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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N o de dépôt : |
2013-3208 |
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Date : |
26 février 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
Me Gabriel-M. Côté, arbitre |
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LE SYNDICAT DES EMPLOYÉS-ES DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX DE LA BAIE - CSN |
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Ci-après appelé(e) « le syndicat » |
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Et |
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LE CENTRE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX CLÉOPHAS-CLAVEAU |
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Ci-après appelé(e) « l’employeur » |
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Plaignant(e) : |
Nathalie Maltais |
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Griefs : |
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#169298 du 20 janvier 2012 (S-5 ), #169285 du 27 janvier 2012 (S-6), #169297 du 6 août 2012 (S-9) et #190268 du 8 août 2012 (S-10) déposés au nom de l’infirmière auxiliaire Nathalie Maltais |
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Convention collective : |
2011 - 2015 |
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DÉCISION ARBITRALE AYANT POUR OBJET DE DÉTERMINER LE FORUM COMPÉTENT POUR DÉCIDER DE L’EXISTENCE, L’INEXISTENCE OU DU NIVEAU DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES, LE CAS ÉCHÉANT, DE LA SALARIÉE |
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[1] La question préliminaire en litige soumise à l’arbitre est la suivante :
« Dans le contexte de la présente affaire où les parties s’entendent sur le diagnostic médical mais ne s’entendent pas sur l’existence, l’inexistence ou sur le niveau des limitations fonctionnelles de la salariée, ce débat est-il de juridiction de l’arbitre-médical au sens de l’article 23.27 et suivants de la convention collective ou de l’arbitre régulier au sens de l’article 11 de la convention collective? Qui a l’autorité de statuer sur ce litige? »
[2] Bref, quel est le forum compétent sur la question médicale des limitations fonctionnelles; est-ce l’arbitre-médical (article 23.27) ou l’arbitre de grief (article 11)?
[3] En début d’audience, le 7 février 2013, les parties ont produit comme pièce S-11 un document contenant la question posée au tribunal et leurs admissions concernant les faits pertinents. Ce document S-11 se lit comme suit :
« LES PARTIES SE SONT ENTENDUES POUR SOUMETTRE LES ADMISSIOINS CONJOINTES SUIVANTES RELATIVEMENT AUX QUATRE DOSSIERS :
La première question que les parties doivent d’abord faire trancher :
Dans le contexte de la présente affaire où les parties s’entendent sur le diagnostic médical mais ne s’entendent pas sur l’existence, l’inexistence ou sur le niveau des limitations fonctionnelles de la salariée, ce débat est-il de juridiction de l’arbitre-médical au sens de l’article 23.27 et suivants de la convention collective ou de l’arbitre régulier au sens de l’article 11 de la convention collective? Qui a l’autorité de statuer sur ce litige?
Les faits non contestés et admis par les parties sont les suivants :
1) La convention collective :
· Les limitations fonctionnelles de la salariée, s’il en existe, relèvent du champ de pratique de l’orthopédie;
· Les parties conviennent de ne pas soumettre d’objection sur les délais relatifs à l’arbitrage médical :
o Si votre décision sur cette première question conclue qu’il est de la compétence de l’arbitre-médical de se prononcer sur les limitations fonctionnelles, ce point sera alors soumis à l’arbitrage médical selon les règles prévues à l’article 23.27 de la convention collective. Selon cette éventualité, vous resterez néanmoins saisi des quatre dossiers au cas où les parties ne s’entendraient pas sur la suite, après la décision du médecin-arbitre;
o Si vous concluez que cette question relève de votre compétence, vous la trancherez après avoir donné l’occasion aux parties de compléter la preuve et de soumettre leur argumentation respective;
2) La chronologie des faits pertinents à cette étape-ci :
· La salariée travaille chez l’employeur à titre d’infirmière auxiliaire depuis le 5 juin 2002;
· La salariée détient un poste d’infirmière auxiliaire à raison de 101.50 heures par période de 4 semaines sur un quart stable de soir dans le service soins infirmiers URFIG depuis le 15 mai 2011.
