Simard c. Godbout

2012 QCCS 6972

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

 

N° :

200-17-015886-120

 

 

 

DATE :

27 juillet 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

BERNARD GODBOUT, j.c.s.

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Me CLAUDE SIMARD

ès qualités de COMMISSAIRE À LA DÉONTOLOGIE POLICIÈRE

ayant une place d'affaires

au 454, place Jacques-Cartier, 5 e étage

Montréal (Québec)

District de Montréal,  H2Y 3B3

Demandeur

c.

L'HONORABLE JUGE FRANÇOIS GODBOUT, J.C.Q.

Juge désigné en vertu de la Loi sur la police (L.R.Q., c. P-13.1)

Palais de justice

300, boulevard Jean-Lesage

Québec (Québec)

District de Québec,  G1K 8K6

Défendeur

et

CÉLINE CANTIN , matricule […]

MARIO GALIBOIS , matricule […]

ANDRÉ G. TURCOTTE , matricule […]

HÉLÈNE CHAMBERLAND , matricule […]

 

Membres du Service de police de la Ville de Québec

ayant une place d'affaires

au 1130, route de l'Église

Québec (Québec)

District de Québec,  G1V 4X6

 

et

 

COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE

Constitué en vertu de la Loi sur la police

ayant une place d'affaires

à la Tour du Saint-Laurent

au 2525, boulevard Laurier, 2 e étage, bur. A-200

Québec (Québec)

District de Québec  G1V 4Z6

            Mis en cause

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RÉVISION JUDICIAIRE

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[1]            Me Claude Simard, es qualités de commissaire à la déontologie  policière, (le Commissaire), demande la révision judiciaire du jugement de la Cour du Québec, rendu le 9 décembre 2011 par l'honorable François Godbout, qui rejette l'appel d'une décision du Comité de déontologie policière (le Comité), rendue le 25 novembre 2010 par Me Pierre Drouin, qui elle-même rejette les quatre plaintes disciplinaires que le Commissaire avait portées contre les quatre policiers mis en cause, membres du Service de police de la Ville de Québec.

[2]            Essentiellement, le Commissaire reproche aux policiers mis en cause d'avoir détenu sans justification au poste de police de Québec messieurs Kaven Giasson et Maxime Lavoie, pendant une période de 16 heures débutant le 29 février 2008, vers 15 h 20, jusqu'au 1 er mars 2008 à 7 h 30.

[3]            Les chefs d'accusations des plaintes disciplinaires portées contre les quatre policiers mis en cause sont à quelques exceptions près identiques :

« (…) à Québec, le ou vers le 29 février 2008 (le ou vers le 1 er mars 2008), alors qu'ils étaient dans l'exercice de leurs fonctions, ont abusé de leur autorité en omettant de mettre en liberté Kaven Giasson (Maxime Lavoie) au moment où sa détention n'était plus nécessaire, commettant ainsi un acte dérogatoire prévu à l'article 6 du Code de déontologie des policiers du Québec (R.R.Q., c. )-8.1, r.1).»

Les décisions

[4]            Les motifs de la décision du Comité qu'il y a lieu ici de reproduire intégralement, se retrouvent aux paragraphes 76 et suivants :

«[76]          Le Commissaire reproche aux lieutenants Cantin et Turcotte ainsi qu’au sergent Galibois et à la caporale Chamberland d’avoir abusé de leur autorité en omettant de mettre en liberté MM. Giasson et Lavoie au moment où leur détention n’était plus nécessaire.

[77]              Concernant l’objet des présentes citations, aucun des quatre policiers cités par le Commissaire ne se souvient de la détention de MM. Giasson et Lavoie. Conséquemment, ils ne peuvent justifier leur détention de 16 heures. Le procureur du Commissaire soumet que ne pas se souvenir ne peut constituer une excuse.

[78]              Pour sanctionner les policiers, le Comité doit conclure qu’ils ont commis une faute déontologique. Il est raisonnable de croire les quatre policiers lorsqu’ils affirment ne pas se souvenir de la détention de MM. Giasson et Lavoie et les motifs qu’ils invoquent sont plausibles

[79]              Le fait en soi de ne pas se souvenir d’une situation spécifique et ainsi ne pas être en mesure de l’expliquer peut ne pas être disculpatoire. Cependant, dans le présent dossier le Comité constate certains faits qui militent en faveur des policiers.

[80]              En premier lieu, la fonction « enregistrement » du système de surveillance vidéo est endommagée. Ce fait est hors de la connaissance et du contrôle des quatre policiers au moment des événements. On ne peut donc leur en faire reproche.

