Multi Pro plus (4210191 Canada inc.) c. D'Amours |
2013 QCCQ 1690 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
SAINT-HYACINTHE |
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LOCALITÉ DE |
SAINT-HYACINTHE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
750-32-010776-121 |
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DATE : |
14 FÉVRIER 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
GILLES CHARPENTIER, J.C.Q. |
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MULTI PRO PLUS (4210-191 CANADA INC.) |
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Demanderesse |
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c. |
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KARINE D'AMOURS |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse réclame à la défenderesse le paiement d'une somme de 3 730,45 $ représentant les travaux de nettoyage après sinistre effectués le 29 août 2011 à sa résidence du 2446 H.E. Bryant à Marieville.
[2] La défenderesse conteste cette réclamation considérant celle-ci trop élevée en regard du travail effectué.
LES FAITS
[3] Le 28 août 2011, l'ouragan Irène sévit et affecte la région de Marieville.
[4] La défenderesse est propriétaire d'une résidence située au 2446 H.E. Bryant à Marieville. Elle y opère aussi au sous-sol une garderie en milieu familial.
[5] Suite au passage de l'ouragan, la résidence subit un refoulement du drain pluvial par le bassin de captation et l'eau envahit les planchers à la grandeur du sous-sol à une épaisseur d'environ 4 pouces.
[6] La défenderesse contacte sa compagnie d'assurance, mais celle-ci est débordée et ne peut lui fournir les services d'une entreprise spécialisée en nettoyage après sinistre.
[7] Le représentant de sa compagnie d'assurance lui demande de faire elle aussi des efforts pour trouver une telle entreprise.
[8] La défenderesse constate alors que la résidence voisine reçoit les services de la compagnie Multi Pro Plus et elle s'y rend pour discuter avec le représentant de cette firme pour connaître leur disponibilité.
[9] Le représentant de la demanderesse lui demande de contacter directement le siège social de l'entreprise, ce qu'elle fait.
[10] La demanderesse lui mentionne qu'elle peut effectivement subvenir à ses besoins et ouvre un dossier à cet effet.
[11] La demanderesse est située à Ville Saint-Laurent et envoie une équipe porter des équipements pour assécher les lieux.
[12] Lorsque les représentants de la demanderesse arrivent chez la défenderesse, celle-ci a déjà procédé à l'enlèvement de l'eau, des moulures et du prélart qui recouvre l'ensemble du plancher et a sorti tous ces débris à l'extérieur.
[13] Avant d'entreprendre les travaux, la demanderesse fait signer à la défenderesse un document intitulé AUTORISATION D'ENTREPRENDRE LES TRAVAUX ET CESSION DE CRÉANCE (P-1).
[14] La défenderesse demande alors une estimation du coût des travaux.
[15] Le représentant de la demanderesse prétend avoir mentionné une somme variant de 3 000 $ à 5 000 $ alors que la défenderesse prétend qu'on lui a mentionné que la somme totale ne dépasserait pas 2 000 $. Aucun document à cet effet n'est remis à la défenderesse.
[16] Avant d'installer les équipements, le représentant de la demanderesse utilise une caméra thermique sans contact pour procéder à la détection d'eau par variation de température ainsi qu'un appareil Tramex visant à déterminer le pourcentage d'humidité dans les murs.
[17] À la lumière de ces résultats, la demanderesse installe sur place 6 ventilateurs et un déshumidificateur.
[18] Dix jours plus tard, la demanderesse vient chercher les équipements, mais ne facture que 5 jours pour aider l'assurée.
[19] Après l'enlèvement des équipements, la demanderesse s'occupe de couper les murs à hauteur de 2 pieds sur les 3 murs extérieurs, à une hauteur de 3 pouces pour les murs intérieurs et à procéder à l'enlèvement des débris occasionnés.
[20] En aucun temps, la demanderesse ne procède à la reconstruction des locaux qui est confiée à un autre entrepreneur.
[21] Le 26 septembre 2011, la demanderesse fait parvenir à l'expert en sinistres de la compagnie d'assurance de la défenderesse sa facture qui totalise la somme de 3 730,45 $ (P-2).
