COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
AQ-2001-1542 |
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Cas : |
CQ-2012-3993 |
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Référence : |
2013 QCCRT 0073 |
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Québec, le |
13 février 2013 |
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DEVANT LES COMMISSAIRES : |
Pierre Bernier, juge administratif |
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Sylvain Allard, juge administratif |
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Line Lanseigne, juge administratif |
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Alain Laberge
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Requérant |
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c. |
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Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada)
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Intimé |
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et
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Rio Tinto Alcan inc.
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Mise en cause |
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DÉCISION |
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[1]
Le 2 août 2012, Alain Laberge prenant appui sur l’article
127
al. 1 (2)
(3) du
Code du travail,
L.R.Q., c. C-27 (le
Code
) demande la
révision ou la révocation d’une décision rendue par la Commission le 4 juillet
2012 (
[2] Au soutien de sa requête, Alain Laberge indique, dans un premier temps, que « lors de l’audition de la présente affaire devant la Commission, le 8 mai 2012, le requérant n’a pu se faire entendre adéquatement et a été en conséquence privé de la défense pleine et entière de ses droits ».
[3] Il ajoute que « la décision du juge administratif […] comporte également un vice de fond de nature à l’invalider » .
[4] En conséquence, il demande à la Commission « de révoquer ou réviser la décision rendue […], de maintenir en vigueur la plainte du requérant et de convoquer toutes les parties pour l’audition de telle plainte ».
[5] Dans leurs argumentations écrites, tant l’intimé que la mise en cause proposent de rejeter la demande de révision et de maintenir la décision.
[6] Dans la plainte qu’il dépose le 12 septembre 2011, selon les articles 47.2 et suivants du Code, Alain Laberge prétend que « le syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada) (le Syndicat ) a manqué à son devoir de représentation en refusant le 23 mars précédent de déférer à l’arbitrage son grief du 7 octobre 2010 contestant successivement sa suspension sans solde pendant l’enquête et son congédiement par Rio Tinto Alcan ( RTA ), son employeur ».
[7] Dès le dépôt de sa plainte contre le Syndicat, le requérant est représenté par une avocate, membre d’une firme située à Ville de Saguenay.
[8] Quelques jours avant l’audition de la plainte, prévue pour le 18 janvier 2012, le Syndicat soumet une demande de remise à la Commission, qui est acceptée par maître Christian Girard, de la même étude que le première avocate du requérant, et les parties sont convoquées pour procéder le 8 mai 2012.
[9]
Le 1
er
mai 2012, les représentants du Syndicat et de
l’employeur reçoivent, en même temps que la Commission, par télécopie, deux
documents, à savoir un
« Avis
du plaignant en révocation de son procureur (Art.
[10] Même si le nom du requérant Alain Laberge apparaît sur la page de transmission qui accompagne ces documents, il est manifeste que l’envoi provient du bureau d’avocats Aubin Girard Côté, puisque leur numéro de télécopieur y apparaît.
[11] À l’examen des pièces ainsi transmises le 1 er mai 2012, il est évident qu’Alain Laberge n’en est pas l’auteur même si ceux-ci portent sa signature.
[12]
Il
appert, à partir du témoignage du requérant entendu exceptionnellement à
l’audience, malgré le libellé de l’
« Avis du plaignant en révocation de son
procureur (Art.
[13] D’ailleurs, du même témoignage, on apprend aussi que c’est parce qu’il n’a pu acquitter la totalité des honoraires convenus que son avocat a décidé de ne plus le représenter, une semaine avant l’audience prévue.
[14] Alain Laberge soutient que son avocat, le même jour, lui fait signer un document d’exonération de responsabilité, mais la Commission ne constitue pas le forum approprié pour discuter de ces matières.
[15] Au cours des jours qui suivent le 1 er mai 2012, on apprend qu’Alain Laberge effectue plusieurs démarches afin de se constituer un nouveau procureur, mais sans succès.
[16] Au matin fixé pour l’audience sur sa plainte en 47.2 et suivants du Code, Alain Laberge formule auprès du commissaire chargé du dossier, dans le corridor, avant que l’audition ne s’enclenche, une demande de remise de l’affaire, invoquant qu’il ne peut se représenter seul, en plus d’être affecté par une forte grippe.
