TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N° de dépôt : 2013-0001

 

Date : 9 octobre 2012

 

 

 

DEVANT L’ARBITRE :                             Me ALAIN CORRIVEAU

 

COMPARUTION :                                      Me Denis Harvey

                                                                           (Provigo Distribution)

                                                                          Procureur de la partie patronale

 

                                                                       Me Olivia-Maude Cournoyer

                                                                          (TUAC, section locale 500)    

                                                                          Procureure de la partie syndicale

 

 

PROVIGO QUÉBEC INC. - MAXI GREENFIELD PARK

            Ci-après appelé(e) «l’employeur»

 

-et-

 

TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES UNIS DE L’ALIMENTATION ET DU COMMERCE, SECTION LOCALE 500

            Ci-après appelé(e) «le syndicat»

 

 

Griefs :          

 

G21944 et G22032 - Monsieur Pierre-François Marquis 

Suspension et congédiement

 

G21943 et G22033 - Carl Boutin  

Suspension et congédiement

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

[1]        Le tribunal est saisi  de quatre griefs qui ont été déposé par les plaignants Pierre-François Marquis de même que Carl Boutin lesquels contestent leur suspension pour fins d’enquête et leur congédiement.

 

[2]        Le premier grief portant le numéro G21944 (S-2) est daté du 6 juillet 2009 et son libellé est le suivant :

 

            «Nature du grief :

            Violation de la convention collective, entre autres articles 2, 6 et ce, sans s’y limiter. Le 2 juillet 2009, l’Employeur a suspendu pour fins d’enquête M. Pierre-François Marquis, ce, sans cause juste et suffisante et de façon arbitraire.

 

            Règlement requis :

            L’Union demande que l’Employeur annule cette suspension pour fins d’enquête. De plus, l’Union demande que l’Employeur réintègre dans ses fonctions le salarié en lui remboursant le salaire perdu avec intérêts légaux prévus au Code du travail, le tout en lui accordant tous les droits et privilèges prévus à la convention collective.»

 

[3]        Le grief de M. Marquis a été levé suite à sa suspension, tel que cela appert de la pièce S-3 au dossier du tribunal d’arbitrage qui est une lettre signé par M. Sylvain Lacoursière, directeur au Maxi Greenfield Park. Ce document, daté du 2 juillet, se lit ainsi qu’il suit :

 

            « OBJET : Suspension pour fins d’enquête

 

            Monsieur Marquis,

 

            Suite aux événements de la nuit du 1 er juillet 2009 au 2 juillet 2009 qui ce sont produit (sic) lors de votre quart de travail planifié de 22.30h à 7.00h, nous sommes dans l’obligation de vous suspendre pour fins d’enquête.

 

            Cette suspension débute immédiatement.

 

            …»

 

[4]        Puis, le 15 juillet 2009, M. Lacoursière avisait M. Pierre-François Marquis de la décision de l’employeur de procéder à son congédiement. C’est la pièce S-5 qui en fait état et son contenu est le suivant :

 

« Objet : Avis de congédiement

 

Monsieur Marquis,

 

La présente fait suite à la suspension pour fins d’enquête qui vous a été imposée le 2 juillet 2009.

 

Notre enquête est maintenant terminée et celle-ci révèle que dans la nuit du 1 er au 2 juillet 2009, vous avez pris un nombre élevé de pauses, et ce, sans autorisation. Non seulement vous avez contrevenu à la convention collective, mais vous avez également fait fi de l’avis que vous avez signé le 8 juin 2009.

 

En tant qu’assistant-gérant d’épicerie de nuit, votre rôle est de veiller au respect des normes et procédures de l’entreprise ainsi que d’assurer l’accomplissement du travail. Au surplus, le travail à exécuter la nuit requiert moins de supervision ce qui constitue un facteur aggravant. Par conséquent, les gestes que vous avez posés sont graves et inacceptables. Ils contreviennent à votre devoir de loyauté et constituent du vol de temps.

 

Étant donné les fautes graves que vous avez commises, nous avons pris la décision de mettre fin à votre emploi, et ce, rétroactivement au 2 juillet 2009, date de la suspension pour fins d’enquête. Toute somme vous étant due vous sera versée et un relevé d’emploi vous sera acheminé dans les jours qui suivent à votre adresse ci-haut indiquée.

 

…»

 

[5]        Quelques jours plus tard le 27 juillet 2009, le syndicat déposait au nom de M. Marquis le grief G22032 (S-4) lequel est ainsi libellé :

 

«Nature du grief :

Violation de la convention collective, entre autres articles 2, 6 et ce, sans s’y limiter. Le ou vers le 15 JUILLET 2009, l’Employeur a congédié le salarié PIERRE-FRANÇOIS MARQUIS sans cause juste et suffisante et de façon arbitraire.

 

Règlement requis :

L’Union demande que l’Employeur annule ce congédiement. De plus, l’Union demande que l’Employeur réintègre dans ses fonctions le salarié en lui remboursant le salaire perdu avec intérêts légaux prévus au Code du travail, le tout en lui accordant tous les droits et privilèges prévus à la convention collective, ainsi que des dommages et intérêts, le cas échéant.»

 

[6]        Dans le cadre de l’enquête, le syndicat a également déposé le grief G21943 du 6 juillet 2009 (S-6) contestant pour le salarié Carl Boutin sa suspension pour fins d’enquête. Le grief est ainsi libellé :

 

«Nature du grief :

Violation de la convention collective, entre autre articles 2, 6 et ce, sans s’y limiter. Le 2 juillet 2009, l’Employeur a suspendu pour fins d’enquête M. Carl Boutin, et ce, sans cause juste et suffisante et de façon arbitraire.

 

Règlement requis :

L’Union demande que l’Employeur annule cette suspension pour fins d’enquête. De plus, l’Union demande que l’Employeur réintègre dans ses fonctions le salarié en lui remboursant le salaire perdu avec intérêts légaux prévus au Code du travail, le tout en lui accordant tous les droits et privilèges prévus à la convention collective.»

 

[7]        Ce grief faisait suite à la lettre que remettait au plaignant M. Sylvain Lacoursière, directeur au Maxi Greenfield Park, le 2 juillet 2009 (S-7) qui se lit comme suit :

 

« OBJET : Suspension pour fins d’enquête

 

Monsieur Boutin,

 

Suite aux événements de la nuit du 1 er juillet 2009 au 2 juillet 2009 qui ce sont produit (sic) lors de votre quart de travail planifié de 22.30h à 7.00h, nous sommes dans l’obligation de vous suspendre pour fins d’enquête.

 

Cette suspension débute immédiatement.»

 

[8]        Puis, le 15 juillet 2009, M. Lacoursière avisait M. Boutin de son congédiement tel que cela appert de la pièce S-9 au dossier du  tribunal d’arbitrage laquelle est la suivante :

 

« Objet : Avis de congédiement

           

            Monsieur Boutin,

 

            La présente fait suite à la suspension pour fins d’enquête qui vous a été imposée le 2 juillet 2009.

 

            Notre enquête est maintenant terminée et celle-ci révèle que dans la nuit du 1 er au 2 juillet 2009, vous avez pris un nombre élevé de pauses, et ce, sans autorisation. Non seulement vous avez contrevenu à la convention collective, mais vous avez également fait fi de l’avis que vous avez signé le 8 juin 2009.

 

            À titre de délégué syndical et en raison de votre ancienneté, vous connaissiez bien les normes et procédures de l’entreprise. Au surplus, le travail à exécuter la nuit requiert moins de supervision ce qui constitue un facteur aggravant. Par conséquent, les gestes que vous avez posés sont graves et inacceptables. Ils contreviennent à votre devoir de loyauté et constituent du vol de temps.

 

            Étant donné les fautes graves que vous avez commises, nous avons pris la décision de mettre fin à votre emploi, et ce, rétroactivement au 2 juillet 2009, date de la suspension pour fins d’enquête. Toute somme vous étant due vous sera versée et un relevé d’emploi vous sera acheminé dans les jours qui suivent à votre adresse ci-haut indiquée.

 

            …»

 

[9]        Le grief S-8 portant le numéro G22033 a été levé par le syndicat au nom de M. Boutin le 21 juillet 2009. Il est le suivant :

 

            «Nature du grief :

            Violation de la convention collective, entre autres articles 2, 6 et ce, sans s’y limiter. Le ou vers le 15 JUILLET 2009, l’Employeur a congédié le salarié CARL BOUTIN sans cause juste et suffisante et de façon arbitraire.

 

            Règlement requis :

            L’Union demande que l’Employeur annule ce congédiement. De plus, l’Union demande que l’Employeur réintègre dans ses fonctions le salarié en lui remboursant le salaire perdu avec intérêts légaux prévus au Code du travail, le tout en lui accordant tous les droits et privilèges prévus à la convention collective, ainsi que des dommages et intérêts, le cas échéant.»  

 

[10]     Le premier témoin de l’employeur est un des deux plaignants c’est-à-dire M. Carl Boutin, commis d’épicerie de nuit entre le 8 mars 1997 et le moment de sa suspension le 2 juillet 2009. M. Boutin mentionne être conscient du rôle important que joue l’équipe de nuit dans la préparation du magasin aux affaires entre autre, placer la marchandise, faire la rotation des produits dans les étagères et les tablettes, etc. Il confirme qu’il était assistant délégué syndical sur l’équipe de nuit et qu’à ce titre il jouait un rôle important puisqu’il devait voir à ce que la convention collective soit respectée. Il était également le porte-parole de son équipe auprès de l’employeur. Il connaît donc bien les droits et obligations contenus à la convention collective. Comme commis de nuit, il travaillait 8 heures par jour, 4 jours par semaine de nuit et une cinquième journée où il effectuait 7 heures de travail payées pour chacune des heures. Il indique que les employés doivent poinçonner au début et à la fin de leur quart de travail de même qu’ils doivent poinçonner également les pauses. Sur le quart de nuit, il y a une période de 30 minutes de pause qui n’est pas payée et deux autres pauses de 15 minutes qui sont payées et que l’on peut regrouper. Le plaignant mentionne qu’il lui arrivait souvent de prendre des temps de pause en plus, mais qu’il en parlait à l’employeur. Lorsqu’on lui demande à qui il en parlait, il indique qu’on en parlait pas vraiment, mais que c’était toléré même qu’il arrivait des occasions où le gérant de nuit était là avec les employés qui pourraient tous dire qu’il s’agissait d’une pratique courante et tolérée. Lorsqu’on suggère au témoin qu’il s’autorisait lui-même à prendre des pauses, en plus il répond n’avoir jamais eu de suspension à ce sujet.

