Tribunal d’arbitrage |
|||||
|
|||||
CANADA |
|||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||
|
|||||
N o de dépôt : |
2013-4417 |
||||
|
|||||
Date : |
Le 3 avril 2013 |
||||
|
|||||
|
|||||
Devant l’arbitre : |
M e Diane Fortier |
||||
|
|||||
|
|||||
Syndicat des technologues d’Hydro-Québec, SCFP-FTQ, section locale 957 |
|||||
Ci-après « le Syndicat » |
|||||
et
|
|||||
Hydro-Québec |
|||||
Ci-après « l’Employeur » |
|||||
|
|||||
Plaignant : |
M. Lionel St-Laurent |
||||
|
|||||
Griefs |
n os : |
2006-R06-003 (harcèlement psychologique), 2006-R06-009 (suspension administrative), 2007-R06-018 (suspension de une semaine), 2007-R-06-028 (suspension de trois semaines) et 2008-R06-010 (retrait de la prime de chef d’équipe) |
|||
|
|||||
Convention collective entre : |
Hydro-Québec et Syndicat des technologues d’Hydro-Québec, section locale 957, Syndicat canadien de la fonction publique (FTQ) 1 er janvier 2004 au 31 décembre 2008 |
||||
|
|||||
Pour le Syndicat : |
M. Eddy Jomphe |
||||
|
|||||
Pour l’Employeur : |
M e Odette Rochon |
||||
|
|||||
Sentence arbitrale |
|||||
(Code du travail, L.R.Q., c. C-27, articles 100 et suivants) |
|||||
[1] Les audiences ont été tenues à Québec, les 16 octobre 2008, le 19 mars 2009, les 23 et 30 juin, 17 et 23 septembre 2010, les 2 mars, 27 avril et 22 juin 2011, les 2 mai, 27 juin, 20 septembre et 4 octobre 2012, ainsi que le 12 février 2013.
[2] Les parties, par leur représentant respectif, ont reconnu que le tribunal était validement constitué ainsi que valablement saisi du litige, et que la procédure de grief prévue à la convention collective a été respectée.
[3] Le 6 février 2006, le plaignant formulait le grief suivant (2006-R06-003) déposé sous la cote S-2 :
« Description du grief ou de la mésentente :
L’employeur ne respecte pas son obligation à me fournir un milieu de travail sain et exempt de harcèlement psychologique tel que le stipule les politiques de l’entreprise, la convention collective ainsi que les lois et règlements en vigueur.
Règlement demandé :
Que la direction prenne rapidement les moyens nécessaires pour faire cesser ce harcèlement afin de profiter d’un milieu de travail sain et sans harcèlement. Qu’elle m’accorde des dommages et intérêts punitifs et moraux pour le harcèlement que j’ai subi et ce, sans atteinte à tous mes droits et privilèges. »
[4] La convention collective est déposée sous la cote S-1.
[5] Quatre autres griefs, déposés lors de la troisième journée d’audience, sont décrits au paragraphe 62 (S-21, S-23, S-26 et S-29).Les parties ont choisi de présenter une seule preuve pour les cinq griefs et ont demandé que l’arbitre décide de chacun des griefs dans sa décision.
[6] La partie syndicale a fait entendre le plaignant, monsieur Lionel St-Laurent.
[7] Le plaignant, monsieur Lionel St-Laurent, travaille chez l’Employeur depuis 1975. Il est technicien automatisme au secteur Boréal depuis 1992. Le quartier général de cette unité est situé à Québec. Monsieur Pierre Giroux est son supérieur immédiat depuis mai 2008; il est chef automatisme et électrique. Monsieur Jean-Yves Tremblay a été son supérieur immédiat de 1992 à 2007.
[8] Le mandat du secteur Boréal est de maintenir et de moderniser l’installation sur le plan automatisme. Le plaignant dépose, sous la cote S-3, un texte provenant de l’Employeur. En voici un extrait :
« Un réseau autonome est un réseau de production, de transport et de distribution d’électricité qui, en raison de son éloignement et des coûts très élevés de raccordement, n’est pas relié au réseau principal. »
[9] Il dépose, sous la cote S-4, une carte du Québec pour indiquer les territoires couverts par le secteur Boréal :
§ Six villages à la Baie d’Hudson;
§ Huit villages à la Baie d’Ungava;
§ Cinq villages sur la Basse-Côte-Nord.
Chaque village compte une population de 800 à 3 000 habitants composée surtout d’Inuits ou d’Amérindiens. La langue de communication est l’anglais.
[10] Le plaignant possède une formation de technicien en électromécanique qu’il a complétée en 1972 au Cégep Lévis-Lauzon. Il dit ne pas avoir reçu beaucoup de formation chez l’Employeur. Enfin, selon lui, pas suffisamment compte tenu des postes qu’il a occupés. Au secteur Boréal, il a suivi une formation de base en automatisme, régulation et entretien des équipements. Ces formations variaient de une journée à une semaine.
[11] En 2006, l’équipe était constituée de trois techniciens en automatisme et trois en télécommunications. Le plaignant indique qu’en 2006, il a été absent pendant la moitié de l’année. Au secteur Boréal, travaillaient aussi une dizaine d’électriciens, huit employés civils à l’entretien des bâtisses, huit techniciens mécaniques et des mécaniciens.
[12] Le plaignant mentionne que les techniciens travaillaient en équipe de deux, dont un était le chef. Ce dernier préparait le travail à exécuter, l’organisait, en faisait le compte-rendu et remplissait les feuilles de temps. Ce système existait avant 2006. Après 2006, ce travail du chef d’équipe est devenu celui du supérieur immédiat. Le plaignant a été chef d’équipe de 2001 à 2005.
[13] L’horaire de travail, dans le secteur Boréal était de 5 jours de 12 heures chacun, soit de 8 h à 22 h, du lundi au vendredi. Une heure était prévue pour le repas du midi et une autre pour le souper; elles n’étaient pas rémunérées. Le samedi, l’horaire était de 10 heures de travail et une 1 heure non rémunérée pour le repas. Le dimanche, 8 heures de travail et 1 heure pour le lunch. Les équipes partaient pour une période de 10 à 12 jours dans le Nord. Au quartier général, à Québec, le plaignant travaillait sur un horaire variable, du lundi au vendredi, et il devait être au travail, en moyenne sur deux semaines, 33,5 heures par semaine.
[14] Lorsqu’il travaillait dans le Nord, il recevait le taux simple pour 6,7 heures par jour. Trois (3) heures étaient versées dans une banque, 2,7 heures étaient payées à temps et demi et 2,3 heures à taux double.
[15] Dans les villages, le logement est fourni, les vêtements d’hiver et les combinaisons de motoneige également. Le temps de transport, majoritairement en avion, est payé à taux simple. Le plaignant indique qu’il effectue de 10 à 12 voyages par année. Ils sont déterminés au début de l’année et une à deux semaines s’écoulent entre chacun d’eux. Le plaignant dépose, sous la cote S-5, le calendrier des voyages pour l’année 2005 et, sous S-6, le même calendrier identifiant plus spécifiquement les voyages de janvier à avril 2005.
[16] Il explique que des maisons de transit appartenant à l’Employeur servent de logements. Chacune d’elles compte de trois à sept chambres à coucher, une salle de séjour, une cuisine équipée, une laveuse, une sécheuse, une télévision et un cinéma maison. Il cuisine ses repas avec des provisions qu’il apporte de Québec et il reçoit une allocation de 54 $ par jour de voyage.
[17] Les postes qu’il a occupés entre 1975 et 1992 sont les suivants : technicien en automatisme, de 1975 à 1980, à Québec; technicien en utilisation d’énergie, à Québec, de 1980 à 1985; technicien en mesurage des grandes entreprises de 1985 à 1992.
[18] En août 1992, à son entrevue de sélection, monsieur Jean-Yves Tremblay lui aurait signifié qu’il ne voulait pas l’avoir sur le poste, car les références qu’il avait obtenues n’étaient pas bonnes. Le plaignant lui a répondu qu’il se sentait capable d’exécuter le travail demandé. Il a été confirmé dans ce poste dans une lettre du Service des ressources humaines en septembre 1992. Monsieur Tremblay était son supérieur immédiat alors que monsieur Joël Féry était son chef d’équipe.
[19] De l’opinion du plaignant, monsieur Féry était incapable de transmettre ses connaissances et son expérience. Quant à monsieur Tremblay, le plaignant mentionne que ce dernier l’ignorait et ne le saluait même pas. Le grief du plaignant portant sur le harcèlement psychologique (S-2) vise monsieur Tremblay, car ce dernier lui aurait adressé des paroles blessantes comme, par exemple : « Personne ne veut faire des voyages avec toi ». Le plaignant a vérifié auprès de ses collègues de travail et tous lui ont répondu qu’ils n’avaient pas de problème à voyager avec lui.
[20] Monsieur Tremblay lui disait aussi qu’il était complètement incompétent, qu’il ne devrait même pas travailler, qu’il devrait être sur l’assistance sociale et que, s’il n’y avait pas de syndicat dans l’organisation, il y a longtemps qu’il ne travaillerait plus pour l’Employeur.
[21] Il ajoute avoir travaillé avec monsieur Féry de 1992 à 1998. Ce dernier ne lui demandait que de débrancher des appareils. Monsieur Féry effectuait les tests et remplissait les formulaires. Ensuite, le plaignant les rebranchait. Monsieur Féry ne voulait pas qu’il fasse les tests; il n’apprenait donc rien. Il n’a pas parlé de cette situation au gestionnaire à cause de sa timidité.
[22] Le plaignant a eu l’occasion de travailler avec un autre chef d’équipe, monsieur D’Astous. Il mentionne qu’il a appris beaucoup avec cette personne. M. D’Astous lui faisait faire des tests ou, encore, il lui détaillait les opérations au fur et à mesure de leur exécution. Il a pu ainsi acquérir de l’expérience et de la dextérité.
[23] Le plaignant raconte qu’en 1993, lors d’un voyage dans le Grand-Nord, des plans manquaient. Monsieur Féry l’en a tenu responsable et l’a admonesté devant plusieurs électriciens. Quelques jours plus tard, monsieur Tremblay s’est présenté et a traité le plaignant d’incompétent parce qu’il n’avait pas envoyé les plans à l’endroit où devaient se faire des installations d’équipements. Plusieurs personnes étaient présentes à cette scène. Monsieur Tremblay le considérait avec mépris et colère. Selon le plaignant, la responsabilité des plans incombait au chef d’équipe. À la suite de ces incidents, le plaignant se sentant dénigré a éprouvé des problèmes de sommeil.
[24] De retour à Québec, le plaignant a cherché les plans et les a trouvés dans le classeur de monsieur Féry. Il en a fait part à monsieur Tremblay, qui lui a demandé de les expédier le plus rapidement possible à l’endroit requis; il lui a dit que l’incident était clos. Monsieur Tremblay ne s’est pas excusé pour ses paroles blessantes.
[25] Après avoir travaillé avec monsieur D’Astous, en 1995, le plaignant était capable d’effectuer les tests. Lorsqu’il a recommencé à accompagner le chef d’équipe Féry en 1996, ce dernier ne lui laissait toujours pas l’occasion d’en faire. Compte tenu de son caractère, le plaignant ne se plaignait pas; il subissait.
[26] Au cours de l’été 1997, monsieur Féry serait devenu très agressif à l’endroit du plaignant. Il raconte qu’il avait conseillé ce dernier dans une démarche à suivre pour effectuer le travail. Monsieur Féry aurait saisi le bras du plaignant à deux mains en lui criant qu’il travaillait depuis 17 ans et que ce n’était pas lui qui lui montrerait comment faire son travail. Le plaignant, se sentant agressé, a donné un coup pour se libérer et a quitté les lieux. Il a rapporté l’incident à monsieur Tremblay, qui aurait rétorqué que personne ne voulait travailler avec lui, sans préciser qui. Le plaignant a ajouté qu’il ne voulait plus faire équipe avec monsieur Féry, et monsieur Tremblay lui a répété que personne ne voulait voyager avec lui.
[27] Pendant la crise du verglas, en 1998, tous les compagnons de travail du plaignant ont été appelés à travailler sur les lieux de la tempête à l’exception du plaignant, qui est demeuré à Québec. Il en a demandé la raison à monsieur Tremblay et ce dernier lui aurait répondu que monsieur Féry estimait qu’il n’était pas apte à faire le travail. Le plaignant dit ne pas avoir tenté d’argumenter avec monsieur Tremblay, car ce n’est pas son habitude.
[28] Après le verglas, le plaignant a fait un voyage de travail avec monsieur Pierre Giroux. Il a profité de l’occasion pour lui demander s’il avait des problèmes à voyager avec lui. Monsieur Giroux lui a répondu par la négative et que jamais il n’avait laissé entendre à monsieur Tremblay qu’il ne désirait pas faire équipe avec lui. Au retour, le plaignant a demandé à monsieur Tremblay de reconsidérer sa décision relative à son jumelage avec une personne autre que monsieur Féry. Monsieur Tremblay lui aurait réitéré que personne ne voulait voyager avec lui. Le plaignant a donc demandé à monsieur Giroux de répéter devant monsieur Tremblay les propos tenus. Monsieur Tremblay a refusé malgré tout de changer le plaignant d’équipe. Le plaignant a indiqué que, dans ces conditions, il préférait ne plus voyager, de peur qu’une altercation physique se produise entre lui et monsieur Féry.
[29] Le plaignant a demandé à ses autres collègues de travail s’ils avaient des réticences à travailler avec lui. Ils auraient répondu non en ajoutant que c’était avec monsieur Féry qu’ils avaient des problèmes. Le plaignant est retourné rencontrer monsieur Tremblay pour l’en informer et, finalement, monsieur Giroux est devenu son chef d’équipe vers mars 1998 pour tous les voyages de 1998 et 1999. Tout s’est bien passé avec lui.
[30] En juin 2000, le chef d’équipe Féry a pris sa retraite. Monsieur Tremblay a dit à monsieur Germain Lafleur qu’il serait nommé chef d’équipe, mais ce dernier a refusé indiquant qu’il n’était pas prêt à assumer cette responsabilité. Il a ajouté que la convention collective exigeait que la règle d’ancienneté soit suivie. Monsieur Tremblay s’est donc adressé au plaignant tout en lui disant qu’il serait incapable de remplir les tâches de cette fonction. Le plaignant a accepté le poste et monsieur Lafleur est devenu son coéquipier. Le plaignant, dit que, lorsqu’il est devenu chef d’équipe, monsieur Tremblay aurait modifié son attitude à son endroit. Il le saluait et le rencontrait pour lui parler de ses points faibles et de ses points forts. Le plaignant avait l’impression que monsieur Tremblay voulait l’aider.
[31] Le plaignant raconte qu’en 2000, un incendie a éclaté à Poste-de-La-Baleine. Il a dû se rendre à cet endroit avec monsieur Lafleur pour remettre l’équipement en fonction. Un autre incendie s’est produit au même endroit à la fin de la même année. Le plaignant ne pouvait pas s’y rendre, car il faisait partie d’un autre voyage. Monsieur Lafleur s’est donc déplacé. En 2001, monsieur Tremblay lui aurait reproché de ne pas être monté à Poste-de-La-Baleine et, sur un ton vindicatif, il lui aurait dit qu’il ne s’était pas acquitté de sa tâche de chef d’équipe. Il ajoute qu’il n’a pas remis sa démission comme chef d’équipe même s’il a senti une pression de la part de monsieur Tremblay en ce sens.
[32] En 2002, après l’incendie de Poste-de-La-Baleine, le bâtiment a été reconstruit et de nouveaux panneaux ont été installés. Au cours d’un voyage, le plaignant est monté à cet endroit avec monsieur Lafleur et messieurs Lajoie et Gagnon du Service projets techniques. Des tests en présence de monsieur Tremblay ont été effectués à l’aide de nouveaux appareils. Ce dernier n’était pas d’accord avec la façon de procéder du plaignant et il exigeait de lui plus de rapidité dans l’exécution des tâches. Il lui aurait dit qu’il n’était pas capable d’exécuter son travail, qu’il allait demander à monsieur Lafleur de l’effectuer; il aurait ajouté : « T’es vraiment pas bon pour faire une job ». Le plaignant dit avoir été bouleversé par le comportement de son supérieur et il a eu de la difficulté à dormir. Il a même pensé retourner à Québec, se disant qu’il laisserait monsieur Tremblay s’arranger pour trouver un employé plus compétent.
