétation ne contient pas de disposition semblable à celle du sous-paragraphe 6.01(b) de la convention collective soumise à l’interprétation de l’arbitre Larouche. Toutefois, l’énoncé du principe contenu à cet extrait du par. 3.007 de l’ouvrage de Bernier (2011) est universel et me justifie également à maintenir la sanction qu’à imposée l’Employeur à la Plaignante.

 

[157]    La gravité des fautes de la Plaignante, dont la preuve prépondérante est incontestable, bien qu’elle ne lui mérite ni une suspension plus longue, encore moins le congédiement, dispense cependant l’Employeur de son obligation stricte de la gradation des sanctions, en entreprenant cette démarche par une simple réprimande, et celui-ci est justifié d’imposer à la Plaignante une sanction disciplinaire d’une suspension sans solde de deux journées ouvrables, à la première sanction tout comme à la seconde.

 

[158]    Les contextes respectifs de l’affaire Ville de Thetford Mines , citée par le procureur du Syndicat en appui à ses prétentions, et de celle devant moi, en tout respect pour l’opinion contraire, n’ont rien de commun. Il ne s’agit pas, dans le dossier devant moi, de vieux amis (dont l’un supervise dorénavant l’autre) et qui se querellent par frustration chez celui en situation d’infériorité hiérarchique. Le comportement désagréable de la Plaignante est purement gratuit.

 

[159]    L’extrait ci-après distingue magistralement les deux affaires et contribue à l’écarter, surtout du fait de la coloration particulière du paragraphe [28]:

 

[23] La doctrine citée par l'employeur [Bernier et al., mai 2007] réfère à de nombreuses décisions arbitrales, qui démontrent que les arbitres hésitent avant d'intervenir ou de modifier les décisions des employeurs qui ont sanctionné leurs salariés pour le motif qu'un acte d'insubordination a été commis ou qu'un langage injurieux et grossier a été utilisé à l'égard d'un supérieur. Je suis parfaitement en accord avec cette doctrine. Cependant, avant de me prononcer sur la gravité de l'insubordination et la justesse de la décision de l'employeur, je dois d'abord rechercher dans la preuve présentée l'existence de cette insubordination ou de ce langage injurieux et grossier, ou pour employer les termes de l'avis disciplinaire, d'avoir tenu des propos inappropriés et inadmissibles pour notre organisation envers un contremaître, comme l'écrit le directeur des Ressources humaines dans l'avis disciplinaire du 15 novembre 2006. […]

 

[28] En examinant cette preuve, je me demande s’il ne s’agit pas d’un échange, peut-être un peu viril, entre deux personnes liées par une longue amitié, mais qui se retrouvent dans un contexte de travail où l’un est subordonné à l’autre.

 

[160]    La Plaignante doit se soumettre à cette obligation synallagmatique de respect mutuel à défaut de quoi, si elle n’amende pas sa conduite, elle-même mettra en péril son emploi et elle sera ainsi l’artisane de son propre malheur. Non seulement elle n’a pas, dans les faits, toujours raison mais la preuve accablante faite devant moi de sa conduite, de ses gestes et de ses paroles me révèle qu’elle a, quant aux griefs qui me sont soumis, presque toujours tort. Je ne retiens en effet à sa décharge que deux tempéraments, d’abord le certificat médical de l’incident du 2 juin 2003, puis la remise d’une attestation de sa visite au CLSC ou à une clinique, en vue d’une seconde injection, du fait de ce même accident.

 

[161]    La Plaignante n’affiche pas le moindre remord en conséquence de sa conduite outrancière, tant par ses paroles que par ses gestes. Ainsi, la gravité de la faute de la Plaignante, suite à ses deux départs impromptus et intempestifs, au moment où sa supérieure hiérarchique lui donnait des directives et lui transmettait des reproches, aurait pu être tempérée par un geste de réhabilitation et d’excuses, manifesté par un retour contrit inopiné. Il n’en fut rien. Elle ne s’est pas non plus le moindrement excusée à l’audience. Je ne trouve donc pas dans la preuve la moindre circonstance atténuante dont al Plaignante bénéficierait. Madame Goulet n’a, au contraire, rien à se reprocher.

 

[162]    La gravité des manquements de la Plaignante, qui traduisent son mépris total pour l’autorité par des gestes asociaux et des paroles hautaines et méprisantes, de même que ses gestes d’insubordination valent à la Plaignante les deux sanctions que l’Employeur lui a imposées successivement. Je n’y trouve rien d’illégal, d’arbitraire, d’abusif ou d’incohérent qui me justifierait d’intervenir et d’en réduite la lourdeur.

 

[163]    Je souhaite que le présent coup de semonce bienveillant de cette double suspension s’avère salutaire à la Plaignante et qu’il l’incite à un coup de barre vigoureux.

 

[164]    En dernière analyse, je retiens en totalité les conclusions recherchées par le représentant de l'Employeur.

 

 

Le dispositif

 

[165]    En conséquence, je rejette les griefs n ° 031039 et 030989 de la Plaignante. 

 

 

 

 

 

 

Noël Mallette

Arbitre de grief

 

Montréal, le 28 octobre 2012