[17] Toujours dans le corridor, le commissaire chargé du dossier rétorque qu’il ne saurait être question de remettre l’audience puisque toutes les autres parties sont présentes, mais il ajoute qu’il le guidera.
[18] À ce sujet, dans la transcription de l’enregistrement mécanique effectué lors de l’audience, on retrouve aux pages 10 et 11, l’extrait suivant :
MONSIEUR LE COMMISSAIRE :
Juste avant qu’on commence l’audience, pendant que vous étiez absent, monsieur Lepage et maître Laplante, monsieur Laberge s’adressait à moi pour me dire s’il était possible de reporter le dossier du fait qu’il est grippé, d’une part, puis que, deuxièmement, il n’a pas pu trouver un autre avocat pour être ici ce matin.
Ma première réaction, je lui ai dit que j’en informerais, ce matin, les gens, les autres parties; c’est que sa demande était tardive et que, les parties étant présentes, comme je l’avais d’ailleurs indiqué lors de la conférence, la Commission ne serait pas là pour suppléer à l’absence d’un avocat, mais que je le guiderais dans la présentation de son dossier. Et je pense bien qu’on va procéder ce matin.
Alors, est-ce que ça va?
MAÎTRE LOUISE LAPLANTE :
Écoutez, c’est le Syndicat qui est directement concerné, mais pour ma part, je vous dirais qu’effectivement, compte tenu qu’on a été informés la semaine dernière que monsieur entendait se représenter seul, (inaudible) le jour de l’audition.
MONSIEUR LE COMMISSAIRE :
De toute façon, la question est maintenant close, on va procéder.
MAÎTRE LOUISE LAPLANTE :
Ça va. C’est ça.
(Reproduit tel quel)
[19] De cet extrait, on constate surtout qu’Alain Laberge se tient alors coi et qu’il ne peut jamais, de manière formelle, à l’audience, indiquer les motifs de sa demande de remise et élaborer sur la nature de l’affaire, sa diligence et le sérieux des motifs qu’il invoque.
[20] Dès lors, il coule de source que la Commission n’a ni traité ni statué valablement sur une demande de remise qu’Alain Laberge n’a pas eu l’occasion de présenter.
[21] Il ressort clairement des représentations écrites faites tant par le Syndicat que par l’employeur, que l’une et l’autre des parties ont été trompées par le contenu des documents qui leur ont été transmis, par télécopie, le 1 er mai 2012.
[22] Le Syndicat, dans sa contestation écrite de la requête en révocation, indique, au paragraphe 10, que « quelques jours avant l’audition, soit le 1 er mai 2012, c’est monsieur Alain Laberge lui-même qui révoque son procureur, M e Christian Girard […] », ce qui ne reflète pas la réalité.
[23] Au paragraphe suivant, le Syndicat ajoute « qui plus est, monsieur Alain Laberge signe le 30 avril 2012, un avis de comparution personnelle et donne avis de telle comparution […] à la Commission et aux autres parties » .
[24] L’employeur, de son côté, aussi dans ses représentations écrites, indique que :
Le 1er mai 2012, la CRT et les autres parties recevaient de monsieur Laberge un avis dans lequel celui-ci indiquait qu’il révoquait son procureur . Monsieur Laberge joignait également un avis de comparution personnelle dans lequel il indiquait qu’il révoquait le mandat de Me Girard et qu’il comparaissait personnellement dans cette affaire.
(Reproduit tel quel)
[25] Et, un peu plus loin, l’employeur de conclure qu’ :
ainsi, une semaine préalablement à l’audition, monsieur Laberge indiquait qu’il était prêt à procéder. Il n’indiquait aucunement qu’il était à la recherche d’un autre avocat. Il n’était aucunement question de faire remettre l’audition de cette affaire..
[26] Or, les parties et la Commission savent maintenant qu’Alain Laberge a été contraint de « révoquer son procureur » , et de produire un « avis de comparution personnelle ». Ce sont là des formules qui lui ont été imposées par son ex-procureur.