[33] En 2003, lors d’un grief des techniciens portant sur l’indemnité de repas, le plaignant a eu à présenter sa facture à monsieur Tremblay. Ce dernier l’aurait refusée en disant qu’il ne fallait pas se battre pour des futilités. Il aurait ajouté que lui et son supérieur, monsieur Poulin, estimaient que les techniciens et les mécaniciens n’étaient que des fauteurs de troubles. Monsieur Tremblay s’en serait pris au plaignant en lui disant qu’il n’aurait jamais dû travailler chez l’Employeur et que c’est le Syndicat qui le maintenait dans son poste. Selon le plaignant, monsieur Tremblay était très agressif et méprisant à son égard; il aurait ajouté que sa place était « comme B.S. ». Le plaignant s’est mis à pleurer comme un enfant. Monsieur Tremblay lui a déclaré qu’ils n’étaient plus des amis. Le plaignant dit que jamais une personne ne l’avait traité de manière aussi méprisante.
[34] Le plaignant a rencontré le directeur des délégués syndicaux et ce dernier lui a dit de prendre ses vacances et de voir son délégué syndical au retour. Il dit avoir vécu des vacances d’enfer. Sa conjointe et ses deux enfants ne l’avaient jamais vu dans un tel état; il pleurait constamment et n’était pas gentil avec sa famille.
[35] Au retour de ses vacances, il a vu son représentant syndical et il lui a fait part du comportement de monsieur Tremblay à son endroit. Le délégué a rencontré monsieur Tremblay, qui lui a déclaré que ses paroles avaient dépassé sa pensée et qu’il s’excusait. Toutefois, dit le plaignant, monsieur Tremblay ne s’est pas excusé directement auprès de lui.
[36] En 2004, monsieur Giroux a remplacé occasionnellement monsieur Tremblay. Le plaignant attendait ces remplacements pour lui présenter ses dossiers plutôt qu’à monsieur Tremblay. Il travaillait toujours avec monsieur Lafleur et l’année 2004 a été calme, car il évitait le plus possible les contacts avec monsieur Tremblay.
[37] En 2005, sa trentième année de service chez l’Employeur a été soulignée et, au restaurant, monsieur Tremblay l’a félicité pour son travail devant son épouse. Ce fut, selon le plaignant, la seule fois qu’il a reçu des félicitations de son supérieur immédiat.
[38] Dans la même année, à la fin de novembre, raconte le plaignant, il était à Poste-de-La-Baleine pour faire de l’entretien d’équipement avec monsieur Lafleur. Monsieur Tremblay l’a appelé pour lui dire qu’à son prochain voyage il devait aller à Obedjiwan. Des travaux devaient être exécutés en août, mais ils ont été remis en septembre. Lorsque les employés de l’Employeur s’y sont présentés, ils ont été expulsés à coups de pierre sur la maison de transit. Les travaux ont été reportés à nouveau jusqu’en décembre suivant. Lors de cet appel à Poste-de-La-Baleine, monsieur Tremblay lui aurait reproché d’avoir mal fait son travail au village de Wemotaci. Il aurait encore utilisé un ton vindicatif en le traitant d’incompétent.
[39] Ce dernier événement l’a complètement bouleversé. Il a appelé le gestionnaire Poulin qui lui a recommandé d’aller consulter un médecin. Il avait accepté d’aller à Obedjiwan en décembre 2005 et il savait que cette situation ne plaisait pas à son coéquipier Lafleur qui avait prévu des vacances. Dès qu’il a entendu monsieur Lafleur monter le ton, ce fut l’élément déclencheur de ses problèmes de santé. Il ne dormait plus. À son retour à Québec, il s’est rendu à l’urgence et une ordonnance de somnifères lui a été remise. Il a rencontré le psychologue du Programme d’aide aux employés (PAE). Le médecin de l’Employeur, le docteur Henri Prud’homme, lui a suggéré de consulter un médecin. Il ne mangeait plus et maigrissait. Le psychologue du PAE lui aurait dit qu’il semblait faire une dépression. Il a donc consulté un médecin qui lui a prescrit des antidépresseurs et qui l’a soumis à un examen général, qui a révélé un diabète de type 2.
[40] Le plaignant dépose, sous la cote S-7, un billet médical du docteur Lachance qu’il a consulté à l’urgence du Centre hospitalier Chauveau le 29 novembre 2005. Il est écrit ceci : « Pas de travail dans le Nord du Québec, raisons médicales. Durée : réévaluation par médecin de famille ».
[41] Il dépose, sous la cote S-8, le formulaire de l’Employeur intitulé « Certificat médical ». Le docteur André Paradis a vu le plaignant le 11 décembre 2005 et il écrit comme diagnostic : « Trouble de l’adaptation avec humeur anxio-dépressive ». Il l’a mis en congé de travail jusqu’à la visite chez son médecin traitant prévue pour le 13 décembre suivant. Le plaignant s’est rendu chez le docteur Bernard Vézina, son médecin de famille depuis 30 ans. C’est la première fois qu’il consultait son médecin pour ce type de problème de santé. Il lui a fait part de sa difficulté à dormir et du passage d’un état triste à un moment de bonheur en quelques instants. Le docteur Vézina lui a indiqué qu’il souffrait de dépression et lui a prescrit un antidépresseur. Le plaignant dit que c’était la première fois qu’il prenait ce genre de médicament. Au jour de sa visite, il était toujours en arrêt de travail depuis le 29 novembre précédent.
[42] Il dépose, sous la cote S-9, le rapport du docteur Vézina inscrit sur le formulaire de l’Employeur; il a été rempli le 21 décembre 2005. Le diagnostic est : « État anxio-dépressif situationnel ». Le docteur Vézina a écrit comme motif de prolongation de l’invalidité : « Inhibiteur au travail, harcèlement au travail ». Comme traitement, il a inscrit « repos » et « antidépresseur ». Il a ajouté que la réinsertion du plaignant sera déterminée ultérieurement.
[43] Le plaignant dépose, sous la cote S-10, le rapport du docteur Vézina du 10 janvier 2006. Le diagnostic est : « État dépressif situationnel, humeur anxieuse »; s’ajoute « Inhibition au travail, harcèlement au travail ». Le traitement est l’antidépresseur et quatre séances de psychothérapie. Aucune date n’est prévue pour le retour au travail. Le plaignant dit avoir rencontré un psychologue à quatre reprises dans le cadre du PAE.
[44] Il dépose, sous la cote S-11, le rapport du docteur Vézina du 14 février 2006. Le diagnostic est : « Dépression légère circonstancielle, harcèlement au travail, inhibiteur au travail ». Aucune date de retour au travail n’est inscrite. Le traitement est toujours l’antidépresseur et la psychothérapie.
[45] Le plaignant dépose, sous la cote S-12, le rapport du docteur Vézina du 24 mars 2006. Ce dernier a écrit : « Dépression légère à modérée ». Il a prescrit un antidépresseur et de la psychothérapie.
[46] Il dépose, sous la cote S-13, celui du 18 avril 2006, dans lequel le docteur Vézina a indiqué un retour au travail à compter du 24 avril suivant, avec la restriction suivante : « Éviter tout contact avec harceleur allégué ».
[47] Le plaignant raconte que, de décembre 2005 à avril 2006, son humeur était changeante. Il était incapable de se concentrer; il a eu des problèmes conjugaux et familiaux. Il faisait de la marche et déneigeait. Il ne pratique aucun sport, car il est timide et, lorsqu’il est dans cet état, il tremble. Il est solitaire.
[48] Il relate que son retour au travail, le 24 avril 2006, s’est mal déroulé. Quand il est entré, il lui a été demandé de rencontrer le docteur Prud’homme, du Centre de santé de l’Employeur; le médecin n’avait pas en main le certificat médical indiquant sa date de retour. Le plaignant a constaté qu’il n’avait plus sa prime de chef d’équipe. Ses collègues de travail et les représentants syndicaux lui ont dit qu’il s’agissait d’une prime temporaire. Il a tenté de la récupérer en soumettant un grief et, au moment du dépôt, il a été décidé que sa prime serait payée même s’il n’était pas chef d’équipe.
[49] Monsieur D’Astous, collègue de travail du plaignant, a reproché à ce dernier de vouloir faire perdre l’emploi de monsieur Tremblay. Le plaignant ajoute que les paroles ou des sous-entendus de monsieur Tremblay lui faisaient comprendre qu’il n’était pas le bienvenu chez l’Employeur. Selon lui, ses collègues de travail avaient subi un lavage de cerveau de la part de monsieur Tremblay pendant son absence pour maladie.
[50] Il n’est revenu au travail que pour une semaine, car il ne se sentait pas bien. On lui a dit d’aller consulter un psychiatre. Il ajoute qu’il avait des pensées suicidaires et qu’il ne recevait aucune aide du Centre de santé de l’Employeur. Monsieur Poulin, ayant appris qu’il avait de telles idées, l’a convoqué à son bureau; il aurait été agressif à l’endroit du plaignant. Ce dernier dit avoir pensé tout d’abord à s’immoler par le feu dans le bureau de monsieur Poulin, mais, après sa rencontre avec lui, il s’est dit que le bureau de monsieur Tremblay serait plus approprié. C’est un ami de son épouse qui l’a dissuadé de nourrir ces idées en lui demandant de penser à ses enfants. Le plaignant ajoute avoir eu beaucoup de difficulté à accepter de rencontrer un psychiatre.
[51] Considérant que le plaignant avait soumis un grief pour harcèlement psychologique, l’Employeur lui a écrit, le 3 mars 2006, pour lui demander de rencontrer monsieur Jean Pâquet, de la firme Consensus, chargé de faire enquête et de donner une opinion neutre et objective de la situation à l’Employeur. Cette lettre est déposée sous la cote S-14.
[52] Le plaignant, en compagnie de son représentant syndical, a rencontré monsieur Pâquet et lui a raconté la façon dont il était traité par son supérieur immédiat. Une seule rencontre a été tenue. Il a reçu de la firme Consensus une copie partielle du rapport d’avril 2006, car il ne pouvait pas avoir accès aux déclarations d’autres personnes interrogées par monsieur Pâquet. Ce document partiel est déposé sous la cote S-15. À la page 25 du rapport, il est écrit ce qui suit :
« RECOMMANDATIONS
Lionel St-Laurent est prêt à revenir au travail.
Il souhaite ne plus avoir affaire à son supérieur immédiat.
Il recherche par ailleurs des compensations financières.
Il se déclare par ailleurs satisfait de " l’arrangement proposé " par le gestionnaire Richard Poulin. »
[53] Pendant son absence entre avril et septembre 2006, il a vu son médecin traitant le 9 mai. Le docteur Vézina a diagnostiqué une dépression légère à modérée, et du diabète. Dans ses remarques, le médecin écrit : « Il y a eu tentative de retour au travail, mais le contact avec le présumé harceleur a tout fait chavirer. » Le rapport du médecin est déposé sous la cote S-16. La procureure patronale souligne que l’Employeur n’a jamais reçu ce document.
[54] Le plaignant dépose, sous la cote S-17, les notes d’évolution rédigées par le docteur Vézina.
[55] À la demande de madame Andrée Bossé, du Service des ressources humaines, le plaignant a rencontré madame Danielle Peddie, médiatrice, qui avait eu comme mandat d’intervenir dans le dossier du plaignant et du supérieur immédiat, monsieur Tremblay. Il dépose, sous la cote S-18, le rapport de madame Peddie du 5 juillet 2006. Entre autres, on y lit ce qui suit :
« Monsieur Tremblay et St-Laurent se sont dit satisfaits de leur rencontre en gestion des différends et, après réflexion, monsieur St-Laurent a accepté de travailler de nouveau sous la supervision de monsieur Tremblay. » (page 3)
[56] Le plaignant mentionne que, même s’il avait accepté de travailler avec monsieur Tremblay, le problème n’était pas réglé. Avant tout, il souhaitait retourner au travail dans la dignité et il aurait aimé être sous la supervision d’une personne autre que monsieur Tremblay. Monsieur Poulin lui disait que ce n’était pas possible. Enfin, on lui a fait comprendre qu’il n’aurait plus son poste de chef d’équipe. Lorsqu’il est retourné au travail en septembre 2006, sa prime de chef d’équipe lui a été versée même s’il n’exerçait pas le rôle de chef d’équipe.
[57] Le 8 août 2006, le plaignant a rencontré le psychiatre Yvan Gauthier pour une évaluation médicale indépendante. Il a reçu copie du rapport, qu’il dépose sous la cote S-19. Le docteur Gauthier était d’avis que le plaignant était apte à retourner au travail dès le 8 août et de continuer à faire ses voyages au secteur Boréal. En septembre 2006, le plaignant dit avoir apprécié comment s’est déroulé son second retour au travail. Il a repris ses voyages avec monsieur Yves Lefebvre et il évitait le plus possible de rencontrer monsieur Tremblay pour ne pas avoir de problème et recevoir des bêtises de la part de ce dernier.
[58] Le plaignant raconte qu’avant le départ pour les Fêtes, en décembre 2006, monsieur Tremblay voulait établir l’horaire de 2007 pour les voyages. Il a dit au plaignant qu’il avait prévu qu’il fasse équipe pendant quatre mois avec monsieur Lefebvre, quatre mois avec monsieur Giroux et quatre mois avec monsieur D’Astous. Il voulait faire une rotation des équipes parce que, disait-il, ces trois compagnons de travail ne voulaient pas voyager avec lui. Lorsque le plaignant est revenu, en janvier, il a demandé à ses trois collègues s’il était vrai qu’ils ne voulaient pas travailler avec lui; ils lui auraient répondu ne jamais avoir dit cela à monsieur Tremblay.
[59] Monsieur Tremblay a demandé qu’une rencontre ait lieu avec ces trois employés. Monsieur Lefebvre a fait savoir qu’il n’avait pas de problème à voyager avec le plaignant. Monsieur Giroux, pour sa part, a indiqué que le plaignant n’était pas son premier choix, car il avait commencé l’automatisation de centrale avec monsieur Pomerleau; il préférait terminer ce travail avec lui. Monsieur D’Astous, quant à lui, a confirmé avoir dit à monsieur Tremblay qu’il ne voulait pas voyager avec le plaignant. Le plaignant dit en avoir discuté avec son collègue D’Astous, et ce dernier lui a confié qu’il ne voulait pas travailler avec lui parce qu’il cherchait à faire perdre l’emploi à monsieur Tremblay.
[60] Selon le plaignant, monsieur Tremblay a cherché à le diminuer lorsqu’il lui a déclaré que personne ne désirait faire équipe avec lui. Il raconte avoir indiqué à monsieur Tremblay, en 2007, qu’il refusait d’aller à Obedjiwan, car, dix ans auparavant, il avait reçu des menaces d’un client à cet endroit. Il y est allé quand même de 2001 à 2005. En 2005, des problèmes importants sont survenus dans ce village; ses craintes ont refait surface et il ne voulait plus y retourner. Monsieur Tremblay aurait répondu au plaignant qu’il n’avait pas de billet médical à cet effet, mais que s’il retirait son grief de harcèlement psychologique, il n’exigerait pas ce billet. Le plaignant ajoute qu’il n’est pas allé à Obedjiwan, car il est allé chercher une attestation médicale. Il dépose, sous la cote S-20, le rapport du docteur Vézina du 19 septembre 2007.
[61] En 2008, monsieur Tremblay a cessé d’être son supérieur immédiat. Le plaignant dit qu’il a continué à avoir des problèmes avec ses collègues de travail. Selon lui, monsieur Tremblay lui a bâti une réputation d’incompétent qu’il a véhiculée dans son environnement de travail.