 

[11]     Le témoin se rappelle qu’en septembre 2008, M. Lacoursière et M. Jean Morin ont été présent sur le quart de nuit et ont parlé de l’importance de respecter l’horaire de travail de même que les règles prévues à la convention collective. Par ailleurs, il se rappelle qu’avec le talon de chèque de paie en octobre 2008, l’employeur avait intégré une note de service concernant le respect de l’horaire de travail. S’il n’est pas certain d’avoir reçu ce document daté du 16 octobre 2008 (E-1), le témoin mentionne tout de même avoir déjà reçu ce genre de mémo qui se lit ainsi qu’il suit :

 

            «Le 16 octobre 2008

 

            Chers(ères) collègues,

 

            OBJET : Respect de l’horaire de travail

 

            Suite à de récents abus relatifs au non respect de l’horaire de travail, nous sommes dans l’obligation de vous rappeler les articles suivants de notre convention collective :

 

·         9.10A) Le salarié poinçonne sa carte de présence lorsqu’il débute sa journée de travail, avant et après le repas, avant et après la pause et lorsqu’il quitte le travail à la fin de la journée.

·         9.10B) Chaque salarié est responsable de l’exactitude des entrées et des sorties sur son rapport de présence et ne doit en aucun cas pointer la présence d’un autre salarié.

 

Chaque salarié a la responsabilité de respecter son horaire de travail. Toute dérogation à l’horaire de travail doit être autorisée par votre gérant de département.

 

De plus, sachez qu’il est très important que les poinçons reflètent le temps réellement consacré aux pauses et au repas. Toute tentative de cacher le temps réellement pris lors de la pause ou du repas sera sévèrement punie.

 

Le non-respect de ces articles ou toute autre forme de perte de temps sera suivi de sanctions sévères pouvant aller jusqu’au congédiement.

 

Pour toute question au sujet de la présente lettre, veuillez vous adresser à votre directeur.

 

…»

 

[12]     Ce mémo remis aux salariés est signé par M. Sylvain Lacoursière, directeur.

 

[13]     Le soir du 8 juin 2009, le plaignant de même que son collègue M. Pierre-François Marquis ont été rencontré avec M. Lacoursière le directeur. On a remis autant à M. Marquis qu’à M. Boutin un mémo daté du 8 juin 2009 et déposé au dossier du tribunal d’arbitrage sous la côte E-2. Il s’agit d’un avis administratif qui se lit de la façon suivante :

 

            «OBJET : avis administratif

 

            Monsieur,

 

            Le présent avis se veut une mise au point, un rappel des politiques et procédures et une prise de conscience que la situation que nous vivons actuellement ne sera plus acceptée.

 

            En effet, depuis quelques temps les retards, l’absentéisme et les départs hâtifs se sont multipliés sur le quart de travail de nuit. Ces gestes ont pour résultats un énorme manque de productivité, des pertes de ventes, de profits, un taux anormalement élevé de trous en tablette à l’ouverture, une liste de prélèvement élevée, une surcharge de travail pour l’équipe de jour et les autre collègues, une présentation inadéquate à l’ouverture, des produits donnés suite à l’application de la loi de l’OPC (facing), des erreurs de commandes (facing), des refus de livraison car l’entrepôt étant surchargé suite à la non productivité de l’équipe de nuit (perte de profit). Vous comprendrez que nous ne pouvons tolérer une telle situation.

 

            C’est pourquoi nous vous demandons :

 

            - Le respect intégral de vos horaires de travail i.e. de débuter et de terminer à l’heure prévue sur l’horaire. Nous joignons à cet avis (annexe A) une copie de l’article 9.10 A) et B) de la présente convention collective sur les poinçons (entrée et sortie du travail) que nous vous demandons de respecter.

            - Lors d’absence d’aviser à l’avance une des personnes dans l’ordre qui suit, soit le gérant de nuit, l’assistant gérant de nuit, le gérant en devoir, le superviseur aux caisses.

            - Tout changement d’horaire doit être approuvé par le gérant ou la direction.

            - Le respect de tout le programme «Disponible en tout temps» et principalement l’attittrage des rangées, la productivité ciblé par l’entreprise, le compte caisse.

 

            Nous sommes à votre disposition si vous avez des questions sur le programme, politiques, normes et règlements de l’entreprise.

 

            Par ce rappel, nous vous avisons que la situation ne peut plus ainsi affecter votre travail et le rendement de l’équipe. Nous vous demandons de faire les efforts nécessaires afin de corriger la situation. Il est important de vous mentionner que si vous n’apportez pas les améliorations nécessaires, nous serons dans l’obligation de prendre des mesures disciplinaires. Ces mesures pourront, selon la gravité des gestes, aller du simple avis écrit à la suspension au congédiement.»

 

[14]     Par la suite, M. Lacoursière est parti en vacances et il est revenu ou a été de retour le 22 juin 2009. Le témoin ne se rappelle pas que le 22 juin 2009 il y a eu une rencontre avec M. Lacoursière où celui-ci lui aurait dit que l’avis du 8 juin 2009 était sérieux. Quand on lui demande s’il se souvient d’une rencontre qui a eu lieu avec M. Lacoursière à laquelle il assistait avec M. Marquis le matin du 30 juin 2009, le plaignant mentionne que cela est possible puisque ça arrivait souvent qu’il y ait des rencontres au sujet des horaires avec l’équipe de nuit. Il ajoute qu’il arrivait que le directeur autorise les membres de l’équipe de nuit à prendre un 5 ou 10 minutes de plus de pauses que c’était là une pratique courante même sans être autorisée c’était toléré les salariés le faisait et à son avis, ils n’ont jamais été réprimandés à ce sujet ni n’ont jamais reçu de suspension et les avis tel que les pièces E-1 et E-2, les employés en ont eu à la tonne. M. Boutin mentionne également qu’il arrivait fréquemment qu’il n’y avait pas de cadre travaillant sur le quart de nuit. À l’aide de la pièce E-3 qui est un horaire de travail, le plaignant indique qu’il a travaillé dans la nuit du 1 er au 2 juillet 2009 avec M. Marquis et M. Joli. Il n’y avait pas de gérant de nuit de présent sur ce quart de travail pendant la nuit du 1 er au 2 juillet. Il confirme avoir pris des pauses, quitter le magasin pendant plus d’une heure que cela est possible que c’était alors une pratique courante. Il a quitté son travail entre 23h46 et 00h49 soit une période de 63 minutes. Puis, il a encore quitté le magasin pour aller fumer à 1h56 et il a été de retour à 2h14 pour une pause de 18 minutes. Ensuite, il a quitté son poste à 2h54 et est revenu au travail à 4h01. Il a terminé son quart de travail à 4h48, il est sorti fumer pendant 24 minutes jusqu’à 5h12. Il a donc pris 177 minutes de pauses alors qu’il avait droit à 60 minutes. C’est donc dire qu’il a pris pratiquement deux heures de plus que prévu c’est-à-dire 117 minutes. Il ajoute à ce sujet que c’était une pratique courante à cette époque et cela même s’il venait de recevoir l’avis (E-2) du 8 juin 2009. Il a quitté le travail à 6h00. On lui fait remarquer que prendre deux heures de plus de pauses non autorisées équivaut à 30% du temps de travail. Vers 5h30, le matin du 2 juillet 2009, il a rencontré le directeur du magasin M. Lacoursière et il lui a demandé s’il avait perdu son emploi parce que celui-ci avait dit que si les employés n’avaient pas poinçonnés leurs cartes de temps, ils se retrouvaient dans de sérieuses difficultés. C’est pour cela qu’il lui a dit que s’il avait fini qu’il allait s’en aller, puis qu’il allait faire un grief par la suite. M. Boutin raconte qu’il s’attendait à recevoir une suspension sans solde et non un congédiement qui à son avis est «un peu sauvage».

 

[15]     Le 2 juillet, le plaignant est entré au travail et il a rencontré M. Lacoursière en présence de deux témoins. Il a dit à son directeur qu’il avait oublié de poinçonner sa carte que chez l’employeur à cette époque c’était rendu «une joke» concernant le fait de poinçonner ou non sa carte de temps. Le plaignant dépose la pièce E-4 qui est un relevé de sa carte de temps qui montre que le 1 er juillet 2009 il a poinçonné à 22h31 en entrant au travail et qu’il est parti à 5h58 le lendemain matin.

 

[16]     Interrogé par son syndicat, M. Boutin mentionne qu’il a connu au moins une vingtaine de directeurs du magasin dans ses 12 ans d’embauche et qu’il y a eu encore plus de gérants de nuit que de directeurs et lorsqu’il arrivait un nouveau gérant de nuit tout se passait comme d’habitude, on faisait ce qu’on avait à faire mentionne-t-il. Lors de l’arrivée de M. Lacoursière, il a fait comme d’habitude après avoir reçu la pièce E-1. Il indique qu’il s’agissait d’une procédure normale lorsqu’un nouveau directeur était nommé et qu’on prenait le document et on le mettait à la poubelle tout en continuant à agir comme on l’a toujours fait. Quant à la pièce E-5, il indique que M. Lacoursière lui a fait signer comme tous les autres directeurs l’ont fait par le passé. Lorsqu’on lui demande pourquoi il n’a pas modifié sa façon de faire concernant les pauses, il mentionne que les employés ont toujours fait la même chose, pris des pauses plus longues qu’on a toujours dépassé le temps permis et que c’était normal. Par ailleurs, comme on le constate à la lecture de la pièce E-13 déposée au dossier du tribunal d’arbitrage, le 2 juillet 2009, quand il a été rencontré par l’employeur, le plaignant a admis avoir volé à son employeur environ deux heures de temps de travail en ajoutant que c’était pratique courante. C’est lorsqu’il a été suspendu pour fins d’enquête qu’il a réalisé la gravité de la situation, que le directeur voulait que les salariés respectent l’horaire de travail. Cependant, comme il dit, il s’attendait à un retour au travail avec une réprimande à l’effet de faire attention au temps de pause. En étant congédier, M. Boutin mentionne qu’il a perdu tous les avantages sociaux que lui procurait son emploi de même que le fond de pension. Il souligne qu’il n’a pas d’études et qu’il se retrouve le bec à l’eau à l’âge de 41 ans. Par ailleurs, il mentionne que lorsqu’il n’y avait pas de camion à décharger les journées étaient moins longues et que l’on s’allouait plus de temps tout en indiquant que pendant ces douze ans de travail ça toujours été pratique courante que de prolonger les pauses, mais que maintenant il comprend la situation et juge qu’une suspension sans solde aurait été suffisante pour lui faire comprendre l’importance de respecter les pauses. Il termine son témoignage en mentionnant qu’en fait, il n’y avait aucune raison de changer d’attitude puisqu’il n’y a jamais eu personne de discipliné à ce sujet. Alors, à son avis, il n’y avait aucune raison de changer de comportement.