[27] On sait aussi qu’il a toujours été représenté par avocats, depuis le dépôt de sa plainte en 47.2 et ss du Code, en septembre 2011, jusqu’à ce que M e Girard se retire du dossier, le 30 avril 2011, en plus d’avoir fait des démarches intensives, au cours des jours suivants, pour embaucher un autre procureur; Alain Laberge nous a indiqué les noms de trois de ceux-ci.
[28] Il ressort donc de manière évidente qu’Alain Laberge, au moment des échanges qu’il a avec le commissaire, avant le début de l’audience, n’a jamais pu présenter une demande formelle de remise ni invoquer de motifs à son soutien.
[29] Une discussion de corridor ne respecte certes pas la règle audi alteram partem que la Commission est tenue de prendre en compte, avant de rendre une décision.
[30] Le même constat s’applique quand le commissaire, à l’audience, ne fait qu’informer l’employeur et le Syndicat de la teneur de l’échange qu’il a eu avec le plaignant et la conclusion qu’il a tirée.
[31] Dans l’instance, la nature et l’importance du motif allégué, soit le droit à l’avocat, commandent que le requérant ait l’occasion de faire valoir ses moyens eu égard à la demande de remise; ce que ne lui a pas permis de faire le commissaire.
[32] Puisque Alain Laberge a été empêché de faire la preuve des motifs sérieux qu’il aurait pu invoquer en temps opportun, devant elle, la Commission en vient à la conclusion qu’il y a contravention à l’article 127 al. 1 (2) du Code.
[33] Comme le rappelle la représentante de l’employeur, aux paragraphes 22 et 23 de son argumentation écrite, s’ « il est vrai que le droit à la représentation par avocat découle des règles de justice naturelles et a acquis un statut constitutionnel […] il ne s’agit pas d’un droit absolu […] et il n’est pas déraisonnable de rejeter une demande de remise lorsque la situation découle de la négligence de la partie qui demande la remise ».
[34] C’est cet aspect des choses, à savoir la négligence possible d’Alain Laberge, qu’il aurait fallu scruter, dans le cadre d’une demande de remise formelle, ce qui ne lui a pas été donné de faire.
[35] Tel que déjà rapporté, la Commission a permis au requérant, de manière exceptionnelle et dans le but de ne pas retarder davantage le cheminement du dossier principal, de témoigner sur les motifs qu’il aurait pu invoquer au soutien de sa demande de remise.
[36] Il appert, que cette demande n’aurait été ni futile, ni dilatoire. Le requérant a toujours voulu être représenté par avocat, l’a toujours été sauf pendant la semaine précédent l’audience du 8 mai 2012, et rien ne démontre qu’il a tenté de retarder les procédures de manière indue ou qu’il a été négligent.
[37] En outre, l’obligation de diligence et de célérité de la Commission aurait dû être appréciée en tenant compte de l’importance de l’affaire pour le requérant, soit son congédiement, après trente années de service chez l’employeur.
[38] Étant donné que la Commission a enfreint les règles de justice naturelle, ce qui a eu pour effet de priver le requérant du droit d’être représenté par un procureur, le dossier doit être retourné à un autre commissaire pour statuer sur sa plainte.
[39] Ainsi, la plainte en 47.2 et suivants du Code sera entendue dans les meilleurs délais, ce qui satisfait aux principes d’une saine administration de la justice.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
accueille
la demande de révocation
formulée en vertu de l’article
127
al.
révoque
la décision rendue le 4
juillet 2012 dans le dossier
retourne le dossier au greffe afin que les parties soient convoquées à une audience pour disposer sur le fond de la plainte en 47.2 et suivants du Code.
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_______________________________ ___ Pierre Bernier, président de la formation
_________________________________ _ Sylvain Allard
_________________________________ _ Line Lanseigne
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M e Danny Tremblay |
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Gauthier, Tremblay et Associés |
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Représentant le requérant |
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M. Denis Lepage |
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Représentant de l’intimé |
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M e Louise Laplante |
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Norton Rose Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l. |
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Représentante de la mise en cause |
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Date de la dernière audience : |
12 novembre 2012 |
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/gm