Transport Bruce Rumsby & Fils inc. c. Rousseau-Aubin

2013 QCCQ 1097

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEDFORD

LOCALITÉ DE

COWANSVILLE

« Chambre civile  »

N° :

455-22-002892-123

 

 

 

DATE :

10 janvier 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ALAIN DÉSY, J.C.Q.

 

 

 

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TRANSPORT BRUCE RUMSBY & FILS INC. , ayant son siège social au 576, chemin Choinière, Brigham, province de Québec, J2K 4A7, district judiciaire de Bedford

Demanderesse

c.

BENOIT ROUSSEAU-AUBIN , domicilié et résidant au […], Granby, province de Québec, […], district judiciaire de Bedford

et.

JEAN-FRANÇOIS BOUGIE , domicilié et résidant au […], Granby, province de Québec, J2G 5H6, district judiciaire de Saint-François, […]

Défendeurs

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JUGEMENT

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Avis au lecteur

The present judgment will be written in French, but it is possible for a party to obtain the translation in English if you address a demand to the "Directeur du secteur civil", Court House of Cowansville.

Le présent jugement sera rédigé en français, mais il est possible d'en obtenir la traduction, si vous le désirez, par demande écrite de votre part adressée au Directeur du secteur civil du Palais de justice de Cowansville.

Nature du litige

[1]            La présente affaire concerne un recours pour comptes impayés suite à des achats de pierre concassée survenus entre le 31 mai et le 13 juin 2012 chez la demanderesse.

Objet du litige

[2]            La demanderesse réclame solidairement des défendeurs la somme de 10 404,23 $ plus des intérêts légaux suite à des ventes de pierre concassée au bénéfice de la compagnie Construction et Rénovation Ben et Fils inc. (ci-après la «  Compagnie ») survenues entre le 31 mai et le 13 juin 2012 inclusivement.

[3]            Les défendeurs étaient actionnaires et administrateurs de cette compagnie au moment des achats [1] .

[4]            La procédure en recouvrement ici à l'étude a été signifiée par huissier et personnellement aux défendeurs le 19 novembre 2012.

[5]            À la date de présentation devant la Cour de la requête introductive d'instance, soit le 20 décembre 2012, les défendeurs étaient absents sans raison. Défaut a alors été enregistré contre eux à ce moment.

[6]            ATTENDU la preuve faite par la demanderesse devant la Cour par le biais des pièces P-1 à P-8 inclusivement, ainsi que par l'affidavit circonstancié de M me Laurie Rumsby, contrôleure chez la demanderesse, pour valoir son témoignage;

[7]            ATTENDU le défaut des défendeurs de comparaître au dossier de la Cour, et de contester les prétentions de la demanderesse;

[8]            ATTENDU que la Compagnie a fait faillite le 3 août 2012, et qu'elle déclarait alors un passif net totalisant 356 112 $, voir la pièce P-8;

[9]            ATTENDU que les instructions d'achats pour le compte de la défenderesse ont été données à la demanderesse par le défendeur Rousseau-Aubin, tout comme par le passé lors d'achats précédents;

 

[10]         ATTENDU que ces ventes se sont réalisées dans un contexte de confiance, sans que la demanderesse soit informée des problèmes financiers de la Compagnie alors administrée par les défendeurs, ces derniers devaient certainement savoir que leur compagnie était très sérieusement endettée et en difficulté au moment des achats, soit un mois et demi à peine avant la faillite;

[11]         ATTENDU qu'au moment des achats chez la demanderesse par la Compagnie, cette dernière était impliquée dans quatre dossiers en recouvrement devant la Cour pour lesquels elle n'avait pas comparu aux dossiers de la Cour, sauf dans le dossier 455-22-002538-112;

[12]         CONSIDÉRANT qu'il est prépondérant de la preuve que les défendeurs étaient au courant de la situation économique très précaire de leur compagnie au moment des achats effectués chez la demanderesse entre le 31 mai et le 13 juin 2012 inclusivement;

[13]         CONSIDÉRANT , qu'à titre de dirigeants et d'administrateurs de la Compagnie, les défendeurs se sont comportés de façon négligente, imprudente, et insouciante à l'égard des conséquences dommageables de leurs agissements, ce qui a fait en sorte que la demanderesse a vendu des matériaux à la Compagnie alors qu'ils savaient ou devaient savoir que cette dernière n'allait raisonnablement pas pouvoir payer la demanderesse;

[14]         CONSIDÉRANT l'article 1457 du Code civil du Québec au sujet de la responsabilité extracontractuelle des défendeurs;

[15]         CONSIDÉRANT qu'il y a lieu de statuer que les défendeurs ont manqué à leur devoir de diligence et de surveillance dans la gestion de leur compagnie [2] , ce qui a ainsi causé un préjudice à la demanderesse dont il faut ici répondre [3] ;

[16]         CONSIDÉRANT que les dommages subis par la demanderesse totalisent 10 404,23 $ tel qu'en fait foi les factures produites en preuve et que les défendeurs doivent en répondre solidairement, vu en outre la nature commerciale des achats et leur comportement [4] ;

[17]         CONSIDÉRANT que la preuve administrée par la demanderesse devant la Cour ne permet pas au Tribunal de conclure de façon prépondérante que les défendeurs ont fait des représentations fausses, qu'ils avaient l'intention de frustrer la demanderesse des sommes d'argent ici en cause, et que ces crédits ont été obtenus sur la foi de fausses représentations [5] ;

[18]         Une preuve convaincante à ce sujet aurait opéré un transfert du fardeau de preuve sur les épaules des défendeurs qui auraient alors dû réagir.