[81]              Dans la présente affaire, le Comité constate que ce bris est fort important. En effet, les caméras filment et enregistrent en permanence ce qui se passe dans chaque cellule dans l’éventualité que survienne un problème et que devienne utile le visionnement des bandes vidéo afin d’obtenir, entre autre, des explications sur l’action des policiers en pareilles circonstances.

[82]              Le système de surveillance vidéo est d’autant plus important qu’il est également démontré, selon la procédure en vigueur, que les divers formulaires complétés ne contiennent que des informations d’ordre général tel l’heure de l’incarcération et de la libération ainsi que l’état physique du détenu. On inscrira dans le formulaire approprié et on complétera un rapport spécifique que s’il survient une situation particulière. Or, il est établi, notamment par le témoignage de M. Giasson, que leur détention s’est effectuée sans incident.

[83]              Dans les circonstances, le seul outil permettant de se rappeler du passé est le système de surveillance vidéo. Mais, à l’époque, il est inutilisable.

[84]              En conséquence, dans le cas spécifique du présent dossier il est raisonnable d’accueillir, comme facteur disculpatoire, l’absence de souvenir des quatre policiers concernant la détention de MM. Giasson et Lavoie; le bris du système de surveillance vidéo était hors de leur contrôle et de leur connaissance.

[85]              Par ailleurs, malgré le manque de mémoire des quatre policiers, certains faits mis en preuve permettent d’établir qu’au moment de l’intervention policière auprès de MM. Giasson et Lavoie, ceux-ci sont sur le « party ». Ils ont consommé de l’alcool et des stupéfiants. Les policiers ont de la difficulté à obtenir leur collaboration, de sorte que certaines accusations seront portées contre eux.

[86]              Selon la preuve, ils sont conduits au bloc cellulaire, dû à leur état d’esprit, les policiers craignant la poursuite du désordre. En pareilles circonstances, il est usuel d’incarcérer la personne le temps qu’elle retrouve son état normal.

[87]              Il est raisonnable de croire que c’est bien ce qui s’est passé dans le cas de MM. Giasson et Lavoie. En effet, selon le témoignage de M. Lavoie, durant la nuit il a demandé à un policier quand il pourrait sortir. Le policier lui a répondu « qu’il était là pour dégriser. »

[88]              Finalement, il est tout aussi raisonnable de croire que, vers 7 h 30, constatant qu’ils avaient retrouvé leurs esprits, ils sont libérés, leur détention n’étant plus nécessaire.

[89]              Le Comité en arrive donc à la conclusion qu’on ne lui a pas démontré avec prépondérance que les lieutenants Cantin et Turcotte ainsi que le sergent Galibois et la caporale Chamberland avaient commis l’acte dérogatoire pour lequel ils sont cités par le Commissaire.»

[5]            La Cour du Québec, qui rejette l'appel de cette décision, résume ainsi les questions en litige :

«[55]          La Cour est d'opinion que la véritable question en litige est de déterminer si la décision du Comité de ne pas avoir statué qu'une détention de plus de 16 heures de monsieur Kaven Giasson et de monsieur Maxime Lavoie était abusive et qu'elle constituait une faute déontologique pour les intimés est déraisonnable.

[56]              Également, il y a lieu de déterminer si la décision du Comité de considérer l'absence de souvenir des intimés comme un facteur disculpatoire prenant en compte la défectuosité du système d'enregistrement de la surveillance vidéo du bloc cellulaire est déraisonnable.»

[6]            Au sujet de la norme de contrôle, la Cour du Québec est d'avis que la norme de la décision raisonnable s'applique au présent cas, prenant soin toutefois de préciser que :

«[73]          En réalité, lorsque la Cour du Québec est saisie d'un pourvoi en vertu de la Loi sur la police , elle est l'instance judiciaire choisie par le législateur pour exercer un contrôle judiciaire avec l'étendue des pouvoirs que la loi habilitante lui attribue.

[74]              Dans un cas d'appel en vertu de la Loi sur la police , la Cour du Québec, à titre de tribunal judiciaire, a le pouvoir de confirmer la décision portée devant elle, mais elle peut également l'infirmer et rendre alors la décision qui, selon elle, aurait dû être rendue en premier lieu.