o De cette date jusqu’au 10 octobre 2011, la salariée complétait ses semaines en offrant une disponibilité à temps complet sur la liste de rappel dans les services médecine, soins longue durée et URFIG;
o Le 11 octobre 2011, la salariée a modifié sa disponibilité pour ne conserver que l’URFIG;
· Le 11 janvier 2011, la salariée a un accident de travail :
o La lésion reconnue par la CSST est entorse lombaire;
o Il y a eu une période d’assignation temporaire où la salariée était doublée à l’URFIG, du 31 janvier 2011 au 20 septembre 2011, entrecoupée de deux périodes de 2 semaines de vacances;
· Le 20 mai 2011, la CSST refuse de reconnaître le diagnostic de hernie discale L4-L5 et L5-S1 :
o Appel à la CLP logé par la travailleuse;
o Désistement le 17 septembre 2012;
· Le 17 juin 2011, la CSST refuse de reconnaître le diagnostic d’arthrose lombaire;
· Le 23 septembre 2011, la salariée est de retour au travail sur son poste jusqu’au 10 novembre 2011;
· Le 11 octobre 2011, à la demande de la CSST, le Dr. Bernard Séguin, orthopédiste, consolide la lésion professionnelle de la travailleuse, avec un DAP de 2%, sans limitation fonctionnelle, mais soumet que la travailleuse peut avoir des limitations personnelles, sans les établir;
· Le 1 er novembre 2011, la CSST rend une décision déclarant la travailleuse capable d’exercer son emploi pré-lésionnel, soit infirmière auxiliaire à l’URFIG depuis le 4 octobre 2011;
· Le 11 novembre 2011, l’employeur fait parvenir à la salariée un avis de mesure administrative à l’effet qu’il la retire de ses fonctions avec solde à compter du 14 novembre 2011, pour faire évaluer si elle a des limitations fonctionnelles personnelles;
· Le 17 novembre 2011, à la demande de l’employeur, le Dr. Séguin émet des limitations fonctionnelles personnelles :
o L’employeur considère alors que ces limitations sont incompatibles avec l’emploi occupé par la salariée;
· Le 19 janvier 2012, à la demande du syndicat, le Dr. Éric Boivin, orthopédiste, soutient qu’il n’y a pas de limitation fonctionnelle;
· Le 19 janvier 2012, l’employeur décide de retirer la salariée du travail, sans solde, pour considérer la démarche d’accommodement;
· Le 20 janvier 2012, 1 er grief de la salariée contestant le retrait du travail sans solde, l’incapacité à occuper son poste et demandant son retour au travail;
· Le 27 janvier 2012, 2 ième grief, qui n’est pas en litige à ce moment-ci;
· Le 3 mars 2012, à la demande de l’employeur, le Dr. Kinnard, sur dossier, se dit d’accord avec les conclusions émises par le Dr. Séguin à l’effet qu’il faut appliquer de manière préventive les mêmes restrictions qu’il a émises suite à son évaluation;
· Le 12 avril 2012, l’employeur reçoit un rapport complémentaire du Dr. Séguin relativement à la notion de contrecoup;
· Le 16 avril 2012, accommodement temporaire jusqu’au 4 mai 2012;
· Le 2 août 2012, une nouvelle expertise du Dr. Boivin confirme l’absence de limitation;
· Le 6 août 2012, 3 ième grief contestant le refus de verser de l’assurance salaire, demandant de la reprendre ou de reprendre l’assignation et réclamant l’arbitrage médical;
· Le 6 août 2012, 4 ième grief alléguant abus des droits de direction et réclamant le retour au travail;
· Ainsi, du 19 janvier 2012 à ce jour, la salariée a été en assignation d’accommodement pour la période suivante :
o Du 16 avril au 4 mai 2012 comme inf. aux.
3) Les expertises médicales touchant la condition personnelle de la salariée :
· La position de l’expert mandaté par l’employeur, le Dr. Bernard Séguin, dans son expertise datée du 21 novembre 2011 est la suivante :
o Le diagnostic émis est discopathie dégénérative lombaire multi-étagée avec arthrose facettaire ;
o Les limitations fonctionnelles permanentes préventives sont les suivantes :
§ éviter de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent de manipuler des charges de plus de 10 kilos;
§ éviter d’effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion extension et rotation de la colonne lombaire;
§ éviter de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale;
§ éviter de marcher en terrain accidenté ou glissant;
§ éviter de garder la même posture debout ou assise, plus de 60 minutes à la fois.