 

[17]     Le tribunal a également entendu M. François-Pierre Marquis qui a travaillé pour la compagnie du mois de juin 2001 jusqu’au moment de son congédiement en juillet 2009. Il a débuté à Boucherville comme commis de service puis il est venu travailler à Greenfield Park comme assistant gérant et cela à partir du mois de juin 2008. Quand il est arrivé au Maxi Greenfield Park comme assistant gérant de nuit, il a constaté que les pauses n’étaient pas poinçonnées. Il n’a pas changé cette façon de faire puisque dit-il c’était la façon d’agir d’après les membres de l’équipe de nuit. Donc, le plaignant est devenu assistant gérant sur le quart de nuit en juin 2008. Il est en quelque sorte, à ce titre, le leader de l’équipe de nuit, comme il le dit son travail vise à supporter son gérant, il est son bras droit. C’est donc une responsabilité importante et il travaille avec une équipe de 10 salariés à qui il distribue les tâches. Dans le cadre de ses fonctions, il devait également répondre auprès de l’employeur de la performance de l’équipe de nuit et, comme assistant gérant, il bénéficiait d’une prime de 1.00$/heure. Il travaillait sur un horaire de 5 jours/semaine c’est-à dire 4 jours de 8 heures et 1 jour de 7 heures pour un total de trente neuf heure par semaine. Il confirme qu’il avait l’obligation de poinçonner sa carte de temps au début et à la fin de son quart de travail de même qu’à chacune des pauses.

 

[18]     Pendant un quart de travail, en vertu des dispositions de la convention collective, il y a une demi-heure non payée et deux pauses de 15 minutes payées pour un total de 1 heure, deux différentes pauses que l’on peut regrouper. Lorsqu’on demande au plaignant M. Marquis s’il a déjà pris plus de temps que les pauses prévues à la convention collective, il mentionne qu’effectivement il l’a fait et qu’il ne poinçonnait pas toutes ses pauses parce que, avec M. Lacoursière, c’était entendu qu’on pouvait aller fumer. Il mentionne qu’il est possible qu’il ait reçu en septembre 2008 avec sa paie une note de service (E-1), incitant les salariés à respecter les temps de pauses. S’il ne se souvient pas, que M. Lacoursière, en juin 2009, lui ait parlé du respect des horaires et de la performance de l’équipe de nuit, il se rappelle avoir reçu la pièce E-5 qui est un avis qui lui a été remis le 8 juin 2009. Après la réception de cet avis, le plaignant n’a pas changé ses habitudes concernant ses temps de pauses. Il ne se souvient pas avoir discuté avec M. Lacoursière le matin du 22 juin 2009 à l’effet que la pièce E-5, l’avis du 8 juin 2009, était sérieux. Il se souvient, lorsque M. Lacoursière est revenu de vacances le 30 juin 2009 qu’il lui a dit qu’il ne faisait confiance à aucun patron. Ce matin-là du 30 juin, il a refusé de faire une tournée du magasin avec son supérieur M. Lacoursière. Il ne se souvient pas que M. Lacoursière lui ait offert de le payer en temps supplémentaire pour faire cette tournée du magasin avec lui. Il ne se souvient pas avoir répondu, à M. Lacoursière, de lui donner un avis disciplinaire s’il n’était pas content. Il ne se souvient pas que M. Lacoursière lui ait demandé de s’assurer de poinçonner. Il ne souvient pas que M. Lacoursière lui ait demandé d’entrer, payé en temps supplémentaire, dans la nuit du 1 er au 2 juillet 2009, mais que cela est possible. Il se rappelle que le gérant de nuit était absent et que c’est lui qui était donc responsable de l’équipe de nuit. Il se souvient avoir pris des pauses, mais ne se souvient pas si celles-ci ont duré plus longtemps que les temps prévus à la convention collective. Il se souvient avoir quitté le magasin pendant son quart de travail, mais ne se souvient pas pendant combien de temps. Il ne se souvient pas à quelle heure il est arrivé le soir du 1 er juillet 2009, ni s’il a poinçonné. Il ne se souvient pas avoir quitté son travail à 22h47 et être revenu à 00h49. Il ne se souvient pas avoir été à l’extérieur du magasin de 1h56 à 2h14 pour fumer. Il ne se souvient pas avoir quitté à 2h54 pour revenir au magasin à 4h01. Il ne se souvient pas avoir pris une pause entre 4h48 et 5h12 pour fumer. Il ne se souvient pas dans la nuit du 1 er au 2 juillet 2009 avoir pris 2 heures 51 minutes de pause sur 8 heures de travail alors que la convention collection autorise 1 heure au total. Il ne se souvient pas avoir pris 1 heure 57 minutes de pause additionnelle.

 

[19]     Il a été surpris de voir le directeur Lacoursière le matin du 2 juillet 2009 aux alentours de 5h30. Il ne se souvient pas lui avoir demandé s’il avait perdu son emploi. Il indique à ce sujet qu’il ne savait pas quoi penser, qu’il n’avait rien fait pour mériter un congédiement. Il ne se souvient pas si le 2 juillet 2009 il avait demandé à quitter son travail plus tôt et s’il a effectivement quitté son travail plus tôt. Il ne souvient pas si le 2 juillet 2009 il a dit à M. Lacoursière qu’il avait terminé toutes ses tâches.

 

[20]     Le 2 juillet 2009, il s’est présenté au travail en soirée et il a rencontré M. Lacoursière accompagné de MM. Marco Bérubé et Carl Gagnon. On voulait recueillir sa version des faits. Il ne se souvient pas s’il a dit, lors de cette rencontre, qu’il avait oublié de poinçonner le 2 juillet 2009. Lorsqu’on lui demande si dans la nuit il avait oublié de poinçonner ou s’il avait sciemment décidé de ne pas le faire, il indique qu’il a oublié de poinçonner. Lorsqu’on lui dit qu’il aurait dû poinçonner toutes ses pauses dans la nuit du 1 er au 2 juillet 2009, il indique qu’effectivement mais qu’il a oublié de le faire. Lorsqu’on lui demande s’il a admis avoir prolongé ses pauses de 20 minutes, il ne s’en souvient pas. Il a été suspendu pour fins d’enquête le soir du 2 juillet 2009 puis, quelques jours plus tard, le 15 juillet il a été congédié.

 

[21]     Lorsqu’il s’est absenté du travail dans la nuit du 1 er au 2 juillet 2009, M. Marquis a fermé le magasin à clés. Puis, quand il est revenu au magasin aux alentours de 00h49, le salarié Philippe Joly attendait pour entrer au travail parce que les portes étaient fermées à clés. Ainsi, lorsqu’on suggère au plaignant que l’employeur a payé M. Joly à ne rien faire, le plaignant répond qu’il n’y avait pas pensé.

 

[22]     M. Sylvain Lacoursière était, au moment des événements impliquant les plaignants, directeur du Maxi Greenfield Park depuis le 9 septembre 2008. Auparavant il avait occupé diverses fonctions auprès de Provigo Québec Inc. Ses principales tâches dans ce magasin d’une superficie d’environ 35,000 pieds carrés sont d’effectuer la gestion du personnel de même que la gestion financière, de voir à livrer le magasin prêt aux affaires et cela dans le respect des politiques de l’employeur. En fait, il s’agit de voir au bon fonctionnement du magasin et pour cela, il est présent sur les lieux de 7h00 à 18h00 de même qu’un soir par semaine c’est-à-dire le jeudi. Le magasin de Greenfield Park procure de l’emploi à environ 77 personnes dont 5 cadres. Il y a un délégué syndical principal et deux assistants délégués dont un des plaignants M. Carl Boutin, assistant délégué sur le quart de nuit. Dans le cadre de son témoignage, M. Lacoursière explique que son mandat était de redresser la situation parce qu’au niveau du prêt aux affaires la situation était inacceptable, le magasin était sous-performant au niveau des ventes. Il explique qu’il y avait des tablettes de 8 à 16 pieds complètement vides, qu’il y avait de nombreux produits en magasin mais qui n’étaient pas sur les tablettes pour la vente et que cela dépassait de 4, 5 ou 6 fois même la norme acceptable puisque les clients ne retrouvaient pas les produits qu’ils désiraient en tablettes. C’était un magasin problème dû particulièrement à la sous-performance de l’équipe de nuit qui plaçait en tablettes environ 25 caisses à l’heure au lieu de la norme qui est de 55 caisses à l’heure. Il indique également que les règles prévues à la convention collective concernant l’obligation de poinçonner étaient plus ou moins respectées lorsqu’il a pris ses fonctions. Au nombre des moyens mis en oeuvre pour corriger la situation, il y a eu une rencontre avec les gens de l’équipe de nuit, rencontre qui avait été prévu par le gérant de district en place le 11 septembre 2008 et qui concernait la performance de l’équipe de même que l’horaire de travail de cette équipe qui réclamait un week-end sur deux de congé alors que l’employeur parlait de la sous-performance de l’équipe. M. Lacoursière mentionne que cette rencontre a été difficile et ardue. Elle devait durer une heure et elle a duré environ 5 heures. Il a noté que M. Carl Boutin, le leader de l’équipe, argumentait sur les remarques de l’employeur et c’est lui qui parlait au nom de son équipe, qui aussi décidait des pauses à l’extérieur pour aller fumer. On a décidé d’un consensus que les membres de l’équipe travaillaient pendant 10 jours consécutifs avec un engagement de M. Boutin et des membres de son équipe d’arriver à améliorer la performance. Par la suite, il y a eu, avec le talon de paie, la note de service E-1 remise à tout le monde et affichée au poinçon. La situation s’est lentement améliorée de telle sorte que 5 nuits sur 7 on faisait le travail dans les temps voulus mais, la situation était moins reluisante les deux nuits où le gérant n’était pas présent sur les lieux.

