Gedeus c. Pare (Construction rénovation Benoit Paré)

2013 QCCQ 3035

COUR DU QUÉBEC

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

« Chambre civile »

 

N° :

500-22-184965-112

 

 

 

 

 

 

DATE :

22 mai 2013

 

______________________________________________________________________

 

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ELIANA MARENGO, J.C.Q.

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 

 

YVROSE GEDEUS et AMEDEE PIERRE

 

Demandeurs

 

 

c.

 

 

BENOIT PARE

F.A.S.L.N.R.S. de Construction Rénovation Benoit Paré

 

Défendeur

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

JUGEMENT RECTIFIÉ

(art. 475 C.p.c.)

 

______________________________________________________________________

 

 

 

[1]            Le jugement rendu le 12 avril 2013 contient une erreur matérielle au paragraphe 7, en ce que les mots "les travaux déjà exécutés" ont été omis du texte par inadvertance. Ledit paragraphe 7 doit se lire comme suit:

[7] Selon la prépondérance de la preuve, le défendeur ne complète pas les travaux prévus au contrat, car au mois de décembre 2010, un différend intervient entre les parties relativement à la date de la fin des travaux. Selon le défendeur, la demanderesse  l'aurait "mis dehors". Toujours selon lui, il ne reste alors que le sablage, la peinture et la pose du revêtement de plancher à faire, les travaux déjà exécutés représentant une valeur approximative de 24 000$ en temps et matériaux "avant taxes, administration et profits". Ceci est confirmé par René Goupil, estimateur en sinistre, témoin des demandeurs.

 

[2]          De plus, le Tribunal a omis d'inclure une conclusion dans le dispositif du jugement.

[3]          Le dispositif doit donc se lire comme suit:

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

ACCUEILLE la demande, en partie;

CONDAMNE le défendeur à payer la somme de 4 300 $ aux demandeurs, avec intérêts au taux légal de 5 % l'an, majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec , depuis le 18 février 2011;

REJETTE la demande reconventionnelle;

LE TOUT avec dépens.

 

 

 

 

__________________________________

ELIANA MARENGO, J.C.Q.

 

 

Me Arnold Lechter

Avocat des demandeurs

 

 

Me Sonia Beauchamp

BBP avocats

Avocate du défendeur

 

 

Dates d’audience :

les 31 octobre et 1 er novembre 2012

 


Gedeus c. Pare (Construction rénovation Benoit Paré)

2013 QCCQ 3035

 

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE Québec

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile  »

N° :

500-22-184965-112

 

DATE :

Le 12 avril 2013

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ELIANA MARENGO, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

YVROSE GEDEUS et AMEDEE PIERRE      

Demandeurs

c.

BENOIT PARE

F.A.S.L.N.R.S. de Construction Rénovation Benoit Paré

Défendeur

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]          Les demandeurs poursuivent le défendeur en annulation de contrat et en dommages pour un montant de 24 904.61$.         

[2]         A son tour, le défendeur poursuit les demandeurs en dommages pour un montant de 6 846.52$.

 

LES FAITS

[3]         Le 4 août 2010, il y a un dégât d'eau au sous-sol de la résidence des demandeurs.  L'assureur fait nettoyer et démolir les lieux. 

[4]         Les demandeurs veulent engager leur propre entrepreneur pour la reconstruction.  Ils retiennent donc les services du défendeur, qui leur est référé par "Réno Assistance".

[5]         Le 17 novembre 2010, les parties signent un contrat de services pour un montant de 37 942$ (pièce P-1).  Les travaux à accomplir y sont décrits.  La date établie du début des travaux est le 22 novembre 2010.  Celle de la fin des travaux est "la semaine du 21 décembre 2010".

[6]         L'assureur paie le défendeur l'acompte prévu de 25 604.61$, avant même que les travaux ne débutent (pièce P-2).