[62] Au début de l’audience du 23 juin 2010, le Syndicat a déposé quatre autres griefs et les pièces suivantes, et a fait témoigner le plaignant sur ces documents :
· S-21 : Il s’agit d’un grief du plaignant (n o 2006-R06-009) du 6 juin 2006 qui se lit comme suit :
« Description du grief ou de la mésentente :
Depuis le ou vers le 27 avril 2006 l’employeur m’a retiré, sans raison valable, de mon emploi et renvoyé chez-moi.
Règlement demandé :
Que l’employeur me réintègre dans mon emploi, me rembourse rétroactivement à mon renvoi, tous mes droits, salaires et privilèges (tel que primes, temps supplémentaires, etc.), ainsi que l’intérêt légal sur toute somme due. De plus, que l’employeur me verse des dommages et intérêts pour préjudices subis ainsi que des dommages et intérêts punitifs pour abus de droit. »
· S-22 : La réponse de l’Employeur du 14 juin suivant au grief S-21 indiquant qu’il maintient sa décision.
· S-23 : Un grief du plaignant (n o 2007-R06-018) du 21 juin 2007 qui se lit ainsi :
« Description du grief ou de la mésentente :
Le ou vers le 24 mai, la Direction m’a donné un avis de suspension de 1 semaine.
Règlement demandé :
Que la Direction retire l’avis de suspension de mon dossier et que mes jours de suspension me soient rémunérés et qu’elle m’accorde pleine compensation monétaire pour les dommages et les préjudices subis et ce, sans atteinte à tous mes droits et privilèges. »
· S-24 : La lettre de suspension d’une semaine adressée au plaignant par monsieur Richard Poulin le 7 mai 2007 :
« Objet : Lettre de suspension
Monsieur,
Le 26 février 2007, lors de votre déplacement sur la Basse-Côte-Nord, vous avez eu un comportement irrespectueux, agressant et intimidant à deux (2) reprises dans la même journée à l’égard du personnel d’Air Labrador de Québec et Sept-Îles.
De plus en sachant qu’une plainte écrite concernant votre comportement avait été déposée à votre employeur, vous avez communiqué avec un membre du personnel d’Air Labrador pour à nouveau avoir un comportement irrespectueux à son égard. Également, aux cours des dernières semaines, vous avez voulu obtenir des informations non reliées à votre emploi par une tierce personne concernant la compagnie Air Labrador.
Sachez que ce genre de comportement va à l’encontre des règles d’éthique de l’entreprise et ne peut être toléré par la direction. À partir d’aujourd’hui, nous ne tolérons plus votre comportement irrespectueux et agressant envers qui que ce soit autant à l’interne qu’à l’externe et vous devrez vous conformer aux règlements des transporteurs aériens.
À la lumière des informations recueillies, vous serez suspendu sans solde pour une durée d’une (1) semaine soit du 28 mai 2007 au 1 juin 2007 inclusivement.
Nous espérons que cette mesure disciplinaire vous incitera à réfléchir et à modifier votre comportement. S’il y avait récidive de votre part, la Direction sera dans l’obligation de prendre des mesures beaucoup plus sévères à votre égard. »
· S-25 : La réponse de l’Employeur du 26 juin au grief S-23. Il est écrit ceci :
« À cette étape-ci, nous maintenons notre décision pour ce dossier. Selon nous, la suspension d’une semaine était justifiée pour les motifs évoqués lors de la remise de votre lettre le 24 mai 2007.
Par conséquent, nous rejetons ce grief. »
· S-26 : Un grief du plaignant (n o 2007-R06-028) du 19 novembre 2007 qui se lit comme suit :
« Description du grief ou de la mésentente :
Le ou vers le 18 septembre, la Direction m’a donné une mesure disciplinaire pour une suspension de 3 semaines.
Règlement demandé :
Que la Direction retire la mesure disciplinaire de mon dossier et que mes jours de suspension me soient rémunérés et qu’elle m’accorde pleine compensation monétaire pour les dommages et les préjudices subis et ce, sans atteinte à tous mes droits et privilèges. »
· S-27 : La lettre de suspension de trois semaines adressée au plaignant par monsieur Poulin le 9 octobre 2007 :
« Objet : Mesure disciplinaire
Monsieur,
Le 24 mai dernier, vous avez reçu une mesure disciplinaire vous reprochant d’avoir fait preuve d’un comportement irrespectueux, agressant et intimidant allant à l’encontre des règles d’éthique d’Hydro-Québec.
Malgré cela, le 18 septembre 2007, vous vous êtes présenté au Centre de santé de Québec et avez fait preuve d’un comportement agressif et irrespectueux, et avez tenu des propos sarcastiques et blessants à l’égard du personnel du service de santé.
De plus le 20 septembre dernier, vous vous êtes présenté à l’unité Ressources Humaines Distribution et avez également fait preuve d’une attitude agressante qui a perturbé les personnes présentes.
Je me vois dans l’obligation de vous suspendre sans salaire pour une durée de trois (3) semaines à compter du 22 octobre jusqu’au 9 novembre 2007. Veuillez noter que l’accès au bureau d’Hydro-Québec vous sera interdit durant cette période.
Je vous rappelle que le personnel d’Hydro-Québec doit être traité avec respect et considération.
Nous espérons que cette mesure vous permettra de corriger votre comportement et advenant une récidive de votre part, la Direction prendra des mesures disciplinaires beaucoup plus sévères à votre égard. »
· S-28 : La réponse de l’Employeur du 22 novembre 2007 au grief S-26, dans laquelle ce dernier maintient sa position et rejette le grief.
· S-29 : Le grief du plaignant du 17 juin 2008 (n o 2008-R06-010), qui se lit ainsi :
« Description du grief ou de la mésentente :
Le ou vers le 7 mai 2008 l’employeur n’a pas respecté la convention Collective en me retirant injustement ma prime de direction de travail.
Règlement demandé :
Que l’employeur respecte la convention collective et me redonne ma prime de direction de travail et ce, avec tous mes droits, salaires et privilèges ainsi que l’intérêt légal sur toute somme due. »
· S-30 : La réponse de l’Employeur du 27 juin 2008 au grief S-29, dans laquelle il indique qu’il maintient sa décision.
· S-31 : La lettre du 12 mai 2008 de monsieur Poulin au plaignant retirant à ce dernier sa prime de direction au travail. Elle se lit ainsi :
« Objet : Retrait de la prime de direction de travail
Monsieur,
Suite à notre échange verbale du 7 mai dernier, nous désirons vous confirmer qu’à partir du 12 mai prochain, votre prime de direction de travail vous sera retirée de façon permanente et sera attribuée à un autre membre de l’équipe. En effet, malgré plusieurs interventions de la part de votre gestionnaire, vous n’accomplissez pas les tâches telles qu’édictées à l’article 2.19 de la convention collective technicien qui se lit comme suit :
" Direction de travail
Activité d’une personne salariée appelée à exercer une direction régulière de travail de une (1) ou de plusieurs personnes et qui, en plus de son travail régulier, accomplit les tâches suivantes :
· organise, dirige le travail que doit accomplir le groupe;
· détermine les méthodes à suivre pour les travaux;
· inspecte, enregistre le travail du groupe. "
Nous vous invitons à collaborer avec vos collègues de travail comme il se doit selon le code de conduite d’Hydro-Québec. »
[63] Pour ce qui est du grief S-21, le plaignant précise que, pendant la période d’avril à septembre 2006, il a reçu son salaire normal de technicien, et sa prime de chef d’équipe lui a été payée également. Cependant, pendant cette période, il a perdu des privilèges reliés au fait qu’il aurait pu faire des déplacements qui lui procurent alors le paiement de temps supplémentaire et des indemnités prévues à la convention collective, tels les frais de déplacement et de transport.
[64] Sur la lettre de suspension d’une semaine du 7 mai 2007 (S-24), le plaignant raconte que, le 26 février 2007, il s’est présenté à l’aéroport de Québec et il a été question d’excédent dans ses bagages. Il convient avoir peut-être haussé le ton, mais il n’a pas été agressif ni menaçant, surtout pas à l’endroit des femmes, précise-t-il. Il aurait simplement insisté pour que tous ses bagages soient mis sur l’avion.
[65] À l’aéroport de Sept-Îles, la préposée a été vindicative à l’endroit du plaignant et c’était toujours au sujet de ses bagages. Le plaignant voulait que tous ses bagages le suivent, car il s’était déjà produit qu’en laissant ses valises derrière lui il ne les avait pas reçues. Il ajoute avoir utilisé le même ton à l’égard de cette préposée qu’avec celle de l’aéroport de Québec.
[66] Le plaignant dépose, sous la cote S-32, une lettre du 14 mai 2007 de monsieur Robert Thérien, directeur des ventes à Air Labrador adressée à madame Lucie Chevalier, conseillère en déplacements d’affaires chez l’Employeur. Il est prévu que l’Employeur pourra réserver un siège supplémentaire s’il y a un poids excédentaire de bagages.
[67] Le plaignant dépose, sous la cote S-33, un courriel du 26 février 2007 de madame Marie-Pierre McKenzie d’Air Labrador adressé à monsieur Marc-André Dupont travaillant chez l’Employeur. Il se lit comme suit :
« Bonjour Monsieur Dupont,
Tel que discuté, voici un rapport de ce qui c’est passé ce matin avec le passager Lionel St-Laurent. Monsieur a eu un comportement agressant avec les agents de comptoir à Québec quand on lui a demandé de mettre un baggage en attente au cas ou nous devrions retirer un bagage, il a refuser d’en choisir un. Il avait 25 lbs en trop et nous préférons que le passager nous indique lui-même le bagage le moin urgent. En arrivant à Sept-Iles il a encore été agressant au comptoir mais cette fois-ci avec moi. Nous volons sur la Basse-Côte Nord avec des appareils Beech 1900 et nous sommes quelquefois limités dans le poid et ce pour plusieurs facteurs : la météo, le nombre de passagers, le fuel nécessaire etc. Nous priorisons toujours : 1, les passagers et leur 50 lbs de bagages 2, les médicaments 3, les bagages et cargo d’Hydro-Québec et à la fin l’excedent des passagers réguliers et les cargo. À partir de maintenant ce sera tolérance " 0 ". J’ai presque refusé l’embarquement à ce passager ce matin et je vous garanti que la prochaine fois le passager agressif sera refusé. Pour vous donner le meilleur service possible nous devons garder nos employées d’expérience et ce n’est pas dans ces conditions que nous les garderons. L’aviation c’est l’aviation, nous ne pouvons pas tout contrôler. Merci et bonne journée »
Le plaignant a reçu copie de ce courriel. Il mentionne qu’il a communiqué avec madame McKenzie pour lui expliquer son état d’esprit le 26 février. Il lui a raconté que, dans le passé, il avait déjà eu beaucoup de problèmes à récupérer ses bagages qu’il avait laissés derrière, c’est-à-dire ceux qui n’étaient pas dans l’avion à bord duquel il était embarqué. Madame McKenzie lui aurait rétorqué que tout cela ne la dérangeait pas. Il a appelé aussi monsieur Dupont pour savoir pourquoi il était possible chez Air Labrador d’apporter parfois des bagages dans l’avion et parfois non. Lorsqu’il a parlé à madame McKenzie, le plaignant soutient qu’il n’a pas été irrespectueux et qu’il n’a pas haussé le ton.
[68] Le plaignant, à la suite de la plainte d’Air Labrador, à la demande de l’Employeur, a dû se présenter au Service de sécurité industrielle pour fins d’enquête, et il a reçu sa lettre de suspension S-24.
[69] Au sujet de la lettre de suspension de trois semaines du 9 octobre 2007 (S-27), le plaignant relate que son supérieur immédiat lui avait demandé de se rendre dans un village autochtone, endroit où, dit-il, il avait reçu des menaces de mort. Le plaignant refusait d’y aller et son supérieur lui a signifié qu’il devait le faire. Il dit avoir paniqué alors, et s’est rendu au Centre de santé.
[70] Il a rencontré une infirmière qui, selon lui, ne lui a été d’aucun soutien malgré le fait qu’il lui mentionnait être en état de crise. Elle lui a suggéré de faire appel au PAE. Selon lui, le PAE n’offre pas d’aide immédiate. Il est allé au bureau du médecin du Service de santé et a expliqué à ce dernier dans quel état il était. Le médecin lui aurait répondu qu’il n’était pas là pour ce type de problème et que, s’il avait besoin d’aide, d’aller se faire soigner. Le plaignant a demandé au docteur s’il était vraiment médecin, ce qui a envenimé la discussion. Il est donc reparti dans le même état qu’avant. Il soutient ne pas avoir été agressif. Il ajoute qu’il est plutôt du genre à se laisser faire et partir à pleurer. Il se peut que des paroles aient dépassé sa pensée, mais le médecin n’était pas le seul à subir cette situation. Sa femme et ses enfants ont été amenés à vivre la même chose. Selon le plaignant, cela faisait partie de sa maladie.
[71] Deux jours plus tard, le plaignant s’est rendu au Service des ressources humaines, car il voulait changer de poste. Encore ici, il dit ne pas avoir été aidé. Il s’est fait répondre qu’il y avait une procédure à suivre lorsqu’il y a changement de poste.
[72] Lors de ces deux journées (18 et 20 septembre 2007), le plaignant admet avoir peut-être été insistant pour obtenir ce qu’il voulait, mais il nie avoir été agressif.
[73] Il a rencontré ensuite la personne en charge du Service d’aide du Syndicat. Cette personne l’a aidé à se calmer et à le ramener sur terre, selon l’expression du plaignant.
[74] Il s’est rendu chez un médecin pour obtenir des certificats médicaux. L’Employeur a estimé qu’ils étaient, soit non valides, soit incomplets, et maintenait l’obligation qu’il aille au village autochtone. Il dit avoir été traumatisé, et qu’il l’est toujours, car il prend encore de l’Effexor.
[75] Sur le retrait de sa prime de direction de travail (S-29), le plaignant ne se souvient pas qu’il y ait eu rencontre le 7 mai 2008 à ce sujet. Il se souvient cependant qu’avant cette lettre, on lui avait dit qu’il aurait droit à sa prime tant et aussi longtemps qu’un poste de technicien support ne serait pas occupé. Effectivement, lorsque la prime du plaignant a été retirée, le titulaire du poste de technicien support a été nommé. Le plaignant dit que jamais auparavant on ne lui a mentionné qu’il ne faisait pas les tâches de chef d’équipe indiquées à l’article 2.19 de la convention collective. Le plaignant précise que, de 2000 à 2005, il était chef d’équipe et sa prime lui était payée. De 2006 à mai 2008, il a continué de recevoir cette prime même s’il ne faisait pas le travail de chef d’équipe.
[76] En contre-interrogatoire, le plaignant dépose, sous la cote E-1, la lettre d’entente entre l’Employeur et les différentes sections locales du SCFP-FTQ qui a été intégrée aux conventions collectives en janvier 2009, et dont l’objet était la libération des délégués sociaux en regard du PAE.
[77] Il dépose, sous E-2, les formations fournies par l’Employeur qu’il a reçues entre 1990 et 2008. Il y en a cinquante-neuf, dont la durée varie de 1 heure à 35 heures chacune. La procureure patronale demande au plaignant d’indiquer les formations qui sont directement liées au poste de technicien en automatisme :
· Régulation des systèmes HTCC, 14 heures en janvier 1995;
· Initiation Code de sécurité, travail, poste et central 95, 10,5 heures le 12 juin 1995;
· Éléments fondamentaux des automatismes programmables, 14 heures en avril 1996;
· Représentation des automatismes, 14 heures en avril 1996;
· Introduction aux automatismes 1, 35 heures en juin 1996;
· Introduction aux automatismes 2, 35 heures en mai 1997;
· Machines synchrones, 28 heures en juin 1997;
· Système de protection Quadra Mho, 28 heures en septembre 2001;
· Système de protection Razoa, 28 heures en octobre 2001;
· Protection numérique-SEL-Maint.-PH, 14 heures en octobre 2003;
· Système multi-protocole SMP2, 14 heures en avril 2004;
· Utilisation de Visual Substation, 14 heures en mai 2004;
· X-Maximo Réaliser la maintenance-PH, 7 heures en février 2005.