[75]              Ainsi, avec respect pour l'opinion contraire, le soussigné est d'avis que la Cour du Québec, lorsqu'elle exerce le contrôle judiciaire que le législateur lui a confié en vertu de la Loi sur la police , n'est pas une Cour d'appel au sens de la hiérarchie qui existe entre les tribunaux judiciaires.

[76]              Cependant, elle doit appliquer l'enseignement de Dunsmuir avec la déférence qu'impose la norme de contrôle déterminée et cette déférence doit être la même pour elle que pour tout autre tribunal judiciaire à qui le législateur confie expressément le mandat d'exercer le premier le contrôle judiciaire d'une décision d'un décideur administratif.»

[7]            Après avoir revu les éléments de la preuve considérés par le Comité, le juge écrit :

«[93]          L'importance de ce bris dans la présente affaire est affirmée par le Comité et cette conclusion n'est pas déraisonnable, bien au contraire, la preuve offerte ayant démontré, selon l'analyse qu'en fait le Comité, que les divers formulaires complétés au regard du bloc cellulaire et des personnes qui s'y trouvent détenues ne contiennent que des informations d'ordre général.

[94]              La Cour considère que la décision du Comité d'accueillir comme moyen disculpatoire l'absence de souvenir des quatre policiers au sujet de la détention de messieurs Giasson et Lavoie est raisonnable, d'autant qu'il ne s'appuie pas uniquement sur cette seule assertion pour rejeter les citations déposées par le Commissaire.

[95]              Le Comité considère que la preuve qu'il a entendue démontre qu'au moment de l'intervention judiciaire ayant conduit à la détention des personnes concernées par le présent pourvoi, il était sur le «party», pour reprendre l'expression qu'il utilise.

[96]              Le Commissaire conteste cette interprétation et considère plutôt, en se référant aux affirmations faites par messieurs Giasson et Lavoie lors de leur témoignage respectif, que n'ayant consommé que quelques onces de bières et une cigarette de cannabis, il n'était pas nécessaire non plus que justifié qu'ils soient détenus pendant une période de 16 heures.

[97]              Le Commissaire prétend qu'il est inadmissible que des policiers gardent en détention des personnes pour dégriser, selon l'expression qu'il utilise, pendant une période indue et pour lui, dans le cas soumis, une détention de 16 heures est pour une période indue et de ce fait, il conclut que la décision du Comité de refuser d'y voir un abus d'autorité est déraisonnable.

[98]              Le critère de la norme du caractère raisonnable est ainsi défini par la Cour suprême dans Dunsmuir:

«La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l'origine des deux normes antérieures de raisonnabilité: certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n'appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d'opter pour l'une ou l'autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu'à l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. »

[99]              Dans la présente affaire, la Cour est d'avis qu'il n'est pas déraisonnable d'avoir conclu, comme le Comité l'a fait, que le temps de détention de messieurs Giasson et Lavoie fut nécessaire pour qu'ils aient le temps de retrouver leur état normal.

[100]          Dans le rôle que lui attribue le législateur au titre du contrôle judiciaire d'une décision rendue par un organisme administratif, en l'occurrence le Comité de déontologie policière, la Cour du Québec doit faire preuve à son endroit de toute la déférence que commande son expertise à  traiter de la déontologie policière, et ce, même si la loi habilitante nous permet de rendre la décision qui aurait dû être rendue selon nous.

[101]          Pour arriver à une telle conclusion, il faut d'abord considérer la décision rendue déraisonnable, ce qui n'est pas le cas dans la présente affaire.»

Ce que plaident les parties

[8]            Le Commissaire soutient qu'il a présenté devant le Comité des rapports de détention qui sont crédibles, qui démontrent qu'aucun incident particulier ne s'est produit durant la détention et qu'ils constituent ainsi une preuve positive qui n'a pas été contredite.

[9]            Il ajoute qu'il est clair, selon les directives du Service de police, qu'une personne ne doit pas être gardée en détention si cela n'est plus nécessaire.  Les policiers devaient donc faire la preuve que la détention de MM. Giasson et Lavoie pendant une durée de 16 heures était nécessaire.

[10]         Dans ce contexte, la décision du Comité de déontologie de considérer l'absence d'enregistrement comme un élément disculpatoire n'est pas raisonnable.

[11]         Le Commissaire conclut que selon la Cour suprême du Canada, à partir du moment où la détention d'une personne n'est plus justifiée, elle devient arbitaire au sens de la Charte canadienne des droits et libertés .  Et, il est contraire à la déontologie d'un policier qu'il brime la liberté d'une personne sans justification.

