Dallaire c. Loisel

2013 QCCQ 1140

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

N° :

200-32-055592-116

 

 

 

DATE :

23 janvier 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DU

JUGE PIERRE SIMARD

 

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JEAN-PAUL DALLAIRE

et

CÉLINE JACQUES

 

Demandeurs

 

c.

 

JEANNE LOISEL

 

Défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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JS1236

 

 

 

[1]            Les demandeurs Jean-Paul Dallaire et Céline Jacques ont acheté le 6 mai 2010 un campeur classe C Senator qui leur a été vendu par la défenderesse Jeanne Loisel.

[2]            Ils soutiennent avoir découvert un vice important sur le bien acheté et poursuivent la défenderesse pour les réparations requises évaluées à 5 696,25 $. Par la suite, les réparations s'effectueront pour un montant de 6 389,42 $.

[3]            Le vice reproché est décrit de la façon suivante par les demandeurs:

Le plancher de la chambre de bain, sous le prélart, est complètement pourri sur environ 50% de la superficie de la chambre de bain et le contreplaqué s'effrite. Cette pourriture s'étend à environ 40% de la surface du plancher sous le lit, sous le prélart, jusqu'au mur arrière. A L'intersection du plancher et du mur arrière il y a même des champignons causés par de l'humidité et dû à des infiltrations d'eau.

Le mur arrière du motorisé est abimé car l'eau s'est infiltrée de sorte que ce mur est aussi à remplacer [1] .

[4]            Il s'agit essentiellement de déterminer si les demandeurs rencontrent les conditions d'un recours sur la garantie de qualité, plus particulièrement quant à l'existence du vice reproché au moment de la vente et quant à son caractère caché.

[5]            Le vice reproché a été, selon les demandeurs, détecté en juillet 2011, 14 mois après l'acquisition; les demandeurs constatent alors la présence d'une tache grise apparaissant sur le prélart de la salle de bain.

[6]            Le véhicule est confié à l'expert des demandeurs Dany Royer qui procède à un examen minutieux du campeur le 28 septembre 2011 et qui détecte un important phénomène de pourriture dans la structure de bois du campeur.

[7]            La défenderesse Jeanne Loisel conteste sa responsabilité en alléguant sa bonne foi, le fait que les vendeurs se sont dit satisfaits de leur campeur et surtout le fait que la tache grise que les acheteurs prétendent avoir constatée en juillet 2011 existait, selon la défenderesse, au moment de la vente en mai 2010 et que les demandeurs l'avaient vue.

[8]            Effectivement, en mai 2010, Jeanne Loisel met le campeur Senator en vente. Elle avait au préalable investi d'importantes sommes d'argent pour le remettre en ordre.

[9]            Les demandeurs font une première visite le 1 er mai 2010. Ils sont intéressés. La défenderesse prétend que Céline Jacques a aperçu la tache grise qui existait à ce moment. La conviction de la défenderesse ne repose pas sur le fait qu'elle lui aurait montré la tache, car elle reconnaît ne pas en avoir indiqué la présence aux demandeurs. Elle soutient plutôt qu'elle a vu la demanderesse Jacques diriger ses yeux vers l'endroit où la tache est présumée être. Il ne lui faut rien de plus pour conclure que Céline Jacques a constaté la présence de la tache.

[10]         Avant l'acquisition, les demandeurs, intéressés au campeur, décident de le faire inspecter. Deux experts procèdent à cette inspection, le premier en ce qui concerne le campeur lui-même, soit un commerçant en semblable matière, Dany Royer, et le deuxième pour la motorisation du campeur.

[11]         Les deux inspecteurs ne détectent rien de particulier et, le 6 mai 2010, Jean-Paul Dallaire et Céline Jacques achètent le campeur de la défenderesse Loisel au prix de 23 000 $. Jusqu'en mai 2011, les demandeurs utiliseront le campeur. Ils se rendront même en Floride.

[12]         En mai ou en juin, ils voient pour la première fois une tache grise sur le plancher de la salle de bain.

[13]         Ils consultent immédiatement leur expert Dany Royer.

[14]         Celui-ci a beaucoup d'ouvrage et ne procédera à l'inspection du campeur qu'en septembre 2011. Il en vient alors à la conclusion qu'une infiltration d'eau importante a causé un phénomène avancé de pourriture et qu'il ne se corrige qu'au moyen d'une réparation de 5 696,25 $.

[15]         Une mise en demeure écrite est immédiatement envoyée par les demandeurs à la défenderesse Loisel. Celle-ci n'en prendra pas possession. L'enveloppe cachetée a été déposée au dossier de la cour et c'est lors du procès que le soussigné a ouvert l'enveloppe sur laquelle la mention «refusé par les destinataires» est apposée par Postes Canada et qui contenait effectivement la dénonciation requise par la Loi des problèmes du campeur.