[22] Cette facture détaille le travail effectué, ventile les heures de main-d'œuvre facturées ainsi que les équipements et matériaux utilisés.
[23] Cette facture inclut également une somme additionnelle de 10 % pour frais d'administration.
[24] La défenderesse conteste cette réclamation. Elle est assistée par Jimmy Fequet, expert en sinistres indépendant, mandaté par son assureur. Il est expert en sinistres depuis 1977 et a couvert 200 réclamations à Marieville pour cet événement.
[25] Il reproche à la demanderesse les faits suivants.
[26] La demanderesse a facturé 5 jours d'utilisation des équipements (ventilateurs et déshumidificateur) sur les 10 jours où ceux-ci se sont trouvés chez la défenderesse. Il explique que 3 jours sont amplement suffisants pour effectuer la tâche.
[27] Il reproche également à la demanderesse de facturer 11 heures de travail pour installer et enlever les équipements alors que 8 heures auraient été amplement suffisantes. Selon lui, aucune compagnie spécialisée de même nature ne facture 104,18 $ pour l'appel initial d'urgence et selon lui, aucune compagnie ne facture 10 % à titre de frais d'administration.
[28] Il expose également qu'il a payé 50 heures de travail à 15 $ l'heure à la défenderesse, son conjoint et son oncle pour avoir enlevé le prélart, les moulures et l'eau présente au sous-sol et qu'en conséquence, la tâche des représentants de la demanderesse en était autant simplifiée.
[29] Se basant sur l'ensemble des réclamations qu'il a couvert à Marieville, il expose qu'une somme de 1 200 $ (taxes incluses) est plus représentative du travail effectué par la demanderesse que la facture réclamée.
[30] En réplique, le directeur général de la demanderesse maintient que les compagnies d'assurance avec qui il travaille régulièrement paient toujours le 10 % d'administration ainsi qu'un taux de 37 $ l'heure pour les employés.
[31] De son côté, il trouve exagéré d'avoir payé 50 heures de travail à la défenderesse, son conjoint et son oncle pour l'enlèvement du prélart, les moulures et l'eau présente au sous-sol.
ANALYSE ET DÉCISION
[32] Il est bien évident que la situation était une situation urgente, préoccupante et stressante pour la défenderesse.
[33] Il est tout aussi évident que la demanderesse avait plusieurs clients à satisfaire en même temps et l'ouragan Irène a été manifestement une catastrophe pour cette région.
[34] Il n'en demeure pas moins que la demanderesse a le droit d'être payée pour le travail qu'elle a effectué. Cependant, celle-ci doit être payée en fonction de la valeur de ses services, de l'entente survenue avec la défenderesse et en tenant compte des dispositions impératives de la Loi sur la protection du consommateur .