[7]         Selon la prépondérance de la preuve, le défendeur ne complète pas les travaux  prévus au contrat, car au mois de décembre 2010, un différend intervient entre les parties relativement à la date de la fin des travaux.  Selon le défendeur, la demanderesse  l'aurait "mis dehors".  Toujours selon lui, il ne reste alors que le sablage, la peinture et la pose du revêtement de plancher à faire, représentant une valeur approximative de 24 000$ en temps et matériaux "avant taxes, administration et profits".  Ceci est confirmé par René Goupil, estimateur en sinistre, témoin des demandeurs.

[8]         Au mois de janvier 2011, le défendeur offre de terminer les travaux, mais seulement si la demanderesse lui verse un montant additionnel de 5 937.23$.  Il prépare un document à cet effet (pièce P-6), que la demanderesse refuse de signer vu le montant déjà versé de 25 604.61$.

[9]         Les demandeurs prétendent que le défendeur n'a pas exécuté les travaux selon les règles de l'art.  Cependant, pendant leur exécution, ils ne se sont pas plaints, sauf en ce qui concerne un garde-robe.

[10]      Le 4  février 2011, l'avocat des demandeurs met le défendeur en demeure.  Il lui écrit, entre autre, ce qui suit:

            "A la présente date, vos travaux sont loin d'être terminés.  Les clients m'avisent que vous avez posé une dizaine de feuilles de gypses («gyproc») et quelques (15-20) feuilles de contreplaqués («plywood») pour les planchers et que vous n'êtes pas retourné à la maison pour finir les travaux.

            Etant donné votre absence depuis longtemps et votre défaut de compléter les travaux dans les délais prévus, la présente est pour vous aviser que ma cliente engagera les services d'un autre contracteur pour compléter les travaux.

            En outre, ma cliente est consentante de vous créditer une somme de $5000.00 pour le travail que vous avez effectué à date et demande remboursement de la différence ou la somme de $ 20,604.61 qui vous a été versée le 17 novembre 2010 au montant de $25,604.61.

            À votre défaut de rembourser ladite somme à mon bureau payable à l'ordre de «Arnold Lechter In Trust» d'ici une semaine, ma cliente réservera tous ses recours appropriés.

            Veuillez agir en conséquence." 

             (pièce P-4)

Cependant, le numéro de télécopieur indiqué sur cette lettre n'est pas celui du défendeur.

[11]      Le 18 février 2011, l'avocat des demandeurs envoie la même lettre cette fois à l'adresse postale du défendeur (pièce P-5). Toutefois, selon le défendeur, il ne la reçoit pas.

[12]      Le 16 mars 2011, Goupil se rend chez les demandeurs pour inspecter l'état des lieux et des travaux.  Il constate de nombreuses malfaçons, qu'il décrit dans son rapport daté du 22 mars 2011 (pièce P-3).  Il conclut que les travaux "sont à refaire en entier".  Il souligne la qualité " artisanale "  des travaux, tant au niveau du plancher, qu'au niveau du "gypse" et du "contreplaqué", qui ne semblent pas avoir été exécutés par un professionnel. 

[13]      A l'audition, le défendeur décrit les travaux qu'il a exécutés et qui sont, selon lui, conformes aux règles de l'art et au contrat (y compris les ajouts et les modifications).  Il dépose des photos (pièce D-2) démontrant l'état des lieux avant et après les travaux.

[14]       Le 7 septembre 2011, les demandeurs intentent leur action.

[15]      Le 3 octobre 2011, le défendeur comparaît.

[16]      Le 25 novembre 2011, le défendeur se présente sur les lieux avec un expert, Pierre Bonneville, technologue professionnel et expert en bâtiment, afin de constater leur état.

[17]      Bonneville conclut comme suit dans son rapport d'expertise daté du 12 mars 2012 (pièce D-4):

"6.0 Opinion et Conclusion

Au jour de notre visite, nous avons constaté que les travaux étaient complétés.

Le contrat initial signé le 17 novembre 2010 était de refaire le bas des murs ainsi que le faux plancher et les finis suite à une infiltration d'eau.  De plus, certains travaux étaient à effectuer au niveau du 1 er étage.