[12]         Les quatre policiers mis en cause soutiennent que le Comité était saisi d'une situation purement factuelle qu'il a appréciée dans le contexte de sa juridiction spécialisée.

[13]         Ils précisent que le Comité a conclu d'une part, que dans ce cas spécifique, ils pouvaient valablement plaider un moyen disculpatoire eu égard à la situation factuelle et d'autre part, que compte tenu du comportement et de l'état d'intoxication des individus, le fait que ceux-ci aient été détenus pendant 16 heures ne constituait pas un abus d'autorité au sens de l'article 6 du Code de déontologie des policiers du Québec .

[14]         Quant à la Cour du Québec elle a analysé la preuve présentée devant le Comité et elle a conclu qu'il n'y avait rien de déraisonnable dans les conclusions du Comité quant au facteur disculpatoire pour chacun des quatre policiers visés et quant au temps de détention des deux individus jugé raisonnable pour que ceux-ci puissent retrouver leur état normal.  Il s'agit d'une appréciation d'éléments factuels et la Cour du Québec a refusé, à bon droit, d'intervenir en toute déférence pour l'instance spécialisée qu'est le Comité.

[15]         Face à un tel constat, la Cour supérieure ne devrait pas intervenir dans l'appréciation de la preuve et dans les conclusions qu'en ont tirées d'une part, le Comité et d'autre part, la Cour du Québec.

La norme de contrôle

[16]         Dans sa requête introductive d'instance en révision judiciaire, le Commissaire propose que la norme de contrôle applicable à la décision du Comité est celle de la décision raisonnable et que la norme de contrôle applicable au jugement de la Cour du Québec est celle de la décision correcte, étant donné qu'elle a omis d'appliquer la norme de la décision raisonnable à l'égard de la décision du Comité.

[17]         Les quatre policiers mis en cause soutiennent que c'est la norme de la décision raisonnable qui doit être appliquée dans les deux cas.

[18]         La norme de contrôle applicable à l'égard de la décision du Comité est celle de la décision raisonnable.  Même si le Commissaire soulève par l'un de ses arguments une question de Charte, la Cour suprême du Canada a clairement disposé de cette question dans Doré c. Barreau du Québec ( 2012 C.S.C. 12 ), un arrêt du 22 mars 2012 :

« [45]   Je suis d’avis que, si on applique les principes établis dans Dunsmuir , la norme de la décision raisonnable reste celle à laquelle il faut recourir pour réviser les décisions des comités de discipline.   Il s’agit donc de se demander si c’est une norme différente dont les tribunaux doivent se servir lorsque l’analyse porte sur l’application par l’organisme disciplinaire des garanties visées par la Charte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré.  À mon avis, il n’y a pas lieu d’appliquer une norme différente du fait que la Charte est en cause.»

[19]         Quant à la norme de contrôle à l'égard du jugement de la Cour du Québec, la Cour supérieure peut intervenir dans deux hypothèses : lorsque la Cour du Québec n'a pas déterminé la norme de contrôle appropriée ou lorsqu'il y a erreur dans l'application de celle-ci [1] .  La question du choix et de l'application de la norme appropriée est une question de droit qui doit être analysée selon la norme de la décision correcte [2] .  Une erreur à l'un ou l'autre des stades de l'analyse sera fatale puisqu'elle constituera un excès de compétence de la part de la Cour du Québec [3] .

[20]         Dans son jugement, la Cour du Québec affirme que lorsqu'elle entend un appel en vertu des pouvoirs qui lui sont confiés par la Loi sur la police , elle n'est pas une Cour d'appel au sens de la hiérarchie qui existe entre les tribunaux judiciaires.  Le juge indique qu'il doit appliquer les enseignements de l'arrêt Dunsmuir puisque la Cour du Québec exerce un « premier contrôle judiciaire de la décision du décideur administratif ».  Le juge considère que la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence requis et qu'il n'y a donc pas lieu de procéder à l'analyse relative à la norme de contrôle.  Selon lui, la norme de la décision raisonnable est celle qui s'applique à la décision du Comité.

[21]         La Cour du Québec a ainsi choisi la norme de contrôle appropriée à l'égard de la décision du Comité [4] .  Par ailleurs, c'est la norme de la décision correcte que la Cour supérieure doit appliquer à l'égard du jugement de la Cour du Québec.

Analyse

[22]         Disposons premièrement de la référence à la Charte que le Commissaire associe à l'un de ses arguments.