o Le diagnostic et les limitations sont confirmés par le Dr. Patrick Kinnard le 3 mars 2012;
· La position de l’expert mandaté par le syndicat, le Dr. Éric Boivin, dans son expertise datée du 19 janvier 2012 est la suivante :
o Le diagnostic émis est entorse lombaire (lésion professionnelle) greffée sur une condition personnelle préexistante de discopathie dégénérative et d’arthrose facettaire multi-étagée ;
o Le tout sans limitations fonctionnelles en lien avec la condition personnelle préexistante;
o Le diagnostic et l’absence de limitation sont reconfirmés par le Dr. Boivin le 2 août 2012;
Position respective des parties :
· Le syndicat allègue l’absence de limitation fonctionnelle permanente, allégation qui s’appuie sur 3 expertises réalisées par le Dr. Éric Boivin, chirurgien-orthopédiste, dont une sur dossier;
· L’employeur allègue que des limitations fonctionnelles permanentes de nature préventives font en sorte que la personne salariée ne peut plus occuper son poste en raison des risques d’aggravation de sa condition. Sa position s’appuie sur l’opinion du Dr. Séguin, celle sur dossier du Dr. Kinnard;
· Les parties ne s’entendent pas sur le forum compétent pour statuer sur les limitations fonctionnelles de la salariée, dans le présent contexte. Qui de l’arbitre de grief ou du médecin-arbitre doit statuer?
[4] Il convient de noter, pour mémoire que « l’URFIG » , c’est l’unité de réadaptation fonctionnelle intensive en gériatrie du CSSS partie aux présentes.
DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA CONVENTION COLLECTIVE :
« 11.25 En aucune circonstance, l’arbitre n’a le pouvoir de modifier le texte de la présente convention collective. »
« 23.03 Définition d’invalidité
Par invalidité, on entend un état d’incapacité résultant d’une maladie y compris un accident ou une complication d’une grossesse, d’une ligature tubaire, d’une vasectomie, de cas similaires reliés à la planification familiale ou d’un don d’organe ou de moelle osseuse, faisant l’objet d’un suivi médical et qui rend la personne salariée totalement incapable d’accomplir les tâches habituelles de son emploi et de tout autre emploi analogue et comportant une rémunération similaire qui lui est offert par l’employeur. »
« 23.27 Procédure de règlement d’un litige relatif à une invalidité
La personne salariée peut contester tout litige relatif à l’inexistence ou à la cessation présumée d’une invalidité ou à la décision de l’employeur d’exiger qu’elle effectue ou prolonge une période de réadaptation selon la procédure suivante :
1- L’employeur doit donner un avis écrit à la personne salariée et au syndicat de sa décision de ne pas ou de ne plus reconnaître l’invalidité ou d’exiger qu’elle effectue ou prolonge une période de réadaptation. L’avis transmis à la personne salariée est accompagné du ou des rapports et expertises directement reliés à l’invalidité que l’employeur fera parvenir au médecin-arbitre et qui sera ou seront utilisé(s) à la procédure d’arbitrage prévue à l’alinéa 3 ou à l’alinéa 4.
2- La personne salariée qui ne se présente pas au travail le jour indiqué dans l’avis prévu à l’alinéa 1 est réputée avoir contesté la décision de l’employeur par grief à cette date. Dans le cas de la personne salariée à temps partiel de la liste de rappel non assignée, le grief est réputé déposé le jour où le syndicat reçoit un avis de l’employeur lui indiquant que la personne salariée ne s’est pas présentée au travail sur une assignation qui lui a été offerte ou au plus tard sept (7) jours après la réception de l’avis prévu à l’alinéa 1.
3- Dans le cas où l’invalidité relève du champ de pratique d’un physiatre, d’un psychiatre ou d’un orthopédiste, la procédure d’arbitrage médical s’applique :
a) …
b) …
c) Dans les quinze (15) jours de la détermination de la spécialité pertinente, la personne salariée ou le représentant syndical et l’employeur transmettent au médecin-arbitre les dossiers et expertises directement reliés à l’invalidité produits par leurs médecins respectifs.
d) Le médecin-arbitre rencontre la personne salariée et l’examine s’il le juge nécessaire. Cette rencontre doit se tenir dans les trente (30) jours de la détermination de la spécialité pertinente.
e) …
f) Dans le cas où le médecin-arbitre arrive à la conclusion que la personne salariée est ou demeure invalide, il peut également décider de la capacité de la personne salariée d’effectuer une période de réadaptation.
g) Le médecin-arbitre rend une décision à partir des documents fournis conformément aux dispositions du sous alinéa c) et de la rencontre prévue au sous alinéa d). Il doit rendre sa décision au plus dard dans les quarante-cinq (45) jours de la date du dépôt du grief. Sa décision est finale et exécutoire.