 

[23]     La situation s’est améliorée et les choses ont bien été jusqu’à la fin d’avril début mai 2009 moment du départ du gérant de nuit puis, il y a eu détérioration de la performance de la productivité de nuit de telle sorte que le matin le magasin n’était pas livré comme il aurait dû l’être. Les choses se détérioraient de semaine en semaine et au lieu de livrer le magasin 5 jours sur 7, celui-ci était livré adéquatement seulement 2 jours sur 7.

 

[24]     M. Lacoursière connaît le plaignant M. Boutin qui était commis de nuit depuis 1997 au moment des événements. Il dit que le rôle de l’équipe de nuit en est un important. Les membres de cette équipe travaillent avec peu de supervision et ce sont eux qui ont la responsabilité de livrer le magasin prêt aux affaires à tous les matins sinon, cela suppose une surcharge de travail pour l’équipe de jour, des plaintes des clients parce qu’il manque des produits, des pertes de vente et au bout du compte des pertes de clients. Chaque heure, indique M. Lacoursière, doit être maximisée c’est un magasin à escompte et il y a des temps prévu pour faire chacune des opérations et si ces temps ne sont pas respectés c’est tout le magasin qui en subit les conséquences. M. Boutin, assistant délégué syndical, était souvent le porte-parole de l’équipe de nuit, celui qui assistait aux remises des avis disciplinaires, etc. Quant à M. Marquis, il était assistant gérant de nuit, son rôle consistait à supporter son gérant, s’assurer de faire faire les tâches. Il était responsable du magasin, devait gérer les priorités, s’assurer du respect des normes et politiques de l’employeur. Il dépose la pièce E-6 qui est une note de nuit, prévoyant les tâches à accomplir. Donc, plus ou moins en avril 2009, les choses ont commencé à se détériorer lentement. À cette époque, M. Marquis était assistant gérant de nuit. Au mois de mai, M. Lacoursière a rencontré les membres de l’équipe de nuit et il savait qu’il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas. À cette époque, il n’y avait pas de gérant de nuit et il a fait un avis à l’intention de tous le 8 juin 2009. On retrouve aux pièces E-2 et E-5 copie de cet avis. Par la suite, il a rencontré les membres de l’équipe de nuit deux par deux, a donné des explications sur ses attentes. Il indique que les membres de l’équipe de nuit partaient plus tôt le matin aux alentours de 5h30 au lieu de 7h00. L’été d’avant, la situation était insoutenable, le magasin n’était pas livré comme il aurait dû l’être. Le témoin dépose la pièce E-7 qui fait état de notes qu’il a prises le 8 juin 2009 lorsqu’il a rencontré les membres de l’équipe de nuit à minuit. Ses notes sont les suivantes :

 

            «Rapport suite à mes rencontres sur mon avis administratif

 

            1- J’ai lu l’avis aux gars.

            2- Éclaircis le point du rendement car depuis 1 mois celui-ci a chuté dramatiquement au point que je soupçonne d’énormes pertes de temps. Je demande à tous leur collaboration.

            3- Respect de l’horaire, peuvent-ils quitter? Je leur réponds que ce sera écrit sur la note de nuit «quand vous aurez terminé, vous pouvez quitter.» sinon vous devez rester.

            4- Pause cigarette : Si vous prenez une pause de plus, elle doit être pointée. Vous devez pointer toutes vos pauses. Seul un gérant peut autoriser de non pointé.

 

            …»

 

[25]     Suite à cette rencontre, tous les membres de l’équipe de nuit lui ont dit qu’ils allaient faire en sorte que tout fonctionne bien. M. Lacoursière indique que, la semaine avant le 8 juin 2009, il avait dû refuser une commande parce qu’il y avait trop de produits dans l’entrepôt. Il a alors reçu un appel téléphonique de la direction pour lui indiquer qu’il y aurait des frais de 500$ pour le retour de la commande qui devait aller sur les tablettes. Il y a donc eu en plus des pertes de ventes. M. Lacoursière est parti en vacances entre le 12 et le 21 juin 2009 et à son retour la situation était dramatique même catastrophique indique-t-il. Alors que les membres de l’équipe de nuit terminaient leur travail, il leur a dit que l’avis du 8 juin 2009 (E-2) était sérieux qu’il était inacceptable que le magasin soit livré comme il l’était ce matin-là. Étaient présents à cette rencontre, comme en fait foi la pièce E-8 qui sont les notes prises par M. Lacoursière, Carl Boutin, Charles Bigras, Nicolas Gosselin et Pierre-François Marquis. Il a demandé à ce dernier de faire le suivi avec les autres membres de l’équipe qui n’étaient pas présents. À l’aide de la pièce E-9, qui est le relevé du poinçon, le témoin mentionne qu’autant M. Boutin que M. Marquis, étaient en retard au travail et qu’il n’a pas remarqué de changement au cours des nuits qui ont suivi sa rencontre du 22 juin. Le 30 juin 2009, l’état du magasin, dit M. Lacoursière, était pire que pire. Il a demandé à M. Marquis de faire une tournée avec lui pour que celui-ci lui explique comment il se faisait que le magasin était dans cet état. M. Marquis ne voulait pas le suivre même si M. Lacoursière lui a dit qu’il lui paierait son temps en temps supplémentaire. Il voulait faire une tournée du magasin avec lui qui était responsable de l’équipe de nuit. Il y a eu des arguments et M. Marquis lui a indiqué qu’il ne faisait pas confiance aux patrons. M. Lacoursière lui a expliqué que ses responsabilités faisaient en sorte qu’il devait voir à ce que le magasin soit livré en état le matin et que s’il n’était pas capable de s’acquitter de sa responsabilité la situation était grave. M. Lacoursière dépose la pièce E-10 qui sont les notes qu’il a prises ce matin-là et qui se lisent comme suit :

 

            «Discussion avec Pierre-François Marquis (assistant) à 6h55, Carl Boutin est demeuré sur place.

 

            À mon arrivé à 6h50, je fais une tournée de magasin et je vois que celui-ci n’est pas livré, je demande à Michel Decelle s’il y eu de l’absentéisme, il me dit non.

 

            Je me rends à l’entrepôt voir PF et lui demande de faire une tournée de magasin avec lui, celui-ci refuse prétextant qu’il a fini. Je lui dis que je vais le payer en «over time», il me répond qu’il refuse de continuer. Je lui dis que je l’oblige en l’assignant à rester 15 minutes pour qu’il m’explique pourquoi le magasin n’est pas livré. Il me répond : «Donnes-moi un avis, moi je m’en vais.»

 

            Je lui dis qu’il risque son poste car c’est lui l’assistant et il doit répondre de la non-performance de l’équipe de nuit, par exemple je lui demande où est son compte caisse. Il me répond qu’il ne l’a pas fait car il n’a plus de feuille depuis une semaine. Je lui demande pourquoi il n’a rien dit, il me répond que c’est à moi à m’assurer qu’il ait les outils, je lui réponds : «Quand tes souliers sont brisés, tu viens me voir alors pourquoi là tu n’es pas venu me voir?»

 

            Il me dit qu’il ne fait pas confiance à aucun «boss», de ne pas le prendre personnel, qu’il ne peut surveiller tout le monde, etc. etc.

 

            Je lui dis qu’il remplace le gérant, qu’il doit assumer son rôle, qu’il doit veiller au rendement de l’équipe et que ceux-ci respectent les normes et politiques de l’entreprise. Pour ça, il faut qu’il exige d’eux le respect de celles-ci et s’ils refusent, le lendemain il m’attend fait venir celui qui est fautif et me fait part de l’incident devant lui pour que j’ais les versions des deux parties.

 

            La conversation a duré 50 minutes et les sujets abordés (avec plusieurs exemples) furent :

 

-        «La non-productivité de l’équipe de nuit, le fait que l’équipe n’arrive pas dans les temps» : J’ai demandé à PF qu’il s’assure que tous soient prêts à travailler à 22h30 (début du quart) si vous punchez à 22h30 et débutez à 22h45 après cigarette et café multiplié par 5 gars, il te manque 1 heure 15 minutes de production, etc. etc.

-        «Le rôle de l’assistant» : Tu dois m’informer de ce qui ne va pas, tu dois montrer l’exemple, exiger qu’ils respectent les normes et politiques, tu dois faire le programme DEET (compte caisse spread, top, etc.) Tu remplaces le gérant, je te paie une prime pour ça… etc.etc.

-        «Être le leader positif» : PF me mentionne à plusieurs reprises qu’il ne fait pas confiance «aux boss» pas moi personnel, mais en général. Je lui demande comment il peut assumer son rôle sans faire confiance aux gens qui donnent des directives, etc.etc. Je lui demande sérieusement de repenser à son poste car il lui sera difficile de continuer à diriger une équipe s’il ne croit au programme DETT (disponible en tout temps), politiques et normes. Bref, si tu n’es pas heureux, tu as une décision à prendre.

-        «Formation» : il me dit de venir travailler de nuit. «Viens me former…» je lui réponds que le spécialiste est venu à deux reprises de nuit et qu’il n’est même pas capable de faire «puncher» son monde à temps et de faire un compte caisse, de faire mettre un gars par rangée, etc., c’est la base, «puncher» à l’heure et un gars par rangée. Commence par ça, respectes toi-même ton horaire, pointes correctement tes pauses, un gars par rangée, compte caisse, bref, prêches par l’exemple et ce à partir de maintenant. Toi et Carl… après moi, je vais voir les gars de nuit jeudi ou vendredi pour t’appuyer.

-        J’ai demandé clairement à PF et Carl de respecter leurs horaires et de pointer tous les breaks (pauses) et ils m’ont dit : «Oui, on va le faire» Carl a ajouté à PF : «PF perd pas ta job pour ça. Ça vaut pas la peine, fais ce qu’il dit, on va faire ce qu’il dit.»

-        Je redis aux gars : «Êtes-vous conscients que vous jouez vos jobs?»

-        Carl a dit à plusieurs reprises (3-4 fois) «Perds pas ta job pour ça»

-        La conversation s’est terminée sur l’engagement du respect des demandes du 8 juin 2009.

 

…»

 

[26]     M. Lacoursière n’était pas à l’aise avec les réponses qu’il avait reçu de   M. Marquis de telle sorte qu’il a contacté M. Johnny Kelly agent de prévention des pertes chez l’employeur pour lui demander de pointer les caméras vers les sorties et le poinçon parce qu’il soupçonnait que l’employeur était victime de vol de temps de la part de certains employés. M. Kelly lui a dit qu’il allait passer une nuit dans le magasin et ils se sont entendus pour que ce soit la nuit du 1 er au 2 juillet 2009 alors que M. Boutin, M. Marquis et M. Joly étaient programmés pour travailler. Il avait demandé à M. Marquis d’entrer en temps supplémentaire parce qu’il ne voyait pas M. Boutin travailler tout seul avec un nouveau salarié dans le magasin et d’autant plus qu’il y avait beaucoup de travail à retaper le magasin. C’est donc dire qu’il y avait une grosse nuit de travail en perspective.

