TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

N o de dépôt : 2013-4137

 

Date : 28 mars 2013

                                                                                                                                            

 

DEVANT L’ARBITRE :     M e MARCEL MORIN

                                                                                                                                            

 

 

ALLIANCE DU PERSONNEL PROFESSIONNEL ET TECHNIQUE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX (APTS)

 

            Ci-après appelée « le Syndicat »

 

 

ET

 

 

CSSS DE DORVAL-LACHINE-LASALLE

 

            Ci-après appelé « l’Employeur »

 

 

 

Plaignant : Daniel Vallières

 

Griefs :         N o du Syndicat : 2011-03-A065 et 2011-03-A066

 

Nature du grief : Affichage de poste d’éducateur avec indication de la scolarité demandée

 

Convention collective : 2006-2010

 

                                                                                                                                            

 

SENTENCE ARBITRALE

(Art. 100 Code du Travail L.R.Q. c.C-27)

                                                                                                                                            

[01]        Les parties m'ont désigné pour entendre et décider de deux griefs, l'un syndical (S-3), l'autre individuel (S-2), contestant la même décision de l'Employeur.

 

 

LE GRIEF

 

 

[02]        Le grief individuel se lit ainsi :

 

« LIBELLÉ DU GRIEF (bref exposé)

 

Cet exposé sommaire des faits à l'origine du grief est fait sans préjudice et sans limiter notre preuve ou notre argumentation future.

 

Je conteste l'exigence académique indiquée sur l'affichage récent du poste d'éducatrice ou d'éducateur (titre d'emploi n o 2691) au Centre d'hébergement de Lachine (poste n o 501343, affichage n o CSSS 2011-059), soit l'exigence d'un diplôme ou d'un certificat de fin d'études collégiales avec spécialisation en techniques d'éducation spécialisée ou en rééducation institutionnelle, ainsi que la décision de l'Employeur de ne pas me nommer au poste à cause de cette exigence. Cette exigence et cette décision de l'Employeur sont illégales et elles contreviennent à la convention collective.

 

 

par conséquent, je réclame :

 

(1)   une déclaration de contravention à la convention collective;

(2)   qu'il soit ordonné à l'Employeur de corriger les exigences du poste en question, telles qu'indiquées lors de l'affichage du poste d'éducatrice ou d'éducateur en question, pour que ce poste ne comporte pas l'exigence académique précitée, et ce, rétroactivement;

(3)   que le poste d'éducatrice ou d'éducateur soit réaffiché correctement sans cette exigence académique illégale ou, dans l'alternative, que je sois nommé au poste en question;

(4)   une compensation rétroactive pour pertes salariales et pour toute autre perte ou préjudice subi ou à subir à la suite de cette décision de l'Employeur, le tout avec intérêts au taux légal et avec l'indemnité prévue à l'article 100.12 (c) du Code du travail;

(5)   toute autre mesure nécessaire ou appropriée à la sauvegarde de mes droits et au respect de la convention collective incluant, le cas échéant, une rectification rétroactive de mes droits ainsi que, le cas échéant, l'octroi des dommages et intérêts, le tout avec intérêts au taux légal et avec l'indemnité prévue à l'article 100.12 (c) du Code du travail;

 

Le tout sans préjudice aux droits dévolus. »

[03]        Dès le début de l'audience, les parties ont procédé aux admissions suivantes :

 

«

1.       Les parties reconnaissent que la procédure de grief prévue à la convention collective a été respectée;

 

2.       Les parties reconnaissent que le Tribunal a été valablement saisi du présent litige;

 

3.       Le CSSS Dorval-Lachine-LaSalle (ci-après « L'Employeur ») est composé des installations suivantes :

Le Centre hospitalier de LaSalle

Le Centre d'hébergement de Lachine

Le Centre d'hébergement de LaSalle

Le Centre d'hébergement de Dorval

Le Centre d'hébergement Nazaire-Piché

Le CLSC LaSalle

Le CLSC Dorval-Lachine

 

4.       L'Employeur a procédé, pendant la période comprise entre le 14 janvier 2011 et le 28 janvier 2011, à l'affichage du poste n o CSSS 2011-059 n o 501343 pour un poste d'éducateur sur le quart de soir au Centre d'hébergement de Lachine;

 

5.       M. Daniel Vallières (ci-après le « Salarié ») a posé sa candidature pour ce poste d'éducateur sur le quart de soir au Centre d'hébergement de Lachine à l'intérieur des délais prescrits;

 

6.       Le Salarié est à l'emploi du CSSS Dorval-Lachine-LaSalle depuis maintenant 22 ans;

 

7.       Le Salarié occupe un poste de technicien en loisirs au Centre d'hébergement de Lachine;

 

8.       Depuis 1969, la formation collégiale en « rééducation institutionnelle » porte le nom de « Techniques d'éducation spécialisée ». »

 

LA QUESTION EN LITIGE

 

[04]        Le fait qu'il existe trois classes différentes pour l'emploi d'éducateur avec des exigences différentes en termes de formation fait-il en sorte que l'Employeur ne puisse exiger l'une des classes lors d'un affichage d'un poste ? Posée autrement, l'Employeur est-il obligé d'accepter une candidature possédant l'une ou l'autre des exigences de formation académique ?

LA PREUVE

 

 

[05]        Assumant le fardeau de la preuve, l'Employeur a fait entendre Mesdames Sylvie Ouellet, chef d'unité au Centre d'hébergement de Lasalle, coordonnatrice de programme pour le Centre d'hébergement de Lachine et Catherine Veilleux, agente de la gestion du personnel alors que la partie syndicale à fait entendre le plaignant Daniel Vallières, technicien en loisirs au Centre d'hébergement de Lachine.

 

[06]        Madame Ouellet était coordonnatrice de programme pour le Centre d'hébergement de Lachine d'avril 2010 à février 2011. Elle a une formation d'infirmière et une maîtrise en développement des organisations. Elle travaille à l'établissement depuis 10 ans.

 

[07]        L'affichage d'un poste d'éducateur au Centre d'hébergement de Lachine, temps complet régulier, pour le quart de soir (S-4) était pour l'unité spécifique du cinquième étage de l'établissement. Il existait un poste d'éducateur sur le quart de jour dans cette unité et l'établissement voulait en créer un poste sur le quart de soir afin qu’il y ait une continuité dans les soins avec les interventions faites sur le quart de jour.

