CANADA PROVINCE DE QUEBEC DISTRICT DE LONGUEUIL |
ARBITRE DE GRIEFS (Code du travail du Québec) |
N o de dépôt : 2013-2132
Association des employés d’extrusion de
plastiques industriels,
C.P. 57096, Centre Maxi,
Longueuil, Québec.
J4L 4T6
Ci-après appelée : le Syndicat
Et
Profilés de portes et fenêtres Royal, usine 8,
une division de Groupe Royal Inc.
3655, Boulevard Loch,
St-Hubert, Québec.
J3Y 5T7
Ci-après appelée : l’employeur
Grief # MB-03-08-12
M. Michel Brulé (le travailleur)
DÉCISION ARBITRALE
Me. Côme Poulin,
Avocat-Arbitre
Représentants des parties
----------------------------------
Représentants du syndicat : Me. Stéphane Gagnon,
M. Michel Brulé
Représentants de l’employeur : Me. Jean-François Martin,
M. Jean-Sébastien L’Écuyer
DRH, Groupe Royal
M. Benoit Robitaille
Par grief du 3 août 2012, le
syndicat et le travailleur réclament de l’employeur une indemnité compensatoire
vu le défaut de celui-ci d’avoir donné le préavis prévu à l’article
Du coté patronal, on prétend que
l’avis de licenciement collectif transmis à la Ministre de l’emploi et de la
solidarité sociale le 31 janvier 2012, avec copie à la Commission des normes du
travail (CNT) et au syndicat et affiché sur le babillard de l’entreprise,
répond à toutes les obligations de l’employeur dans le cadre de ce licenciement
collectif. L’employeur invoque également l’article 84.0.14 selon lequel les
indemnités prévues dans le cadre du recours individuel de l’article
Dans le cas qui nous intéresse, l’indemnité est de huit semaines dans les deux cas.
Les faits entourant cette affaire peuvent se résumer comme suit, tels qu’ils ont été prouvés soit par les admissions déposées ou par les témoignages entendus.
1- En début de janvier 2012, l’employeur, par communiqué produit sous la pièce E-1, informe les employés de ses usines d’extrusion de plastique qu’une de ses usines devra être fermée au cours de l’année 2012.
2- Toujours en janvier, le président de la compagnie, M. Touchette, rencontre les travailleurs de l’usine 8 à qui il annonce la fermeture de cette entreprise, précisant que certains salariés vont être transférés dans d’autres usines du groupe Royal, aussitôt que des ententes avec les syndicats concernés auront être signées.
3- Les entente sont effectivement intervenues avec les syndicats des autres usines, ce qui a permis le transfert d’un certain nombre de travailleurs de l’usine 8 à ces usines.
4- Vers la fin de janvier, le travailleur M. Michel Brulé est rencontré par MM. L’Écuyer et Robitaille de l’employeur alors qu’il est accompagné de M. André Jodoin, président du syndicat et de M. Michel Craig, permanent syndical.
5-
On
lui remet un document intitulé «Rencontre individuelle- fermeture usine 8». Ce
document donne la date d’embauche du travailleur, soit 1972, les vacances qui
seront accumulées au 01-05-2012, soit cinq semaines, son salaire brut de
l’année 2011 et enfin le boni de rétention que le travailleur pourra se mériter
s.il demeure à l’emploi de l’entreprise jusqu’à la fermeture effective, soit
la somme de 7 587,20$. On parle également d’une indemnité de déplacement
pour ceux appelés à aller aux usines 7 et 9 de l’entreprise. Ce document ne
comporte aucun commentaire mais ne répond pas aux exigences de l’article
6-
Le
31 janvier 2012, l’employeur transmet à la Ministre de l’Emploi et de la Solidarité
sociale l’avis de licenciement collectif prévue à l’article
7- Un autre avis est transmis à la Ministre le 10 février 2012 précisant que les licenciements commenceront le 31 mars 2012 pour se terminer le 31 décembre 2012. Cet avis à la Ministre est également transmis à la CNT et au syndicat pour aussi être affiché au babillard mis à la disposition des salariés dans l’entreprise.
8- Lorsque le travailleur a été rencontré à la fin de janvier par MM. L’Écuyer et Robitaille, il était informé que son licenciement surviendrait lors du 3 ième trimestre de l’année 2012, soit en juillet, août ou septembre 2012.