[78] Le plaignant dit que les formations « Système de protection Quadra » et « Système de protection Razoa » auraient été utiles s’il avait eu à y travailler. Quant à « Protection numérique SEL Maint. », suivie en 2003, il précise qu’il travaillait sur ces appareils depuis 2001. Sur la formation « Multi protocole SMP2 », reçue en 2004, elle aurait été pertinente en 2002, au moment où il a installé l’appareil. Il en est de même pour la formation « Visual Substation ». Il précise qu’il ne fait pas que l’installation des appareils; il s’occupe aussi de leur entretien et de leur réparation. La formation est donc pertinente. Le plaignant mentionne qu’il a fait l’entretien des batteries sans avoir obtenu de formation, même s’il l’a demandée à plusieurs reprises.
[79] Pour le retour au travail après le 27 avril 2006, il avait été convenu en médiation que le plaignant prépare un document à l’intention de son supérieur immédiat, monsieur Tremblay, faisant état de ses forces et de ses faiblesses. Le plaignant ne l’a pas fait, car l’Employeur ne lui avait jamais fait part auparavant de ses faiblesses et de ses forces. Ce document devait être soumis en août 2006 lorsqu’il a été déclaré apte à reprendre le travail. Le plaignant a dit qu’il n’a pas eu le temps de rédiger le document, car on ne lui avait pas donné de congé pour répondre à cette demande.
[80] Après la médiation, monsieur Tremblay l’a rencontré à plusieurs reprises afin qu’il remette son document sur ses points forts et ses points faibles. Le plaignant dit qu’il tentait de le rédiger, mais, qu’au bout de cinq minutes, il se disait qu’il travaillait au mieux de sa connaissance et qu’il ne savait pas quelles étaient ses faiblesses et ses forces. Monsieur Tremblay ne cessait pas de lui dire qu’il travaillait mal et qu’il était incompétent, mais il ne précisait pas quelles taches ou quels travaux avaient été mal exécutés, selon lui. En décembre 2006, le plaignant a demandé à monsieur Tremblay que monsieur Giroux, chef d’équipe, le guide dans la rédaction de son document. Encore ici, il n’a pas eu le temps de le faire, car il y avait beaucoup de travail à exécuter.
[81] Il dépose, sous la cote E-3, un manuscrit qu’il reconnaît avoir rédigé, mais qu’il ne croit pas avoir remis à monsieur Tremblay. Il se lit ainsi :
« Poste de chef d’équipe
Je croie que le vocabulaire est très importan.
Exemple Pression : contrainte, influence exercée sur qqn. Faire pression sur qqn (cette métode est desuette demande à X Il a établie une nouvelle métode plus eficace.) Pression positive.
Insulte et injure
Injure : parole qui blesse d’une manière grave et consciente; insulte, expression outragente qui ne renferme l’imputation d’aucun fait précis. Donc pas de la pression. Mais une blessure à soigné.
Incompétan = qui n’a pas les connaissance voulues pour décider ou parler de qqch. (pression négative)
À qui revien de me permetre d’acquérir ces connaissance voulues. Peut-être à celui qui me dire que je suis incompétan c'est a dire mon supérieur immédia.
Mais je suis persuadé que la compétence je l’ai puisque j’ai été chef d’équipe de 2000/06/ à nov. 2005 et que mon travail était complété à 99.999% puisque pour moi actuellement OBD n’est »
Il a joint à cette lettre des définitions tirées du dictionnaire Le Petit Larousse , dont celles des mots suivants : pression, injure, injurier, injuste, injustice, injustifié, insulte, insulteur et incompétence. La lettre est incomplète et OBD signifie Obedjiwan, le village autochtone où il refusait de se rendre. Aucune date ne figure sur la pièce E-3.
[82] Pour ce qui est de la pièce S-21, le plaignant estime que sa réclamation équivaut à trois fois son salaire, soit 130 000 $ à l’époque du grief, et 150 000 $ au jour de l’audition en soustrayant le salaire qui lui a été payé.
[83] Sur le grief S-27, le plaignant dit qu’il ne se souvient pas que le lendemain de sa visite au Service des ressources humaines pour obtenir un autre poste, madame Angèle Lemieux, de ce service, lui a montré deux affichages de poste à pourvoir. Il est possible qu’il ait indiqué qu’il ne voulait aucune diminution de salaire s’il obtenait un nouveau poste.
[84] Le 29 novembre 2005, le plaignant a rencontré le docteur Prud’homme et lui a dit qu’il avait deux collègues sur son dos : messieurs Tremblay et Féry. Il a ajouté qu’il avait peur de passer physiquement aux actes, car, lorsqu’on est dépressif, on ne sait pas toujours ce qu’on fait. Il dit que, effectivement, en novembre 2005, il a commencé à être dépressif. Selon lui, en disant cette phrase au médecin il manifestait un contrôle de ses émotions.
[85] Il relate qu’au début des années 90, il consultait un psychologue qui lui a appris qu’il gardait tout en dedans et qu’il ressemblait à une chaudière sur le point d’exploser. Il dit avoir éprouvé des problèmes d’agressivité lorsqu’il était au secondaire et que son fils avait le même problème.
[86] Lors de son évaluation médicale, le 8 août 2006, à la suite de la médiation, le plaignant a déclaré au médecin qu’il se sentait apte à reprendre le travail et ce, sans restriction (S-19). Or, les événements d’Obedjiwan s’étaient produits en 1997. Le plaignant dit qu’il a peut-être été naïf de croire que l’Employeur ne le retournerait pas en 2007 dans un endroit qui l’avait rendu malade, même si, en 2005, il était prêt à retourner dans ce village. Il n’a pas demandé d’exemption pour Obedjiwan, car il connaît la différence sur le plan du salaire entre travailler à Québec et travailler dans la région nordique. Son médecin lui a dit qu’éliminer une phobie est un processus très long et qu’il aurait même le temps de prendre sa pension avant qu’elle ne soit disparue.
[87] Il ajoute qu’il a également une phobie des chiens, même s’il en a deux. Il a confiance en eux, mais il a peur de ceux de son fils. Dans les villages inuits, il y a beaucoup de chiens errants.
[88] Le plaignant dépose, sous la cote E-5, un certificat médical du 1 er novembre 2007 du docteur Vézina. Ce dernier écrit que le plaignant peut travailler, sauf à Obedjiwan et les environs. Voici ce qu’il écrit sous la rubrique « Détaillez les restrictions médicales […] » : « 0 T (zéro travail) à Obedjiwan et environs. Devrait recevoir l’aide du PAE pour vaincre sa phobie d’Obedjiwan. ». Le certificat médical est estampillé comme ayant été reçu par l’Employeur le 4 janvier 2008. Le plaignant explique qu’il a dû oublier ce certificat dans sa valise et qu’il ne l’a remis que le 27 décembre 2007. D’ailleurs, sur le formulaire remis à l’Employeur on voit la signature du plaignant au 27 décembre 2007.
[89] Il dépose, sous la cote E-6, un autre certificat médical du docteur Vézina du 30 novembre 2009. Le docteur Vézina écrit comme diagnostic principal : « Anxiété, angoisse face à un éventuel « Posting à Obedjiwan », insomnie, cauchemar ». L’intensité de l’anxiété et de la phobie indiquée par le médecin est de gravité moyenne. Il inscrit le diabète comme maladie associée. Il identifie comme traitement additionnel : « Devra éviter d’aller à Obedjiwan ». Plus loin dans son document, le médecin écrit : « Peut travailler, 0 Travail à Obedjiwan et environs, suite à des menaces qu’il aurait eues à cet endroit. ». Ce certificat médical est estampillé comme ayant été reçu le 1 er juin 2010 par l’Employeur. D’ailleurs, sur le formulaire remis à l’Employeur, le plaignant a signé le 1 er juin 2010. Le plaignant explique ce délai de six mois entre la date du certificat et sa remise à l’Employeur du fait qu’il a travaillé plusieurs jours dans le Nord et qu’il avait oublié alors de le remettre. En 2007, c’est monsieur Tremblay qui lui a demandé de fournir une attestation médicale concernant la restriction Obedjiwan et, en 2009, c’est monsieur Giroux.
[90] Le 27 avril 2006, le plaignant a été renvoyé chez lui, car il pensait au suicide et avait dit qu’il s’immolerait dans le bureau de son supérieur immédiat.
[91] Le plaignant dit que le certificat médical du 9 mai 2006 (S-16) avait été égaré dans ses affaires. Il ne l’avait pas présenté, car il était alors en mesure administrative, l’Employeur l’ayant retourné chez lui. Il a retrouvé ce certificat S-16 en préparant son grief S-21 du 6 juin 2006. Le 28 avril 2006, le docteur Prud’homme du Centre de santé de l’Employeur, a appelé le plaignant pour lui demander de fournir un certificat médical. Le plaignant raconte qu’il a appelé un représentant syndical qui lui aurait dit qu’il n’était pas obligé de le faire puisqu’il était en mesure administrative. Il explique que le représentant syndical n’était pas celui qui devait s’occuper de son dossier. En effet, ce dernier ne lui donnait pas d’aide syndicale. Il avait donc un problème avec son délégué syndical. Puisque le représentant syndical n’était pas son délégué, le plaignant refuse d’identifier ce représentant, pour indiquer par la suite qu’il ne se souvient pas de son nom.
[92] Le plaignant indique que le docteur Vézina était le médecin traitant de son épouse. Il n’avait pas vu ce médecin depuis 2000, sauf en 2002 pour lombalgie. C’est la raison pour laquelle il a dit au docteur Prud’homme, du Centre de santé chez l’Employeur, qu’il n’avait pas de médecin traitant.
[93] À la fin de 2005 et au début de 2006, le plaignant a rencontré un psychologue à trois ou quatre reprises. Ce dernier lui a demandé s’il avait des idées suicidaires. Le plaignant lui a répondu sous le coup de la colère qu’il avait plutôt des idées « homicidaires », c’est-à-dire qu’il voulait s’en prendre à des gens qui le rendaient malade mentalement; il visait ses supérieurs. Il a demandé des conseils au psychologue et estime qu’ils étaient bons puisqu’il n’a jamais rien fait dans ce sens. Comme supérieurs, il a identifié messieurs Tremblay et Poulin qui voulaient tous deux l’envoyer à Obedjiwan. Le psychologue lui a aussi suggéré de soumettre un grief.
[94] À son retour, le 24 avril 2006, monsieur Tremblay et son délégué syndical lui ont dit que sa prime de chef d’équipe était temporaire. Devant cette position, il a fait des recherches dans la convention collective et a découvert qu’une prime temporaire n’était versée que pour 14 jours. Il a donc considéré qu’il avait une prime permanente et il a soumis un grief. Sa prime de chef d’équipe a alors été rétablie.
[95] Lorsqu’il a parlé de s’immoler par le feu dans le bureau de monsieur Tremblay, monsieur Poulin l’a convoqué dans son bureau et lui aurait dit qu’il s’agissait de menaces en l’air. Selon le plaignant, il voulait réellement le faire, mais, ayant constaté l’existence de gicleurs, il a conclu qu’il ne pourrait peut-être pas mourir, et qu’il pourrait demeurer handicapé pour le reste de ses jours. De plus, il ne voulait pas faire vivre cette souffrance à sa femme et à ses enfants, et qu’ils se sentent coupables.
[96] Selon le plaignant, il n’avait pas été reçu de façon raisonnable en avril 2006. Il aurait préféré que la médiation ait eu lieu dès le mois d’avril plutôt qu’en été 2006. Il ajoute qu’il a accepté difficilement de subir une évaluation psychiatrique, car il croyait qu’il n’était pas si malade. La médiation s’est déroulée de mai à juillet 2006. Il indique qu’à son retour au travail, en septembre, comme lui avait suggéré la médiatrice, il avait mis beaucoup d’eau dans son vin, beaucoup trop, selon lui.
[97] Il dépose, sous la cote E-7, un rapport d’intervention de la firme Peddie Thibodeau, services conseils, du 4 septembre 2006 :
« Mandat :
Les ressources humaines nous ont demandé d’intervenir à nouveau en médiation dans le dossier de messieurs St-Laurent et Tremblay suite à certaines difficultés relationnelles vécues au cours de la semaine du 21 août 2006.
Dans un premier temps, nous avons communiqué individuellement avec les parties par téléphone afin d’évaluer la situation. Nous avons ensuite invité monsieur St-Laurent en rencontre individuelle suivie d’une rencontre de suivi en médiation avec monsieur Tremblay, le 29 août 2006.
Entrevue individuelle - 29 août 2006 :
Nous avons rencontré monsieur St Laurent afin d’évaluer sa perception de sa relation avec son gestionnaire et discuter de son retour au travail prévu pour le 30 août 2006. Il était accompagné de monsieur Dubé, représentant syndical.
La rencontre s’est bien passée et nous avons senti que monsieur St Laurent était authentique et motivé à reprendre le travail et à travailler à nouveau avec monsieur Tremblay. Il était ouvert à discuter de leurs différentes perceptions de leur communication de la semaine précédente.
Entrevue de suivi médiation
Nous avons rencontré monsieur Tremblay et St Laurent aux bureaux d’Hydro Québec à Québec le 29 août 2006. Monsieur St-Laurent était accompagné de monsieur Dubé, représentant syndical.
Nous avons présenté et abordé les points indiqués à l’agenda de discussion, soit un retour sur les ententes et moyens de communications retenues au cours de la médiation du 19 juin 2006 et sur les événements survenus au cours de la semaine du 21 août 2006.
Messieurs St Laurent et Tremblay ont encore une fois été authentiques dans leur rapport et discussions relativement aux points précités. Cette rencontre a renforci leur lien et le fait qu’ils doivent communiquer activement et directement à l’avenir.
Monsieur Tremblay et St Laurent se sont dit satisfaits de leur rencontre de suivi en médiation.
Debriefing :
Nous avons reparlé aux parties individuellement pour fermer la boucle sur l’intervention en médiation. »
Le plaignant ne sait pas où se trouve sa copie de ce rapport; il n’en a pas parlé jusqu’à maintenant dans son témoignage parce que cet événement ne l’avait pas frappé. Il ne se rappelle pas quelles étaient les difficultés relationnelles le 21 août 2006; il n’était pas de retour au travail à cette date. Il dit qu’il ne se souvient pas comment s’est déroulée cette intervention. Il ajoute que le nom de monsieur Dubé comme représentant syndical ne lui dit rien.
[98] Le plaignant ne se souvient pas qu’en août 2006 il serait allé au Centre de santé et avoir déclaré qu’il allait y avoir des « flammèches ». Il ne se souvient pas non plus qu’en août 2006, il aurait croisé monsieur Tremblay. Ce dernier l’aurait salué et le plaignant aurait plutôt baissé la tête au lieu de répondre à la salutation. Il dit que si cela s’est passé, c’est qu’il devait être distrait.
[99] Le plaignant convient que la médiation portait sur l’amélioration des communications entre lui et monsieur Tremblay, c’est-à-dire d’être capables de se parler sans se lancer des bêtises. Ainsi, monsieur Tremblay cesserait de lui adresser des paroles blessantes. Le plaignant mentionne que, pour sa part, il ne se souvient pas d’avoir prononcé des paroles blessantes à l’endroit de monsieur Tremblay.
[100] Il dépose, sous la cote E-8, un document intitulé Entente conclue entre Lionel St-Laurent et Jean-Yves Tremblay suite aux réunions du 29 et 30 août 2006 . Elle se lit comme suit :
« Objectif : règles de références pour établir un dialogue ouvert et constructif dans le respect et la compréhension des différences
§ Aborder les problèmes dans le respect des personnes
o Ne pas s’accuser
§ Se donner l’heure juste
o Aborder les vraies questions/préoccupations/difficultés
o Exprimer clairement et explicitement les besoins et attentes mutuelles
§ Prendre du temps de qualité lors des rencontres
o Se préparer
o Ne pas permettre d’interruptions
§ Pratiquer l’écoute active
o Écouter jusqu’au bout pour bien comprendre le point de vue exprimé
§ Éviter la contamination émotionnelle
o Apprendre à reconnaître
o Prendre une pause si nécessaire
§ Focaliser sur le présent et l’avenir
o Utiliser des exemples passés si ces derniers sont utiles pour résoudre une situation actuelle
§ Terminer les rencontres/conversations avec une entente claire
o Faire reformuler pour éviter toute confusion »
[101] Le plaignant dit qu’il n’a pas déposé cette entente E-8 lors de son témoignage en interrogatoire principal, car il n’avait pas retrouvé ce document dans ses dossiers. De plus, il ne sait pas s’il avait à en faire mention dans son témoignage. Il ajoute que monsieur Tremblay n’a pas respecté cette entente, car, en décembre 2006, il lui avait dit que personne ne voulait voyager avec lui, ce qui était faux. Ainsi, depuis 2007, il voyage avec presque tous ses collègues de travail, surtout avec messieurs Giroux et Lefebvre.