 

[08]        Le titre d'emploi d'éducateur ou d'éducatrice tel qu'énoncé dans les Dispositions nationales se lit ainsi :

 

« 2691       ÉDUCATEUR OU ÉDUCATRICE

 

Heures par semaine : 35 - 36, 25 - 38,75

 

Catégorie : 4      Techniciens et professionnels de la santé et des services sociaux

Personne qui, de façon immédiate, assure l'éducation et la rééducation des usagers en milieu institutionnel ou externe selon les programmes d'intervention établis en collaboration avec l'équipe de professionnels en place, en vue de la réadaptation de l'individu et/ou de sa réinsertion dans la société. Elle applique des techniques d'éducation en utilisant les actes de la vie quotidienne, en organisant, coordonnant et animant les activités prévues au programme, pour assurer l'apprentissage et l'acquisition d'attitudes et de comportements adéquats

 

Elle observe et analyse le comportement des usagers, participe à l'évaluation de leurs besoins et de leurs capacités et note leur évolution en rédigeant les documents appropriés. Elle fournit la programmation de ses activités.

 

CLASSE 01

 

Cette personne doit détenir un diplôme de fin d'études collégiales avec spécialisation en techniques d'éducation spécialisée ou rééducation institutionnelle d'une école reconnue par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport.

 

Cette classe comprend aussi les personnes qui, suite à une expérience pertinente, détiennent un certificat d'études collégiales en techniques d'éducation spécialisée ou rééducation institutionnelle.

 

CLASSE 02

 

Cette personne doit détenir un diplôme de quatorze (14) ans de scolarité générale reconnu par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport ou un brevet d'éducateur de cadre auprès de l'enfance exceptionnelle reconnu par le ministère de la Santé et des Services sociaux et le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, et/ou avoir complété cinquante pour cent (50 %) du cours général menant au diplôme officiel en rééducation institutionnelle ou en éducation spécialisée (cours du cégep).

 

CLASSE 03

 

Cette personne doit détenir un diplôme de onzième (11 e ) année reconnu par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport.

 

Une (1) année réussie de scolarité supérieure, reconnue par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, donne droit à un (1) échelon supplémentaire jusqu'à quatorze (14) ans de scolarité exclusivement.

 

Aucune personne actuellement au service de l'employeur ou qui le deviendra par la suite, ne pourra demander à être classifiée à l'intérieur de cet emploi à la date d'entrée en vigueur de la présente nomenclature.

 

Échelle salariale : Groupe 234 »

 

[09]        La mission des unités spécifiques est la suivante (E-4) :

 

 

 

« LA MISSION DES UNITÉS SPÉCIFIQUES

 

Les unités spécifiques font partie de la programmation offerte à la clientèle en perte d’autonomie liée au vieillissement (PALV). Étant situé dans un CHSLD, la mission de ces unités fait référence à Loi et Règlements des services de santé et services sociaux, article 83 :

 

«  La mission d’un centre d’hébergement et de soins de longue durée est d’offrir de façon temporaire ou permanente un milieu de vie substitut, des services d’hébergement, d’assistance, de soutien et de surveillance, ainsi que des services de réadaptation, psychosociaux, infirmiers, pharmaceutiques et médicaux aux adultes qui, en raison de leur perte d’autonomie fonctionnelle ou psychosociale, ne peuvent plus demeurer dans leur milieu de vie naturel, malgré le support de leur entourage.

 

Évaluation des besoins : à cette fin, l’établissement qui exploite un tel centre reçoit, sur référence, les personnes qui requièrent de tels services, veille à ce que leurs besoins soient évalués périodiquement et que les services requis leur soient offerts à l’intérieur de ses installations ».

 

Cette mission implique une évaluation périodique de la clientèle, de sorte que ces unités peuvent offrir à la clientèle des services en fonction de leurs besoins. Elles sont un élément essentiel de la gamme de ressources d’hébergement puisqu’elles répondent exclusivement aux besoins d’une clientèle dont le profil clinique se distingue de la clientèle en hébergement régulier.

 

« L’unité spécifique se définit comme une unité de soins et de services adaptés et spécialement aménagée dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), pour accueillir une clientèle en perte d’autonomie présentant des troubles de comportement ».

 

Les unités spécifiques sont donc dédiées à une clientèle ayant un problème de comportement, elles accueillent cette clientèle pour une période de transition, soit la durée de la manifestation des problèmes de comportement.

 

CARACTÉRISTIQUES DE LA CLIENTÈLE DE L’UNITÉ SPÉCIFIQUE DU 5 E ÉTAGE DU CH DE LACHINE

 

  La clientèle desservie dans cette unité est constitués d’adultes qui, en plus d’avoir un profil de perte d’autonomie, présentent des troubles de comportement. Ces personnes peuvent être atteintes de différents syndromes, maladies ou déficiences. La perte d’autonomie fait suite à un syndrome, un accident ou une déficience. Elle n’évolue pas vraiment au sens d’un processus de vieillissement. La personne ne peut être maintenue dans la communauté et requiert un hébergement structuré.

 

Il y a 3 types d’unités spécifiques pour répondre aux besoins de cette clientèle. Ces unités se distinguent par le niveau de complexité croissant de l’usager qui y est accueilli. Ce sont : la fréquence et l’intensité des comportements, leur prévisibilité ou imprévisibilité, de même que l’importance de l’encadrement requis qui justifient l’orientation vers une ou l’autre unité. »

 

[10]        Madame Ouellet précise qu'il y a des critères d'admission propres aux unités spécifiques de type d'unité 1. Ces critères sont les suivants (E-5) :

 

« LES CRITÈRES D’ADMISSION PROPRES AUX UNITÉ SPÉCIFIQUE ( sic ) DE TYPE D’UNITÉ 1

 

Dans les unités spécifiques, l’intervention clinique étant centrée sur le problème de comportement et non sur l’autonomie fonctionnelle, il est donc retenu de ne plus avoir de critère au niveau du profil, ni d’heures/soins. Ce milieu devrait être en mesure de recevoir toute la clientèle en besoin d’encadrement (profil 5 et plus ou 1,5 et plus h/s).

 

Les critères généraux d’admissibilité sont :

 

§    toute personne de 18 ans et plus;

 

§    présentant une perte d’autonomie fonctionnelle et/ou psychosociale;

 

§    ne pouvant être maintenue dans la communauté et requérant un hébergement spécialisé;

 

§    présentant des troubles de comportement.

 

§    tous profils confondus

 

La personne doit présenter les 4 critères et son orientation est déterminée en fonction de la nature et de l’intensité de ses besoins.