4- Dans le cas où l’invalidité ne relève pas de la pratique d’un physiatre, d’un psychiatre ou d’un orthopédiste, la procédure d’arbitrage médical prévue à l’alinéa 3 s’applique en y remplaçant le sous alinéa a) par le suivant :
Etc.
Dans le cas où l’employeur conteste la cessation de l’invalidité de la personne salariée, il en avise par écrit celle-ci et le syndicat. La personne salariée dispose d’un délai de trente (30) jours de la décision de l’employeur pour déposer un grief. Les dispositions des alinéas 3 ou 4 selon le cas s’appliquent.
Jusqu’à la date de son retour au travail ou jusqu’à la décision du médecin-arbitre, la personne salariée bénéficie des prestations d’assurance salaire prévues au présent article.
Etc. »
ARGUMENTATION DES PARTIES
A) Argumentation de la partie syndicale
[5] La procureure de la partie syndicale plaide d’abord que le grief S-9 du 6 août 2012 réclame pour la plaignante des prestations d’assurance salaire, ce qui fait que le litige dans le présent dossier est relatif à une invalidité dont la procédure de règlement est de la compétence exclusive du médecin-arbitre, comme c’est prévu clairement au paragraphe 23.27 de la convention collective.
[6] Mais il y a plus.
[7] Il est clair que les parties à la convention collective ont voulu que le médecin-arbitre, par sa décision, une décision « finale et exécutoire » , apporte une solution complète à tout litige relatif à une invalidité, y compris qu’il statue si le cas s’y prête, comme c’est le cas en l’espèce, sur l’existence, l’inexistence ou sur le niveau des limitations fonctionnelles de la personne salariée s’il en est. Il est de bonne logique de penser que les parties ont voulu du médecin-arbitre un rapport d’expertise de la nature d’une décision finale et exécutoire, mais un rapport d’expertise tout de même, donc un rapport devant, si le cas s’y prête, se prononcer sur l’existence, l’inexistence ou sur le niveau des limitations fonctionnelles de la personne salariée.
[8] Avant l’institution de l’arbitrage médical dans la convention collective 2000 - 2003, le règlement d’un litige relatif à une invalidité était de la compétence de l’arbitre au sens de l’article 11 de la convention collective. En l’an 2000, les parties ont décidé pour accélérer le règlement des litiges relatifs à une invalidité, les simplifier ces litiges, les rendre moins coûteux, de les déjudiciariser en confiant à des médecins, du champ de pratique de la physiatrie, de la psychiatrie et de l’orthopédie d’abord puis avec le temps à des médecins de toutes les spécialités la compétence exclusive de les trancher (voir par exemple : Centre de santé et des services sociaux de la Pointe-de-l’île et Professionnel(les) en soins de la santé unis (PSSU) et Centre de santé et de services sociaux de la Pointe-de-l’Île , le 20 mai 2011, Me Serge Brault, arbitre).
[9] La procureure syndicale invite le tribunal à recourir pour interpréter les textes pertinents de la convention collective à la règle voulant qu’un texte doit être interprété en fonction du problème auquel il est censé remédier. C’est d’ailleurs une vieille règle qui remonte au XVIe siècle ( Heydon’s Case [1584], 3 Co. Rep. 7a, 76 E.R. 637) comme l’a fait remarquer la Cour Suprême dans l’arrêt Re Canada 3000 Inc. [2006] 1 S.C.R.
[10]
L’article
[11] Le tribunal doit donc interpréter d’une manière large et libérale les textes pertinents en ayant présent à l’esprit l’intention réelle des parties, une intention assez nette de faire décider les litiges relatifs à une invalidité par un médecin-arbitre.
[12] Le texte de l’article 23.27 est d’ailleurs clair : la personne salariée qui conteste tout litige relatif à l’inexistence ou à la cessation présumée d’une invalidité doit le faire devant le médecin-arbitre dont il est question au paragraphe 23.27 .