[23]         Dans Bourque c. Cour du Québec [5] , le juge Paul-Arthur Gendreau écrit dans ses motifs auxquels souscrivent les juges Rochon et Dalphond :

«[28]     En l'espèce, toutes les juridictions s'entendent sur la nécessité et l'importance de l'obligation de faire comparaître un détenu dans les délais prévus à l'article 503 C.cr. Toutes reconnaissent que cette règle constitue une garantie essentielle de notre système de justice pénale. Dès lors, il va de soi que le citoyen, dont les droits et spécialement les droits fondamentaux découlant de la Charte canadienne des droits et libertés sont violés, a droit à réparation. Mais ce n'est pas de cela dont il s'agit en l'espèce. La question n'est en effet pas ici celle de savoir si un corps policier a violé les droits d'un individu, mais de savoir si l'on peut reprocher une faute de déontologie à un ou des policiers bien identifiés, en l'occurrence Donald Bourque et Jean Thibault.

[29]       La Cour du Québec devait donc se demander si, dans cette perspective, la décision du Comité était déraisonnable …»

[24]         Par ailleurs, il est clair à la lecture de la décision du Comité qu'il s'est efforcé et limité à analyser la preuve qui lui avait été présentée, prenant soin de préciser que « le fait en soi de ne pas se souvenir d'une situation spécifique et ainsi ne pas être en mesure de l'expliquer ne peut pas être disculpatoire ».

[25]         Et, ce n'est qu'après avoir analysé la situation particulière qu'il conclut :

«[84]     En conséquence, dans le cas spécifique du présent dossier il est raisonnable d’accueillir, comme facteur disculpatoire, l’absence de souvenir des quatre policiers concernant la détention de MM. Giasson et Lavoie; le bris du système de surveillance vidéo était hors de leur contrôle et de leur connaissance.»

(Soulignements ajoutés)

 

 

 

[26]         Par la suite, il retient de la preuve certains éléments qui l'amènent à conclure que :

«[88]     Finalement, il est tout aussi raisonnable de croire que, vers 7 h 30, constatant qu’ils avaient retrouvé leurs esprits, ils sont libérés, leur détention n’étant plus nécessaire.»

[27]         En appel de cette décision, la Cour du Québec, appliquant la norme de contrôle de la décision raisonnable, revoit intégralement la démarche et l'analyse du Comité.

[28]         Et, citant l'extrait pertinent de l'arrêt Dunsmuir de la Cour suprême, la Cour du Québec conclut en quelque sorte au caractère raisonnable de la décision du Comité compte tenu « de sa justification, de la transparence et de l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi que de son appartenance aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

[29]         Ayant identifié la bonne norme de contrôle judiciaire et l'ayant appliqué correctement, il n'y a pas lieu d'intervenir à l'égard du jugement de la Cour du Québec.

[30]         Autant le jugement de la Cour du Québec que la décision du Comité de déontologie policière rencontre les normes de contrôle qui leur sont applicables.

[31]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[32]         REJETTE la requête introductive d'instance en révision judiciaire présentée par M e Claude Simard, ès qualités de Commissaire à la déontologie policière;

[33]         AVEC DÉPENS .

 

 

__________________________________

BERNARD GODBOUT, j.c.s.

 

M e Louise Papineau

Cloutier, Mathieu, Avocats

454, place Jacques-Cartier, 5e étage

Montréal (Québec)

District de Québec H2Y 3B3

Procureure du demandeur

 

M e Robert De Blois

DeBlois & Associés

Le Delta 1

2875, boul. Laurier, 10e étage

Québec (Québec)

District de Québec G1V 2M2

Procureur des mis en cause

 



[1]     Simard c. Amyot , 2009 QCCS 5509 .

[2]     Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia , 2003 CSC 19 ; Bromont (Ville de) c. Cour du Québec , 2011 QCCS 93 ; Anderson c. Monty , 2006 QCCA 95 ; Simard c. Richard , 2010 QCCS 3986 ; 9065-3254 Québec inc. c. Cour du Québec , 2011 QCCS 4689 ; Simard c. Coutlée , [2008] R.J.Q. 1084 ; Greetham c. Chevalier, 2008 QCCS 5210 .

[3]     Lapray Realties Ltd c. Montréal (Ville de) , J.E. 2005-1073 (C.A.) tel que cité dans Beaudet c. Cour du Québec , 2007 QCCS 673 .

[4]     Simard c. Vien , 2010 QCCA 2371 , para. 29.

[5]     Bourque c. Cour du Québec , 2002 CanLII 41230 (C.A.).