 

En unité spécifique de type I , la clientèle :

 

§    présente des troubles de comportement liés principalement, mais non exclusivement, à une pathologie organique et/ou psychiatrique stabilisé ( sic );

 

§    nécessite un ( sic ) prise en charge particulière à cause de la sévérité des troubles du comportement secondaires à une pathologie organique;

 

§    présente des désordres du comportement associés à une maladie psychiatrique antérieure, mais dont la condition pathologique est stabilisée;

 

§    est capable de s’adapter à un nouveau milieu;

 

§    a une agressivité prévisible et contrôlable;

 

§    requiert un niveau de soins de plus de 1,5 heures-soins;

 

§    tolère une mixité des clientèles (adultes et personnes âgées). »

 

[11]        La nature et l'intensité des services sont les suivantes (E-6) :

 

« LA NATURE ET L’INTENSITÉ DES SERVICES

 

Deux principes sous-tendent la nécessité d’une programmation pour les unités spécifiques, soit :

 

§    favoriser le regroupement de bénéficiaires compte tenu des comportements, plutôt que de pathologies, afin de faciliter l’organisation des services requis dans des lieux physiques adaptés;

 

§    regrouper cette clientèle dans des unités à l’intérieur d’établissements d’hébergement régulier. Cette clientèle requiert un minimum de soins de plus de 1,5 heures/soins ou un profil Iso-Smaf de 6.

 

La programmation des unités spécifiques prône une approche reconnaissant l’état de la clientèle comme évolutif et nécessitant des évaluations annuelles, afin de pouvoir orienter la personne vers une programmation régulière si nécessaire.

 

Nature et intensité des services : l’intensité des services et leur nature sont évaluées en comparaison avec celles que l’on retrouve dans les unités régulières :

 

§    la clientèle nécessite des interventions spécialisées. Chacune des interventions requiert l’utilisation d’une approche adaptée, afin de limiter les comportements inappropriés.

 

§    le personnel doit être formé et cette formation doit être continue vue ( sic ) l’évolution de la recherche dans ce domaine.

 

UNITÉS SPÉCIFIQUE I : Nous retrouvons dans ce type d’unité une clientèle dont le comportement perturbateur est lié, principalement et non exclusivement, à une pathologie organique.

 

[12]        Madame Ouellet a également déposé une description d'emploi (E-7) dont le libellé du titre d'emploi est identique à celui des Dispositions nationales (S-1-A), mais qui a été enrichi d'un sommaire de l'emploi et d'une description assez détaillée des fonctions. Pour l'unité spécifique du cinquième étage du CH de Lachine, le rôle de l'éducateur est le suivant (E-8) :

 

« LE RÔLE DE L'ÉDUCATEUR À L'UNITÉ SPÉCIFIQUE DU 5 ÉTAGE DU CH DE LACHINE

 

Le rôle de l'éducateur à l'unité spécifique est stratégique. Plus particulièrement, l'éducateur :

 

·            Observe et analyse les attitudes et les comportements des résidents dans les situations de la vie quotidienne;

 

·            Évalue tous les résidents dès leur admission et procède à leur réévaluation à la demande des intervenants;

 

·            Identifie les problématiques d'adaptation psychosociale;

 

·            En collaboration avec l'équipe interdisciplinaire, élabore un plan d'intervention adapté et individualisé pour améliorer ou corriger les problématiques de réadaptation ou de réinsertion sociale;

 

·            Effectue des interventions individuelles ou de groupe, tant auprès du résident lui-même qu'auprès de sa famille, et en évalue les résultats.

 

L'éducateur œuvrant sur l'unité spécifique intervient en situation de crise, porte une attention particulière aux résidents potentiellement dangereux, fugueurs, agressifs, suicidaires ou présentant des difficultés face à leurs soins, et prend les mesures nécessaires pour prévenir les risques d'incident ou d'accident par des interventions spécialisées avec une approche individualisée et adaptée. Il assure l'éducation et la rééducation dans des situations complexes qui diffèrent de la clientèle en hébergement régulier de par la complexité, la fréquence et l'intensité des comportements perturbateurs.

 

Il forme les intervenants de l'équipe de soins sur la façon d'intervenir auprès des résidents qui présentent des comportements perturbateurs lors des activités de la vie quotidienne ou en situation complexe. Le besoin d'un éducateur en soirée permet de répondre aux besoins de cette période de la journée, par exemple :

 

-            À la période crépusculaire (brunante), où on note souvent une augmentation des comportements perturbateurs et de l'agressivité;

 

-            Peut transmettre des outils pour le suivi des soins d'hygiène qui doivent se donner ou qui sont requis en soirée;

 

-            Aide à la mise en nuit, qui est une période potentielle d'agressivité;

 

-            Fait de l'enseignement aux intervenants de soirée sur la façon d'intervenir auprès de ce type de clientèle.

 

Il agit comme personne-ressource pour l'équipe de soins et de professionnels et collabore à l'identification d'hypothèse de conduite à tenir avec les résidents présentant des problématiques particulières d'intégration sociale ou lors de situation de crise. Après une demande de consultation auprès des professionnels, l'éducateur peut consulter le dossier du résident et inscrire des notes au dossier ainsi que ses recommandations.

 

[13]        Madame Ouellet dépose le programme technique d'éducation spécialisée du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (E-9) pour faire le lien avec le poste affiché. Elle a ressorti de ce document du ministère les exigences de formation académique pour l'éducateur du cinquième étage (E-10), document se lisant ainsi :

 

« EXIGENCE DE FORMATION ACADÉMIQUE POUR L’ÉDUCATEUR DU 5 E ÉTAGE

 

Étant donné que l’éducateur détient un rôle d’évaluateur, d’intervenant en situation critique de crise, de collaborateur et de support à l’équipe interdisciplinaire, nous exigeons une formation qui supporte ce rôle, soit un diplôme d’études collégiales avec spécialisation en techniques d’éducation spécialisée ou en rééducation institutionnelle, ou un certificat d’études collégiales en techniques d’éducation spécialisée ou rééducation institutionnelle.

 

En plus de la formation générale de niveau collégiale, les étudiants au programme Techniques d’éducation spécialisée reçoivent une formation spécifique comprenant les cours suivants :

 

·            Analyser la fonction de travail de technicienne et de technicien en éducation spécialisée.

 

·            Rechercher des ressources et des services dans la communauté.

 

·            Communiquer avec la clientèle et au sein d’une équipe de travail.

