Ducharme c. Larivière |
2013 QCCQ 2143 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
JOLIETTE |
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LOCALITÉ DE |
JOLIETTE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
705-32-011951-115 |
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DATE : |
21 février 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
DENIS LE RESTE, J.C.Q. |
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JEAN-MARC DUCHARME, |
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Partie demanderesse |
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c. |
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PHILIPPE LARIVIÈRE, |
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur réclame 6 405,84 $ en dommages-intérêts pour la coupe illégale d'un arbre effectuée sur sa propriété par le défendeur.
LES FAITS:
[2] Voici les faits les plus pertinents retenus par le Tribunal.
[3] Le demandeur est propriétaire d'une résidence sise rue A à St-Charles-Borromée depuis 1988.
[4] Le défendeur est son voisin immédiat depuis 2003.
[5] En 1990, le demandeur fait l'installation d'une haie de cèdres séparant les propriétés des parties d'une longueur d'environ 100 pieds.
[6] En 1992, il achète deux arbres de la variété «magnolia» qu'il installe chez lui.
[7] C'est donc dire qu'au moment où le défendeur acquiert la propriété en 2003, les magnolias ont plus ou moins une dizaine d'années.
[8] En 2008, le défendeur a demandé au demandeur de pouvoir acquérir une parcelle de terrain située à l'arrière. Lorsque les parties se sont rendues à cet endroit précis, le demandeur a alors constaté qu'un arbre d'une dimension de plus ou moins 24 pouces avait antérieurement été abattu.
[9] Le demandeur est certain que le défendeur a coupé cet arbre sans son consentement.
[10] La version est contradictoire à cet effet, puisque le demandeur prétend que cet arbre est mitoyen alors que la preuve du défendeur démontre que, bien au contraire, il était entièrement sur sa propriété.
[11] Quoi qu'il en soit, ce jour-là le demandeur n'a pas souligné son mécontentement au défendeur. En fait, sans mot dire, il a accepté la situation.
[12] Le demandeur a refusé de vendre une partie de son terrain au défendeur.
[13] En juin 2009, le demandeur retient les services de Martin Racette pour procéder à la tonte de sa haie. Compte tenu que le défendeur a un potager très près de la haie, il lui a été impossible de procéder aux travaux escomptés.
[14] En fait, le demandeur estime même que le jardin du défendeur empiétait chez lui. Il a alors proposé au défendeur de faire l'entretien de son côté de la haie.
[15] Pour ce faire, le demandeur rédige un document que les parties signeront (pièce D-2). Nous pouvons y lire :
« En date du dix neuf Avril de l'an deux milles dix. Afin de s'assurer qu'il n'y aie aucune ambiguïté visant la limite respective de nos propriétés, séparant le lot 239-50 appartenant à M.Jean-Marc Ducharme au lot ________ appartenant à M.Phillipe Larivière.
Moi Jean-Marc Ducharme domicilié et propriétaire du terrain situé au (…) St-Charles Borromée(…). Et ce à convenir que l'entretient de pelouse fait par M.Phillipe Larivière, voisin et domicilié au (…)St-Charles-Borromée(…), sur la partie sud-ouest du terrain de M. Jean-Marc Ducharme addresse et lot mentionnés plus haut en premier lieu, ne représente aucune donnation de terrain au sens de la loi, qu'il n'est que tolérance et permission autorisée par son propriétaire M.Jean-Marc Ducharme et que M.Phillipe Larivière en est conscient et à consentir que cette autorisation, accès et ou permission pourait lui être défendu à lui et/ou tout autre(s) propriétaire(s) subséquent(s). Si M.Ducharme en déciderait.
Le terrain concerné a fait l'objet d'un bornage, effectué par l'arpenteur-géomètre Richard Castonguay,de la firme d'arpenteur du même nom. Procès-verbal de bornage enregistré à Joliette sous le numéro #239-50 000047135.