[35]
Les articles
Art. 8. « Le consommateur peut demander la nullité du contrat ou la réduction des obligations qui en découlent lorsque la disproportion entre les prestations respectives des parties est tellement considérable qu'elle équivaut à de l'exploitation du consommateur, ou que l'obligation du consommateur est excessive, abusive ou exorbitante. »
Art. 9. « Lorsqu'un tribunal doit apprécier le consentement donné par un consommateur à un contrat, il tient compte de la condition des parties, des circonstances dans lesquelles le contrat a été conclu et des avantages qui résultent du contrat pour le consommateur. »
Art. 12. « Aucuns frais ne peuvent être réclamés d'un consommateur, à moins que le contrat n'en mentionne de façon précise le montant. »
Art. 55. « Un commerçant itinérant est un commerçant qui, en personne ou par représentant, ailleurs qu'à son adresse:
a) sollicite un consommateur déterminé en vue de conclure un contrat; ou
b) conclut un contrat avec un consommateur. »
Art. 58. « Le contrat doit être constaté par écrit et indiquer:
a) le numéro de permis du commerçant itinérant;
b) le nom, l'adresse, le numéro de téléphone ainsi que, le cas échéant, l'adresse électronique et le numéro de télécopieur de chaque établissement du commerçant itinérant au Québec et de chaque représentant du commerçant itinérant qui a signé le contrat;
b .1 ) le nom, l'adresse et le numéro de téléphone du consommateur ainsi que, le cas échéant, son adresse électronique et son numéro de télécopieur;
c) la date de la formation du contrat et l'adresse où il est signé;
d) la description de chaque bien faisant l'objet du contrat, y compris, le cas échéant, sa quantité et l'année du modèle ou une autre marque distinctive, de même que la durée de chaque service prévu par le contrat;
e) le prix comptant de chaque bien ou service;
f) le montant de chacun des droits exigibles en vertu d'une loi fédérale ou provinciale;
g) le total des sommes que le consommateur doit débourser en vertu du contrat;
g .1 ) le cas échéant, les modalités de paiement; dans le cas d'un contrat de crédit, ces modalités sont indiquées de la façon prévue à l'annexe 3, 5 ou 7;
g .2 ) la fréquence et la date de chaque livraison et de chaque prestation d'un service, de même que la date prévue pour la dernière livraison ou prestation;
g .3 ) le cas échéant, la description de chaque bien reçu en échange ou en acompte et de sa quantité ainsi que le prix convenu pour chaque bien;
h) la faculté accordée au consommateur de résoudre le contrat à sa seule discrétion dans les dix jours qui suivent celui où chacune des parties est en possession d'un double du contrat;
i) toute autre mention prescrite par règlement.
Le commerçant doit annexer au double du contrat qu'il remet au consommateur un Énoncé des droits de résolution du consommateur et un formulaire de résolution conformes au modèle de l'annexe 1. »
Art. 228. « Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, dans une représentation qu'il fait à un consommateur, passer sous silence un fait important. »
[36] La Loi sur la protection du consommateur est une loi d'ordre public. Un consommateur ne peut donc y renoncer. Celle-ci s'applique donc même dans une situation d'urgence.
[37] Comme la défenderesse ne s'est par rendue à la place d'affaires de la demanderesse située à Ville Saint-Laurent, la demanderesse est un commerçant itinérant au sens de la Loi.
[38] Les dispositions ci-haut décrites s'appliquent donc à la convention intervenue entre les parties.
[39] Aucune convention écrite décrivant les coûts n'a été signée entre les parties avant le début des travaux. Il y a d'ailleurs une version contradictoire quant aux coûts de ceux-ci énoncés par le représentant de la demanderesse.
[40] Rien ne permettait à la défenderesse de calculer ou évaluer le coût total réclamé.
[41] En conséquence, la demanderesse a manqué à ses obligations prévues par la Loi sur la protection du consommateur et la défenderesse est justifiée de demander la réduction de celle-ci.
[42] Le coût total des services est un élément important de cette entente de services. Cette information ne pouvait être passée sous silence et cette situation joue contre la demanderesse.
[43] L'expert en sinistres Fequet a une position opposée à celle de la demanderesse et base son expertise en fonction de son habitude de travail avec Assurances Desjardins.
[44] La demanderesse quant à elle base son expertise et ses coûts sur son habitude de travail avec d'autres compagnies d'assurances.
[45] Bien que l'expert Fequet soit dans le domaine depuis 1977 et que la demanderesse soit en activité depuis plus de 20 ans, il est pour le moins surprenant de constater que ni l'un ni l'autre ne se connaissent et n'ont jamais travaillé ensemble.
[46] Ces faits font donc en sorte qu'il y a des perceptions opposées quant à la facturation et uniquement en regard de la facturation, car aucun reproche n'est formulé par la défenderesse à la demanderesse pour la qualité de son travail.
[47] À défaut d'avoir une opinion tierce indépendante, le Tribunal arbitre les travaux effectués par la demanderesse à la somme de 2 500 $.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE partiellement la requête introductive d'instance;
CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 2 500 $, sans intérêt et sans frais.
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__________________________________ GILLES CHARPENTIER, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
Le 7 février 2013 |
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