 

·            Examiner des problématiques d’adaptation biopsychosociale.

 

·            Relever des renseignements relatifs aux comportements d’une personne.

 

·            Élaborer des activités de développement et des outils cliniques.

 

·            Évaluer la capacité de soutien du milieu de vie de la personne.

 

·            Porter assistance à une personne ayant besoin de soins.

 

·            Associer des approches, des objectifs et des techniques d’intervention à des problématiques d’adaptation.

 

·            Adopter une conduite professionnelle conforme à l’éthique de la profession.

 

·            Établir une relation d’aide.

 

·            Effectuer des interventions d’adaptation et de réadaptation auprès de personnes présentant une déficience intellectuelle.

 

·            Effectuer des interventions auprès de jeunes présentant des difficultés sur le plan des apprentissages scolaires et du langage.

 

·            Effectuer des interventions d’adaptation et de réadaptation auprès de personnes présentant une déficience et des déficits physiques et neurologiques.

 

·            Animer des groupes de clientèles et des équipes de travail.

 

·            Effectuer des interventions auprès de personnes aînées en perte d’autonomie.

 

·            Effectuer des interventions d'adaptation et de réadaptation auprès de jeunes présentant des difficultés d'adaptation.

·            Protéger son intégrité personnelle.

 

·            Analyser les relations entre des phénomènes sociaux et des problématiques d’adaptation.

 

·            Effectuer des interventions de réadaptation auprès de personnes présentant des troubles de santé mentale et de toxicomanie.

 

·            Effectuer des interventions auprès de personnes vivant l’exclusion sociale et des problématiques de violence.

 

·            Élaborer un plan d’intervention.

 

·            Interagir avec des clientèles appartenant à différentes communautés culturelles et ethniques.

 

·            Effectuer des interventions auprès de personnes en processus de réinsertion sociale ou socioprofessionnelle.

 

·            Effectuer des interventions auprès de personnes en situation de crise.

 

·            Concevoir et exécuter un projet intégré d’interventions.

 

Le programme Techniques d’éducation spécialisée vise aussi à faire acquérir à l’étudiante et l’étudiant la capacité de dépister des problèmes et d’effectuer une intervention préventive afin de minimiser les effets et la gravité des troubles d’adaptation.

 

L’affichage du poste permet également à un titulaire d’une formation en « rééducation institutionnelle » de postuler; il est à noter que ce programme de formation collégiale a pris le nom, en 1969 , de « technique d’éducation spécialisée ».

 

Nous demandons également une expérience pertinente de 6 mois auprès de la clientèle gériatrique. »

 

[14]        Elle précise que les cours qui y apparaissent sont les mêmes que ceux du programme « Techniques d'éducation spécialisée » (E-2). Le document comprend également des tâches qui doivent être faites auprès de la clientèle du cinquième étage.

 

[15]        Madame Catherine Veilleux, agente de la gestion du personnel est à l'emploi de l’Employeur depuis le 14 avril 2009. Elle a toujours travaillé en dotation pour la catégorie professionnelle depuis mars 2012. Elle dépose quatre affichages de poste d'éducateur (E-11) de 2008 à 2011 et pour lesquels l'Employeur a toujours la même exigence de détenir un diplôme d'études collégiales en techniques d'éducation spécialisée. Lors de ces affichages, ces exigences n'ont pas été contestées par le Syndicat. Dans les « Dispositions nationales », il existe également un titre d'emploi de technicien en éducation spécialisée, mais on n'en retrouve pas dans l'établissement.

 

[16]        Contre interrogée, Madame Veilleux dira que c’est le plus ancien qui a obtenu le poste dans la liste des candidats (E-12). Il était le plus ancien  et  était éducateur, les autres candidats n'avaient pas la formation.

 

[17]        Le plaignant Daniel Vallières est technicien en loisirs au Centre d'hébergement de Lachine et à l'emploi de l’établissement depuis novembre 1989. Il a un DEC en loisirs, un certificat en gérontologie, un certificat en animation et 12 cours dans un certificat en administration. Depuis 1989, il a toujours travaillé au Centre d'hébergement de Lachine. Ses tâches comme technicien en loisirs étaient d'offrir une programmation d'activités pour différentes clientèles, dont la clientèle spécifique du cinquième étage. Il est le seul technicien en loisirs dans l'établissement et il est appelé à travailler en collégialité avec les éducateurs.

 

[18]        C'était la première fois que Monsieur Vallières posait sa candidature à un poste d'éducateur. Il n'avait pas eu conscience que les postes E-11 avaient été affichés. C'est le défi qui l'a motivé à poser sa candidature tout comme une hausse salariale de 11.2 %. Ils n'étaient pas au courant de l'exigence académique, mais de son expérience auprès de cette clientèle. On ne lui a pas donné les motifs du refus de sa candidature de sorte qu'il a déposé un grief. Il croit avoir été le seul candidat à poser sa candidature à ce poste. Le poste est pourvu par une personne, dont le titre d'emploi est préposé en réadaptation, Marie-Claude Côté, qui travaille à l'unité spécifique depuis sa création il y a deux ans.

 

[19]        Contre interrogé, Monsieur Vallières dira que Madame Côté fait les mêmes sections de travail le soir qu’exigé sur l'affichage. Il a été appelé à la côtoyer dans le cadre de son travail. Madame côté est assistante en réadaptation dont le rôle est différent dans l'établissement. Monsieur Vallières ne sait pas si elle était assistante bien avant l'affichage du poste. Mais elle l'est au moins depuis la création de l'unité spécifique du cinquième étage.

 

[20]        En contre preuve patronale, il est admis que le poste d'éducateur dont l'affichage a été contesté par les griefs n'a pas été affiché à l'externe après le dépôt des griefs. Il est également admis que les parties n'entendent pas tirer d'argument de ce non d'affichage et de ce non-comblement.

 

 

[21]        Madame Ouellet dira à propos des postes d'assistante en réadaptation qu'il y a un poste à temps complet et un poste à temps partiel. Madame Côté avait ce poste depuis le 11 octobre 2009 (E-13-A) et dont l'horaire est de 12h à 20h.

 

 

ARGUMENTATION DES PARTIES

 

 

A)         PATRONALE

 

[22]        Les deux griefs contestent l'exigence d'un DEC en techniques d'éducation spécialisée ou rééducation institutionnelle ou un certificat d'études collégiales en techniques d'éducation spécialisée ou rééducation institutionnelle. Le Syndicat prétend que cette exigence est contraire à la convention collective puisque l'exigence d'une classe ne peut servir qu'aux fins de l'échelle salariale.