L'objet de la présente autorisation est à l'effet que M.Phillipe Larivière puisse entretenir par permisson, tant que bonne entente et/ou vie de la haie propriété de M.Jean-marc Ducharme, érigé par ce dernier sur sa propriété du (…), la pelouse situé et contenue sur le terrain de M.Ducharme, à partir d'une borne située sur la partie sud-ouest du terrain de ce dernier et visuellement repérable en front à la rue A sur une largeur allant s'appuyer jusqu'à l'excédent au sol des branches de la dite haie équivalent à une largeur d'environ trois (3') pieds (+) ou (-),mesure pouvant varier selon le résultat obtenu suivant la taille de la dite haie. Cette tonte s'étendant jusqu'à une distance d'environ (+) ou (-) cent (100') pieds de profondeur.
Il est évident qu'aucune construction et/ou installation de tout genre ne pourrait-être tolérée. Cette convention n'autorisant que l'entretient et la tonte de la pelouse pour cette partie de terrain ci-haut décrite.
La dite convention mentionnée dans cette lettre, est acceptée et reçue en date du 16 juin 2010.
Signé par les deux parties et devant témoins (…) » (sic)
[16] Le dimanche 15 août 2010, le défendeur demande à son voisin, le demandeur, de couper l'un des deux magnolias.
[17] Les parties se dirigent une fois de plus à l'arrière de leur terrain et le demandeur constate que le défendeur a coupé des branches d'un magnolia, dont l'une de trois pouces et demi de diamètre.
[18] C'est plus particulièrement à ce moment-là qu'une mésentente importante survient entre les parties.
[19] Photos à l'appui, chacune des parties reproche à l'autre plusieurs faits et gestes et de tout faire pour créer de la mésentente.
[20] En mai 2011, le demandeur expédie la correspondance suivante au défendeur (pièce P-5):
« (…) Monsieur,
En premier lieu:
Le 15 Août 2010 vous avez coupé sans droit, ni autorisation, endomageant grandement un Magniolia de Soulange, appartenant et situé sur la propriété de M.Jean-Marc Ducharme propriétaire et domicilié au (…),St-Charles-Borromée,[...]
En conséquent, Monsieur J-M. Ducharme tient à vous informez qu'à partir de ce jour la convention signé le 19 avril 2010 entre M.Ducharme et vous, concernant cette tolérance et permission que M.Ducharme vous autorisait sur la partie Sud-Ouest de sa propriété pour l'entretient et la tonte de la pelouse prend fin immédiatement.
Vous n'êtes plus autorisé à faire quelqu'entretient qui soit sur la propriété de M.Ducharme.
M.Jean-Marc Ducharme se réserve le droit de réclamer à M.Phillipe Larivière les dommages découlant de ce geste.
Dans un second lieu:
Vous êtes avisé par les présentes de retirer, dans un délai de 15 jours suivant accusé réception de cet avis, tout aménagement paysager et/ou empiètement que vous vous seriez autorisé de faire dépassant les bornes au sol; ces travaux d'arpentage que Monsieur Richard Castonguay a.g. a effectué pour délimité la propriété de M.Ducharme
Faute que vous n'enleviez vous même, dans ce délai de 15 jours suivant accusé réception de cet avis, cet aménagement paysager. M.Ducharme procédera lui même à l'enlèvement de ce qui empiète sur sa propriété.
Veuillez agir Monsieur en conséquence (…). » (sic)
[21] Le demandeur a alors retenu les services d'un arpenteur-géomètre qui est venu établir que l'endroit précis où le magnolia se trouvait était soit dans la ligne séparative des deux lots ou, fort probablement, plus chez le demandeur.
[22] Le demandeur a obtenu de Marie-France Pelletier, arboricultrice et horticultrice, un document intitulé: Évaluation des dommages causés au Magnolia soulangeana de M. Ducharme en août 2010 (pièce P-3).