 

[27]     La pièce E-11 fait état des tâches qu’il y avait à effectuer pendant la nuit du 1 er au 2 juillet 2009. C’est M. Marquis qui était en charge, il n’y avait pas de gérant de nuit. Les pièces E-4 et E-12 font état des poinçons de MM. Boutin et Marquis. Ils ont poinçonné leur entrée au travail à 22h31 et leur sortie à 5h58. Ils n’ont poinçonné aucune pause durant la nuit. Les plaignants ont quitté à 5h58 le matin du 2 juillet parce que M. Lacoursière leur en avait donné la permission.

 

[28]     M. Lacoursière raconte que M. Kelly est arrivé au magasin vers 21h00 le 1 er juillet 2009. Il lui a dit qu’il quittait et qu’il reviendrait plus tard durant la nuit au moment des pauses. M. Lacoursière s’est stationné dans un endroit discret où il ne pouvait être vu aux alentours de 2h45 et à 2h55 il a vu les plaignants quitter le magasin et revenir vers 4h00 du matin. Ils sont ensuite ressortis vers 4h55 pour revenir à 5h10. M. Lacoursière est entré dans le magasin à 5h30. Il a rencontré M. Kelly qui lui a confirmé que d’autres pauses avaient été prises durant la nuit et que cela constituait du vol de temps. M. Lacoursière a été voir les plaignants leur demander s’ils avaient poinçonné leurs pauses et ceux-ci lui ont répondu qu’ils ne l’avaient pas fait en ne lui donnant aucune raison pour cette négligence. Il leur a alors dit qu’il était là depuis longtemps qu’il les avait observés. M. Boutin lui a alors demandé s’il avait perdu son travail, il lui a répondu qu’on verrait éventuellement. Puis, il a quitté la rangée où il était avec les plaignants qui sont par la suite venus le voir parce qu’ils voulaient quitter les lieux. Il leur a demandé si le travail avait été fait ceux-ci lui ont dit qu’effectivement le travail avait été fait, mais que s’ils perdaient leur emploi, ils n’avaient pas l’intention de continuer à travailler ce soir-là ou cette nuit-là. Il les a donc autorisés à quitter les lieux.

 

[29]     En fait, les plaignants ont pris environ 117 minutes de pauses non autorisées c’est-à-dire 30% du temps qui aurait dû normalement être travaillé. M. Lacoursière a demandé conseil au service des relations de travail chez l’employeur et on lui a dit de suspendre les plaignants pour fins d’enquête ce qui a été fait à leur retour au travail le soir du 2 juillet 2009. Avant de les suspendre, M. Lacoursière accompagné de M. Marco Bérubé et M. Carl Gagnon, gérant de jour, a recueilli la déposition des témoins. La pièce E-13 fait état de cela. Par la suite, M. Lacoursière a rencontré M. Philippe Joly le 9 juillet 2009 qui lui a raconté qu’il avait passé la première pause à attendre les plaignants pendant environ 30 minutes qu’il a été payé à ne rien faire. Il faut également noter que lors de la rencontre du 2 juillet 2009 les plaignants ont admis le vol de temps pour environ 2 heures sur les 7 heures travaillées. Par la suite, il a été décidé de procéder au congédiement des plaignants parce qu’ils s’étaient rendu coupables de vol de temps et avait ainsi rompu, explique M. Lacoursière, le lien de confiance devant les unir à leur employeur. Il y a eu le 15 juillet une rencontre avec les deux plaignants un à la suite de l’autre. M. Lacoursière était accompagné de M. JP Charbonneau délégué syndical de jour et chaque rencontre a duré environ deux ou trois minutes.

 

[30]     M. Lacoursière indique qu’il a écrit à l’intention du service des relations de travail chez l’employeur une déclaration relatant les différents incidents et décisions qui ont été prises. Il s’agit de la pièce E-15 au dossier du tribunal d’arbitrage et son contenu est le suivant :

 

«À : Département des relations de travail

 

Voici ma déclaration concernant les incidents dont j’ai été témoin le 2 juillet 2009 au Maxi de Greenfield Park 3398, Taschereau.

 

Tout d’abord, il faut rappeler que j’ai eu mardi le 30 juillet 2009 une vive discussion avec Pierre-François Marquis (assistant de nuit) avec pour sujet de la performance de l’équipe de nuit, du fait que la somme de travail accompli pour le nombre d’heures allouées n’atteignait pas, et de loin, les objectifs fixés par la compagnie. La discussion était aussi sur son rôle de leader et de remplaçant du gérant (faire respecter les directives, normes et standards, les poinçons, DETT, etc.) qu’il n’assumait pas ce rôle pour lequel il était payé. Dans ses réponses, Pierre-François accusait les autres collègues de travail (sauf Carl) il était évasif sur les causes de la non-atteinte des objectifs. Ses arguments ont semé le doute en moi…

 

J’ai demandé à un agent de prévention de positionner les caméras de sorte que je puisse voir à quelle heure l’équipe de nuit arrive et quitte le magasin et pour voir leur façon de travailler. Il y avait déjà eu de l’abus de pauses, des arrivées tardives lors de mon arrivée en septembre 2008 qui s’étaient réglés suite à des avis et rencontres. Je croyais donc revivre cette situation. Je suis donc venu voir le magasin le 1 er juillet vers 21h00 pour démarrer le système et John Kelly était sur place et m’a dit qu’il y passerait la nuit. Je lui dis que je vais venir vers 3-4 heures lors de la pause des gars et voir s’ils font la même chose qu’en septembre-octobre.

 

Le 2 juillet, John m’appelle, il est 2h45, il me dit qu’ils quittent pour la 2 ième pause. Je lui dis que j’étais en route et j’arrivais au magasin. Je passe tout droit sur Taschereau et je décide donc de me stationner de l’autre côté du boulevard dans un stationnement de garage environ 400 à 500 pieds de la façade du Maxi, dans mon auto, caché par une auto stationnée.

 

Il est 2h55 et je vois Carl Boutin (habillé avec un chandail bleu Maxi), Pierre-François Marquis (chandail noir) et Philippe Joly (chandail noir) qui sortent du magasin. Je reste en place et attends leur retour.

 

À 3h10, je vois Philippe Joly qui pénètre dans le magasin. À 3h43, je revois Philippe qui sort du magasin et s’installe à l’extérieur pour fumer, il pénètre de nouveau dans la succursale à 3h48. (Pause Philippe 15 min. + 5 min., à part l’intérieur)

 

À 3h55, je vois Carl et Pierre-François qui arrivent à la succursale et qui s’installent devant la succursale pour fumer. Ils pénètrent dans la succursale à 4h00 (pause de plus d’une heure). Je reste sur place et attends pour voir si j’étais témoin d’autre chose.

 

Il est 4h49 lorsque je vois sortir Carl Boutin et Pierre-François Marquis pour une autre pause! Ils fument devant la succursale, ils demeurent sur place jusqu’à 5h12 et ils pénètrent dans la succursale (pause de 23 minutes).

 

Je me dirige vers le magasin, il est 5h20. Je vais voir John et celui-ci m’indique qu’à part les deux pauses dont j’ai été témoin, Carl Boutin et Pierre-François Marquis ont aussi pris une autre pause filmée sur caméra et dont il a été témoin, pause de 23h46 à 00h54 soit 1h10 de pause et une autre de 1h57 à 2h15.

 

Pour la nuit, ils ont droit à deux fois une demi-heure et ils ont pris 2h55 soit 1h55 de plus soit 25% de leur temps travaillé payé en pause!!

 

Je quitte le bureau de la sécurité et me dirige directement voir Carl et Pierre-François. Je leur demande s’ils ont pointé leurs pauses, ils me disent : «Non», je leur demande pourquoi et ils ne me répondent pas. Je dis alors que je suis présent depuis longtemps et combien de pauses ils ont pris? Carl me dis trois pauses et me demande depuis quand je suis là? Je leur demande s’ils ont dépassé leur temps? Ils me disent oui. Je les avise donc que je ne tolérerai pas une telle situation. Carl me demande s’ils ont perdu leurs jobs? Je leur dis on verra… Carl me dit que s’ils ont perdu leurs jobs, ils préfèrent quitter tout de suite. Je leur réponds pensez-vous avoir fait de quoi qui mérite de perdre votre job? Carl me dit : «Moi et PF, a-t-on perdu notre job?» Je réponds : «On verra» et je quitte la rangée.

 

Quelques minutes plus tard, Carl et Pierre-François viennent me voir pour me dire qu’ils veulent quitter. Je leur demande à trois reprises si tout le travail demandé est fait et ils me disent oui. Je les laisse donc partir. En faisant la tournée, je vois bien que le travail n’a pas été fait mais je ne voulais pas que mes gens de jour soit témoin d’un incident ou de propos de leur part.

 

Après leur départ, je fais un bilan provisoire de ce que j’ai vu et demande conseil au département des relations de travail.

 

Pour écrire cette déclaration, j’ai utilisé mes notes personnelles prises au cours de l’incident et après celui-ci.

 

Fait Greenfield Park, le 9 juillet 2009.

 

…»

 

[31]     En contre interrogatoire, M. Lacoursière indique qu’à son arrivée en 2008 les règles de poinçons n’étaient pas respectées. C’est ce que les gérants lui ont dit que quelques employés autant de jours que de nuit ne poinçonnaient pas. Il a alors préparé la note E-1 qui a été affiché et remis à tous les salariés en octobre 2008. Il a donc, comme il l’indique, pris tout de suite action. Il a vérifié auprès des gérants tout en regardant les poinçons pour vérifier l’assiduité des employés. La pièce E-1 visait tous les retards, le non respect des horaires de travail, de même que l’absentéisme abusif. C’était, à son avis, la première chose à faire et suite à cela, il y a eu amélioration de la productivité de l’équipe de nuit. On livrait le magasin prêt aux affaires et cela jusqu’en avril alors que M. Paiement, le gérant de nuit, a quitté. Par la suite, la performance a diminué. Par la suite, il a pris les actions qu’il a décris dans son interrogatoire en chef.