 

[23]        La convention collective prévoit le titre d'emploi d'éducateur, titre comportant trois classes. L'Employeur a exigé la classe 1 qui est reproduite dans l'avis d'affichage.

 

[24]        Le fait qu'il existe trois classes pour l'emploi d'éducateur, classes avec des exigences académiques différentes fait-il en sorte que l'Employeur ne peut exiger pour un tel poste l'exigence académique qu'il désire ? L'on peut également se demander si l'Employeur est obligé d'accepter la candidature d'une personne qui détient l'exigence académique pour l'une ou l'autre des trois classes de ce titre d'emploi ? Pour l'Employeur la réponse est clairement non, et ce, en vertu des dispositions de la convention collective. En effet, l'article 4.01 traite des droits de la direction :

 

« 4.01 Le Syndicat reconnaît le droit de l'Employeur à l'exercice de ses fonctions de direction, d'administration et de gestion. Ce droit s'exerce de façon compatible avec les dispositions de la présente convention collective. »

[25]        D'autre part, l'article 407.05 (6) des Dispositions locales stipule :

 

« 407.05    L'avis affiché, suivant les dispositions du paragraphe 407.01 du présent article, contient des indications suivantes :

 

(...)

 

6) exigences suivantes, lesquelles doivent être pertinentes et en relation avec la nature des fonctions :

 

a)       pour le type de mutation, tels que décrits au paragraphe 407.08 - 1) du présent article :

 

-         la formation académique,

-         l'expérience;

-          

b)       pour le type de mutation, tels que décrits au paragraphe 407.08 - 2) du présent article :

 

-         la formation académique,

-         l'expérience,

-         les aptitudes; »

 

[26]        Les exigences doivent être pertinentes et en relation avec les fonctions. La jurisprudence arbitrale et des tribunaux supérieurs fait ressortir que lorsqu'il existe trois classes, rien n'empêche l'Employeur d'avoir des exigences particulières pour tout poste d'éducateur. L'Employeur peut déterminer les exigences du poste et il n'est pas obligé d'afficher avec les trois classes : Centre d'accueil Le Renfort Inc. et Laurent Bélanger et Syndicat des employés du Renfort (CSN), jugement du juge Yvan Bisaillon de la Cour supérieure du 13 septembre 1984, AAS 83 A-497; le Centre Victor Cloutier vs Me Marcel Morin et le Syndicat canadien de la fonction publique (FTQ), section locale 1350, jugement du juge André Desmeules de la Cour supérieure du 6 avril 1989; Centre d'accueil Myriam vs Me François Hamelin et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2115, le jugement du Juge Claude Tellier de la Cour supérieure du 24 février 1998. Dans tous ces jugements, la Cour a révisé la sentence de l'arbitre et a conclu que l'Employeur avait le droit d'avoir une exigence en matière de diplôme d'études pourvu que cette exigence soit pertinente et en relation avec la nature des fonctions recherchées.

[27]        Plusieurs sentences arbitrales ont fait droit à la position de l'Employeur : le Syndicat des travailleurs et travailleuses des Centres jeunesse de Montréal (CSN et les Centres jeunesse de Montréal, sentence de Me Lyse Tousignant du 14 août 2002, AAS 2002 A-189; le Centre d'accueil Myriam et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2115, sentence de Me Gilles Trudeau du 3 août 1999, AAS 99 A-179; Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1841 et Les promotions Taylor-Thibodeau, sentence de Me Diane Veilleux du 3 septembre 1997, AAS A-197; Centre d'accueil Myriam et le Syndicat canadien de la fonction publique, local 2115 sentence de Me Jean-Yves Durand du 15 juin 1983, AAS 83 A-161; Centre d'accueil Foyer Savoy vs Union des employées de service, local 298, FTQ, sentence de Me André Sylvestre du 15 mai 1984, AAS 84 A-249.

 

[28]        Le procureur de l'Employeur plaide que l'exigence d'un DEC ou d'un certificat d'études spécialisées est pertinente et en relation avec la nature des fonctions à l'unité spécifique du cinquième étage. Sur les exigences pertinentes, il dépose les autorités jurisprudentielles suivantes : Cité de la santé de Laval et Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2105, sentence de l'arbitre Me Jean-Pierre Lussier du 1er décembre 1994, AAS 94-A 326; le Syndicat des employés de Vidéotron Ltée (SCFP, section locale 2815) et Vidéotron Ltée sentence de Me Jean-Louis Dubé du 15 décembre 2005; Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) - FTQ (anciennement : Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CSSS Ahuntsic Montréal Nord (CLSC Ahuntsic) - CSN et CSSS Ahuntsic Montréal Nord, sentence de Me André Ladouceur du 28 avril 2006, AAS 2006 A-051; Cegelec Industrie Inc. vs le Syndicat national des travailleurs en accessoires électriques (CSN) et Roger G. Martin, arrêt de la Cour d'appel du 18 janvier 1983. Or, en l'espèce, il y a un lien direct, rationnel entre l'exigence d'un DEC ou certificat d'études collégiales en techniques d'éducation spécialisée et le poste d'éducateur à l'unité spécifique du cinquième étage. Il s'agit d'une exigence qui n'est aucunement exagérée. Les parties nationales ont été à même de répondre à la question dans la sentence de l'arbitre Gilles Trudeau dans Centre d'accueil Miriam, précitée. Il s'agit d'une exigence conventionnée. La preuve non contredite a très clairement démontré la pertinence de cette exigence et notamment les pièces E-4 à E-10 de sorte que les griefs devraient être rejetés.

 

B)     SYNDICALE

 

[29]        Même s'il s'agit d'un seul titre d'emploi, les trois classes ne sont que des échelles salariales. L'article 9.07 de la convention collective traite du rôle de la nomenclature des titres d'emploi :

 

« 9.07 Les titres d'emploi, les libellés et les échelles de salaire apparaissent au document " nomenclature des titres d'emploi, des libellés, des taux et des échelles de salaire ". Ce document fait partie intégrante de la convention collective.

 

Les libellés constituent un énoncé des attributions principales des titres d'emploi. Rien dans la nomenclature des titres d'emploi, des libellés, des taux et des échelles de salaire n'empêchent ( sic ) qu'une personne salariée soit requise d'accomplir l'ensemble des activités que lui autorise d'accomplir son appartenance à un ordre professionnel.

 

(...) ».