[13] Au soutien de ses prétentions, la procureure du syndicat invoque les autorités suivantes :
- Le syndicat des employés du CRDI du Bas-Saint-Laurent (CSN) et Le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement du Bas-Saint-Laurent , grief 180846, le 9 décembre 2011, Me Joëlle L’Heureux;
- Syndicat des travailleuses et travailleurs de la santé de Gatineau (CSN) et Centre de santé et des services sociaux de Gatineau , grief numéro 90643, le 20 mai 2008, Me Diane Fortier, arbitre;
-
Centre
de santé et de services sociaux de Gatineau c.
Me Diane Fortier
et
Syndicat
des travailleuses et travailleurs de la santé de Gatineau
, Cour Supérieure
numéro 550-17-003886-080, le 11 mars 2009,
- Syndicat des professionnelles et professionnels en soins de santé du CHUM (FIQ) et Centre hospitalier de l’Université de Montréal , le 5 août 2007, André Cournoyer, président;
- Centre de santé et des services sociaux de la Pointe-de-l’île et Professionnel(les) en soins de la santé unis (PSSU) et Centre de santé et de services sociaux de la Pointe-de-l’Île , le 20 mai 2011, Me Serge Brault, arbitre;
- Centre hospitalier universitaire de l’Université de Montréal (CHUM) - Hôpital Notre-Dame et Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) , le 29 juillet 2011, Me Serge Brault, arbitre.
[14] Pour toutes ces raisons, de conclure la procureure du syndicat, le tribunal devrait statuer que le forum compétent pour décider si la plaignante est affligée ou non de limitations fonctionnelles et si oui sur leur niveau, c’est le médecin-arbitre au sens de l’article 23.27 de la convention collective.
B) Argumentation de la partie patronale
[15] Pour le procureur de l’employeur, il est extrêmement important de noter que le paragraphe 23.27 de la convention collective a pour titre « Procédure de règlement d’un litige relatif à une invalidité » .
[16] Avant de plonger au coeur du paragraphe 23.27 qui définit la compétence du médecin-arbitre, il faut se demander si le litige est relatif à une invalidité.
[17] Il est acquis au débat qu’en somme c’est la capacité ou non de la plaignante de revenir au travail qui est en cause dans le présent dossier.
[18] Le paragraphe 23.27, il faut le souligner, s’applique donc uniquement en matière d’invalidité. Voir notamment :
-
Syndicat
des travailleuses et travailleurs de la santé de Gatineau (CSN)
et
Centre
de santé et des services sociaux de Gatineau
,
-
Centre
de santé et des services sociaux de Gatineau
c.
Fortier
,
[19] Le paragraphe 23.27 ne s’applique pas en matière d’incapacité. Pour déterminer s’il s’agit d’un cas d’incapacité ou d’invalidité, il faut analyser la définition « d’invalidité » du paragraphe 23.03 de la convention collective.
[20] L’invalidité dépend de trois (3) conditions :
- Un état d’incapacité résultant d’une maladie ou d’un accident;
- Faisant l’objet d’un suivi médical;
- Qui rend la salariée totalement incapable d’accomplir les tâches habituelles de son emploi et de tout autre emploi analogue.
[21] L’interprétation et l’application du paragraphe 23.03 relèvent exclusivement de l’arbitre de grief au sens de l’article 11 de la convention collective, il s’agit-là d’une question de droit qui est de sa compétence en effet exclusive. Voir :
- Syndicat des techniciens, techniciennes et des professionnels et professionnelles de la santé et des services sociaux de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (FSSS-CSN) et Hôpital Maisonneuve-Rosemont , 2012 CanLII (QC SAT), Jacques Doré, arbitre;
-
Le
Syndicat des employés du CRDI du Bas-Saint-Laurent (CSN)
et
Le Centre de
réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du
développement du Bas-Saint-Laurent
,
-
Centre
hospitalier universitaire de l’université de Montréal (CHUM) - Hôpital Notre-Dame
et
Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des
services soxiaux (APTS
),
[22] Dans le fond, ce que les parties ont voulu déjudiciariser, ce sont les dossiers d’invalidité et d’assurance salaire, rien de plus.
[23] Donc, ce qui est attributif de compétence au médecin-arbitre, c’est l’invalidité, ce n’est pas un simple problème médical.