 

[32]     Le dernier témoin entendu est M. Johnny Kelly de la prévention des pertes chez l’employeur. Il dépose une cassette vidéo VHS (E-17) de la surveillance qui a été effectué du 1 er au 2 juillet 2009. Le tribunal a visionné cette cassette vidéo et il a également pris connaissance de la pièce E-18 préparée par M. Kelly à l’intention du service des relations de travail de l’employeur le 10 juillet 2009. Ce document se lit ainsi qu’il suit :

 

«À: département des relations de travail

 

Je, Johnny Kelly […]/1976, travaille comme agent de prévention des pertes chez Maxi (8911) Greenfield Park au 3398, boulevard Taschereau. Le 31/06/2008, Sylvain Lacoursière directeur du Maxi m’a téléphoné pour me demander de venir placer les caméras sur les portes d’entrée et de sortie pour regarder les va-et-vient des employés de nuit. Je me suis donc déplacé au magasin pour parler à Sylvain. Quand Sylvain m’a expliqué le plan de match, je lui ai offert de rentrer dans la nuit du 1 er au 2 juillet. J’ai travaillé de 21h00PM le 1/07/2009 à 7h00AM le 2/07/2009.

 

À 22h24 le 1/07/2009, j’ai observé sur les caméras M. Pierre-François Marquis vêtu d’un chandail noir et d’un jean bleu foncé et M. Carl Boutin lui vêtu d’un chandail bleu de Maxi qui fumaient à l’extérieur. Carl Boutin et Pierre-François Marquis sont entrés dans le magasin à 22h26 pour se diriger vers l’entrepôt où je n’ai pas de caméra. J’ai donc dirigé la caméra #15 en sorte que j’aie un visuel sur les deux portes de l’entrepôt pour les voir sortir de l’entrepôt. À 22h29, j’ai observé les employés sortir pour prendre leur quart de travail.

 

À 23h46, j’ai observé Carl Boutin sur les caméras, vêtu d’un chandail bleu Maxi, prendre le téléphone et donné la pause à l’interphone. Donc, Carl Boutin est sorti à 23h46 à l’extérieur sans se diriger dans l’entrepôt pour poinçonner sa pause. Philippe Joly, vêtu d’un chandail noir et d’un jean noir, sortir à 23h46 avec son vélo. J’ai par la suite observé Pierre-François Marquis sortir à 23h47.29 à l’extérieur pour aller trouver les deux autres employés le tout sur caméra. Sans les perdre de vu, j’ai observé les trois employés. Carl Boutin, Philippe Joly et Pierre-François Marquis fumer et entrer dans le magasin à 00h49. Philippe Joly et Pierre-François sont retournés dans leur allée de travail. Pour Carl Boutin, il a sélectionné une revue aux caisses qu’il a regardé de 00h49 à 00h54 qu’il a replacé pour aller dans son allée de travail.

 

À 1h56AM, j’ai observé Carl Boutin se diriger à l’extérieur du magasin pour fumer. J’ai remarqué que Pierre-François Marquis était déjà à l’extérieur du magasin en train de fumer. Philippe Joly est sorti à 1h57AM. À 2h10, Philippe Joly vêtu d’un jean noir et d’un chandail noir revient de pause et se dirige dans son allée. Carl Boutin et Pierre-François Marquis sont revenus à 2h14AM pour aller dans leurs allées de travail.

 

À 2h45AM, j’ai téléphoné à Sylvain Lacoursière, directeur du magasin, pour savoir s’il était arrivé pour la prochaine pause. Sylvain m’a répondu qu’il était en route pour observer de l’extérieur du magasin.

 

À 2h54AM, j’ai observé Carl Boutin et Pierre-François Marquis quitter leur allée où j’ai perdu de vu les deux employés. Sylvain m’a confirmé que les trois employés étaient à l’extérieur.

 

À 3h10AM, j’ai observé Philippe Joly, vêtu d’un jean noir avec un chandail noir, entrer dans le magasin. À 3h42AM, avec les caméras, j’ai observé Philippe Joly sortir pour aller fumer à l’extérieur pour revenir à 3h48AM toujours seul.

 

À 3h58AM, j’ai observé Carl Boutin et Pierre-François Marquis fumer à l’extérieur par la fenêtre avec la caméra devant les caisses. Sylvain m’a confirmé que Carl et Pierre-François étaient à l’extérieur depuis 3h55AM. J’ai observé Carl Boutin et Pierre-François Marquis sont entrés dans le magasin à 4h01AM (entrée sur caméra).

 

À 4h40AM, j’ai observé Carl Boutin et Pierre-François Marquis se diriger vers l’entrepôt où je les ai perdus de vue car je n’ai pas de caméra dans l’entrepôt. À 4h48AM, j’ai observé les deux employés sortir de l’entrepôt et se diriger vers l’extérieur du magasin pour aller fumer. J’ai donc attendu quelques minutes pour voir si Philippe Joly allait sortir de l’entrepôt, mais je ne l’ai pas vu. À 4h53AM, on voit Carl Boutin et Pierre-François Marquis fumer jusqu’à 5h12 où ils sont entrés pour retourner travailler.

 

À 5h20AM, Sylvain Lacoursière est entré dans le magasin et s’est dirigé vers les commis de nuit.

 

À 5h55AM, les trois employés ont quitté le magasin.

 

…»

 

 

REPRÉSENTATIONS DE LA PARTIE PATRONALE

 

[33]     Dans un premier temps, le procureur de la partie patronale résume la preuve déposée au dossier du tribunal d’arbitrage ayant conduit à la suspension pour fins d’enquête des plaignants, suspension pendant laquelle l’employeur a amassé les informations utiles, recueilli les faits, évalué les dossiers, a pris conseil auprès du service des relations de travail avant de prendre une décision définitive ayant mené au congédiement des deux plaignants.

 

[34]     Le procureur ajoute que les plaignants, autant Boutin que Marquis, connaissaient leurs responsabilités et ne pouvaient pas ignorer les avis et les rencontres qu’ils ont eus avec la direction concernant les pauses excessives, les départs hâtifs et le fait que le magasin n’était pas livré prêt aux affaires le matin comme cela était leur responsabilité. En fait, la surveillance a montré que les plaignants se sont rendus coupables de vol de temps ce qui équivaut à une fraude ayant mené à la rupture du lien de confiance. Par ailleurs, il est faux de prétendre que l’employeur tolérait cette situation. Bien au contraire, M. Lacoursière, qui avait reçu, en 2008, le mandat de redresser la situation, a remis aux plaignants des avis, les a rencontrés à plusieurs reprises et leur a indiqué qu’ils devaient respecter les dispositions de la convention collective concernant les poinçons et les temps de pauses de telle sorte qu’ils devaient effectuer une prestation de travail normale pour que le magasin soit livré prêt aux affaires à la fin du quart de nuit. En fait, les témoignages des plaignants sont inconciliables avec la réalité quand ils disent que la situation était tolérée par l’employeur. Cela est tout à fait inexact tel qu’en a témoigné M. Lacoursière. Quand à M. Marquis, le procureur de la partie patronale mentionne que sa mémoire faisait défaut lorsqu’il a témoigné devant le présent tribunal d’arbitrage. Il est essentiel, ajoute le procureur, que le tribunal soit conscient que l’employeur doit être en mesure de s’attendre à une prestation de travail normale de la part de ses salariés et à une bonne performance de ceux-ci. L’employeur doit s’attendre à ce que les heures de travail soit effectivement travaillées par ses salariés qui, dans les circonstances démontrées par la preuve, effectuaient leurs tâches sans supervision directe et avec une grande autonomie. M. Boutin connaissait les principes de la discipline puisqu’il agissait comme délégué syndical et qu’il avait douze ans d’ancienneté, ce qui constitue de l’avis du procureur de l’employeur un facteur aggravant tout comme cela est un facteur aggravant dans le cas de  M. Marquis qui occupait des tâches d’assistant gérant et qui devait voir à donner l’exemple lorsqu’il supervisait du personnel. En l’absence du gérant, c’est M. Marquis qui était le premier responsable de l’équipe et il recevait une prime en conséquence. En fait, M. Marquis a abusé de la confiance de l’employeur tout comme M. Boutin. C’est ce que la preuve a démontré lors de la surveillance qui a été effectuée par M. Kelly et M. Lacoursière dans la nuit du 1 er au 2 juillet 2009. En fait, répète le procureur, le vol de temps équivaut à une déloyauté de la part des salariés, déloyauté assimilable à de la fraude de la part des plaignants qui ont manifesté peu de remords, alléguant plutôt qu’ils avaient droit de prendre les pauses qu’ils prenaient tout en refusant de reconnaître à toutes fins pratiques le caractère malhonnête de leur geste. Le procureur termine en déposant de la jurisprudence et en concluant que les griefs doivent être rejetés l’employeur ne pouvant plus faire confiance à MM. Marquis et Boutin.

 

 


REPRÉSENTATIONS DE LA PARTIE SYNDICALE

 

[35]     Pour la procureure syndicale, le tribunal doit d’abord vérifier si aux termes de la convention collective l’employeur a rempli le fardeau de preuve qui était le sien dans la présente espèce et par la suite, il doit évaluer si les mesures disciplinaires imposées aux deux plaignants sont proportionnelles aux fautes reprochées ou si, au contraire, elles sont déraisonnables arbitraires ou discriminatoires. S’il est vrai que les deux plaignants ont commis des erreurs, il faut tenir compte qu’ils l’ont reconnu, qu’ils l’ont admis tel qu’en fait la pièce    E-13 déposée au dossier du tribunal d’arbitrage. Ils ont admis s’être rendu coupable de vol de temps pour l’équivalent d’environ deux heures dans la nuit du 1 er au 2 juillet 2009. On peut donc conclure, ajoute la procureure, que l’employeur s’est déchargé du fardeau de preuve qui était le sien, mais le tribunal doit en arriver à la conclusion que le congédiement dans le cas de M. Boutin et de M. Marquis n’était pas la mesure disciplinaire appropriée. Il faut se rappeler que M. Boutin a douze ans d’ancienneté et que depuis longtemps l’employeur exerçait une tolérance concernant les temps de pauses. Il était de pratique courante depuis toujours que l’employeur tolérait la prolongation des pauses et cela, de l’avis de la procureure, c’est une preuve non contredite tout comme le fait qu’il n’y a jamais eu de réprimandes ni de mesure disciplinaire à ce sujet. Quant à M. Marquis, il a huit ans d’ancienneté chez l’employeur. Il a débuté comme assistant gérant de nuit en 2008 et il a témoigné à l’effet que la tolérance que l’employeur acceptait concernant les temps de pauses, c’était la façon de faire. Il n’a, par ailleurs, jamais été réprimandé à ce sujet.