[16]         À cette date, les demandeurs offraient au choix de la défenderesse soit d'annuler la vente, soit de payer les réparations décrites.

[17]         La défenderesse Loisel ne répondra pas et, finalement, les demandeurs ont opté pour faire réparer le campeur ce qui a été effectué en février 2012, au prix cependant de 6 389,42 $.

[18]         Dany Royer qui a effectué les réparations est venu témoigner et, en substance, a confirmé l'existence du vice reproché par les demandeurs. Quant à l'existence du vice au moment de la vente, il témoigne qu'un phénomène de pourriture qui prend environ deux à trois ans pour se développer et qu'au moment de la vente le phénomène avait débuté depuis plusieurs années: il est tout à fait probable, à son opinion, qu'il existait en mai 2010.

[19]         Pour réussir leur recours, les demandeurs doivent démontrer que le vice qu'ils reprochent à la défenderesse était antérieur à la vente, ignoré de l'acheteur, grave, caché et qu'il fut dénoncé.

[20]         Le présent dossier ne met pas en cause le fait que les demandeurs ignoraient l'existence du vice au moment de l'achat. On ne peut non plus contester sa gravité et en ce qui concerne la dénonciation, on ne peut reprocher aux demandeurs le fait que la défenderesse Loisel n'ait pas pris possession de son courrier.

[21]         En ce qui concerne l'antériorité à la vente, ce point mérite un peu plus d'attention. En effet, le vice a été détecté quatorze mois après la vente. La question vient donc naturellement: celui-ci existait-il en mai 2010 lors de la vente? La preuve des demandeurs repose sur la nature du vice. Il s'agit de pourriture. Ce phénomène est par définition évolutif. D'après le témoin Royer, ce phénomène peut s'étendre sur deux à trois ans. Au moment de la vente, un examen visuel ne lui avait pas permis de détecter un indice quelconque lui permettant de suspecter cette présence.

[22]         Comme il n'a pas fait, au moment de la vente, de sondage à l'intérieur des murs, Royer ne peut donc émettre qu'une opinion. À son avis, la pourriture existait en mai 2010. Un recours civil comme le présent recours est fondé sur la balance de probabilité. La preuve présentée par les demandeurs à cet égard est suffisante et le Tribunal conclut que la balance de probabilités démontre que le vice découvert par les demandeurs était antérieur à la vente.

[23]         Le caractère caché du vice mérite également qu'on s'y attarde. En effet, la défenderesse Loisel prétend que la demanderesse Céline Jacques a aperçu la tache grisâtre et ce dès mai 2010. Le témoignage de la défenderesse n'est guère convaincant. Elle se fonde sur l'impression qu'elle a que la demanderesse Jaques aurait aperçu la tache. La défenderesse ne détecte aucune réaction chez cette dernière: ce point est d'ailleurs surprenant, car justement lorsqu'on est acheteur, il n'y a pas intérêt à ignorer ce qui peut être visible.

[24]         De son côté, Céline Jacques affirme ne pas avoir vu de tache au moment de son inspection de mai 2010.

[25]         L'examen de Dany Royer en mai 2010 confirme la prétention des demandeurs. Bien sûr, la défenderesse prétend que Royer avait étendu un papier blanc sur le plancher, papier qui aurait caché la tache grise à quelqu'un qui l'examine. Cependant, il n'y a rien dans le dossier qui puisse mettre en doute le sérieux de l'examen de Royer.

[26]         Par ailleurs, retenir la prétention de la défenderesse implique que les demandeurs auraient vécu dans leur campeur pendant plus d'un an sans s'apercevoir de la présence d'une tache, ce qui est nié par ces derniers.

[27]         Le Tribunal ne peut que conclure qu'au moment de l'inspection faite par les acheteurs, il n'y avait pas de signe apparent permettant à une personne raisonnable de suspecter la présence d'un vice caché.

[28]         Par conséquent, aucun reproche ne peut être adressé à la partie demanderesse à cet égard.

[29]         Quant à la dénonciation, elle a été faite le 14 octobre 2010. Il est clair qu'on ne peut reprocher aux demandeurs le fait que la défenderesse n'ait pas pris possession de son courier.

[30]         Cependant, la dénonciation a été faite pour une somme de 5 696,25 $ et c'est pour ce montant que l'action sera accueillie et ce nonobstant qu'il en a coûté légèrement plus cher pour effectuer la réparation.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme de 5 696,25 $ avec intérêt au taux légal de 5 % l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 14 octobre 2010;

CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse les frais judiciaires de 159 $.

 

 

 

 

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       PIERRE SIMARD, j.c.q.

 

 

date d'audience:       23 octobre 2012

 



[1]     Lettre de mise en demeure du 14 octobre 2011.