 

[30] Le procureur syndical réfère à cet égard à l'article 407.08 des Dispositions locales qui stipulent que pour l'attribution d'un poste :

 

« 407.08    L'Employeur accorde le poste selon l'avis affiché prévu au paragraphe 407. 05 du présent article.

 

1)       L'Employeur, dans l'attribution d'un poste requérant le titre d'un emploi minimal de la catégorie d'emploi visée et pour lequel poste un diplôme universitaire n'est pas exigé, accorde le poste à la personne candidate la plus ancienne parmi celles qui satisfont aux exigences normales de la tâche.

 

2)       L'Employeur, dans l'attribution d'un poste affiché requérant un titre d'emploi supérieur au titre d'emploi minimal de la catégorie d'emploi visée et dans l'attribution d'un poste pour lequel un diplôme universitaire est exigé, accorde le poste en tenant compte des facteurs d'habileté et de compétence clinique dont :

-         expérience dans la catégorie d'emploi visée;

 

-         expérience dans le titre d'emploi visé;

 

-         expérience dans le centre d'activités visé;

 

-         formation académique;

 

-         aptitudes.

 

L’Employeur accorde le poste à la personne candidate la plus compétente parmi celles qui ont postulé et qui répond aux exigences. Si plusieurs personnes candidates ont une compétence équivalente, le poste est accordé à celle qui a le plus d'ancienneté.

 

Sauf dans les cas prévus aux dispositions agréées à l'échelle nationale et lors d'un congé annuel, la personne salariée nommée doit occuper son poste dans un délai raisonnable, à défaut de quoi, elle est réputée avoir résilié sa candidature. »

 

[31]        Les exigences normales de la tâche sont la détention d'un diplôme de secondaire 5 (11e année) : Syndicat des personnes salariées du centre Le Claire Fontaine de Roberval (CSN) et Centre d'accueil Le Claire Fontaine, sentence de Me Jean M. Morency du 16 juillet 1992, AAS 92 A-164. Par la suite  c’est le candidat ayant le plus d'ancienneté qui a droit au poste. En prenant la nomenclature d'éducateur, ceux-ci sont tous soumis au même libellé, aux mêmes tâches, mais pas aux mêmes exigences académiques. Il s'agit de trois classes salariales, mais d'un seul titre d'emploi.

 

[32]        De plus, le titre d'emploi 2686 de technicien en éducation spécialisée ne prévoit qu'une seule échelle salariale et ne prévoit qu'une seule exigence académique soit celle de détenir un diplôme de fin d'études collégiales avec spécialisation en techniques d'éducation spécialisée d'une école reconnue par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Par contre, le titre d'emploi d'éducateur réfère à trois échelles salariales différentes pour le même poste. Les parties ont convenu de conditions strictes pour le poste de technicien en éducation spécialisée, mais non pour celui d'éducateur. En conséquence, si l'Employeur veut un technicien d'éducation spécialisée il n'a qu'à afficher un tel poste.

 

[33]        L'Employeur a tenté de faire la preuve qu'il a dans le passé affiché des postes d'éducateurs avec la même exigence académique. Comment l'exigence peut-elle être pertinente pour ce poste d'éducateur alors qu'il en exige une autre pour le poste de technicien en éducation spécialisée ? Poser la question c'est y répondre.

 

[34]        Au regard de la description d'emploi E-7, comment faire la description avec une seule classe 1 alors que la nomenclature prévoit 3 classes ? Il en est de même du profil de compétence : où se situent la classe 2 et la classe 3 ?

 

[35]        Pour tous ces motifs, le tribunal devrait accueillir les griefs.

 

C)     RÉPLIQUE

 

[36]        Pour l'Employeur, la description E-7 est non pertinente, car ce qui est contesté c’est l'affichage du poste. Le droit de retenir la classe1 lors d'un affichage de poste, c'est le résultat de la jurisprudence tant des tribunaux supérieurs que des Tribunaux d'Arbitrage.

 

[37]        Quant à la référence que le procureur syndical a faite au titre d'emploi de technicien en éducation spécialisée, si l'Employeur voulait un DEC en techniques d'éducation spécialisée, il aurait pu afficher un tel poste, mais ce n'est pas ce que l'Employeur a exigé. L'exigence de l'Employeur est celle d'un diplôme de fin d'études collégiales avec spécialisation en techniques d'éducation spécialisée ou rééducation institutionnelle d'une école reconnue par le ministère de l'Éducation du Loisir et du Sport ou un certificat d'études collégiales en techniques d'éducation spécialisée ou rééducation institutionnelle. Cet argument syndical ne tient pas la route.

 

[38]        C'est la prérogative de l'Employeur de fixer les titres d'emploi dont il a besoin et d'ailleurs, l'établissement ne compte aucun titre d'emploi de technicien en éducation spécialisée.

 

[39]        Quant à la décision de l'arbitre Morency, il s'agit d'une décision isolée qui n'a pas été contestée. Toutefois, plusieurs arbitres se sont dissociés de cette sentence dont l'arbitre Gilles Trudeau.

 

 

MOTIFS ET DÉCISION

 

 

[40]        Les faits mis en preuve n'ont pas été contredits, du moins pour l'essentiel. L'Employeur a affiché un poste d'éducateur, classe 1, ce qui a été contesté par le Syndicat et par le plaignant qui prétendent que l'Employeur devait afficher le poste sans aucune exigence académique. En répondant à l'une des exigences académiques, le plaignant aurait dû se le voir accorder.

 

[41]        Après avoir refusé la candidature de Monsieur Vallières, le poste n'a pas été affiché à l'externe et il n'est donc pas comblé.

 

[42]        L'Employeur pouvait-il, en affichant le poste d'éducateur, choisir la classe qui correspondait à l'exigence académique désirée en regard de la clientèle de l'unité spécifique du cinquième étage ? Cette question a été longuement débattue en jurisprudence arbitrale et également devant les tribunaux supérieurs.

 

[43]        L'arbitre soussigné a, dans la sentence le Centre Victor Cloutier (Le soleil de l'enfance), précitée, partagé l'opinion voulant que les trois classes ne soient que des catégories salariales et que l'Employeur ne pouvait indiquer la classe lors de l'affichage de sorte que le candidat possédant la formation académique de la classe 3 pouvait poser sa candidature et obtenir le poste pourvu que qu'il réponde aux exigences pertinentes et en relation avec la nature des fonctions et qu'il soit le plus ancien. Cette position a été rejetée par la Cour supérieure qui a décidé aux pages 4 et 5 que :

 

«     Le fait que le titre "éducateur" comporte trois classes ne permet pas, à mon avis, de conclure que ceci empêche l'employeur d'exiger l'un ou l'autre des diplômes mentionnés à l'une de ces classes.