 

[36]     Concernant la suspension pour fins d’enquête, le syndicat plaide qu’il s’agit d’une mesure abusive puisque l’employeur connaissait déjà tous les faits. Il y a donc lieu de conclure qu’il s’agit là d’un abus des droits de la direction prévu à l’article 2 de la convention collective. Il y a donc deux salariés, un qui a huit ans d’ancienneté, l’autre 12 ans, qui ont subis des mesures disciplinaires sévères menant à leur congédiement alors qu’il existait chez l’employeur une pratique à l’effet qu’on tolérait que les salariés sur le quart de nuit à tout le moins pouvaient prolonger leur temps de pauses. Par ailleurs, le message de l’employeur, pour corriger la situation, n’a jamais été clair. Les salariés n’avaient pas d’intention malhonnête, ils ont manifesté des remords. Les faits ne sont pas contestés, mais, plaide la procureure syndicale, les sanctions imposées à M. Marquis et M. Boutin sont démesurés compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire et s’ils méritent une sanction, ce n’est certainement pas le congédiement. Le syndicat laisse au tribunal la responsabilité d’apprécier la preuve et les sanctions imposées par l’employeur, mais lui demande d’accueillir les griefs des plaignants.

 

DÉCISION

 

[37]     Les deux requérants dans la présente espèce MM Boutin et Marquis ont été suspendus sans solde pour fins d’enquête puis, congédiés par l’employeur suite à l’enquête qu’il a mené et aux consultations qu’il a faites notamment avec le service des relations de travail chez Provigo Québec Inc. Le syndicat a plaidé que les suspensions administratives des deux plaignants étaient abusives et déraisonnables compte tenu du fait que l’employeur connaissait déjà tous les faits reprochés aux deux salariés. Il conteste également la mesure de congédiement qui a été imposée à MM. Boutin et Marquis comme étant trop sévère compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire.

 

[38]     Concernant tout d’abord les suspensions administratives, je ne partage pas le point de vue syndical à l’effet que l’employeur a usé de son droit de gérance de façon abusive. Quand il a été mis au fait de la situation, après la surveillance que M. Kelly a menée, M. Lacoursière a décidé de consulter le service des relations de travail pour prendre conseil sur la façon d’agir. On lui a dit de procéder à la suspension administrative des plaignants, pour permettre à l’employeur de recueillir tous les faits pertinents, de vérifier les dossiers d’emploi des plaignants, et cela dans le but de prendre une décision éclairée. Je ne vois dans cette attitude de l’employeur aucun abus, mais plutôt une attitude prudente et responsable de telle sorte qu’il n’y a pas lieu d’accueillir les griefs de suspension administrative des plaignants Boutin et Marquis.

 

[39]     En ce qui a trait maintenant aux griefs de congédiement des plaignants, le rôle du tribunal d’arbitrage est d’abord de vérifier si l’employeur, qui avait le fardeau de la preuve comme cela est prévu à la convention collective, s’est déchargé de ce fardeau en déposant au dossier une preuve prépondérante à l’effet que les plaignants ont bien commis les actes qui leur sont reprochés. Cette preuve faite, le tribunal doit par la suite au vu de toutes les circonstances de l’espèce, vérifier si la sanction imposée est adéquate et raisonnable, si elle se fonde sur une cause juste et suffisante dont la preuve incombait à l’employeur.

 

[40]     Il convient de mentionner que la convention collective prévoit des temps de pauses et de repas. Ainsi, le paragraphe 10.02 prévoit :

 

«10.02           Le salarié qui travaille la nuit a droit à une demi (½) heure pour son repas, vers le milieu de sa période quotidienne de travail.»

 

[41]     Par ailleurs, la clause 10.04 A) prévoit :

 

«10.04           A)        Le salarié doit prendre une (1) pause payée d’une durée de quinze (15) minutes pendant sa première demi-période quotidienne de travail et une seconde pause payée de quinze (15) minutes pendant sa deuxième demi-période quotidienne de travail.»

 

[42]     À ce sujet, la preuve fait état du fait que les plaignants ont pris presque deux heures de pauses supplémentaires. Le syndicat a déposé une sentence arbitrale que rendait le 20 mars 2006 l’arbitre Paul Charlebois dans l’affaire CENTRE D’HÉBERGEMENT ARGYLE -et- SYNDICAT QUÉBÉCOIS DES EMPLOYÉES ET EMPLOYÉS DE SERVICE, SECTION LOCALE 298, FTQ [D.T.E.2006T-430- SOQUIJ AZ-50367319 ] où il écrivait aux paragraphes 65,66 et 71 de la sentence qu’il rendait ce qui suit :

 

« [65]  Le Plaignant, fort de la pratique qui existait au Centre, pratique qui n’a jamais été sanctionnée, et qui permettait ou à tout le moins tolérait, que le personnel inscrive au registre des heures d’arrivée et de départ qui soient différentes de la réalité, a donc inscrit comme à l’habitude au registre les heures inscrites à son horaire de travail.

 

[66]     Par contre, la preuve n’a pas établi de façon prépondérante que cette façon de faire ait été le fruit d’un stratagème ou d’un geste planifié, mais plutôt la conséquence à la fois d’un certain laxisme chez l’Employeur, d’une réponse ambigüe du supérieur immédiat et d’une imprudence de la part du Plaignant.

 

 

[71]     Dans ces circonstances, le Tribunal est d’avis que le congédiement n’est pas la sanction appropriée. La preuve n’a pas établi d’intention coupable, ni de préméditation, ni de stratagème et l’Employeur n’a pas demandé d’explications au Plaignant quant aux motifs de ses départs hâtifs.

 

…»

 

[43]     C’est en fait, dans la présente espèce, ce que plaide le syndicat au nom des plaignants. D’ailleurs M. Boutin, lorsqu’il a témoigné devant le présent tribunal d’arbitrage, l’a souligné à de nombreuses reprises. En effet, il a expliqué sa conduite par le fait que les pauses supplémentaires ont toujours été acceptées par l’employeur, que ce dernier a toujours toléré la situation et que jamais il n’a reçu d’avis disciplinaire ni de mesure disciplinaire à ce sujet, pas plus que tous les autres employés de l’établissement. M. Marquis a témoigné au même effet, c’est-à-dire que lorsqu’il est devenu assistant gérant de nuit chez l’employeur, les salariés lui ont fait part de la pratique concernant les pauses allongées et il n’a pas posé de questions, s’est conformé à cette façon de faire des salariés parce que, a-t-il dit, la situation durait depuis longtemps et que l’employeur, au fait de la situation, ne faisait rien pour la corriger.

 

[44]     Ce témoignage des plaignants ne représente pas la vérité ou de la réalité. En effet, le portrait de la situation qui a été dressé par M. Lacoursière est bien différent et il vient nuancer le témoignage rendu par M. Boutin et M. Marquis.

 

[45]     M. Lacoursière a rendu un témoignage positif, clair et précis autant de la situation qui prévalait à son arrivée que du mandat qu’il avait reçu de la direction de corriger la situation au niveau des retards, des absences et du non-respect des horaires de travail que des moyens qu’il a mis en place pour y arriver. Cette preuve vient contredire le témoignage des plaignants Boutin et Marquis à l’effet que l’employeur a depuis toujours toléré la situation, accepté les pauses prolongées et la non-livraison du magasin prêt aux affaires le matin. M. Lacoursière a mentionné que le magasin était sous-performant au niveau des ventes, sous-performant au niveau de la prestation de travail de l’équipe de nuit qui en moyenne réussissait à placer environ 25 caisses à l’heure pendant un quart de travail au lieu des 55 caisses à l’heure qui représente la norme chez l’employeur.

 

[46]     À son arrivée au magasin, M. Lacoursière est particulièrement intervenu au niveau de l’équipe de nuit. Dès son arrivée en septembre 2008, il a rencontré les salariés de cette équipe avec M. Jean Morin. On leur a parlé de l’importance de respecter l’horaire de travail de même que les règles prévues à la convention collective. Puis, par la suite, en octobre 2008, les salariés ont reçu un mémo de M. Lacoursière concernant le respect de l’horaire de travail. On y parlait notamment de l’obligation de poinçonner sa carte de présence au début et à la fin du quart de travail de même qu’à chacune des pauses. M. Lacoursière a également rencontré à quelques reprises les salariés de l’équipe de nuit dont les plaignants pour leur rappeler l’importance de respecter l’horaire de travail, les temps de pauses et de fournir une prestation de travail adéquat. La situation s’est par la suite améliorée, les horaires de travail étaient mieux respectées et le magasin était livré prêt aux affaires le matin. Puis, a expliqué M. Lacoursière, en avril, le gérant de nuit a quitté son poste et dans les jours ou les semaines qui ont suivi la situation s’est détériorée de façon dramatique. Les vieilles habitudes ont repris et le magasin n’était plus livré prêt aux affaires à tous les matins. Le 8 juin 2009, MM. Boutin et Marquis ont été rencontrés par M. Lacoursière qui leur a remis un mémo (E-2), un avis administratif leur demandant de faire tous les efforts utiles pour corriger la situation. Le mémo mentionnait que cela ne pouvait plus être tolérée. Le mémo mentionnait que si les plaignants n’apportaient pas les améliorations nécessaires, l’employeur serait dans l’obligation de prendre des mesures disciplinaires pour les inciter à se conformer aux règles applicables aux normes et procédures en vigueur chez l’employeur. On les avisait également que ces mesures disciplinaires, selon la gravité des gestes, pouvaient aller du simple avis écrit à la suspension ou au congédiement. Plus tard, dans les jours qui ont suivi, M. Lacoursière a à nouveau indiqué aux plaignants que le mémo du 8 juin 2009 était sérieux et qu’il s’attendait à ce qu’on corrige la situation.

 

[47]     Le témoignage de M. Lacoursière vient établir hors de tout doute que l’employeur avait pris les moyens nécessaires pour corriger la situation et qu’entre octobre 2008 et avril 2009, cela s’était beaucoup amélioré. Suite au départ du gérant de nuit, les vieilles habitudes ont repris le dessus et M. Lacoursière a témoigné à l’effet que c’était redevenue dramatique. En fait, le magasin n’était plus livré prêt aux affaires le matin, les tâches à accomplir ne l’étaient pas.