[102] Entre 2006 et mai 2008, le plaignant n’était pas chef d’équipe, mais il continuait à recevoir sa prime.
[103] En septembre 2006, le plaignant a demandé à monsieur Tremblay d’avoir la possibilité de continuer à consulter un psychologue dans le but de s’améliorer. Il désirait que l’Employeur paie pour ces soins. Selon le plaignant, l’Employeur se devait d’assumer ces coûts afin qu’il recouvre sa santé.
[104] Au regard de la mesure disciplinaire de une semaine, le 7 mai 2007 (S-24), le plaignant dépose, sous la cote E-9, la déclaration statutaire qu’il a faite le 12 mars précédent à l’enquêteur Daniel Hamel, qui travaille chez l’Employeur. Cette déclaration a été faite à la suite de la plainte de madame McKenzie d’Air Labrador, et le plaignant dit qu’il n’a eu aucune contrainte ou menace pour faire cette déclaration. À la page 2 de la déclaration est écrit ceci :
« Rendu à Blanc-Sablon en ouvrant mon ordinateur, j’ai vu le message que la dame avait envoyé; à Gaspé à l’effet que j’avais été agressif et qu’elle a failli m’interdire de monter dans l’avion. Je l’ai rappelée pour lui expliquer que j’en avais plein mon casque de leur histoire de bagages et que c’est sûrement à cause de ça que j’avais été agressif […] »
Le plaignant dit que la dame qu’il a appelée était madame McKenzie. Il ne croit pas qu’il lui ait dit qu’il en avait « plein son casque ». Il l’a écrit ainsi, car, depuis 18 ans, la majorité des situations où ses bagages n’arrivaient pas à destination relevaient d’Air Labrador.
[105] Il indique qu’en septembre 2007, à la demande de ses supérieurs, il a appelé madame McKenzie pour s’excuser de s’être emporté. Il ajoute qu’il a présenté de véritables excuses et qu’il ne visait pas spécifiquement cette personne ni les préposées au comptoir d’embarquement, mais plutôt leurs patrons. Madame McKenzie lui a répondu qu’elle s’occupait de transmettre son message aux préposées au comptoir.
[106] Il dit qu’il n’a pas postulé d’autres postes car, d’abord, il aimait son travail et, ensuite, parce qu’il tenait au salaire, à la prime et aux autres avantages de son poste. Quand il a demandé à monsieur Perron de changer de poste, il voulait le maintien de tous ces avantages. Monsieur Perron lui a répondu que cela n’était pas possible.
[107] Pour ce qui est de la suspension de trois semaines du 9 octobre 2007 (S-27), le plaignant soutient qu’il n’a pas manqué de respect à l’égard du docteur Prud’homme. Il était hors de lui et a demandé au médecin à quel endroit il avait suivi son cours de médecine.
[108] La partie patronale a fait entendre monsieur Jean Pâquet, madame Andrée Bossé, messieurs Richard Poulin, Joël Féry, Yves Lefebvre, Miguel Simard, mesdames Angèle Lemieux, Christiane D’Auteuil, docteur Henri Prud’homme, mesdames Marie-Pierre McKenzie et Julie O’Neil, et monsieur Jean-Yves Tremblay.
[109] Monsieur Jean Pâquet dépose, sous la cote E-10, un résumé de son CV apparaissant sur le site web de la firme Consensus, un cabinet-conseil en résolution de conflits. Monsieur Pâquet exerce la profession d’avocat depuis 1975. Il a été bâtonnier de Québec en 1988-1989 et bâtonnier du Québec en 1991-1992. Il a acquis de multiples expériences sous divers titres (comité d’examen des plaintes, syndic ad hoc au Barreau, conseils de discipline régis par l’Office des professions, etc.). Il est président actuel du Conseil de discipline du Barreau du Québec. Il privilégie les modes non judiciaires de résolution de conflits. À la firme Consensus, il mène des enquêtes et agit comme consultant en matière de harcèlement psychologique.
[110] Il dépose, sous la cote E-11, des extraits sur support papier du site web de la firme Consensus.
[111] Il dépose, en liasse, sous la cote E-12, le rapport d’enquête et ses annexes sur la plainte de harcèlement psychologique soumise par le plaignant à l’encontre de son supérieur immédiat. Le rapport a été remis à l’Employeur en avril 2006 et M e Pâquet a conclu que la plainte n’était pas fondée en vertu des dispositions de la Loi sur les normes du travail et de la jurisprudence sur cette question.
[112] Madame Andrée Bossé détient un baccalauréat en relations industrielles et un certificat en administration. Elle a été professeure en administration au Cégep de Gaspé pendant 12 ans. Pendant un an et demi, elle a travaillé au Service des ressources humaines de ce même cégep.
[113] Depuis 1999, elle est conseillère en ressources humaines et chargée d’équipe pour l’Employeur à Gaspé, à la direction régionale des réseaux autonomes pour les endroits isolés (Îles-de-la-Madeleine, Gaspé, Haute-Mauricie, etc.). Elle qualifie les réseaux autonomes de « petite Hydro dans la grosse Hydro » parce que ces réseaux s’occupent de l’exploitation, de la production et de la distribution d’électricité. Madame Bossé relève de madame Christiane D’Auteuil, chef des ressources humaines (Québec, Rimouski, Gaspé). Le bureau de madame D’Auteuil est situé à Québec. En 2006, madame Bossé exerçait les fonctions de conseillère, mais les directions de Gaspé et de Rimouski ont fusionné et la direction régionale se situe maintenant à Rimouski. Elle est toujours chargée d’équipe pour Gaspé.
[114] Elle assume la responsabilité d’appliquer, entre autres, les règles de gestion en matière de harcèlement psychologique dans le cadre de griefs ou de plaintes à cet effet. La politique est « tolérance zéro ». Le personnel doit travailler dans un climat sain. Lorsqu’une personne salariée désire formuler une plainte, une procédure est prévue pour intervenir et régler le problème le plus rapidement possible. Si la plainte est déposée, l’information donnée par la personne plaignante est vérifiée et, s’il y a lieu, une enquête est mise en branle et, selon ses conclusions, des interventions peuvent être entamées. Un dossier de plainte pour harcèlement psychologique est traité de manière confidentielle, mais le Syndicat est tenu informé. Lorsqu’un grief invoque du harcèlement psychologique, les procédures prévues à la convention collective sont suivies, et l’enquête se fait avec le Syndicat.
[115] À la fin de janvier 2006, une rencontre du comité de relations de travail (CRT) a été tenue. Le président régional du Syndicat des technologues, monsieur Gilles Bouchard, désirait que le dossier du plaignant (qui était alors absent pour maladie) soit discuté. Monsieur Réjean Lévesque, directeur des griefs et vice-président du Syndicat, était présent. Monsieur Richard Poulin, chef des installations Boréal, et madame Bossé assistaient à la rencontre du comité. Lors de cette rencontre, le président du Syndicat a signalé que le plaignant éprouvait depuis longtemps des difficultés à travailler avec monsieur Tremblay. Des discussions ont eu cours afin d’examiner la possibilité de changer le supérieur immédiat du plaignant. Lorsque le Syndicat a mentionné « harcèlement psychologique », madame Bossé a suggéré de vérifier ce qui se passait à l’intérieur de l’équipe et qu’un psychologue industriel soit consulté.
[116] Madame Bossé, chargée dès lors d’effectuer des recherches pour trouver un spécialiste qui enquêterait sur le harcèlement allégué, a été finalement dirigée vers M e Jean Pâquet, de la firme Consensus. Une conférence téléphonique a été tenue et messieurs Buron et Poulin ont accepté que des démarches soient entreprises auprès de cette firme pour faire enquête. Elle en a informé monsieur Lévesque, du Syndicat.
[117] Madame Bossé a vérifié auprès du réseau santé de l’Employeur pour savoir si le plaignant pouvait rencontrer l’enquêteur, car il était en absence pour maladie. Le plaignant s’est dit prêt et avait même hâte. Sa réponse a été reçue par madame Bossé vers la fin de février 2006. Elle n’a pas choisi de témoins pour l’enquête de M e Pâquet; elle voulait que le plaignant et monsieur Tremblay les désignent eux-mêmes.
[118] Vers la mi-avril 2006, M e Pâquet a informé madame Bossé qu’il planifiait la remise de son rapport pour le 26 avril suivant. Il a rencontré, ce jour-là, madame Bossé et messieurs Poulin et Perron (ce dernier remplaçait par intérim le directeur Vincent Buron). M e Pâquet a présenté son rapport, a expliqué sa démarche, a énuméré les principaux points de son rapport, et a soumis ses recommandations et ses conclusions. Il en a remis une copie à madame Bossé. Messieurs Poulin et Perron n’en ont pas eu copie vu la confidentialité du document. M e Pâquet a conclu qu’il n’y avait pas eu de harcèlement psychologique, mais que le climat de travail devait être amélioré.
[119] Monsieur Poulin devait informer monsieur Tremblay des conclusions du rapport. Quant au plaignant, l’Employeur a cru bon de demander au docteur Prud’homme de le faire même si le plaignant était de retour au travail depuis le 24 avril. Les rencontres, tant avec monsieur Tremblay qu’avec le plaignant ont été tenues le 26 avril 2006.
[120] Une prolongation du délai dans la procédure du grief du 6 février 2006 (S-2) a été négociée avec le Syndicat. À la fin d’avril ou au début de mai 2006, madame Bossé a rencontré le représentant du Syndicat pour lui faire part des conclusions du rapport. Elle ne leur en n’a pas remis copie, tout comme elle l’avait fait pour les gestionnaires. Le Syndicat a soumis alors le grief en troisième étape le 3 mai 2006.
[121] La possibilité de recourir à la médiation a été examinée le 26 avril 2006. Un psychologue industriel pouvait peut-être aider à la réintégration du plaignant dans son milieu de travail et à l’amélioration du climat de travail. Le plaignant désirait avoir le rapport. Le corporatif d’Hydro-Québec, après avoir reçu le rapport et ses annexes, en a transmis une partie au plaignant.
[122] Madame Bossé a choisi une autre firme que Consensus pour la médiation afin de s’assurer d’une totale objectivité. Le Syndicat nourrissait certaines appréhensions à l’égard de cette médiation. Madame Bossé a suggéré une conférence téléphonique à laquelle ont participé messieurs Bouchard et Lévesque pour le Syndicat, madame Bossé et la psychologue industrielle. Après la conférence, à la fin de mai 2006, le Syndicat a accepté la démarche de médiation, avec laquelle le plaignant était également d’accord. À cette époque, le plaignant était de nouveau en absence pour maladie.
[123] Madame Peddie, psychologue industrielle, devait faire la médiation et une collègue, madame Nicole Gauthier, devait s’occuper de la consolidation de l’équipe de travail et de faire du coaching auprès des parties. Madame Peddie a rencontré le plaignant alors que madame Gauthier a vu monsieur Tremblay avec madame Bossé pour lui expliquer la démarche entreprise.
[124] Dans tout ce processus, une contrainte importante existait : le médecin traitant du plaignant, le docteur Vézina, indiquait que le plaignant pouvait revenir au travail, mais hors la présence de monsieur Tremblay (S-13). Madame Peddie, avec l’autorisation du plaignant, a donc demandé au docteur Vézina si son patient pouvait se prêter à cette médiation, et il y a consenti.
[125] La médiation a débuté en juin 2006. Madame Bossé dépose, sous la cote E-13, un document intitulé Ébauche de la stratégie d’intervention et d’un plan d’action en découlant . Ce document a été préparé par mesdames Bossé, Peddie et Gauthier. Il identifiait les rôles de chacune. Madame Peddie agissait comme intermédiaire auprès du plaignant et madame Bossé auprès de monsieur Tremblay, des gestionnaires et des représentants syndicaux.
[126] Le 7 juin, des rencontres individuelles ont été tenues. Madame Bossé n’y assistait pas. Elle a remis le rapport de madame Peddie (S-18) à messieurs Poulin et Lévesque. En juin, madame Bossé était informée que la démarche était positive et que tout se déroulait bien. Ensuite, elle est partie en vacances.
[127] En août 2006, monsieur Poulin a demandé une expertise médicale sur l’état de santé du plaignant. Compte tenu des particularités du travail au secteur Boréal, il voulait s’assurer que le plaignant présentait un bon état de santé. Madame Robitaille, du Centre de santé, a confirmé à madame Bossé que le plaignant pouvait faire son travail. Cette dernière en a avisé les gestionnaires.
[128] Monsieur Poulin a appelé madame Bossé et l’a informée qu’il y avait des difficultés relationnelles entre le plaignant et monsieur Tremblay. Elle a appelé madame Peddie pour que cette dernière vérifie ce qui se passait. Madame Peddie a rencontré le plaignant et monsieur Tremblay et a soumis un rapport à madame Bossé disant qu’à la suite des rencontres, le résultat était positif (E-7 et E-8).
[129] Le plaignant était revenu au travail à la fin d’août. Madame Gauthier avait le mandat ce coacher monsieur Tremblay lors de la réintégration du plaignant au travail. À la fin de septembre 2006, madame Bossé a communiqué avec madame Peddie, qui lui a dit que tout allait bien. À l’automne 2006, c’était la même chose.
[130] Madame Bossé a appris qu’en janvier 2007, plus rien ne fonctionnait entre le plaignant et monsieur Tremblay. Une réunion du CRT a été tenue, à laquelle assistaient messieurs Bouchard et Lévesque pour le Syndicat, et monsieur Poulin et madame Bossé. Cette dernière a fait part de toute la démarche qui a été entreprise pour tenter de régler la situation. Il était donc peut-être opportun maintenant d’aller plus avant dans le grief déposé par le plaignant.
[131] En février 2007, une autre réunion du CRT a été tenue à la suite d’une plainte externe (Air Labrador) au sujet de propos que le plaignant aurait tenus. Il y a eu enquête et une mesure disciplinaire a été prise par l’Employeur à l’endroit du plaignant. Madame Bossé a recommandé une semaine de suspension, ce que la Direction a accepté.
[132] Madame Bossé dépose, sous la cote E-14, un document intitulé Plan d’action - Dossier Lionel St-Laurent . Au début du document, il est écrit ce qui suit :
« Pour faire suite à la stratégie d’intervention soumise le 17 août 2006, voici le plan d’actions suggéré afin que la réintégration de M. Lionel St-Laurent se fasse dans les meilleures conditions. »
Dans ce document, le plan débute le 21 août 2006 et s’étend jusqu’en novembre suivant. Les acteurs identifiés sont : Équipe santé, monsieur Richard Poulin, madame Andrée Bossé, monsieur Jean-Yves Tremblay et madame Nicole Gauthier.
[133] Monsieur Richard Poulin travaille chez l’Employeur depuis 1979. Les postes qu’il a occupés sont les suivants :
· 1979-1986, électricien d’appareillage;
· 1986-1992, contremaître à Thetford Mines, appareillage;
· 1992-1994, chef, division formation et sécurité, Manicouagan;
· 1994-1997, chef, milieu du complexe Manicouagan en production;
· 1997-2001, chef de matériel de transport à Québec;
· 2001-2002, chef installation aux Îles-de-la-Madeleine, réseau autonome;
· 2002-2003, chef, plan et expertise technique, réseau autonome de Gaspé;
· 2003-2008, chef, installation Boréal, réseau autonome de Québec;
· 2008-, chef, installation Boréal et génératrice, réseau autonome de Québec.