9- Lors de sa rencontre avec les salariés au début de janvier, lors de la rencontre individuelle avec le travailleur à la fin de janvier, l’employeur a informé que chaque salarié bénéficierait d’un préavis de quatre semaines avant la date effective de son licenciement. Dans le cas du travailleur, il a été avisé le 13 juillet de son licenciement du 2 août et l’employeur lui a alors payé une 4 ième semaine puisque le préavis n’était que de trois semaines.
10- Le 13 juillet 2012, le salarié est rencontré par l’employeur qui lui remet son avis de fin d’emploi (E-6) qui indique un montant de 7 587,20 comme boni de rétention et un montant de 948,40$ comme préavis.
11- Le travailleur réclame donc quatre semaines de préavis puisqu’il n’en a eu que quatre sur les huit qu’il aurait dû recevoir.
Précisons que le président Touchette a rencontré les salariés collectivement le 23 janvier 2012 et que cette rencontre faisait partie du plan de communication mise en place par l’entreprise dans le contexte du licenciement.
M. Jean-Sébastien L’Écuyer qui est le DRH régional pour l’employeur nous dira que tous les salariés ont été rencontrés individuellement par lui-même en compagnie de Marco Prince et de M. Touchette.
Il nous précisera également que les extrudeurs ont été transférés dans les autres usines. Le travailleur, en fin de janvier, a été avisé de sa mise à pied au 3 ième trimestre et qu’il serait le dernier à quitter parce qu’il était effectivement le plus ancien dans l’entreprise.
POSITION SYNDICALE
L’employeur n’a pas donné de
préavis requis aux termes de l’article
Pour le procureur syndical, le
boni de rétention ne peut compenser pour le préavis qui n’a pas été donné. Le
préavis est du 13 juillet 2012 et l’employeur n’a payé que quatre des huit
semaines qui étaient requises en vertu de la convention et de l’article
Le procureur nous rappelle qu’en
vertu du dernier alinéa de l’article
Le procureur syndical nous réfère
à une décision de l’arbitre Claude Lauzon dans 353 9491 Canada Inc. Vs les
Métallurgistes unis d’Amérique, section locale 2843 (
Dans cette affaire, l’arbitre
Lauzon a considéré que le comportement de l’employeur ne démontrait pas de
volonté de cesser les activités même s’il avait envoyé au Ministre un avis de
licenciement collectif. Il prévoyait faire ses mises à pied du début de novembre
2004 à la fin de janvier 2005. Toutefois, les travaux qu’il effectuait à
l’aéroport de Toronto ont pris du retard et les dates n’étaient plus valides.
L’arbitre a donc considéré qu’il s’agissait de mises à pied et non d’un
licenciement collectif et il a considéré qu’il y avait lieu d’appliquer
l’article
Enfin, pour le procureur syndical, il serait farfelu de considérer le préavis de licenciement collectif sans date des licenciements comme suffisant.
POSITION PATRONALE
Le procureur patronal nous dit
que l’employeur a répondu à toutes les dispositions de la loi concernant le
licenciement collectif en transmettant deux avis à la Ministre responsable avec
des copies à la CNT et au syndicat, avis affiché au babillard réservé aux
communications faites aux employés. À compter de ce moment, l’article
«Les indemnités prévues aux articles 83 et 84.0.13 ne peuvent être cumulées par un même salarié. Celui-ci reçoit, toutefois, la plus élevée des indemnités auxquelles il a droit.» |
Pour le procureur, le syndicat et le travailleur veulent aller à l’encontre de cette disposition législative en tentant de s’approprier une somme à laquelle le travailleur n’a pas droit.
À l’appui de ces prétentions, le
procureur patronal nous soumet une décision de Me. Nathalie Faucher, arbitre,
dans une affaire de SCEP, section locale 4848 et Journal de Montréal
(
Dans cette affaire, Me. Faucher considère qu’un 2 ième avis de licenciement collectif, amendant le premier était incomplet et nul. En conséquence, ce n’est que le 3 ième avis de licenciement qui est pris en compte et qui ne respecte pas les délais prévus à la LNT. En conséquence, le grief est accueilli et l’employeur a dû payer la différence entre le délai prévu à la loi et celui du 3 ième avis de licenciement.