 

[48]     Le témoignage de M. Lacoursière vient contredire celui des plaignants Boutin et Marquis. Ce témoignage du directeur du magasin est appuyé par les pièces E-1 et E-5 déposées au dossier du tribunal d’arbitrage qui viennent, à toutes fins pratiques, corroborer le témoignage de M. Lacoursière à l’effet que dorénavant et cela à compter du mois de septembre 2008, l’employeur ne tolérait plus qu’on ne poinçonne pas sa carte de temps, qu’on ne respecte pas les temps de pauses et l’horaire de travail et qu’on ne fournisse pas une prestation de travail adéquate. En considération de cette preuve, la défense présentée par les plaignants n’est pas retenue par le tribunal.

 

[49]     En ce qui a trait aux manquements reprochés aux deux plaignants dans la nuit du 1 er au 2 juillet 2009, la preuve a été faite puisque ces derniers ont admis avoir abusé des temps de pauses et ne pas avoir poinçonné leur carte de temps comme ils doivent le faire. Ils ont dit à ce sujet à M. Lacoursière, lorsque celui-ci les a rencontrés, qu’ils avaient oublié de poinçonner leur carte de temps, mais je pense, avec respect pour l’opinion contraire, que ce n’était pas un oubli de leur part. Le matin du 2 juillet 2009, ils ont également dit à M. Lacoursière que toutes les tâches prévues avaient été accomplies pendant leur quart de travail ce qui n’était pas exact. Quoi qu’il en soit, les fautes reprochées c’est-à-dire le vol de temps a été prouvé et suite à cela, l’employeur a décidé de mettre un terme à l’emploi de MM. Boutin et Marquis. Le syndicat croit que cette sanction, le congédiement, est trop sévère et que le soussigné devrait intervenir pour la modifier en une suspension sans solde. Il plaide en effet que l’employeur n’a pas respecté le principe de la progression des sanctions qui implique que des mesures disciplinaires de plus en plus sévères soient accompagnées d’un message clair et non équivoque de la part de l’employeur ayant pour but, d’une part, d’avertir le salarié que son comportement est fautif et, d’autre part, que le maintien de l’attitude sanctionnée entraînera un congédiement. Il est exact que ses principes sont généralement appliqués en matière disciplinaire. Le but évidemment est de corriger un comportement fautif. La mesure disciplinaire visant d’abord à faire prendre conscience à un salarié qu’il doit corriger son comportement. Cependant, un employeur n’a pas l’obligation de respecter la progression des sanctions lorsqu’un salarié commet une faute grave entraînant la rupture du lien de confiance.

 

[50]     Si, comme l’a plaidé le syndicat, les plaignants n’ont aucun dossier disciplinaire, il faut également considérer les fonctions qu’ils occupaient et le fait qu’ils travaillaient la nuit sans supervision. M. Marquis était assistant gérant, bénéficiait d’une prime prévue à la convention collective à cause de ses responsabilités accrues, il devait voir particulièrement, c’était son rôle, à ce que les tâches prévues soient effectuées par son équipe de travail. Quant à M. Boutin, il occupait depuis longtemps une responsabilité au niveau syndical comme délégué. Il était donc bien au fait des dispositions de la convention collective et du fait que l’on devait les respecter. Si le syndicat a plaidé que les plaignants n’ont pas commis le manquement qui leur est reproché avec préméditation, il faut tout de même considérer qu’ils ne tenaient aucun compte des avis de l’employeur à l’effet de respecter les règles et procédures en vigueur et que lorsqu’il n’y avait pas de gérant travaillant avec eux la situation se détériorait rapidement. Si le vol de temps est un manquement isolé, il doit être quand même considéré comme étant grave, équivalant à une fraude au dépend de l’employeur qui, dans la présente espèce, c’est la preuve que je retiens, a pris ses responsabilités en tentant pendant plusieurs semaines et même plusieurs mois de sensibiliser M. Boutin et M. Marquis au fait qu’ils devaient accomplir leurs tâches dans le respect des normes et procédures de l’employeur et des règles prévues à la convention collective. Les plaignants, lorsqu’ils ont témoigné devant le tribunal d’arbitrage ont tenté de minimiser leurs fautes ou leurs manquements en disant que cela était toléré par l’employeur depuis toujours c’est-à-dire que les salariés ne poinçonnaient pas leur carte de temps ou prenaient des pauses prolongées. La preuve a révélée que cela est inexact. Si MM. Boutin et Marquis ont admis leurs fautes, ils ont toujours tenté de minimiser celles-ci essayant de convaincre le tribunal qu’il s’agissait de fautes, à toutes fins pratiques, mineures puisque la situation était tolérée par l’employeur. Comme on l’a constaté, l’employeur est intervenu auprès d’eux à de nombreuses reprises pour leur demander de fournir une prestation de travail normale ce qu’ils n’ont pas fait et au bout du compte, ils ont été pris, suite à la surveillance de M. Kelly et de M. Lacoursière à négliger leurs responsabilités et leurs devoirs de telle sorte que l’employeur était justifié de leur imposer une mesure disciplinaire sévère.

 

[51]     Le rôle de l’arbitre est bien sûr de s’assurer que la sanction imposée est raisonnable compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire et que l’employeur a imposé celle-ci en conformité avec les dispositions prévues à la convention collective. Dans la présente espèce, je crois que l’employeur a pris la décision de congédier MM. Boutin et Marquis en s’appuyant sur des considérations raisonnables. Il est intéressant de lire les passages suivants de la décision que rendait l’arbitre Nathalie Faucher dans l’affaire COMMISSION SCOLAIRE MARIE VICTORIN -et- SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE, SECTION LOCALE 1538 [ AZ-50660194 ] le 23 juillet 2010 :

 

            « [103] Il ne fait aucun doute que le plaignant a consacré une partie de ses heures de travail à surfer sur internet et/ou à jaser avec un collègue. Il est par ailleurs évident que ces activités étaient d’une durée supérieure aux pauses dont le plaignant bénéficiait. La preuve est même accablante. D’ailleurs, le syndicat reconnaît lui-même qu’une partie du temps devant être consacré au travail n’a pas été travaillé, mais dans une proportion moindre que ce que l’employeur allègue.

 

            [104]   Le plaignant ne respectait donc pas son horaire de travail et travaillait moins d’heures que prévu à son contrat. La preuve témoigne du fait qu’il connaissait pourtant cet horaire l’ayant reçu lors de sa nomination au poste de concierge en juin 2008 et, de surcroit, il lui fut à nouveau remis par son supérieur en septembre.

 

            [105]   Il a donc été rémunéré pour des heures non travaillées. Ce type de faute constitue indubitablement un vol de temps. Cette faute est en l’espèce d’autant plus grave que le plaignant jouit d’une grande autonomie dans l’exécution de son travail et qu’il n’y a pas de supervision pendant une partie importante de son quart de travail.

 

            [106]   Par ailleurs, l’avis disciplinaire du 23 octobre 2008 le met en garde contre ce type de faute et l’avise des conséquences qui y sont rattachées i.e. le congédiement.

 

            …»

 

[52]     Cela s’applique tout à fait à la présente espèce et on peut même ajouter que MM. Boutin et Marquis ne peuvent pas prétendre que leur comportement dans la nuit du 1 er au 2 juillet est le fait d’un geste impulsif, irréfléchi ou posé sur le coup d’une aberration momentanée. Ils savaient tous les deux ce qu’ils faisaient. Par ailleurs, ils avaient été tous les deux avertis préalablement des conséquences du non-respect des règles et procédures et des dispositions de la convention collective concernant les horaires de travail et les temps de pauses. Malgré tout, ils se sont rendus coupables de vol de temps, une faute d’autant plus sérieuse dans un contexte de grande autonomie et en l’absence de supervision directe. La décision que rendait Me Germain Jutras le 16 juin 2001 dans l’affaire VILLE DE SHERBROOKE -et- LE SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE, SECTION LOCALE 2729 [ AZ-02142076 ] est également intéressante lorsqu’il mentionne à la page 13 ce qui suit :

 

            «Généralement bien que ce ne soit pas automatique, des cas de fraude ou de vol commis par un salarié à l’égard de son employeur entraîne un bris de confiance dans la relation employeur/employé et une sanction capitale, à savoir le congédiement. Il y a des cas où des arbitres sont intervenus pour réviser les décisions de congédiement et leur substituer des peines moins lourdes, mais c’était soit parce qu’il s’agissait d’actes bénins ou ambigus ou découlant d’un certain laxisme ou d’une certaine tolérance de l’employeur ou d’actes isolés. Dans tous les cas, il y a certaines circonstances atténuantes invoquées par les arbitres pour justifier leurs interventions.

 

            Dans le présent cas, il n’y a aucune circonstance atténuante mais il y en a de sérieuses qui sont très aggravantes, à savoir la tentative de camouflage du fait qu’il n’avait pas fait complètement son quart de travail le 4 septembre suivi de la tentative de minimiser les heures de travail qui n’ont pas été faites. Ces tentatives démontrent réellement que l’employeur ne peut pas se fier au plaignant et aggravent le caractère des falsifications faites.

 

            …

 

Certes, l’employeur aurait pu sévir de façon moins sévère, par exemple par une lourde suspension, ce qui n’aurait pas été déraisonnable ni irrationnel. Mais cela ne veut pas dire que la sanction choisie par l’employeur est disproportionnée. C’est l’employeur qui exerce ses droits de gérance et en l’absence d’une erreur quelconque dans le processus décisionnel, l’arbitre doit faire preuve de prudence avant d’imposer à l’employeur des normes de plus grande clémence, dans un cas où n’est pas présent un élément particulier pouvant les justifier.

 

…»

 

[53]     Ces propos de l’arbitre Jutras trouvent tout à fait application dans la présente espèce où, rappelons-le, MM. Boutin et Marquis travaillaient sans surveillance, avaient été avisé verbalement ou par écrit à de nombreuses reprises qu’ils devaient fournir une prestation de travail adéquate, respecter les dispositions de la convention collective de même que les normes et procédures de l’employeur. Par ailleurs, ils ont tenté de minimiser leurs fautes en mentionnant que c’est une situation qui était depuis toujours toléré par l’employeur. Nous l’avons mentionné précédemment, cette prétention est inexacte.

 

[54]     Compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, des documents déposés, des témoignages entendus, j’en viens à la conclusion que les griefs des plaignants doivent être rejetés.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Alain Corriveau , président

 

 

 

AC/cl