[134] Monsieur Poulin dit qu’en 2005, les réseaux autonomes de l’Est-du-Québec et du Nord-du-Québec ont fusionné. Il dépose, sous la cote E-15, l’organigramme des directions générales des réseaux autonomes de janvier 2005, sous la cote E-16, celui des directions générales des réseaux autonomes en juillet 2006 et, sous la cote E-17, celui des installations Boréal en mars 2006. La mission des réseaux autonomes est d’assurer l’alimentation en électricité des clients non reliés au réseau principal.
[135] Comme chef des installations Boréal, monsieur Poulin était responsable de l’installation thermique et hydraulique, du transport de l’électricité, incluant une partie du Labrador, de l’exploitation et de la distribution, du service à la clientèle, de la relève des compteurs. Ces responsabilités comprenaient les projets d’investissement, entretien préventif et correctif.
[136] La plupart des villages isolés sont accessibles par bateau ou par avion. Dans certains villages du Nunavik ou de la Haute-Mauricie, l’incidence de la criminalité est très élevée. L’image de l’Employeur dans ces villages passe par ses employés. Il leur est donc demandé de démontrer de la rigueur dans le respect des coutumes locales. Comme le montre E-17, six unités relèvent de monsieur Poulin, dont les suivantes :
· Beaudry, où se trouve une centrale thermique;
· Simard, qui couvre sept villages où des centrales sont exploitées et fournissent de l’électricité aux résidents;
· Monger, où se trouve une centrale hydraulique et thermique qui fournit de l’énergie au Labrador;
· Dubé, où il y a trois centrales en Haute-Mauricie. Monsieur Poulin n’a pas d’employés sous sa responsabilité, car les centrales sont exploitées par des sous-traitants.
[137] Monsieur Tremblay est contremaître en maintenance préventive et corrective pour l’électrique et l’automatisme. Monsieur Lavoie est contremaître en maintenance préventive et corrective pour la mécanique et le civil (service à la clientèle).
[138] Monsieur Poulin dépose, sous la cote E-18, le calendrier 2005 pour le secteur Boréal n o 2. Les employés sont déployés en fonction des charges de travail. Il s’agit d’un horaire qui prévoit 15 voyages dans l’année et, dès leur embauche, ils savent qu’ils auront à effectuer ces déplacements. Ils se font par les avions de l’Employeur, par des avions nolisés, par des compagnies d’aviation ou par véhicule pour la Haute-Mauricie. Les employés logent dans des maisons de transit qui comportent des chambres à lits multiples. Ils font leur cuisine et l’entretien ménager.
[139] L’horaire E-18 est présenté au comité « Vie et loisirs », qui s’assure que les employés pourront se divertir et qu’ils sont d’accord avec l’horaire. Sur les 15 voyages inscrits à l’horaire, les employés ont l’obligation d’en effectuer 13. Ils reçoivent des primes d’hébergement et d’éloignement et ont droit à une demi-journée pour s’acheter de la nourriture. Les taxis pour se rendre à l’avion et en revenir sont payés. Dans les endroits comme Clova et la Basse-Côte-Nord, des indemnités fixées sont prévues pour les hôtels et les restaurants. Du lundi au vendredi, l’horaire de travail est de 12 heures, le samedi, 10 heures, et le dimanche, 8 heures. La rémunération en temps supplémentaire s’applique.
[140] Depuis 2003, le plaignant travaillait sous la direction de monsieur Jean-Yves Tremblay, chef de l’électrique et de l’automatisme.
[141] Le 23 novembre 2005, le plaignant, en fonction dans un village, a appelé monsieur Poulin. Il semblait en détresse et était en pleurs. Il lui disait que monsieur Tremblay n’avait pas accordé à monsieur Lafleur les vacances qu’il demandait. Monsieur Poulin a tenté de le rassurer et lui a demandé d’aller rencontrer le docteur Prud’homme la semaine suivante, à son retour. Avant novembre 2005, monsieur Tremblay avait informé monsieur Poulin que monsieur Lafleur l’avait mis devant un fait accompli : il avait déjà acheté ses billets d’avion et n’avait pas fait sa demande de vacances avant le 30 avril, comme le prescrit la convention collective.
[142] Lors de son entretien avec le plaignant, le 23 novembre, monsieur Poulin lui a dit qu’il parlerait de ce sujet à monsieur Tremblay la semaine suivante. Selon monsieur Poulin, il était essentiel que le plaignant soit vu par un spécialiste étant donné son état de détresse. Le plaignant n’avait accès à aucune ressource dans un village éloigné. Sa conversation avec le plaignant a duré une vingtaine de minutes, et, dix minutes après, monsieur Poulin a appelé monsieur Lafleur pour lui demander de surveiller le plaignant afin qu’il ne pose pas de geste regrettable. Après dix minutes d’entretien avec monsieur Lafleur, ce dernier s’est mis à pleurer également en lui disant que cela n’avait pas de bon sens ce qu’on faisait au plaignant. Monsieur Poulin a tenté de raisonner monsieur Lafleur en lui mentionnant que le plaignant verrait le docteur Prud’homme la semaine suivante. Monsieur Lafleur s’est dit rassuré et a indiqué à monsieur Poulin de ne pas s’inquiéter.
[143] Monsieur Poulin explique que des vacances peuvent être prises en dehors de la période estivale. Le 24 novembre, il a rencontré monsieur Tremblay et ce dernier ne semblait pas inquiet du fait que le travail puisse se faire, même en accordant des vacances à monsieur Lafleur.
[144] Ce même jour, il a rencontré le docteur Prud’homme pour obtenir un rendez-vous médical pour la semaine suivante pour le plaignant. Au retour du plaignant, monsieur Poulin l’a rencontré pour lui suggérer de consulter le docteur Prud’homme et son médecin traitant. À plusieurs reprises, le plaignant lui a répliqué qu’il n’était pas fou et que, chez lui, ce ne serait pas accepté qu’il fasse un « burn out ». Monsieur Poulin a dirigé le plaignant vers le PAE considérant qu’il n’acceptait pas l’état dans lequel il se trouvait.
[145] Le lendemain de sa rencontre avec le médecin, monsieur Poulin recevait un avis disant que le plaignant serait absent pour plus de trois jours. Par la suite, il a été avisé que le plaignant serait absent jusqu’en avril 2006. Il dépose, sous la cote E-19, l’avis du 29 novembre l’informant que le plaignant sera absent jusqu’au 21 avril 2006. Il dépose, sous la cote E-20, un rapport du Centre de santé aux services administratifs indiquant comme restriction temporaire que le plaignant ne pouvait pas travailler dans le Grand-Nord.
[146] Il dépose, sous la cote E-21, un rapport du Centre de santé attestant le retour au travail du plaignant. Toutefois, ce dernier ne devait pas se trouver en contact direct avec monsieur Tremblay. Comme ce dernier était en vacances pour cinq semaines et que monsieur Pierre Giroux le remplaçait, le plaignant pouvait donc reprendre le travail.
[147] En janvier 2006, le CRT s’est réuni. Le Syndicat a dit que le plaignant avait soumis une plainte de harcèlement psychologique de la part de monsieur Jean-Yves Tremblay, ce dernier le traitant d’incompétent. Monsieur Poulin dit que c’était la première fois qu’il entendait parler d’une telle situation.
[148] En février 2006, il y a eu dépôt du grief pour harcèlement. Le 26 avril suivant, monsieur Giroux a dit à monsieur Poulin que les collègues de travail du plaignant étaient inquiets des propos du plaignant, de ses pleurs et de son agressivité. Monsieur Poulin est allé voir le docteur Prud’homme pour que le plaignant soir retiré du travail, mais le médecin n’avait aucune indication médicale pour procéder de cette façon, d’autant plus que le médecin traitant du plaignant avait recommandé un retour au travail à son patient. Monsieur Poulin, alors, a retiré administrativement le plaignant de son travail avec solde, et ce, en présence du représentant syndical, monsieur Pomerleau. Selon monsieur Poulin, le plaignant mettait en péril le climat de travail de toute l’équipe; il se promenait de bureau en bureau, se plaignait et était agressif. Monsieur Poulin a souligné au docteur Prud’homme qu’il n’était pas certain que le plaignant était guéri, car, en avril 2006, il affichait le même comportement qu’en novembre 2005. Monsieur Poulin a exigé alors que le plaignant ne se présente pas sur les lieux du travail. Le plaignant lui a demandé d’avoir accès à son ordinateur dans son bureau pour préparer son dossier. Monsieur Poulin a accepté à la condition qu’il y vienne en dehors des heures de travail.
[149] Il dépose, sous la cote E-22, un document concernant les règles de gestion. Ces règles précisent qu’une plainte pour harcèlement psychologique doit être présentée par écrit. Elles indiquent aussi qu’il y a « tolérance zéro » en ce qui a trait au harcèlement psychologique. C’est de plus en vertu de la règle qui prescrit un milieu de travail sain que monsieur Poulin a retiré administrativement le plaignant.
[150] Il dépose, sous la cote E-23, le Code de conduite en vigueur en 2006. Il dépose, sous la cote E-24, le Code de conduite du personnel des directions régionales des réseaux autonomes pour prévoir certaines spécificités.
[151] Monsieur Poulin n’a pas eu connaissance du document médical du 9 mai 2006 (S-16). S’il en avait connu le contenu, il n’aurait pas procédé par retrait administratif et aurait invoqué plutôt des raisons médicales. Il est indiqué dans S-16 qu’il y a eu tentative de retour au travail, mais le contact du plaignant avec monsieur Tremblay aurait fait échouer ce retour.
[152] Il dépose, sous la cote E-25, la réponse de l’Employeur au grief de harcèlement psychologique (S-2) en troisième étape. L’Employeur maintenait sa position. Le Syndicat refusait les conclusions de l’enquêteur Pâquet du 26 avril 2006.
[153] En juillet 2006, monsieur Poulin a rencontré le plaignant à son bureau en présence du délégué social du Syndicat, monsieur Brisson. Il voulait aviser le plaignant qu’il ferait l’objet d’une demande d’évaluation médicale et lui faire connaître les motifs de cette demande, qu’il dépose sous la cote E-26. Le plaignant n’a pas voulu la signer et a eu une saute d’humeur; il est devenu agressif. Il a injurié monsieur Poulin. Il répétait « Ce n’est pas moi le problème! ». Monsieur Poulin a demandé au plaignant de quitter son bureau et est demeuré avec monsieur Brisson à qui il a précisé que, vu le comportement inacceptable du plaignant, et vu que monsieur Brisson ne pouvait pas le contrôler, il ne rencontrerait à l’avenir que les représentants syndicaux pour discuter du cas du plaignant.
[154] Le plaignant a été évalué médicalement en juillet 2006. Monsieur Poulin dépose, sous la cote E-27, le rapport du Centre de santé du 23 août 2006. Le plaignant était réintégré dans l’équipe de travail le 23 août 2006, sans restriction médicale.
[155] À la mi-août 2006, monsieur Poulin a reçu le rapport de médiation (S-18). Tout allait bien, et il n’était plus inquiet.
[156] Le 25 septembre suivant, il a rencontré le docteur Prud’homme qui l’a informé que le plaignant avait eu des comportements bizarres en présence de monsieur Yves Lefebvre. De plus, il ne respectait pas les engagements pris lors de la médiation.
[157] En janvier 2007, monsieur Poulin a assisté à la réunion du CRT. Le président du Syndicat a déclaré que le harcèlement avait repris et monsieur Poulin a répliqué que le plaignant ne respectait pas ses engagements. Le plaignant revenait sur la question du chef d’équipe. De plus, il avait refusé d’exécuter un travail que monsieur Tremblay lui avait demandé de faire. Monsieur Poulin a ajouté que le plaignant devait être traité comme les autres salariés et qu’aucun écart de ce dernier ne serait accepté.
[158] Monsieur Poulin a été surpris d’apprendre que le plaignant avait fait l’objet de menaces de mort à Obedjiwan. Il explique que, lorsqu’il est entré en fonction comme chef, il a été président du comité de santé-sécurité au travail. Ainsi, lorsque des incidents sérieux se produisaient au travail, particulièrement en matière de menaces, le comité en était saisi, ce qui n’a pas été le cas pour le plaignant. C’est lors de l’évaluation médicale de ce dernier que cette question a été soulevée. Il sait que, dans le Nunavik, le taux de violence est assez élevé. Les Autochtones ont le droit de se promener armés. De plus, de temps à autre, il faut que plusieurs chiens errants dangereux soient abattus. Obedjiwan n’est cependant pas le village où il y a le plus de violence.
[159] L’encadrement à distance du plaignant était très difficile, car il avait un problème avec ses « rendre compte ». C’est à l’aide de ces suivis que le gestionnaire à Québec peut planifier les objectifs et les priorités. Cette faiblesse a été constatée et rapportée par monsieur Tremblay.
[160] Quand monsieur Poulin a parlé avec monsieur Lafleur, le coéquipier du plaignant, afin qu’il n’arrive rien à ce dernier, monsieur Lafleur lui a dit qu’il en avait assez de faire le travail pour deux et, ainsi, couvrir le plaignant, qui était le chef d’équipe. Le chef d’équipe a à prendre des décisions et à agir presque comme un contremaître, car le gestionnaire n’est pas sur place; il est à Québec. Monsieur Poulin rappelle qu’un salarié est nommé chef d’équipe en fonction de son ancienneté et non pas en vertu de ses connaissances techniques ou de son comportement.
[161] Selon monsieur Poulin, monsieur Tremblay était rigoureux et très minutieux. Il s’assurait du respect de l’encadrement et de l’application des normes de la convention collective. Si un salarié n’avait pas droit à un avantage, il ne lui accordait pas. Si, par contre, il y avait droit et n’en avait pas fait la demande, il le lui donnait. Quand monsieur Tremblay assurait le suivi des contrats de travail, il était très détaillé. Lorsqu’il venait le rencontrer pour discuter des problèmes du plaignant relatifs à ses « rendre compte », monsieur Poulin lui indiquait comment aborder le plaignant. Selon monsieur Poulin, monsieur Tremblay était capable d’accepter les commentaires qu’il lui adressait, d’admettre ses erreurs et de s’améliorer. Monsieur Tremblay, au dire de monsieur Poulin, était un « bon garçon ».
[162] Monsieur Poulin mentionne que le plaignant était hystérique. Il disait qu’il était prêt à s’immoler par le feu. Les gens autour du plaignant lui parlaient de ses problèmes, mais il n’écoutait pas. Monsieur Giroux a dit à monsieur Poulin de sortir le plaignant du travail et de s’en occuper, car il démoralisait ses collègues. C’est alors qu’il a décidé du retrait administratif.
[163] À la suite de la démarche de médiation, monsieur Tremblay s’est dit prêt à s’améliorer, et il a respecté ses engagements pris lors de la médiation. Tel n’a pas été le cas pour le plaignant qui, par exemple, ne rédigeait pas ses rapports. Monsieur Poulin a suivi de près l’encadrement de monsieur Tremblay et ne comprenait pas que le Syndicat allègue que ce gestionnaire ne respectait pas ses engagements et donc, harcelait psychologiquement le plaignant.
[164] Monsieur Poulin a rédigé la lettre de mesure disciplinaire au sujet d’Air Labrador le 7 mai 2007 (S-24), et elle a été remise le 24 mai suivant. Les faits lui ont été rapportés verbalement par monsieur Tremblay et, par la suite, il a reçu une plainte écrite d’Air Labrador. Selon monsieur Poulin, les employés n’ont pas à se quereller avec des personnes de l’externe. S’il y a problème, ils doivent en faire part à leur gestionnaire. Les décisions relatives au poids des bagages reviennent à la compagnie d’aviation. C’était la première fois qu’une plainte était adressée contre un employé par une compagnie d’aviation depuis son entrée en fonction en 2003. Lorsque le plaignant a su qu’il y avait eu plainte, il a communiqué avec la chargée d’équipe d’Air Labrador; il a nié les allégations et a indiqué que la compagnie avait tort.