ANALYSE ET DÉCISION
En vertu de l’article
La preuve a démontré que l’employeur s’était conformé à toutes ces obligations.
La convention collective ajoute, aux paragraphes c) et d) de l’article 16.03, l’obligation pour l’employeur de remettre un préavis écrit au salarié. Dans le cas sous étude, le salarié a été rencontré le 31 janvier 2012 et on lui a alors remis le document E-2 tout en l’informant du semestre au cours duquel son emploi prendrait fin. Et comme le salarié acceptait de demeurer au service de l’employeur jusqu’à la fermeture, on a prévu pour lui un boni de rétention égal à huit semaines de salaire soit 7 587,20$.
Le soussigné est d’opinion que ce document E-2, les explications fournies lors de la rencontre au cours de laquelle ce document a été remis au travailleur répondent aux exigences des paragraphes c) et d) de l’article 16.03 de la convention collective qui exige qu’un avis de licenciement collectif écrit soit remis au salarié. Au surplus, l’affichage sur le tableau, tel que requis par la loi, constitue également une communication de l’avis de licenciement collectif au salarié.
On a parlé que le fait qu’il n’y avait pas de date précise de fermeture de l’entreprise pouvait rendre les avis au ministre nul. Avec respect, je ne partage pas cette opinion. L’entreprise fonctionne par une chaine de montage et il est bien évident qu’on ne fermera pas la fin de la chaine de montage en même temps que le début de la ligne de production. Comme il est évident qu’on ne fermera pas l’expédition au même moment que la réception. Lorsqu’on s’en va vers une fermeture, on cesse de recevoir du stock mais on doit quand même livrer les produits finis. C’est donc normal que de tels licenciements s’échelonnent sur plusieurs mois tenant compte du carnet de commandes au moment de la prise de décision, de l’inventaire au même moment, de l’équipement à démanteler et à sortir, etc. Or dans la mesure où un tel avis de licenciement mentionne la date ultime des licenciements collectifs, il est tout à fait conforme aux exigences de la loi et de la convention collective. Dans le présent cas, cet avis, tel que corrigé le 10 février 2012 (pièce E-5) informe la ministre, la CLT et le syndicat que les licenciements collectifs vont s’opérer du 31 mars 2012 au 31 décembre 2012. Dans la réalité, l’entreprise a fermé ses portes le 2 août 2012. À notre avis, l’avis en question de licenciement collectif est conforme aux exigences de la loi et à l’esprit de la loi.
En sus des obligations en matière de licenciement collectif, l’employeur a également l’obligation de respecter le droit individuel du salarié de recevoir un avis écrit l’informant que sera mis fin à son contrat de travail et dans le cas de M. Brulé, ce préavis était de huit semaines donc de la même durée que l’avis de licenciement collectif qui a été donné correctement.
L’article
Le préavis écrit au salarié a été donné par l’employeur le 13 juillet 2012 soit trois semaines avant la fermeture de l’entreprise. L’employeur a respecté par contre son engagement qu’il avait lui-même pris de payer une 4 ième semaine ce qui fait que le travailleur a été payé jusqu’au 8 août 2012.
Le préavis de l’article 82 et de l’article 16.02 de la convention doit être donné au salarié individuellement, nonobstant le fait qu’un préavis de licenciement collectif ait été envoyé au Ministre, au syndicat et à la CNT et qu’il ait été affiché.
Et rappelons que l’alinéa 2
ième
de l’article
Mais il y a aussi un article 84.0.14 qui se lit comme suit :
«Les indemnités prévues aux articles 83 et 80.0.13 ne peuvent être cumulées par un même salarié. Celui-ci reçoit, toutefois, la plus élevée des indemnités auquel il a droit.» |
Dans le cas sous étude, l’avis de
licenciement collectif et le préavis individuel étaient tous les deux de huit
semaines. Or, on l’a vu, le salarié a déjà reçu huit semaines et même davantage
en ce qui concerne le licenciement collectif. Le manquement de l’employeur de
donner un préavis écrit suffisant en vertu de l’article
Le manquement de l’employeur de donner un préavis écrit individuel suffisait ne peut donc être sanctionné que par le paragraphe 6 de l’article 140 qui traite d’infractions de nature pénale.
Pour toutes ces raisons, le grief est rejeté.
Québec, le 22 janvier 2013.
Côme Poulin
Avocat-Arbitre