Certaines non conformités sont visibles telle la hauteur libre aux portes.  Le CNB demande une hauteur libre de 6'- 6'' (1980mm) et une largeur de porte variable en fonction du type de pièces ou local.  (CNB tableau 9.6.3.1).

Nous sommes en présence de travaux complétés qui ont été effectués par une tierce personne avant même que l'on puisse effectuer une vérification des travaux de notre mandant.

Nous sommes d'opinion que le fait d'avoir installé un double plancher par-dessus celui de notre mandat n'était pas nécessaire et a occasionné les non-conformités."

[18]      A l'audition, Bonneville précise qu'en date de son inspection, les travaux n'étaient "plus du tout" ceux du défendeur.  Les travaux, qui avaient été effectués par un tiers, étaient de nature "artisanale" et non conformes aux règles de l'art.  Le sous-sol était maintenant entièrement fini.  Un nouveau faux plancher recouvrait celui installé par le défendeur.  L'installation du revêtement de plancher et la peinture étaient terminés.

[19]      Au procès, la demanderesse confirme que les demandeurs ont engagé une autre personne au taux horaire de 10$,  "pour mettre les 2 x 4 et pour redresser le plancher".  Elle ajoute, "On a tout enlevé et refait".

 

ANALYSE

[20]      Les demandeurs avaient le fardeau de la preuve (arts. 2803 et 2804 du Code civil du Québec ).

[21]      Il est allégué au paragraphe 5 de la requête introductive d'instance, que le défendeur n'a pas complété les travaux et que les travaux étaient "déficients, mal exécutés et incomplets".

[22]      Le défendeur admet qu'il n'a pas terminé les travaux.

[23]      Le défendeur prétend que c'est la demanderesse qui "l'a mis dehors".  Selon les demandeurs, c'est plutôt le défendeur qui a abandonné le chantier et cessé de remplir ses obligations.

[24]      Le Tribunal souscrit à la position des demandeurs, car le document P-6, préparé par le défendeur lui-même, démontre clairement qu'il n'avait aucunement l'intention de respecter son mandat à moins d'être payé en totalité avant de terminer les travaux.

[25]      Les demandeurs ont eu raison de ne pas acquiescer à ses exigences.

[26]      Le contrat P-1 est un contrat régi par la Loi sur la protection du consommateur ( L.R.Q., c. P-40.1).

[27]      Qui plus est, il s'agit d'un contrat conclu par un commerçant itinérant, car il prévoit, entre autres, l'installation d'une fenêtre et d'un isolant thermique (art. 7 du Règlement d'application de la Loi sur la protection du consommateur, c. P-40.1, r.3).  En effet, selon l'affaire Cichanowicz c. Les Rénovations B. L'Acadie Inc. [1] , la totalité du contrat est soumise à la Loi , même s'il y a d'autres travaux non couverts par l'exception de l'article 7 du règlement d'application.

[28]      Il s'en suit que le contrat n'est pas conforme à l'article 58 de la Loi .

[29]      De plus, selon l'article 60 de la Loi , le défendeur ne pouvait exiger et percevoir paiement partiel ou total des demandeurs, avant l'expiration du délai de résolution leur étant accordée et avant la livraison des travaux.

[30]      Quoi qu'il en soit, pour se prévaloir de leur faculté de résolution, les demandeurs se devaient d'aviser le défendeur en conséquence, ce qu'ils n'ont fait qu'après l'exécution d'une partie importante des travaux.  Il est important de souligner, à cet égard, que la première mise en demeure est datée du 18 février 2011; que le défendeur déclare ne pas l'avoir reçue; que les demandeurs n'ont pas de preuve de réception; et que, selon le défendeur, les demandeurs ne se sont pas plaints au sujet des travaux (sauf pour le garde-robe), jusqu'en décembre 2010.

[31]      Il n'y a donc pas lieu d'annuler le contrat.

[32]      Quant aux malfaçons alléguées, la preuve est contredite.