« (…) Emplacement et identification
L'arbre en question est situé dans la cour arrière latérale gauche du (…) St-Charles-Borromée. Il s'agit d'un Magnolia soulangeana, ayant une hauteur d'environ 3 mètres et une largeur 2 mètres à l'état actuel. Son diamètre de tronc à hauteur de souche est de 18 cm et son diamètre de tronc à hauteur de poitrine est de 8 cm pour la partie restante et de 9 cm pour la partie coupée. Le Magnolia est planté à même un aménagement paysager, très près de la haie de cèdre latérale gauche, d'un second Magnolia et d'une pruche du Canada (Tsuga canadensis).
Description des dommages
Pour les fins d'évaluation des dommages, je me suis rendu sur les lieux le 27 novembre 2010. L'arbre a été coupé à plus de 60% de sa ramure totale. Les coupes sont fraîches lors de ma visite, le bois de coupe est encore d'un blond très pâle et il y a présence de sciure de bois de la même couleur sous la légère couche de neige. En plus d'un des deux troncs principaux, de nombreuses branches charpentières et secondaires ont été supprimées. Toutes les branches qui débordaient de la haie, en direction du voisin, ont été retirées. Les coupes ont été faites sans appel sève, elles sont non directionnelles et chacune porte un chicot.
[…]
Condition ou état de santé
[…]
Dans le cas présent, mise à part les coupes de mauvaises qualités, le Magnolia est en très bon état de santé. Il est vigoureux, en constatant la longueur des croissances annuelles des 3 dernières années sur les rameaux. Il ne démontre aucun signe de maladie, de présence d'insecte ou encore de dégât par le gel (…).
[…]
Valeur de remplacement composée du Maqnolia :
1. Somme totale des coûts
a. Coût de détail d'un Magnolia projeté : 264.08 $
b. Coût de plantation projetée : 164.05 $
c. Coût d'entretien projeté : 619.62 $
1 029.75 $
2. Multiplication
du résultat de l'Étape
1
par la cote
de Condition
X 90% =
926.78$
3. Multiplication
du résultat de l'Étape 2 par la cote
de Localisation
site et environnement
90%
contributions fonctionnelles et esthétiques 50%
efficacité de la localisation
40%
=
180%=3=60%
X 60% =
556.07$
4. Valeur contributive estimée du Magnolia (valeur arrondie) 556$
Résumé de l'évaluation des dommages
En conclusion, la coupe de branches sur un Magnolia soulangeana a été effectuée sans autorisation chez M. Jean-Marc Ducharme. Pour rétablir les lieux dans l'état original, des travaux de remplacement devront être effectués ainsi que des travaux d'entretien, sur un période de 10 ans. La perte de valeur s'élève donc à 556.07$ (…). » (sic)
[23] Le 20 septembre 2011, plus d'un an après les frais reprochés, le demandeur expédie la mise en demeure suivante au défendeur (pièce P-1).
« (…) Monsieur,
La présente est pour vous informer que je vous réclame la somme de 6,405.84 $ pour les raisons suivantes:
Frais judiciaires et arpentage: 873.51 $
Frais de Poste: 19.80 $
Évaluation de mon arbre «Magniolia»: 2,512.53 $
Dommages moraux et geste illégal: 3,000.00 $
6,405.84 $
Je vous mets donc en demeure de me payer la somme de 6,405.84 $ dans un délai de 10 jours.
Dans le cas contraire, une procédure judiciaire pourra être engagée contre vous sans autre avis, ni délai. » (sic)
[24] Au procès, le demandeur estime la valeur du magnolia à 2 512,53 $. Il réclame les autres frais ci-avant décrits en insistant sur le fait que le défendeur a agi sans son consentement.
[25] Les parties ont chacune produit plusieurs photographies et ont d'ailleurs utilisé et commenté celles utilisées par la partie adverse.
[26] En défense, le défendeur allègue, entre autres, ce qu'il a décrit dans sa contestation (pièce D-1):
« Nous contestons cette requête car est remplie de faussetés et d'irrégularités
· Je n'ai jamais demandé de permission pour couper un arbre sur le terrain de monsieur Ducharme et je n'ai aucun avantage de couper des arbres chez lui. Je lui plutôt proposé de couper l'arbrisseau qui est implanté dans la ligne de terrain car cela fait un trou béant dans la haie. Suite à son refus j'ai laissé l'arbrisseau en place.