[24] Dans le présent dossier, la plaignante ne peut prétendre à l’existence chez elle d’un état d’invalidité au sens de 23.03 puisqu’en son cas, à toute époque pertinente, il n’y avait pas de suivi médical.
[25] La plaignante n’a pas de pathologie musculo-squelettique active. Ses limitations, selon les docteurs Séguin et Kinnard sont de nature purement préventive. Aucun suivi médical n’est requis pour cette condition. Voir :
-
Centre
Hospitalier de l’Université de Montréal (site Hôtel-Dieu)
et
Alliance du
personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS)
,
-
Centre
hospitalier universitaire de l’université de Montréal (CHUM) - Hôpital
Notre-Dame
et
Alliance du personnel professionnel et technique de la
santé et des services sociaux (APTS)
,
-
Syndicat
des professionnelles et professionnels en soins de santé du CHUM (FIQ)
et
Centre
hospitalier de l’Université de Montréal
,
[26] Pour toutes ces raisons, de conclure le procureur patronal, le tribunal devrait décider que c’est l’arbitre au sens de l’article 11 qui a la compétence d’attribution pour décider de la question médicale des limitations fonctionnelles.
[27] Il convient d’abord de rappeler que selon les termes très clairs du paragraphe 11.25 de la convention collective qu’en aucune circonstance « l’arbitre n’a le pouvoir de modifier le texte » de ladite convention collective.
[28]
Il va de soi que l’application et l’interprétation de la convention
collective sont de la compétence générale de l’arbitre de grief au sens de
l’article 11 de la convention collective et de l’article
[29] C’est dire que le champ de compétence du médecin-arbitre au sens du paragraphe 23.27 de la convention collective est très limité, il constitue une exception à la compétence générale de l’arbitre de grief. Donc, les dispositions relatives au recours à l’arbitrage médical doivent recevoir une interprétation restrictive. [1]
[30] Il est important de noter que le paragraphe 23.27 de la convention collective qui définit la compétence du médecin-arbitre fait partie de la section IV de l’article 23, une section et un article qui ont pour titre « Régime d’assurance salaire » et que le paragraphe 23.27 lui-même a pour titre « Procédure de règlement d’un litige relatif à une invalidité » . Ces titres-là sont importants en effet parce qu’ils sont indicatifs, le tribunal y reviendra, du champ de compétence du médecin-arbitre.
[31] Il faut souligner à gros traits que la plaignante, Madame Maltais, ne s’est jamais absentée pour cause d’invalidité au sens de l’article 23.03 de la convention collective, cet état d’invalidité qui donne droit aux indemnités d’assurance dont il est question aux paragraphes 23.17 et suivants. Non, il appert en effet des admissions faites par les parties que c’est pour cause de lésion professionnelle que Madame Maltais s’est absentée à partir du 11 janvier 2011, une lésion reconnue par la CSST, une entorse lombaire. Il est admis que « le 11 octobre 2001, à la demande de la CSST, le docteur Bernard Séguin, orthopédiste, consolide la lésion professionnelle de la travailleuse, avec un DAP de 2%, sans limitation fonctionnelle, mais soumet que la travailleuse peut avoir des limitations personnelles, sans les établir » . Le 17 novembre 2011, à la demande de l’employeur, le docteur Séguin les établit. L’employeur considère alors que ces limitations « sont incompatibles avec l’emploi occupé par la salariée » . On sait que le 19 janvier 2012, « l’employeur décide de retirer la salariée du travail, sans solde, pour considérer la démarche d’accommodement » et que le lendemain 20 janvier, la salariée dépose un grief (S-5) « contestant le retrait du travail sans solde, l’incapacité à occuper son poste et demandant son retour au travail » . Fondamentalement, cette réclamation se retrouve dans tous les griefs pertinents aux fins de la présente décision (S-5, S-9, S-10). Le grief S-9 du 6 août 2012 réclame de l’employeur, certes, des prestations d’assurance salaire, mais cette réclamation est très accessoire, c’est son poste et ses assignations que la salariée réclame fondamentalement de réintégrer en s’appuyant sur le rapport d’expertise du docteur Boivin, un rapport soutenant qu’elle n’est affligée d’aucune limitation fonctionnelle. Bref, la plaignante elle-même, dans le fond, prétend qu’il ne saurait être question en son cas d’invalidité, qu’elle est plutôt capable de reprendre le travail sans restriction.
