Bergeron c. Gestion Ankabeth inc.

2013 QCCQ 1338

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-FRANÇOIS

LOCALITÉ DE

Sherbrooke

« Chambre civile »

N° :

450-32-015661-119

 

 

 

DATE :

22 février 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

GILLES LAFRENIÈRE

 

 

 

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JESSICA BERGERON

Demanderesse

c.

GESTION ANKABETH INC.

Défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]            La demanderesse réclame 4 674,34 $ à titre de dommages, parce que son véhicule est devenu inutilisable à la suite des travaux effectués par la défenderesse.

LES FAITS PERTINENTS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

[2]            Le 15 juin 2010, la demanderesse achète d'un particulier un véhicule SAAB usagé au prix de 2 821,87 $.

[3]            Il s'agit d'un véhicule reconstruit ayant 176 000 kilomètres et qui ne comporte qu'une seule clé programmable pour faire démarrer le véhicule.

[4]            Le 12 juillet 2011, la demanderesse se présente chez la défenderesse, le concessionnaire SAAB de la région, pour un entretien de routine.  À cette occasion, le directeur du service de la défenderesse convainc la demanderesse d'acheter une deuxième clé programmable pour le véhicule, puisque si elle devait perdre la seule clé qu'elle possède, elle ne pourrait plus démarrer le véhicule.

[5]            Conséquemment, la demanderesse achète et paie une deuxième clé au prix de 352,47 $ qui lui sera remise la semaine suivante.

[6]            Le 20 juillet 2011, la demanderesse se rend chez la défenderesse pour la programmation de la clé, mais à la suite des travaux effectués par la défenderesse, il n'est plus possible de faire démarrer le véhicule.

[7]            Malgré cela, la défenderesse exige tout de même de la demanderesse une somme de 429,03 $ pour des travaux additionnels.

[8]            La demanderesse n'est absolument pas satisfaite de cette proposition, mais l'accepte malgré tout, dans le seul et unique but de reprendre rapidement possession de son véhicule automobile.

[9]            Mais voilà que quelques heures plus tard, la défenderesse se retire de l'entente conclue en informant la demanderesse que les travaux de programmation sont beaucoup plus complexes qu'elle ne l'avait prévu.

[10]         Sitôt après, elle somme la demanderesse de reprendre possession de son véhicule, sans qu'elle effectue d'autres travaux, laissant ainsi la demanderesse avec un véhicule qui ne démarre plus.

[11]         La demanderesse entreprend des démarches auprès d'autres garagistes, mais aucun ne peut reprendre la programmation d'un véhicule SAAB.  Dès lors, la demanderesse n'a d'autre choix que de vendre son véhicule à un ferrailleur au prix de 850 $, puisqu'il est économiquement impensable de le faire transporter chez un concessionnaire SAAB de la région de Montréal ou de Québec, sans savoir si ces derniers réussiront à reprogrammer les clés de son véhicule.

[12]         La défenderesse affirme qu'elle a toujours été de bonne foi, même si elle n'a pu programmer correctement les clés de façon à permettre le démarrage du véhicule.

[13]         La défenderesse fait également valoir que la demanderesse devait s'attendre à des problèmes particuliers de réparation, dus au fait qu'il s'agissait d'un véhicule reconstruit.

 

ANALYSE

[14]         Dans une décision de 2004, le juge Blanchet de la Cour supérieure écrit: 

«[45] […]  il est maintenant acquis que le mandat confié à un garagiste ou réparateur lui impose non pas une simple obligation de moyen, mais bien une obligation de résultat.  Ainsi, le garagiste doit parvenir à corriger le problème pour lequel un véhicule lui est confié et il existera contre lui une présomption de faute si ce résultat n'est pas atteint.  Par ailleurs, si la réparation fautive, incomplète ou inexistante du problème semble être à l'origine d'un dommage, le garagiste en sera responsable à moins de pouvoir se décharger du fardeau de prouver la faute du client lui-même, celle d'un tiers ou l'intervention d'un cas de force majeure. [1] »