[33]      Le rapport d'inspection du 22 mars 2011 (pièce P-3) conclut à malfaçons.  Cependant, il semble avoir été confectionné après l'intervention d'une tierce partie, laquelle a modifié les travaux exécutés par le défendeur, car le rapport d'inspection fait allusion à un "sous plancher de (la) cuisine…. maintenant surélevé", alors que, selon la prépondérance de la preuve, il n'y avait pas de tel plancher lorsque le défendeur a quitté le chantier au mois de décembre 2010.

[34]      Donc, même si les demandeurs nient que les travaux du défendeur aient été modifiés avant la visite de Goupil le 16 mars 2011, la preuve milite plutôt en faveur du défendeur à cet égard.

[35]      Cela ne veut pas dire pour autant que le défendeur ait respecté toutes ses obligations contractuelles et légales envers les demandeurs.

[36]      Il était carrément abusif de sa part de se faire payer la quasi-totalité du prix du contrat, avant taxes, avant même d'avoir planté un clou.  Il en va de même d'avoir exigé le solde au mois de décembre 2010, alors que les travaux étaient en voie d'exécution, et d'avoir quitté le chantier lorsque les demandeurs ont refusé de lui verser une somme additionnelle.

[37]      De plus, le contenu du contrat laisse à désirer: aucun détail quant au prix comptant de chaque bien et service.  Il y apparaît seulement un chiffre de presque 34 000$ pour rénover un sous-sol dans une petite maison plus que modeste.

[38]      En abusant de la bonne foi des demandeurs et en agissant de la sorte, le défendeur n'a pas respecté l'article 1375 C.c.Q.  qui stipule:

"1375.  La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction."

[39]      En abandonnant le chantier, comme il l'a fait, le défendeur n'a pas non plus agi au mieux des intérêts des demandeurs, avec prudence et diligence, et ne s'est pas assuré que l'ouvrage était réalisé et terminé conformément au contrat, le tout contrairement à l'article 2100 C.c.Q.  Il ne faut pas oublier que le défendeur s'était engagé à terminer le contrat à la fin décembre 2010.  Si son fournisseur ne pouvait lui fournir le revêtement de plancher demandé, avant Noël, comme il le prétend, il  n'avait qu'à proposer un autre produit aux demandeurs, afin de respecter les dates prévues au contrat.  Après tout, c'était lui l'expert en la matière.

[40]      Il s'agit maintenant d'évaluer les dommages subis par les demandeurs comme conséquence directe et immédiate des fautes du défendeur. 

[41]      Non seulement n'a-t-il pas fini le travail prévu au contrat, mais le non-respect des délais et l'abandon du chantier ont aussi causé de graves troubles et inconvénients aux demandeurs, qu'ils ont décrits en détail au procès.

[42]      Si les demandeurs ne peuvent obtenir le remboursement du montant réclamé de 20 604.61$, ils ont néanmoins droit au montant de 4 300$ pour les "inconvénients, angoisse et perte de jouissance" subis.

[43]      Quant à l'argument du défendeur concernant l'absence alléguée de dénonciation écrite, le Tribunal le considère sans intérêt, vu le rejet de la réclamation pour malfaçons.  De plus, il est probable que le défendeur ait reçu la lettre P-5, car elle contient la bonne adresse et, selon les dires du défendeur, de façon générale, il n'a pas de problème avec le courrier.

[44]      Quant à la demande reconventionnelle, elle est de toute évidence, rejetée, pour les motifs ci-dessus exposés.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

ACCUEILLE la demande, en partie;

CONDAMNE le défendeur à payer la somme de 4 300$ aux demandeurs, avec intérêts au taux légal de 5 % l'an, majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec , depuis le 18 février 2011;

LE TOUT avec dépens.

 

 

__________________________________

ELIANA MARENGO, J.C.Q.

Me Arnold Lechter

Avocat des demandeurs

 

Me Sonia Beauchamp

Beauchamp Brodeur

Avocat du défendeur

 

Dates d’audience :

les 31 octobre  et 1 er novembre 2012

 



[1] C.P. Montreal, no. 500-02-025535-845, 26 février 1986, j. Huguette Marleau (C.Q.).