[32] Tout cela pour dire que le présent dossier n’a jamais été un dossier classique d’invalidité et d’assurance salaire au sens de l’article 23 de la convention collective.
[33] Le médecin-arbitre, le titre et le texte du paragraphe 23.27 le disent, a une décision à rendre lorsque la personne salariée conteste la décision de l’employeur « de ne pas ou de ne plus reconnaître l’invalidité » (23.27,1), ou lorsque l’employeur « conteste la cessation de l’invalidité » . Le présent dossier ne concerne aucune de ces situations-là.
[34] Force est au tribunal, cela dit avec respect pour l’opinion du syndicat, de constater que l’employeur a raison lorsqu’il affirme que le présent dossier n’en est pas un d’invalidité, ce qui donnerait compétence au médecin-arbitre, mais plutôt d’incapacité, donc d’une affaire qui relève exclusivement de la compétence de l’arbitre de grief (article 11 de la convention collective).
[35] Le présent cas n’en est pas un d’invalidité d’ailleurs, à en juger strictement par la définition « d’invalidité » que l’on retrouve au paragraphe 23.03 de la convention collective. Personne ne conteste, ce n’est d’ailleurs pas contestable, que la définition d’invalidité ne doit pas être prise dans son sens médical, mais bien dans son sens juridique, que donc son application et son interprétation relèvent de la compétence d’attribution exclusive de l’arbitre de grief (article 11); que pour que la personne salariée soit considérée invalide, les trois (3) conditions mentionnées au paragraphe 23.03 doivent être rencontrées : premièrement un état d’incapacité résultant d’une maladie ou d’un accident, deuxièmement un état faisant l’objet d’un suivi médical , et troisièmement qui rend la personne salariée totalement incapable d’accomplir les tâches habituelles de son emploi et de tout autre emploi analogue etc.
[36]
Il est tout à fait certain qu’à toute période pertinente aux griefs, la
plaignante n’était pas dans un état d’invalidité au sens du paragraphe 23.03 de
la convention collective puisque son cas ne faisait pas l’objet d’un suivi
médical. Des admissions faites par les parties, il appert, il faut s’en
souvenir, que la salariée n’a pas de pathologie musculo-squelettique active,
qu’elle n’a pas besoin d’un suivi médical. L’orthopédiste mandaté par le
syndicat, le docteur Boivin, ne parle aucunement dans son rapport d’expertise
ou ses rapports d’expertise, comme on voudra, de suivi médical, il ne lui
attribue, on le sait, aucune limitation fonctionnelle, il la déclare donc, à
toute fin pratique, apte à réintégrer son poste et accomplir ses assignations
sans nuance ni réserve. Les orthopédistes mandatés par l’employeur ne font
aucunement état d’un suivi médical qui serait requis dans le cas de la
salariée. Ces orthopédistes lui attribuent des limitations fonctionnelles
préventives. Mais sur la question, il a été décidé à bon escient, croit le
tribunal, que des mesures préventives - notamment des limitations fonctionnelles
permanentes - ne constituent pas un suivi médical (
Syndicat des
professionnelles et professionnels en soins de santé du CHUM (FIQ)
et
Centre
hospitalier de l’Université de Montréal
,
[37] Donc le litige n’étant pas relatif, de toute évidence, à une invalidité, il n’est pas de la compétence du médecin-arbitre. En conséquence, c’est l’arbitre soussigné qui a l’autorité de statuer sur « l’existence, l’inexistence ou sur le niveau des limitations fonctionnelles de la salariée » .
[38] Donc, pour toutes les raisons et motifs ci-dessus indiqués, l’arbitre décide qu’il a l’autorité, la compétence d’attribution de statuer « sur l’existence, l’inexistence ou sur le niveau des limitations fonctionnelles » de la plaignante, Madame Nathalie Maltais, à l’exclusion du médecin-arbitre.
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________________________________ __ Me Gabriel-M. Côté, arbitre
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Pour le syndicat : |
Me Kathleen Robby |
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Pour l’employeur : |
Me Denis Bonneville |
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Date(s) d’audience : |
7 février 2013 |
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Date(s) de délibéré : |
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[1]
Voir notamment :
Syndicat des employés du CLSC NDG/Montréal-Ouest (CSN)
et
CLSC NDG/Montréal-Ouest
,