[15]         De même, l'auteur Vincent Karim écrit dans son livre « Contrat de prestation de services et l'hypothèque légale » ce qui suit:

«[…]  les tribunaux ont déjà reconnu l'existence d'une obligation de résultat à la charge des professionnels dans les cas suivants:  […] l'identification d'un problème et la réparation d'un véhicule par un garagiste […]. [2] »

[16]         Aussi, l'article 176 de la Loi sur la protection du consommateur confirme que l'obligation du garagiste relativement à une réparation en est une de résultat:

«L.P.C. art. 176:  Une réparation est garantie pour trois mois ou 5 000 kilomètres, selon le premier terme atteint.  La garantie prend effet au moment de la livraison de l'automobile.»

[17]         À l'évidence, le Tribunal conclut que la défenderesse ne s'est pas acquittée de son obligation de résultat.

[18]         Lorsque le 20 juillet 2011, la demanderesse se présente chez la défenderesse pour la programmation de la clé qu'elle venait d'acheter, son véhicule fonctionne parfaitement.

[19]         Ce n'est qu'en raison des travaux effectués par la défenderesse, qu'il n'est plus possible de le faire démarrer.

[20]         Dès lors, il appartenait à la défenderesse d'expliquer pourquoi elle n'a pu atteindre tel résultat en prouvant la faute d'un tiers ou le cas de force majeure.  Or, la défenderesse ne produit aucune preuve à cet effet et le fait que le véhicule ait été reconstruit n'est d'aucune utilité dans sa défense.

 

[21]         Conséquemment, la défenderesse est responsable du préjudice subit par la demanderesse.

[22]         À cet égard, la demanderesse réclame la somme de 4 674,34 $ se détaillant comme suit:

  Coût du véhicule:........................................................... 2 821,87 $

  Clé additionnelle inutile:.................................................... 352,47 $

  Troubles, ennuis et inconvénients:............................... 1 500,00 $

[23]         La défenderesse conteste le montant de cette réclamation en faisant valoir que la demanderesse a obtenu 850 $ du ferrailleur et qu'il y a lieu d'appliquer une dépréciation pour le véhicule.

[24]         Il est vrai que la demanderesse omet de considérer la somme de 850 $ qu'elle obtient du ferrailleur, de telle sorte qu'il y a lieu de réduire cette somme du montant réclamé.

[25]         Cela dit, le Tribunal n'appliquera pas de dépréciation au véhicule, puisqu'aucune preuve ne lui a été présentée quant à la valeur de cette dépréciation.

[26]         Le Tribunal ne peut considérer les documents que la défenderesse a tirés du site Internet «Kijiji» puisque cela contreviendrait aux nombreuses règles de preuve, notamment celle interdisant le ouï-dire [3] et qu'il ne peut se servir de l'article 2808 du Code civil du Québec pour se réclamer une connaissance d'office.

[27]         Enfin, le Tribunal est satisfait de la preuve des inconvénients subis par la demanderesse.

[28]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[29]         ACCUEILLE en partie la demande;

[30]         CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 3 824,34 $ avec intérêts au taux légal de 5 % l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec , et ce, à compter du 20 juillet 2011;

 

 

 

[31]         LE TOUT , avec dépens.

 

 

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GILLES LAFRENIÈRE, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

28 janvier 2013

 

 

Retrait et destruction des pièces

 

Les parties doivent reprendre possession des pièces qu’elles ont produites, une fois l’instance terminée. À défaut, le greffier les détruit un an après la date du jugement ou de l’acte mettant fin à l’instance, à moins que le juge en chef n’en décide autrement.

 

 

 

 

 



[1] Royal & Sun Alliance & al c. André Ressort Service inc. & al , AZ-50266945 (C.S.).

[2] Vincent Karim, Contrat de prestation de services et l'hypothèque légale , Montréal, Wilson & Lafleur, 2011, p. 119.

[3] R. c. Marquard , [1993] 4R.C.S. 323.