Letarte c. McGill Immobilier inc. |
2013 QCCQ 2464 |
|||||||
JT1383
|
||||||||
« Division des petites créances » |
||||||||
CANADA |
||||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||||||
DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
|||||||
« Chambre civile » |
||||||||
N° : |
500-32-122719-109 |
|||||||
|
|
|||||||
|
||||||||
DATE : |
25 mars 2013 |
|||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
CHRISTIAN M. TREMBLAY, J.C.Q. |
||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
|
||||||||
MARTINE LETARTE |
||||||||
demanderesse |
||||||||
c. |
||||||||
MCGILL IMMOBILIER INC. |
||||||||
défenderesse |
||||||||
|
||||||||
|
||||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
JUGEMENT |
||||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
INTRODUCTION
[1] La veille du jour où elle doit débuter son nouvel emploi chez McGill Immobilier inc., Martine Letarte (Mme Letarte) est avisée qu'on n'a plus besoin d'elle.
[2] Mme Letarte réclame 7 000 $ en dommages-intérêts en raison du comportement de McGill Immobilier inc.
LES FAITS
[3] En 2008, Mme Letarte travaille chez Habitat Méridien. Elle y est représentante et elle vend des maisons neuves (pièce P-6).
[4] Voyant le projet tirer à sa fin et étant incertaine pour l'avenir, Mme Letarte entreprend des démarches pour se trouver un nouvel emploi. C'est dans ce contexte qu'elle approche McGill Immobilier inc., laquelle est une agence immobilière spécialisée dans la vente et la mise en marché de projets immobiliers de condominiums auprès de promoteurs.
[5] Après avoir rencontré les deux associés de McGill Immobilier inc., M. Patrice Groleau (M. Groleau) et Mme Debby Doktorczyk (Mme Doktorczyk), le 13 juin 2008, Mme Letarte reçoit une confirmation verbale de M. Groleau à l'effet qu'elle est embauchée à compter du 30 juin 2008. Elle avise le jour même Habitat Méridien qu'elle quittera ses fonctions dans deux semaines.
[6] McGill Immobilier inc. lui fait parvenir par télécopieur une confirmation d'engagement (pièce P-3) et un projet de contrat (pièce P-4).
[7] Peu après, Mme Letarte s'inscrit au Collège de l'immobilier du Québec afin d'entreprendre une formation pour devenir agent immobilier (pièce P-7).
[8] Le 29 juin, alors qu'elle s'apprête à souper en compagnie d'une amie, M. Groleau l'appelle et l'informe que, finalement, McGill Immobilier inc. n'aura pas besoin d'elle. Un des trois projets immobiliers ne fonctionne plus. Il n'y a plus de place pour elle au sein de la compagnie.
[9] Bien entendu, Mme Letarte est amèrement déçue. Elle tente en vain de retourner chez Habitat Méridien. Après trois mois d'efforts, elle finit par se trouver un emploi chez Planet Courrier. Au salaire horaire de 15 $, soit entre 2 400 $ et 3 200 $ par mois.
[10] Âgée de 48 ans à l'époque, Mme Letarte affirme qu'il n'a pas été facile de se trouver un nouvel emploi. Elle a dû délaisser le domaine de la vente immobilière pour pouvoir gagner sa vie. Aujourd'hui, elle a réintégré le marché avec succès.
[11]
Mme Letarte soutient qu'elle a perdu deux ventes chez Méridien. Ses
pertes totalisent 12 000 $ qu'elle consent à réduire à
7 000 $ (art.
[12] Pour McGill Immobilier inc., Mme Letarte est une travailleuse autonome payée sur la base d'une commission sur les ventes effectuées. C'est pourquoi elle ne lui doit rien.
ANALYSE
[13] Dans un premier temps, le Tribunal doit déterminer la nature de la relation juridique entre McGill Immobilier inc. et Mme Letarte.
[14]
Le contrat de travail est défini à l'article
2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.
[15]
Quant au contrat de service, ce sont les articles
2098. Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.
2099. L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.
[16] La jurisprudence a établi des critères permettant de déterminer si une personne est un salarié ou un travailleur autonome. Ainsi, dans la décision Commission des normes du travail c. 9025-1331 Québec inc . [1] , le juge Michel Lassonde s'exprimait de la manière suivante:
[12] La jurisprudence a donc développé un certain nombre de tests qu'il faut utiliser afin de déterminer quel est la véritable nature du lien entre les parties.