[165] Monsieur Poulin a demandé au Service de sécurité industrielle de mener une enquête. Le rapport de l’enquête administrative du 26 mars 2007 préparé par monsieur Daniel Hamel est déposé sous la cote E-28. À la suite de l’examen de ce rapport, l’Employeur a décidé d’imposer une suspension d’une semaine au plaignant. Monsieur Poulin a pris cette décision, car le plaignant a manqué gravement au Code de conduite; il désirait qu’il comprenne bien que son comportement répété, son agressivité et ses invectives à l’endroit du personnel d’Air Labrador étaient inacceptables. Cette décision disciplinaire a été prise à la suite de la recommandation du Service des ressources humaines.
[166] Monsieur Poulin dépose, en liasse sous la cote E-29, des courriels relatifs à l’incident du 26 février 2007 à Air Labrador :
· Le courriel de madame Marie-Pierre McKenzie d’Air Labrador, du lundi 26 février 2007 adressé à monsieur Marc-André Dupont, commis trafic logistique et approvisionnement, Direction régionale Est et Nord-du-Québec, qui a déjà été déposé sous la cote S-33 (précité au paragraphe 67).
· Le courriel de monsieur Dupont, de la même date, à madame Denise Bujold lui transmettant le texte de madame McKenzie.
· Le courriel de madame Bujold à monsieur Jean-Yves Tremblay, la même journée, à titre d’information sur le texte de madame McKenzie.
· Le courriel de monsieur Tremblay à monsieur Poulin du 28 février 2007 transmettant le texte de madame McKenzie.
[167] Monsieur Poulin rapporte qu’il y a eu entente avec le Syndicat pour que le plaignant présente ses excuses à Air Labrador, et que la sanction disciplinaire d’une semaine tenait compte de cet engagement du plaignant. Les excuses demandées au plaignant visaient à corriger l’image de l’Employeur avec ses sous-traitants. Ce ne fut qu’à la fin de l’année 2007, après plusieurs pressions auprès du Syndicat par monsieur Poulin, que le plaignant s’est excusé, soit plus de six mois après l’entente et l’engagement du Syndicat et du plaignant.
[168] Monsieur Poulin dépose, sous la cote E-30, une note interne du 3 octobre 2007 que lui a adressée le docteur Prud’homme, du Centre de santé. Elle se lit comme suit :
« M. Poulin,
La présente est pour vous informé que le 18 septembre 07, M. St Laurent s’est présenté à mon bureau de façon agressive pour m’invectiver d’une voix haute et de façon ironique sur le rôle du Centre de santé et surtout sur le rôle du médecin opérationnel en me demandant avec insistance quel était mon rôle à Hydro Québec.
Après lui avoir répondu que c’était de protéger la santé des travailleurs, il a monté le ton pour me répondre : " pourquoi vous ne faites pas un papier pour m’interdire d’aller à Obedjiwan " suivi de quelques insultes.
Il a dérangé tout le personnel du Centre de santé. Les gens se sont levés et rassemblés près de ma porte, inquiets pour ma sécurité.
J’aimerais que vous lui rappeliez que le Centre de santé est un endroit qui demande de la quiétude par respect pour les personnes qui viennent nous rencontrer et que comme lui nous méritons d’être traité avec un minimum de respect et de considération.
De plus, je désire que vous rappeliez à M. St Laurent qu’il est préférable qu’il prenne un rendez vous à l’avance avant de nous rencontrer. »
Monsieur Poulin ajoute que le docteur Prud’homme lui a précisé que, dorénavant, il ne verrait plus le plaignant seul. Le médecin voulait être informé à l’avance afin de se faire accompagner par une infirmière. Selon monsieur Poulin, il s’agissait encore de la part du plaignant de comportements agressifs, irrespectueux, comme dans l’affaire Air Labrador.
[169] Il dépose, sous la cote E-31, un courriel que lui a adressé madame Christiane D’Auteuil le 24 septembre 2007. Il se lit ainsi :
« Bonjour Richard,
Le 20 septembre dernier, alors que j’étais en voyage à l’extérieur du bureau, Lionel St-Laurent, un technicien de ton unité s’est présenté à nos bureaux (Ressources humaines).
Il a fait preuve d’une attitude agressante qui a perturbé les personnes présentes.
J’aimerais que vous rappeliez à l’employé que le personnel de la fonction Ressources humaines, au même titre que le personnel des autres unités, se doit d’être traité avec respect et considération.
Merci de ta collaboration
Salutations »
Monsieur Poulin dit qu’il a reçu un appel de madame Angèle Lemieux, conseillère en ressources humaines, le 20 septembre 2007. Le plaignant se disait malheureux, car il subissait le harcèlement psychologique de monsieur Tremblay. Madame Lemieux lui a suggéré d’examiner d’autres emplois chez l’Employeur vu qu’il détenait un bon nombre d’années de service. Le plaignant a demandé si en changeant de poste, il maintiendrait ses indemnités, ses primes et son temps supplémentaire. Madame Lemieux lui a répondu que les différentes primes et avantages étaient rattachés à un poste et non à une personne. Selon monsieur Poulin, l’important pour le plaignant était l’argent. Une semaine plus tard, le plaignant a appelé le supérieur de monsieur Poulin, monsieur Perron, pour lui demander s’il conserverait ses avantages s’il changeait de poste.
[170] La mesure disciplinaire de trois semaines de suspension du 9 octobre 2007 (S-27) était une sanction qui visait à corriger le comportement du plaignant et que s’il y avait récidive, une mesure plus sévère serait imposée, dit monsieur Poulin. De plus, à ce moment, le plaignant n’avait toujours pas présenté ses excuses à Air Labrador.
[171] Au sujet de la prime de direction de travail qui avait été retirée au plaignant (S-29, S-30 et S-31), monsieur Poulin indique que cette prime lui avait été accordée en 1995. Il en a été question au retour au travail du plaignant en 2006. Quand le plaignant a été retiré comme chef d’équipe, en avril 2006, il y a eu médiation. Le plaignant avait pris l’engagement de définir la formation dont il avait besoin pour reprendre son poste de chef d’équipe; il n’a pas tenu son engagement. Parallèlement, en 2006, il y a eu réorganisation au sein de l’unité, et la partie support technique devait être transférée à l’unité Plan et expertise technique. Avant ce transfert, même si des salariés n’étaient pas chefs d’équipe, ils avaient une prime, car ils effectuaient leur propre support technique, écrivaient leurs normes et leurs méthodes de travail (21.06 c) de la convention collective). Monsieur Poulin a informé le Syndicat que le plaignant bénéficierait de sa prime tant et aussi longtemps que le transfert de support technique ne serait pas effectué. La prime de chef d’équipe et celle de support technique comportaient la même somme. Les définitions apparaissent à l’article 21.06 C) 3. Monsieur Poulin précise qu’un salarié ne peut recevoir à la fois la prime de direction de travail (2.19) et celle de support technique (21.06).
[172] En avril 2006, la prime de chef d’équipe a été transformée en prime d’encadrement et de support technique. Le 12 mai 2008, à la suite du transfert, il n’y avait plus de prime d’encadrement et de support technique. Lors du transfert, une prime de chef d’équipe n’a pas été accordée au plaignant, car il n’effectuait aucun travail de cette nature.
[173] Les dispositions de la convention collective citées par monsieur Poulin se lisent ainsi :
« 21.06 C)
1. La personne salariée affectée aux fonctions d’encadrement et/ou de support technique au personnel d’exécution d’Hydro-Québec, qui a atteint le maximum du niveau " B ", reçoit une prime équivalente à un échelon du niveau " B ". Est exclue la personne salariée œuvrant dans les activités majoritairement opérationnelles, y compris les personnes salariées œuvrant aux CER, CED, CER-CED, CCR et CCT.
2. La personne salariée qui reçoit cette prime ne peut se voir appliquer concurremment les primes prévues au paragraphe 21.06.
3. Aux fins du présent paragraphe, les termes suivants sont définis comme suit :
Encadrements
Participation et/ou élaboration d’encadrements tels que politiques, directives, normes, méthodes reliées à sa spécialité.
Support technique
Le support technique consiste à assister le personnel dans :
- l’application des encadrements de la fonction;
- la réalisation de leurs activités opérationnelles par des conseils, recherches, études, essais et services experts. »
L’article 21.06 B) traite du montant de la prime de direction de travail.
« 2.19 Direction de travail
Activité d’une personne salariée appelée à exercer une direction régulière de travail de une (1) ou de plusieurs personnes et qui, en plus de son travail régulier, accomplit les tâches suivantes :
- organise, dirige le travail que doit accomplir le groupe;
- détermine les méthodes à suivre pour les travaux;
- inspecte, enregistre le travail du groupe. »
[174] En réalité, la prime en mai 2008, c’est celle d’encadrement et support technique qui a été retirée au plaignant à la suite du transfert à l’unité Plan et expertise technique.
[175] En contre-interrogatoire, monsieur Poulin précise que, lorsque le plaignant l’a appelé en pleurs en novembre 2005, il n’a nullement parlé que monsieur Tremblay le traitait d’incompétent. Le fait que le plaignant pleure à cause du refus des vacances d’un autre salarié a laissé croire à monsieur Poulin que le plaignant était en détresse et qu’il devait intervenir. Lorsqu’il a parlé à monsieur Lafleur par la suite, ce dernier ne lui a pas parlé de ses vacances ni mentionné que monsieur Tremblay harcelait le plaignant.
[176] C’est monsieur Giroux, remplaçant de monsieur Tremblay parti en vacances, qui a dit à monsieur Poulin que le plaignant voulait s’immoler dans les bureaux de Québec. C’était en avril 2006.
[177] Lorsque monsieur Poulin a fait mention d’une évaluation médicale au plaignant, ce dernier a rétorqué : « C’est pas vrai calice que je suis malade ». Son ton montait et il a insulté monsieur Poulin en jurant.
[178] Monsieur Tremblay faisait part chaque fois à monsieur Poulin des reproches qu’il adressait au plaignant concernant son travail. Monsieur Tremblay est un excellent gestionnaire, répète monsieur Poulin.
[179] Pour ce qui est de la mesure disciplinaire d’octobre 2007 (trois semaines de suspension, S-27), monsieur Poulin avait la version du docteur Prud’homme et de l’infirmière, entre autres. Les comportements décrits correspondaient à ce qui avait été déjà reproché auparavant. Alors, monsieur Poulin n’est pas allé chercher la version du plaignant pour les événements reprochés dans la mesure disciplinaire S-27. Toutefois, dit-il, il a informé le Syndicat de la situation le plus rapidement possible.
[180] Monsieur Poulin précise que, lorsque le plaignant est revenu en avril 2006, il y a eu entente avec le Syndicat qu’il garderait sa prime même s’il n’agissait plus à titre de chef d’équipe jusqu’à ce qu’il remplisse ses engagements relatifs à la formation, c’est-à-dire identifier ses points faibles qui nécessiteraient une formation. Il était entendu que les aptitudes du plaignant comme chef d’équipe seraient réévaluées après sa formation.
[181] Trois salariés recevaient la prime d’encadrement et support technique à l’unité Boréal. À compter du 12 mai 2008, lors du transfert, elle ne leur a plus été payée.
[182] Monsieur Poulin convient que, entre août 2006 (retour du plaignant) et mai 2008 (cessation du paiement d’une prime), il aurait été utile que l’Employeur précise qu’en août le plaignant n’avait plus sa prime de chef d’équipe, mais qu’il avait droit à sa prime d’encadrement et support technique. Il aurait été aussi utile que l’Employeur précise, en mai 2008, que c’est la prime de support technique qui n’était plus payée plutôt que celle de chef d’équipe. Ainsi, dans la lettre S-31, monsieur Poulin dit qu’il y a eu erreur technique. Ce n’est pas la prime de chef d’équipe qui était retirée, mais celle de support technique.
[183] Monsieur Joël Féry est retraité depuis le 21 juin 2000. Il a travaillé chez l’Employeur à compter de 1973. Il a été estimateur et technicien en automatisme. Entre 1984 et sa retraite, il a été affecté aux réseaux autonomes comme technicien en automatisme. Il renvoie à la déclaration du 14 mars 2006 qu’il a faite à M e Pâquet, enquêteur. Elle est contenue dans une des annexes (E-12, onglet 6) du rapport d’enquête d’avril 2006 de ce dernier à la suite de la plainte du plaignant à l’encontre de monsieur Jean-Yves Tremblay. Monsieur Féry a travaillé avec le plaignant de 1992 à 1998. Il reprend essentiellement dans son témoignage le contenu de sa déclaration, entre autres, les extraits suivants :
« De Lionel St-Laurent, il affirme qu’il est une bonne personne. »
« Sur le plan technique, cependant, c’est proche d’un " gros zéro ". »
« Lionel St-Laurent faisait des petits projets techniques seulement. »
« Si on lui donne quelque chose à faire, il va le faire, mais il faut l’encadrer, le suivre et, souvent, passer en arrière de lui. »
« Jean-Yves Tremblay est par contre un gars qui pousse. »
« Cela se comprend, notamment en raison des coûts élevés des déplacements qu’on doit faire dans le Nord et des échéanciers que nous avons à respecter. »
« Lionel St-Laurent m’a souvent mis dans le trouble. »
« Ça lui est arrivé de briser des équipements. »
« À titre d’exemple, à Fort Chimo, alors qu’il devait ajuster un 2301 (gouverneur des moteurs), il me l’a fait sauter. »
« À titre de chef d’équipe, je lui donnais des petites jobs. »
« Je l’ai couvert plusieurs fois. »
« Je ne suis pas un très bon professeur mais il faut reconnaître que lui, il ne l’avait pas. »
« Joël Féry reconnaît de plus qu’entre 1996 et 1998, il a insisté auprès de Jean-Yves Tremblay pour avoir des gars qui étaient plus forts techniquement pour travailler avec lui, notamment au Lac Robertson. »
« À cette époque, il fallait rouler, on avait des " dead lines " et il n’avait donc pas de temps à perdre avec Lionel St-Laurent. »
« Joël Féry reconnaît qu’il est tout à fait plausible que les autres techniciens n’aient pas voulu travailler avec Lionel St-Laurent en 1998 parce qu’ils étaient toujours obligés de le couvrir parce qu’il manquait d’initiative. »
« Il n’aurait pas dû cependant être chef d’équipe. »
« Trop de pression pour lui. »
« Je n’ai pas de souvenir d’incident particulier au regard des relations entre Jean-Yves Tremblay et Lionel St-Laurent. »
« L’un est techniquement pas très fort, alors que l’autre, à titre de gestionnaire et responsable des budgets et des échéanciers à respecter, souhaite que ça marche. »
« Forcément, Jean-Yves Tremblay a souvent dû être irrité. »
« Au sujet de la crise du verglas en 1998, il fallait travailler sous pression. »
« Il y avait toutes sortes de travaux très particuliers avec des équipements qui venaient de partout. »
« Ce n’était pas la place de Lionel St-Laurent. »
« Il l’avait pas et je pense qu’il ne l’aura jamais. »
« À mon avis, la meilleure chose qui pourrait arriver, c’est que Lionel St-Laurent change de département à l’intérieur des réseaux autonomes, et qu’il travaille peut-être du côté de l’exploitation. »
« Joël Féry dit par ailleurs que si on devait remplacer Jean-Yves Tremblay, ce serait la même chose. Le nouveau gestionnaire serait pris avec le même problème. »
« Quant au travail dans les villages autochtones, Joël Féry affirme qu’il arrive souvent que ceux-ci viennent " écoreurer " ».
« On vit avec ça, il faut être capable de " dealer » avec ça. »
« Ça prend du caractère ou de la personnalité pour faire ce genre de job. Tu l’a ou tu l’as pas. »
« Lionel, il l’a pas. »
[184] Monsieur Féry soutient qu’il n’a jamais agressé physiquement le plaignant. Il l’a déjà pris par le bras pour l’amener dans une cabine où il y avait moins de bruit. Il explique qu’à l’endroit où ils se trouvaient quatre moteurs fonctionnaient et, avec leurs bouchons dans les oreilles, il était difficile de s’entendre. Selon monsieur Féry, il s’agissait d’un geste anodin, et c’est plus tard qu’il a appris que le plaignant s’était senti agressé physiquement.
[185] Selon lui, même s’il y avait eu changement de supérieur immédiat (remplacement de monsieur Tremblay), le problème avec le plaignant serait demeuré le même.