 

L'arbitre devait décider si les exigences posées par la requérante étaient ou non pertinentes et en relation avec la nature des fonctions et en décidant, comme il l'a fait, l'arbitre a privé la requérante d'un droit qui lui était conféré par la convention collective à l'article 13.07, soit celui d'indiquer les exigences normales pour remplir une tâche.

 

[...]

 

Le tribunal est d'avis que ceci ne fait pas obstacle à ce que l'employeur puisse, lors de l'affichage d'un nouveau poste, exiger des qualifications particulières en matière de diplôme d'études.

 

L'arbitre intimé aurait dû se borner à décider si l'exigence de la requérante en matière de diplôme d'études était pertinente et en relation avec la nature des fonctions recherchées et l'interprétation qu'il a donnée à la convention collective ne peut être soutenue à la lecture des clauses 13.01 et 13.07 de cette convention. »

 

[44]        Dans Les promotions Taylor-Thibodeau, précitée, notre collègue Diane Veilleux énonçait la page 9 de sa sentence :

 

« Dans la présente convention collective, il est erroné, à mon avis, de soutenir que l'ancienneté est le seul critère à considérer en application de l'article 14.11 lorsqu'il s'agit d'un éducateur qui veut supplanter un autre éducateur dans un autre service. Ce critère sera déterminant à la condition que l'éducateur satisfasse aux exigences normales de la tâche. Le fait de prévoir des classes d'emploi distinctes pour un même titre d'emploi et de lier ces classes d'emploi à un niveau de scolarité déterminé n'a pas pour effet d'empêcher l'employeur de déterminer les exigences normales d'un poste. Les classes d'emploi sont établies pour fins de rémunération et non pour déterminer les critères d'attribution d'un poste vacant ou nouvellement créé ou encore les conditions d'exercice du droit de supplantation. Ces critères sont prévus respectivement aux articles 13.07 et 14.11 de la convention collective. Les parties ont ainsi prévu que l'ancienneté sera déterminante lorsqu'il s'agit d'un éducateur qui exerce son droit de supplantation à la condition qu'il satisfasse aux exigences normales de la tâche. L'article 14.11 pas plus que l'article 13.07 ne comporte de restrictions quant à la détermination des exigences normales. Si les parties avaient voulu restreindre la portée de l'expression « les exigences normales de la tâche », il aurait fallu qu'elles l'indiquent clairement dans ces articles. En l'absence d'indication à ce sujet, en l'occurrence dans l'article 14.11, l'article 2 de l'Annexe "D" ne peut être considéré comme une limitation au droit de l'Employeur de déterminer les exigences normales d'un poste, puisque cet article a pour objet la classification des éducateurs dans une échelle salariale donnée et non pas la détermination des qualifications requises à l'occasion de mouvements de personnel. »

 

[45]        L'arbitre Gilles Trudeau dans la sentence Centre d'accueil Miriam, précitée, s'est rallié à la position prise par Me Veilleux :

 

« C'est à cette dernière jurisprudence que je me rallie. Je ne peux lire dans l'Annexe D de la convention collective, une limite à la discrétion patronale d'établir ce que constitue les exigences normales d'un poste. C'est le paragraphe 13.07 qui donne à l'Employeur le pouvoir de les définir et qui en fixe les limites. L'Annexe D, en établissant 3 classes distinctes à l'intérieur du titre d'emploi d'éducateur, attache une conséquence salariale à la décision patronale. Si l'Employeur décide que les exigences normales du poste à combler se limitent à une 11 e année, l'éducateur sera donc de la classe 3 et rémunéré comme tel. Ceci n'empêche pas un employeur de décider que, compte tenu des caractéristiques des fonctions d'éducateur au sein de son établissement, les éducateurs doivent détenir un DEC en techniques d'éducation spécialisée. C'est son choix, mais alors il devra les rémunérer davantage, puisqu'ils appartiendront à la classe 1.

 

C'est ce qu'a décidé le Centre Miriam et c'est la politique qu'il applique depuis 1978. Reste toutefois à déterminer si l'exigence du DEC en techniques d'éducation spécialisée constitue une exigence normale au sens du paragraphe 13.07 de la convention collective. À mon avis, la convention collective répond directement à cette question. En effet, l'Annexe D précise que pour être éducateur classe 1, le salarié doit être titulaire d'un tel DEC. C'est donc dire que, dans la mesure ou l'Employeur a décidé de limiter les postes d'éducateur à des classes 1, comme il pouvait le faire pour les motifs exposés plus haut, l'exigence du DEC était automatiquement normale.

 

De toute façon, l'Employeur a présenté une longue preuve quant au caractère très complexe de la clientèle que dessert le Centre Miriam. Les bénéficiaires souffrent généralement d'autres handicaps associés à celui de la déficience intellectuelle. Les interventions des éducateurs doivent être très ciblées et prendre en compte la complexité de cette clientèle. La preuve démontre que le cours collégial en éducation spécialisée prépare bien aux interventions que les éducateurs ont à poser auprès d'une telle clientèle. Je suis d'avis qu'une telle exigence, dans le cadre du Centre Miriam, correspond tout à fait aux prescriptions du paragraphe 13.07 de la convention collective, c'est à dire que les exigences requises soient "pertinentes et en relation d'une part, avec la nature des fonctions et d'autre part, avec la complexité relative des attributions du poste à combler". »

[46]        Me Lyse Tousignant dans Les Centres Jeunesse de Montréal, précitée, se rallier à la position exprimée par l'arbitre Trudeau en ces termes :

 

«     Après avoir étudié l'ensemble de la jurisprudence déposée par les parties, les dispositions conventionnelles pertinentes et la preuve, l'employeur était en droit de poser comme exigence de scolarité, le D.E.E. en techniques d'éducation spécialisée.

 

     En effet, le fait qu'il existe trois classes au titre d'emploi d'éducateur pour lesquelles la scolarité prévue diffère, mais le libellé des attributions demeure identique ne fait pas en sorte que l'employeur ne peut pas exiger que la personne détienne un diplôme d'étude collégiale en techniques d'éducation spécialisée. À cet égard, nous nous rallions à la position exprimée par l'arbitre Gilles Trudeau dans l'affaire SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE -et- C.A. MIRIAM.