· Donc, je n'ai jamais coupé d'arbre sur son terrain (voir preuve)
· Il m'a demandé d'entretenir sa haie car il ne veut pas payer pour notre côté. En enlevant ces quelques petites branches qui étaient de mon côté, en plus de donner plus de sécurité car cela permet à la haie de se refermer naturellement on améliore aussi le côté esthétique (voir preuve)
· Seulement de petites branches qui dépassaient chez-nous ont été coupées car elles causaient un énorme trou entre nos deux terrains. La haie ouverte de cette manière est extrêmement dangereuse pour la sécurité de nos petits enfants (4 enfants de 1 an à 9 ans) bord de la rivière .(voir preuve).
· Sur notre terrain nous pouvons facilement voir de partout nos petits enfants jouer aussi avons installé ne clôture. Si l'un d'entre-deux traverse chez monsieur Ducharme par ce trou de la haie, il nous est alors impossible de le surveiller. (photos )
· De plus, l'arbre qui fait l'objet de réclamation n'est presque pas visible de sa maison. Il est plutôt caché par une pruche mature. (photos )
· M.Ducharme ne peut pas voir les petites branches coupées chez- nous au bas de la haie. L'arbrisseau n'est pas coupé, il bel et bien en santé et toujours dans le milieu de la haie avec le trou béant et dans la ligne du terrain. (photos )
· Madame Pelletier sa spécialiste (d'ailleurs sans titre officiel) a pu identifier les maisons de la rue et même des pourcentages de toutes sortes. Mais elle n'a pas vu que le magnolia en question est de notre côté et qu'elle a dû venir chez-nous pour prendre des photos. Ces dernières sont volontairement grossies afin de tromper les faits et prises en hiver sans les feuilles, ce qui rend difficile l'évaluation à savoir si l'arbrisseau est vivant ou mort. (voir photos et document)
· Ainsi en traversant chez-nous en hiver, madame et monsieur en s'approchant dans le but voir son arbrisseau et de prendre les photos ces derniers ont écrasé le petit cèdre planté plus tôt l'été auparavant afin de combler le trou dans la haie. Nous en avons fait le constat à la fonte des neiges.
· L'arbrisseau en question a été planté dans le milieu de la haie et cette partie est dans la ligne de nos deux terrains (voir preuve )
· il me semble qu'on n'installe pas de telle plante dans la ligne de terrain surtout si on y met une grande valeur, de plus on ne la cache pas dans une haie et en arrière d'un gros conifère.
· Monsieur Ducharme a fait l'erreur de ne pas prendre les précautions nécessaires pour installer sa haie et son magnolia. Il n'a pas vérifié le bornage, ni mis de repaires lors de l'implantation de ces plans.
· Huit ans plus tard, il essaie de nous rendre responsable des ses erreurs, ne sachant pas où était exactement sa haie, il a du faire mettre les repaires par des arpenteurs.
· Monsieur Ducharme ne nous a jamais parlé de son intention de faire des travaux de piquetage, sa facture ne nous concerne pas.
· Aussi, la facture de maître Asselin n'est pas claire car elle ne dit aucunement le motif de la rencontre de ce dernier avec monsieur Ducharme. Elle ne nous concerne pas (voir document )
· Nous avons répondu à toutes ses demandes même parfois ridicules pour lui facilité l'accès à sa parcelle de terrain de notre côté (enlever des fleurs et deux cèdres de culture, tasser de quelques pouces les gicleurs dans le sol ... même de changer la ligne électrique de place d'environ 6 pouces trop près de son terrain. (voir
· Monsieur Ducharme est venu semé du gazon sous la haie et en bordure de notre jardin, pourtant chez lui sa terrasse avant manque de gazon et ne fait rien pour l'améliorer. Ce comportement est étrange. (photos )
· Nous sommes très inquiets du comportement de monsieur Ducharme car il ne cesse d'une saison à une autre de nous harceler, surtout que nous avons tout tenté pour avoir un bon voisinage avec ce dernier en répondant à toutes ses demandes.