[13] On retrouve dans l'arrêt CNT c. Publicité Promobile inc. , C.P. Jonquière, no. 165-02-000167-855, le 21 juillet 1986, les dix critères retenus par les tribunaux:
"Pour déterminer s'il s'agit d'un salarié, d'un travailleur indépendant ou autonome ou d'un entrepreneur, les principaux critères sont:
1) L'existence de l'élément de profit ou du risque de perte;
2) L'obligation de rendement et de production;
3) La façon dont quelqu'un peut être embauché ou congédié;
4) Le lien de préposition, de subordination;
5) Lorsqu'une personne, dans l'exécution de ses fonctions, peut, par sa faute, erreur ou négligence, entraîner la responsabilité de celui qui le paie;
6) Lorsque la marchandise ou les instruments de travail sont fournis à l'employé par l'employeur;
7) L'obligation d'aviser s'il y a absence du travail;
8) L'obligation de faire rapport, que ce soit chaque jour, semaine ou mois;
9) L'obligation de faire le travail soi-même et non par d'autres;
10) Le comportement employeur-employé relativement à l'assurance-chômage, la Régie des rentes du Québec, les plans d'assurance-maladie."
[17] Selon l'auteur Vincent Karim, le critère le plus important à considérer pour différencier le contrat d'emploi de prestation de services est le lien de subordination [2] :
L'absence du lien de préposition entre l'entrepreneur ou le prestataire de services et le client constitue le fondement de la distinction entre le contrat de travail, d'une part, et le contrat d'entreprise ou de services, d'autre part. Ainsi, le contrat d'entreprise ou de services est non seulement conditionné par le faible degré d'immixtion du client dans l'exécution des travaux ou des prestations, mais aussi par la relation de fait et de droit qui existe entre les parties. La notion de subordination a évolué: alors qu'elle référait auparavant à une surveillance immédiate, elle s'est assouplie et réfère aujourd'hui plus largement à une subordination juridique. Celle-ci, faisant défaut dans le contrat d'entreprise et de prestation de services, est de l'essence même du contrat de travail où il appartient à l'employeur de déterminer le travail à exécuter par l'employé, de choisir les moyens d'exécution, d'encadrer cette exécution et de la contrôler, etc.
[Caractère gras ajouté et références omises]
[18] En l'espèce, il est établi que Mme Letarte devait travailler exclusivement pour McGill Immobilier inc. La confirmation de l'engagement (pièce P-3) spécifie que Mme Letarte devait être au bureau des ventes à temps plein.
[19] L'entente P-3 stipule qu'un préavis de départ doit être donné de part et d'autre.
[20] Il y est également prévu que Mme Letarte sera évaluée après six mois.
[21] Mme Letarte devait travailler au bureau des ventes de McGill Immobilier inc.
[22] Le Tribunal considère que la preuve prépondérante tend à démontrer que Mme Letarte était plutôt une salariée qu'une entrepreneure indépendante.
[23] Même si le mode de rémunération est celui d'une commission à être versée lors des ventes d'unités de condominiums, une avance sur commission de 1 200 $ par mois (versée aux deux semaines) était prévue. Ainsi, on ne peut dire que Mme Letarte assumait un risque véritable. Nous ne sommes pas ici dans un contexte de risque de perte ou d'existence de profit.
[24] Le projet de contrat intitulé "Independant Contractor Agreement Agent" semble laisser croire que Mme Letarte allait être un agent autonome (pièce P-4). Ce contrat, si tant est qu'il pouvait être signé par Mme Letarte, n'aurait eu pour seul effet que de qualifier Mme Letarte d'agente autonome ou indépendante aux fins des questions d'ordre fiscales.
[25] En réalité, elle serait demeurée à l'emploi exclusif de McGill Immobilier inc. et l'aurait représentée dans le cadre des divers projets décrits à l'entente P-3.
[26]
En vertu de l'article
[27] L'entente P-3 prévoit un délai de congé de deux semaines. Ce délai est raisonnable dans les circonstances. McGill Immobilier inc. devait donc respecter ce délai.
[28] Par conséquent, Mme Letarte a droit à 600 $ en vertu de l'entente P-3, soit l'équivalent de ce qu'elle aurait normalement reçu pour deux semaines de travail.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL
ACCUEILLE en partie la demande.
CONDAMNE
la partie défenderesse à payer à la partie
demanderesse 600 $ avec intérêts au taux de 5 % l'an et l'indemnité
additionnelle en vertu de l'article
CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse les frais judiciaires de 159 $.
|
||
|
__________________________________ CHRISTIAN M. TREMBLAY, J.C.Q. |
|
|
||
|
||
Date d’audience : |
23 novembre 2012 |
|
[1]
Commission
des normes du travail
c.
9025-1331
Québec inc
.,
[2]
Vincent
KARIM,