 

Ainsi, l'employeur pouvait exiger un D.E.C. en techniques d'éducation spécialisée. La question suivante est de savoir si cette exigence est pertinente et en relation avec la nature des fonctions tel que l'exige la clause 13.10 de la convention collective. Une réponse positive s'impose. Qu'il suffise à cet égard de se rappeler la nature de la clientèle qui est de plus en plus lourde et de l'approche clinique qui est privilégiée.

 

Notons également que la Cour d'appel dans l'affaire CEGELEC INDUSTRIE INC. -et- SYNDICAT NATIONAL DES TRAVAILLEURS EN ACCESSOIRES ÉLECTRIQUES (CSN) a décidé que la pertinence d'une exigence ne constitue pas une exigence obligatoire. »

 

[47]        Dans notre cas, outre la généralité des droits de la direction, l'article 407.05 6) des Dispositions locales précise que l'avis affiché contient les exigences suivantes, dont la formation académique, qui doivent être pertinentes et en relation avec la nature des fonctions. Par la suite, l'Employeur accorde le poste à la personne la plus ancienne parmi celles qui satisfont aux exigences normales de la tâche.

 

[48]        Étant arrivé à la conclusion que l'Employeur avait le droit de fixer comme exigence la scolarité apparaissant à la classe 1 au titre d'emploi d'éducateur, il faut maintenant se demander si cette exigence de détenir un diplôme de fin d'études collégiales avec spécialisation en techniques d'éducation spécialisée ou rééducation institutionnelle ou un certificat d'études collégiales en techniques d'éducation spécialisée ou rééducation institutionnelle avec expérience pertinente est pertinente et en relation avec la nature des fonctions ? D'emblée, la preuve administrée par l'Employeur n'a nullement été contredite. Dans son témoignage, le plaignant n'a fait ressortir que son expérience de travail comme technicien en loisirs et de sa collaboration avec les éducateurs. Suite à l'arrêt de la Cour d'appel dans CSSMM vs Rondeau et al. du 15 septembre 1983, il n'y a pas eu lieu de distinguer une exigence normale de celle qui serait pertinente et en relation avec la nature des fonctions comme le souligne notre collègue Jean-Pierre Lussier dans la sentence Cité de la santé de Laval, précitée. Dans la même sentence, l'arbitre énonce aux pages 8 et 9 :

 

«     Ceci précisé, il faut donc essentiellement vérifier si une exigence est pertinente et en relation avec la fonction. Et, à ce sujet, le tribunal partage tout à fait l'appréciation faite par l'arbitre Boisvert dans la décision arbitrale précitée. À la page 27, il s'exprime comme suit :

 

« Or, le sens commun du mot "pertinent", implique l'idée d'une relation étroite entre deux choses. Une exigence apparaissant à un avis d'affichage sera donc pertinente, en autant qu'elle aura un lien direct avec le poste à combler.

 

 

D'autre part, le sens commun de l'expression "en relation avec la nature des fonctions", implique l'idée d'une relation entre une exigence, et ce qui constitue l'essence même des fonctions à accomplir. »

 

Dans l'arrêt Cegelec, la Cour d'appel exprime également l'opinion qu'une exigence n'a pas à être nécessaire pour être qualifiée de normale. L'Honorable juge Turgeon écrivait en effet ce qui suit :

 

« Il est possible qu'il ne soit pas nécessaire d'avoir un DEC pour faire de l'assemblage, mais dans le cas qui nous occupe, l'employeur a décidé d'avoir des assembleurs-ajusteurs d'une haute compétence qu'il jugeait nécessaire pour les fins de son industrie. En ce faisant, il exerçait légalement son droit de gérance. »

 

Par la suite, plusieurs tribunaux d'arbitrage ont, avec raison selon moi, conféré cette portée à l'arrêt Cégelec. À titre d'illustration, on pourra lire avec profit une décision rendue par l'arbitre Michel Bergevin, lequel présidait un tribunal devant décider de la pertinence d'une exigence académique qui n'avait jamais été requise auparavant. Aux pages 14 et 15 de cette décision, on lit ce qui suit :

 

« La Cour d'Appel, dans les arrêts cités par le procureur de l'employeur ( C.S.S.M.M. et Cégelec ) a déjà déterminé qu'un arbitre ne devait pas intervenir si l'exigence est pertinente, même si une exigence moindre aurait été suffisante . Ceci consacre l'opinion voulant qu'un tribunal d'arbitrage n'a pas à réviser l'opportunité de l'exigence.

 

...

 

D'autre part, on ne peut pas non plus conclure que l'exigence du baccalauréat est non pertinente parce qu'elle est récente et que les titulaires de postes identiques ne la rencontraient pas auparavant. Rien ne prive l'employeur de son droit de chercher l'amélioration du service aux bénéficiaires par le resserrement raisonnable de ses exigences professionnelles (voir à cet effet la décision dans Hôpital Reine-Élizabeth, aux pages 31 et suivantes).

 

(soulignements ajoutés)

 

Bref, on peut aisément conclure de cette jurisprudence qu'une exigence peut être pertinente même si elle n'est pas essentielle à l'accomplissement des fonctions. La question n'est donc pas de savoir si une personne, avec de l'expérience comme magasinier, aurait pu accomplir la fonction de magasinier à la pharmacie. Elle est uniquement de savoir si l'exigence d'expérience dans l'achat et la distribution de produits pharmaceutiques est pertinente à la fonction de magasinier au service de la pharmacie. »

 

[49]        Les titres d'emploi apparaissant à la convention collective ont été rédigés il y a plusieurs décennies et ils n'ont pas subi de modifications importantes. Exiger une classe 3, c'est exiger un secondaire 5 (11 ans de scolarité). Le tribunal a beaucoup de difficulté à trouver dans le cursus d'un diplômé de secondaire 5 les cours qui pourraient le préparer à une tâche d'éducateur ! Par contre, le cursus d'un DEC en techniques d'éducation spécialisée ou rééducation institutionnelle semble tout à fait une exigence pertinente et en relation avec les fonctions selon la preuve administrée par l'Employeur.

 

 

 

 

 

POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

REJETTE les griefs

 

 

 

 

 

Me Marcel Morin

Arbitre de griefs C.A.Q.

 

 

 

 

Pour le Syndicat :        Me Étienne Lafleur

 

 

Pour l’Employeur :      Me Pierre Douville

 

 

Date d’audience :       15 janvier 2013