· On ne sait pas jusqu'où il peut aller étant donné qu'il doit venir sur notre propriété pour entretenir sa haie et sa parcelle de gazon.
· L'été dernier (2011) monsieur Ducharme a entretenu la haie de son côté mais refuse d'entretenir sa haie de notre bord. Nous demeurons dans un quartier résidentiel où toutes les demeures sont très bien entretenues. (photo)
· Pour le futur on demande à la cour de lui ordonner d'entretenir sa haie de notre côté et cela à chaque année. Egalement d'entretenir son petit lot de gazon et lui demander de couper les branches qui sont largement chez-nous et sous la ligne électrique (son merisier). Aussi d'enlever le magnolia qui n'a pas sa place dans la haie. (photos)
Comme il a mis plusieurs piquets qui s'avèrent inutiles et même dangereux pour les gens qui circulent ou pour les enfants qui jouent, les repaires mis par les arpenteurs au sol sont très visibles et les pieux de m. Ducharme ne sont que de la mauvaise foi de sa part. On vous demande de bien les lui faire enlever. Surtout qu'ils sont dans la ligne et que cette parcelle est tellement petite que cela nuit à l'entretient des terrains.
· Il refuse de nous parler , on ne comprend pas sa demande de règlement avec médiation car il m'a dit : « je ne veux plus voir ta face » telles sont ses paroles en plus de son comportement arrogant.
· Pendant près de 7 ans à chaque saison estivale,
Nous avons entretenu sa parcelle triangulaire de notre côté et revigoré sa haie qui était en bien piteuse état, cela à nos frais . Engrais et temps $650 pour la coupe du gazon pendant toutes ces années. Nous n'avons pas d'entente de gratuité.
· Près de la rue, sur le terrain de notre voisin, un arbre mature de monsieur Ducharme a été laissé ou a été planté sous la ligne électrique qui nous dessert et les branches dépassent chez nous jusqu'au milieu de notre stationnement . (voir photo)
· Danger pour nous d'avoir des branches sur les autos et surtout danger en cas de verglas pour la ligne électrique. Nous avons essayé de lui montrer et il n'a rien fait après nous avoir dit qu'il s'en occuperait cela fait déjà un an.
· Quelques petites branches coupées dans la haie mitoyenne ou un arbre mature sous la ligne électrique....Quand nous voyons que la haie arrière est en partie sur notre terrain , où se situe la logique de monsieur Ducharme pour expliquer sa poursuite envers nous?
· Voilà ce que nous subissons depuis près deux ans de la part de notre voisin. On ne peut revenir d'un séjour ou d'une vacance sans recevoir de menaces par courrier recommandé.
· A noter que les 6 premières années nous nous sommes très peu parlé...jamais il nous a dit qu'il y avait un problème . De plus il faisait entretenir ses deux côtés de haie à cette époque, mais pas le gazon. Il nous a laissé mettre le poteau électrique en ligne avec la borne du poteau près de la rue (ils sont très bien alignés). L'installateur l'a fait de bonne foi à l'intérieur des lignes et de notre côté du terrain.(voir photos)
· On ne comprend pas et nous sommes vraiment exaspérés de son comportement . Nous avons de très bonnes relations avec les autres voisins et de très bons amis dans l'entourage .
· J'ai même demandé à monsieur Ducharme, la première fois qu'il m'a adressé la parole en colère me disant qu'il refuse de payer notre côté de sa haie . Je lui ai répondu qu'il serait plus agréable de prendre une bière ensemble à l'amiable.
· De plus, je lui dis : pas de problème je vais entretenir ta haie et j'ai signé un document qu'il m'a présenté afin que la haie demeure son entière propriété (voir preuve).