[19]         CONSIDÉRANT que le Tribunal ne peut conclure que l'article 178 (1) e) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité [6] s'applique aux présentes;

  (1)  Une ordonnance de libération ne libère pas le failli :

[…]

e ) de toute dette ou obligation résultant de l’obtention de biens ou de services par des faux-semblants ou la présentation erronée et frauduleuse des faits, autre qu’une dette ou obligation qui découle d’une réclamation relative à des capitaux propres;

[20]         En effet, la preuve soumise à l'audition ne permet pas au Tribunal de conclure à un dol civil équivalant à de la fraude, ce qui implique de prouver que les défendeurs ici avaient l'intention d'induire en erreur la demanderesse par des représentations ayant incité la demanderesse à octroyer des ventes à crédit.

[21]         Le juge Pierre Tessier dans la cause Varrocci [7] a écrit :

[97]      La demanderesse doit établir de façon prépondérante que la défenderesse lui a fait une représentation, que cette représentation était fausse, que celle-ci en connaissait la fausseté ou qu'il lui était indifférent d'en vérifier la véracité, qu'elle avait l'intention de la frustrer de cette somme d'argent et que cette somme a été obtenue sur la foi et à cause de ces représentations. (19)   L'intention peut se déduire de la conduite d'une personne saine d'esprit. Le mobile - ce pourquoi une personne adopte telle conduite - est étranger au fardeau de preuve de la demanderesse.

(Référence omise) 

[22]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[23]         ACCUEILLE en partie le recours de la demanderesse;

[24]         CONDAMNE solidairement les défendeurs, Benoit Rousseau-Aubin et Jean-François Bougie, à payer à la demanderesse la somme de DIX MILLE QUATRE CENT QUATRE DOLLARS ET VINGT-TROIS CENTS (10 404,23 $) plus l'intérêt légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec depuis le 19 novembre 2012;

[25]         CONDAMNE solidairement les défendeurs, Benoit Rousseau-Aubin et Jean-François Bougie, aux entiers dépens.

 

 

 

 

ALAIN DÉSY, J.C.Q.

 

M e Dominic Lavin

Lavin Gosselin

Procureur de la demanderesse

 

Benoit Rousseau Aubin (absent)

Jean-François Bougie (absent)

Défendeurs

 

Date d’audience :

20 décembre 2012

 

NOTE : Tous les soulignements et accentuations dans ce jugement sont du Tribunal

 

RETRAIT ET DESTRUCTION DES PIÈCES

 

            Les parties doivent reprendre possession des pièces qu'elles ont produites, une fois l'instance terminée. À défaut, le greffier les détruit un an après la date du jugement ou de l'acte mettant fin à l'instance, à moins que le juge en chef n'en décide autrement.

 

            Lorsqu'une partie, par quelque moyen que ce soit, se pourvoit contre le jugement, le greffier détruit les pièces dont les parties n'ont pas repris possession, un an après la date du jugement définitif ou de l'acte mettant fin à cette instance, à moins que le juge en chef n'en décide autrement. 1194, c. 28, a. 20.

 

 



[1]     Extrait du Registre aux entreprises, pièce P-2.

[2]     Varrocci c. Tsovikian , 2010 QCCS 4204 , 14 juillet 2010.

[3]     Métromédia CMR Montréal inc. c. Johnson , [2006] R.J.Q. 395 (C.A.).

[4]     C.c.Q., art. 1526.

[5]     Paul-Émile BILODEAU, Précis de la faillite et de l'insolvabilité , 2 e éd., Brossard (Qc), CCH, 2004, p. 457, par. 1243 (cité dans Emco Corporation c. Entreprises BBG inc. , EYB 2009-159359 (C.S.), paragr. 23);  Jacques DESLAURIERS, La faillite et l'insolvabilité au Québec , 2004, Wilson & Lafleur ltée, p. 520;  Bernard BOUCHER, Jean-Yves FORTIN, Faillite et insolvatilité, une perspective québécoise de la jurisprudence canadienne , Scarborough (Ont.), Carswell, 1997, feuilles mobiles à jour en décembre 2009, p. 2 - 1136;  Roderick J. WOOD, Bankruptcy and Insolvency Law , Toronto (Ont.), Irwin Law Inc., 2009, p. 293; Lloyd W. HOULDEN, Geoffrey B. MORAWETZ, Janis P. SARRA, The 2010 annotated Bankruptcy and Insolvency Act , Toronto (Ont.), Carswell, 2009 , p. 837.

[6]     L.R.C., 1985, c. B-3.

[7]     Varrocci c. Tsovikian , précité, note 2.