· Je crois que tant de harcèlement de sa part demande réparation c'est pourquoi ma femme et moi demandons $3000 de frais. Pour le stress causé, le temps perdu ainsi que pour les dépenses occasionnées. Nous réclamons aussi les frais de cours par la présente mise en demeure faite par monsieur Jean-Marc Ducharme. Faute de ne pas avoir pris les précautions nécessaires afin que sa haie et son arbrisseau soient mis au bon endroit chez lui (voir loi document : )
· Nous n'avons pas la paix et la quiétude dont nous avons droit d'avoir dans le secteur très paisible que nous avons choisi pour construire notre maison.
· Plusieurs photos montrent l'emplacement inadéquat de sa plante ainsi que le non entretien qu'il en a fait pendant plusieurs années ...cette plante croit naturellement depuis 8 ans que nous sommes voisins et m. Ducharme n' a donné aucun soin à ces deux magnolias plantés en arrière plan sur un terrain non entretenu et rempli de mauvaises espèces qui n'ont rien à voir avec un terrassement paysagé . (photos ) » (sic)
(soulignements inclus dans le texte du défendeur)
[27] Le défendeur a admis devant le Tribunal qu'il avait procédé à la coupe des branches du magnolia appartenant au demandeur. En fait, il prétend avoir agi ainsi en vertu du document signé par les parties le 16 juin 2010 l'autorisant à couper et entretenir la haie.
[28] Le défendeur prétend que le magnolia fait partie de la haie et appuie ses dires par de nombreuses photographies.
[29] Le Tribunal doit donc déterminer si le défendeur a illégalement coupé les branches du magnolia.
LE DROIT APPLICABLE:
[30] Le Tribunal souligne les articles pertinents du Code civil du Québec .
985. Le propriétaire peut, si des branches ou des racines venant du fonds voisin s'avancent sur son fonds et nuisent sérieusement à son usage, demander à son voisin de les couper; en cas de refus, il peut le contraindre à les couper.
Il peut aussi, si un arbre du fonds voisin menace de tomber sur son fonds,
contraindre son voisin à abattre l'arbre ou à le redresser.
1457.
Toute personne a le devoir de respecter
les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi,
s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir,
responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de
réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui
par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a
sous sa garde.
[31] Le Tribunal considère important de décrire les règles et critères applicables dans le cadre du fardeau de la preuve.
[32]
Le rôle principal des parties dans la charge de la preuve est établi aux
articles
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver
les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804.
La
preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est
suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[33] Les justiciables ont le fardeau de prouver l'existence, la modification ou l'extinction d'un droit. Les règles du fardeau de la preuve signifient l'obligation de convaincre, qui est également qualifiée de fardeau de persuasion. Il s'agit donc de l'obligation de produire dans les éléments de preuve une quantité et une qualité de preuve nécessaires à convaincre le Tribunal des allégations faites lors du procès.
[34] En matière civile, le fardeau de la preuve repose sur les épaules de la partie demanderesse suivant les principes de la simple prépondérance.
[35] La probabilité n'est pas seulement prouvée par une preuve directe, mais aussi par les circonstances et les inférences qu'il est raisonnablement possible d'en tirer.
[36] La Cour suprême du Canada, dans la décision de Parent c. Lapointe [1] , sous la plume de l'honorable juge Taschereau, précise:
« C'est par la prépondérance de la preuve que les causes doivent être déterminées, et c'est à la lumière de ce que révèlent les faits les plus probables, que les responsabilités doivent être établies. »
[37] Dans leur traité de La preuve civile (4 e Édition) [2] , les auteurs Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée précisent:
« Il n'est donc pas requis que la preuve offerte conduise à une certitude absolue, scientifique ou mathématique. Il suffit que la preuve rende probable le fait litigieux. »
[38] Pour les Tribunaux, plusieurs règles peuvent aider un juge à décider de la suffisance ou non de la preuve entendue lors d'un procès.
[39] Par exemple, une preuve directe est préférée à une preuve indirecte, la preuve d'un fait positif est préférée à celle d'un fait négatif. La corroboration est une preuve qui renforce un témoignage de façon à inciter le juge à le croire, et l'attitude d'un témoin lors d'un procès peut même influencer le Tribunal.
2845. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du tribunal.
[40] Le Tribunal doit, à la lumière de tous les éléments de la preuve, soit la preuve matérielle, documentaire et la preuve testimoniale reçue lors du procès, déterminer si la partie demanderesse a réussi à le convaincre selon la règle des probabilités.
[41]
Le Tribunal souligne l'article
2811. La preuve d'un acte juridique ou d'un fait peut être établie par écrit, par témoignage, par présomption, par aveu ou par la présentation d'un élément matériel, conformément aux règles énoncées dans le présent livre et de la manière indiquée par le Code de procédure civile (chapitre C-25) ou par quelque autre loi.
[42] L'honorable Pierre Nollet, j.c.s., mentionne dans l'affaire El Jarmak c. Alimentation Pierre Côté inc. [3] :
« [31] Une récente décision de la Cour d'appel nous rappelle les diverses règles applicables quant au fardeau de preuve:
La partie qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention. Dans une affaire comme la nôtre, la partie demanderesse avait le fardeau de prouver la faute, le préjudice et le lien de cause à effet entre la faute et le préjudice. La règle de la prépondérance s'applique dans les causes civiles, c'est-à-dire que la preuve doit rendre l'existence d'un fait plus probable que son inexistence. Notre regretté collègue Vallerand écrivait à ce sujet :
[…] Et notre droit civil m'apparaît bien fixé : On ne retient de relations causales que celles qui sont directes; n'est prouvé que ce qui est certain, voire ce qui est probable, mais jamais ce qui n'est que possible et encore moins ce qui est imaginé.
La preuve peut être faite par présomption de faits, mais ces présomptions sont laissées à l'appréciation du tribunal qui ne doit considérer que celles qui sont graves, précises et concordantes. Le juge du procès possède un large pouvoir dans son appréciation des présomptions et des indices pertinents. »
Références omises
ANALYSE ET DISCUSSION:
[43]
L'article
[44] Ici, le Tribunal estime que l'entente du 16 juin 2010 autorisait le défendeur à agir comme il l'a fait.
[45] Certes, l'entente signée par les parties ne prévoit pas expressément la coupe de quelques branches du magnolia, mais le Tribunal, après avoir étudié dans l'ensemble cette affaire et notamment les nombreuses photographies mises en preuve, conclut que le magnolia faisait partie de la haie de cèdres ou qu'il en était suffisamment rapproché pour justifier le défendeur de considérer qu'il en faisait partie.
[46]
Le défendeur a agi à l'intérieur des limites légales que lui octroyait
cette convention signée par les parties selon les critères de l'article
[47] D'ailleurs, rappelons qu'aucun dommage proprement dit n'a été subi par l'arbre, outre, bien sûr, le fait qu'il lui manque maintenant quelques branches. Cet arbre est encore bien vivant.
[48] Les parties sont aux prises avec des mésententes ayant pris des proportions incompréhensibles d'ailleurs depuis ce moment-là.
[49] La demande principale est donc rejetée.
[50] La demande reconventionnelle n’est également pas recevable. Il ne s’agit pas d’un cas où des dommages moraux et punitifs peuvent être octroyés en vertu des règles énoncées par le législateur.
[51] Quant à tous les autres reproches ou menaces de réclamations dirigées les unes envers les autres, le Tribunal, comme il l'a d'ailleurs précisé aux parties lors de l'audition, ne peut régler tous leurs problèmes.
[52] Le Tribunal n'est concerné que par la présente réclamation et rien de plus.
[53] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[54] REJETTE la réclamation principale et la demande reconventionnelle, mais compte tenu des circonstances, sans frais.
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__________________________________ DENIS LE RESTE, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
11 janvier 2013 |
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