[186] En contre-interrogatoire, monsieur Féry mentionne qu’après deux ans et plusieurs erreurs, il a perdu confiance au regard de la qualité du travail du plaignant.
[187] Monsieur Yves Lefebvre a pris sa retraite en janvier 2008. Il a commencé à travailler pour l’Employeur en 1972. En 1981, il était aux réseaux autonomes comme technicien d’entretien. Il a rencontré M e Pâquet lors de l’enquête de ce dernier. Son témoignage reprend essentiellement ce que l’enquêteur a résumé de sa déclaration. Elle est contenue à l’annexe 7 du rapport d’enquête (E-12). En voici quelques extraits :
« Il dit avoir travaillé occasionnellement avec Lionel St-Laurent.
Il dit de ce dernier qu’il a la tête dure et quand il part sur quelque chose, il n’est pas facile à arrêter.
À titre d’exemple, il relate un incident où alors qu’il était à l’aéroport, en 2005, avec Lionel St-Laurent, il n’y avait, semble-t-il, pas de place pour tous les bagages.
Cette situation arrive régulièrement lors de nos déplacements.
Cette fois-là, cependant, Lionel St-Laurent n’avait pas arrêté de chialer et j’avais décidé de le laisser chialer tout seul.
Je ne peux pas dire que ça me tentait de voyager beaucoup avec lui.
C’est aussi le lot de la majorité d’entre nous.
En d’autres termes, je n’ai pas d’atomes crochus avec lui.
Par ailleurs, on ne peut pas dire qu’il est super compétent.
Il fait ses journées mais a besoin d’être plus souvent qu’autrement encadré.
Pour ces raisons, à mon avis, il n’y a pas grand monde d’intéressé de voyager avec.
De fait, il a toujours plus de misère que les autres à faire le travail.
Quant à Jean-Yves Tremblay, c’est un bon patron.
[…]
Malgré l’accès à toute la formation, aux programmes de développement, Lionel ne se développe pas au même rythme que les autres.
C’est beaucoup plus lent.
Jean-Yves Tremblay est franc et direct.
Il dit ce qu’il pense.
Quand quelque chose va mal, il le dit.
J’ai le sentiment qu’à toutes les fois où il dit à Lionel St-Laurent que quelque chose n’est pas correct, celui-ci conclut immédiatement à de l’incompétence.
Cependant, à mon avis, quand quelque chose ne va pas, il faut que ce soit dit et ce n’est pas nécessairement pour traiter l’autre d’incompétent.
Lionel St-Laurent traduit à mon avis les remarques de Jean-Yves Tremblay comme étant de se faire traiter d’incompétent. »
[188] Monsieur Lefebvre a voyagé plus régulièrement avec le plaignant en 2007 et 2008. Il dit qu’en 2007, il devait constamment vérifier le travail du plaignant, car il avait perdu confiance en ce dernier. Le plaignant travaillait mal sous pression et il prenait trop de temps pour exécuter ses tâches. Selon lui, si le plaignant avait travaillé pour une entreprise privée avec un supérieur comme monsieur Tremblay, il n’aurait pas été maintenu dans son emploi. Monsieur Lefebvre dit que, en 2006, le plaignant ne semblait pas aller très bien. Pour préserver sa santé, il aurait dû changer de poste.
[189] Il dépose, sous la cote E-32, la déclaration qu’il a faite le 8 mars 2007 au sujet des bagages en trop du plaignant, ce qui avait donné lieu à une altercation entre le plaignant et les employés de la compagnie d’aviation. Elle est transcrite intégralement dans la pièce E-28 (rapport de Daniel Hamel) :
« Je suis technicien entretien pour Hydro-Québec et j’ai souvent à me rendre sur la basse Côte-Nord soit à tous les mois. Depuis l’automne 2006 j’ai effectué quelques voyages avec Lionel St-Laurent. À chaque fois que les dirigeants de la cie d’aviation nous donnent les restrictions concernant les surplus de bagages, Lionel se choque et argumente car il n’accepte pas la contrainte. Je lui ai expliqué souvent que ce n’est pas plus grave que ca car le bagage arrivera le lendemain. […] Je n’ai pas entendu de propos haineux de sa part. C’est par contre un gars imposant et il peut impressionner bien du monde. Moi-même au début je n’osais discuter avec lui. Rendu à Blanc-Sablon, j’ai eu connaissance, quelques jours plus tard qu’il a appelé une dame qui semblait être la dame de Air Labrador. Lionel m’avait parlé d’un courriel qui l’informait que la dame avait porté plainte. Pour ma part je sais qu’il va arriver un incident avec Lionel si on lui parle des bagages. Dans les années 2000 et 2002, j’avais fait 2 voyages avec Lionel et il était arrivé la même chose. »
[190] Monsieur Miguel Simard travaille chez l’Employeur depuis 1984. Il est chef d’exploitation pour la Baie d’Hudson aux installations Boréal des réseaux autonomes depuis 2003. Il reprend, dans son témoignage, l’essentiel de sa déclaration faite à M e Pâquet par téléphone le 24 mars 2006. Cette déclaration fait partie des annexes au rapport d’enquête (E-12, onglet 9). En voici un large extrait :
« Il connaît bien Lionel St-Laurent et Jean-Yves Tremblay.
Il dit de Lionel St-Laurent que ce dernier ne travaille pas toujours sécuritairement.
Il est même dangereux.
Il en a fait part à Jean-Yves Tremblay à de nombreuses reprises.
Il lui a même demandé il y a 1 ½ an à ce que Lionel St-Laurent soit changé d’équipe.
Il dit de plus en avoir fait part et discuté avec Lionel St-Laurent de la même façon.
Il dit de ce dernier que depuis trois (3) ans, il lui apparaît manifestement pas heureux.
Au surplus, la nouvelle technologie semble le dépasser.
Il affirme par ailleurs que depuis que Lionel St-Laurent a été désigné chef d’équipe, c’est la risée.
Tout le monde sait dans les faits que c’est son équipier Germain Lafleur qui assume les responsabilités de chef d’équipe.
Il dit de plus de Lionel St-Laurent qu’à chaque fois qu’on lui explique qu’un travail n’est pas fait ou que le travail a été fait de façon incorrecte, ce dernier conclut à de l’incompétence.
Miguel Simard affirme qu’il faut dire les choses quand ça ne va pas et plus particulièrement, expliquer que le travail n’a pas été fait correctement.
Mais de là à conclure à se faire traiter d’incompétent, comme le fait Lionel St-Laurent, il y a une marge.
Il dit de plus à chaque fois qu’on veut le corriger, y prend ça " personnel ".
Miguel Simard est d’avis que Lionel St-Laurent est l’artisan de son propre malheur.
Il lui apparaît en effet normal que Jean-Yves Tremblay, comme gestionnaire, puisse lui faire part de ses constats et des constats de ses équipiers.
Lionel St-Laurent se met beaucoup de pression à vouloir rester chef d’équipe.
Il n’accepte pas qu’il ne soit pas à sa place dans ce travail.
Ça le détruit. »
[191] Plusieurs fois le plaignant a travaillé sur plusieurs installations en même temps, ce qui, selon monsieur Simard, n’est pas sécuritaire.
[192] Lorsque le plaignant a travaillé en équipe avec monsieur Germain Lafleur, il était chef d’équipe. Toutefois, à toutes fins utiles, c’était monsieur Lafleur le leader; le plaignant ne semblait pas connaître les nouvelles technologies. Les exploitants demandaient alors à monsieur Lafleur de faire le travail. C’était ce dernier qui assumait la responsabilité et le leadership dans l’exécution des travaux.
[193] Selon monsieur Simard, le plaignant était malheureux. Toutefois, il devait se produire un redressement quelconque, car il devenait dangereux pour lui-même, pour ses coéquipiers et pour les équipements. Le plaignant avait besoin d’aide et monsieur Simard lui a suggéré de prendre des vacances ou un congé de maladie, ou, même, de changer de poste.
[194] Madame Angèle Lemieux est conseillère en ressources humaines et intervenante en matière de plaintes de harcèlement psychologique. Elle est chez l’Employeur depuis 26 ans. Elle a obtenu des certificats en relations industrielles et en psychologie. Elle est conseillère en ressources humaines depuis 17 ans. Elle n’est pas intervenue dans la plainte de harcèlement psychologique soumise par le plaignant, car il ne travaillait pas dans son territoire. Madame Christiane D’Auteuil, chef des ressources humaines, unité RH Distribution Montmorency-Est et Nord-du-Québec, est sa supérieure immédiate et madame Andrée Bossé est une de ses collègue de travail.
[195] Elle dépose, sous la cote E-33, un compte-rendu d’une rencontre qu’elle a eue avec le plaignant à la fin de septembre 2007. Il se lit ainsi :
« Lionel St-Laurent est arrivé à l’unité Ressources humaines en colère et voulait discuter du harcèlement que lui fait vivre son gestionnaires.
Je l’ai rencontré dans un bureau fermé et je l’ai écouté me parler de sa situation que voici :
Il me parle de son historique avec Jean-Yves qui a toujours été problématique et il me fait part de la situation qu’il a vécu à Obedjiwan il y a dix ans. Depuis ce temps, il est resté craintif à vouloir aller travailler à cet endroit. Selon lui, c’est un endroit non sécuritaire pour les travailleurs et Jean-Yves le force à y aller. Il lui aurait dit une fois que s’il retire son grief, il n’aurait plus à y aller. Selon Lionel, c’est un droit de gestion abusif.
Je lui demande pourquoi il tient à rester aux réseaux autonomes connaissant le contexte et sa relation problématique avec Jean-Yves. Je l’informe qu’il y a des postes de techniciens vacants en ce moment du côté du CED à Québec. Il me demande si ses conditions de travail seront conservées. Je lui répond que non puisqu’il n’est pas un employé excédentaire et que le changement de poste serait fait à sa demande.
Je lui demande, qu’elles sont les autres solutions possibles qu’il voit.
Il répond que s’il est assigné du côté de La Romaine, Lac Robertson il en serait bien content.
Je lui demande ce qu’il s’attend de moi :
Il me répond : « que quelqu’un arrête Jean-Yves Tremblay parce qu’il m’harcèle ».
Je lui demande quels sont les faits reprochés
Réponse : Jean-Yves le traite d’incompétent. Il ne le dit pas dans ces mots, c’est plus subtile. Par exemple, il refuse de lui donner le poste de chef.
Lionel m’informe également qu’il est allé voir son médecin mercredi passé. Il va lui émettre une restriction médicale pour Obedjiwan qu’il a remis au centre de santé et à Richard Poulin.
Je lui dit que c’est positif pour lui. Qu’il doit attendre les développements dans son dossier.
Il est sorti en maudit en me disant que HQ allait contacter son médecin traitant pour le convaincre de retirer cette restriction… »
Madame Lemieux reprend, dans son témoignage, le contenu de E-33. Elle dit que cette rencontre avec le plaignant a duré environ 30 minutes, à l’issue de laquelle elle a appelé sa collègue, madame Bossé, car cette dernière est assignée au territoire dans lequel travaillait le plaignant.
[196] En contre-interrogatoire, madame Lemieux précise que le plaignant parlait très fort, sur un ton agressif. Selon elle, il fallait le laisser parler, car son comportement était à craindre. Sa formation a fait en sorte qu’elle a pu désamorcer la situation belliqueuse. Elle ajoute qu’elle et ses collègues de travail n’ont pas apprécié cette manifestation de colère et d’agressivité. C’était tout à fait inhabituel.
[197] Madame Christiane D’Auteuil est chef des ressources humaines. Elle travaille chez l’Employeur depuis 1986. Elle a occupé d’abord un poste de conseillère en ressources humaines et, en 1990, elle a été chef de division commerciale. En 2001, elle est retournée comme conseillère en ressources humaines et, depuis 2005, elle occupe le poste de chef des ressources humaines. En 2007, elle dirigeait une équipe de préposés et de conseillers en ressources humaines qui travaillent à Québec, Chicoutimi, Gaspé et Rimouski. Cette équipe était composée de 25 employés, dont 12 à 15 travaillent au bureau de Québec. Elle indique que madame Bossé est sous direction et travaille à Gaspé. Monsieur Poulin est un gestionnaire qui travaille dans le territoire dont s’occupait madame Bossé.
[198] Elle relate que, le lundi 24 septembre 2007, lorsqu’elle est entrée au travail, deux préposées lui ont fait part que ce qui s’était produit le jeudi précédent, 20 septembre, n’avait pas été très agréable. Elles lui ont raconté que le plaignant était entré au bureau en colère et parlait fort. Elles estimaient que cette situation était vraiment perturbante pour elles. Madame Lemieux avait rencontré le plaignant. Comme madame D’Auteuil ne voulait pas que cette situation se reproduise, elle a envoyé un courriel à monsieur Poulin avec copie à madame Bossé (E-31, précité au paragraphe 169) afin que ces deux personnes assurent le suivi de cette affaire. Cela a été fait par la lettre de suspension de monsieur Poulin au plaignant (S-27). Madame D’Auteuil dit que, depuis qu’elle est chef des ressources humaines, soit 2005, c’était la seule fois qu’une telle situation se produisait.
[199] Monsieur Henri Prud’homme est médecin depuis 1977. Il témoigne à titre d’expert et, aussi, comme témoin des faits. Sous la cote E-34, il dépose son CV mis à jour en septembre 2010. En 1983, il a commencé à travailler en santé publique dans le domaine de la santé au travail. En 1994, il a ajouté à ce domaine celui de la santé environnementale et les mesures d’urgence. En 1998, il est devenu consultant chez l’Employeur. Il est médecin consultant aussi à Donnacona en santé au travail depuis un an. Au Centre de santé chez l’Employeur, le docteur Prud’homme avait comme fonction d’évaluer la capacité des employés à retourner travailler après une absence pour maladie, d’évaluer les milieux de travail et les facteurs de risque, et de formuler des recommandations.
[200] Il dépose, sous la cote E-35, un document intitulé Gestion médicale des invalidités , mis à jour le 11 septembre 2008. La gestion des dossiers médicaux se fait à Montréal. Une fois que le salarié revient au travail après un congé de maladie, les notes d’évolution au dossier du patient sont transmises à Montréal.
[201] Il dépose, sous la cote E-36, l’organigramme de la Direction Santé et sécurité/Services médicaux. La docteure Danièle Dupont est responsable des services médicaux opérationnels du territoire Nord-Est et Baie-James. Le docteur Prud’homme travaille avec cette dernière pour toutes les questions de limitations fonctionnelles ou de restrictions. Deux médecins doivent signer toute limitation ou restriction.
[202] Il dépose, sous la cote E-37, le dossier médical du plaignant (193 pages) chez l’Employeur. Lorsque le médecin rencontre une personne salariée, ou lui parle, une note est inscrite au dossier. Il peut arriver qu’il soit demandé à ce médecin de rencontrer un salarié pendant son absence pour maladie afin de déterminer, par exemple, s’il y a lieu de le diriger en expertise. Le docteur Prud’homme commente chacune de ses notes inscrites au dossier du plaignant. Madame Hélène Robitaille est infirmière et travaille au service opérationnel. Le 25 novembre 2005, à la suite d’un appel du plaignant, elle l’a dirigé vers le docteur Prud’homme, et ce dernier l’a vu le 28 novembre suivant. Le plaignant disait que son patron le traitait d’incompétent. Il avait fait appel au PAE. Le docteur Prud’homme souligne qu’il n’a pas de lien avec le PAE; il peut conseiller à une personne salariée de communiquer avec les responsables de ce programme, mais c’est la personne elle-même qui fait les démarches. Le plaignant se disait victime de harcèlement psychologique.
[203] Le docteur Prud’homme donne ses impressions au sujet du plaignant :
« Doit régler la question du harcèlement psycholo;
Doit consulter le PAE;
Doit avoir son médecin traitant;
Doit voir monsieur Poulin, supérieur de monsieur Tremblay. »
[204] Il a suggéré que le plaignant soit assigné à Québec, le temps de résoudre le problème et, pour appuyer cette restriction, il a indiqué à monsieur Poulin, le 28 novembre 2005, qu’il fallait un certificat médical. Le 30 novembre, le docteur Lachance, qui n’est pas le médecin traitant du plaignant, a signé une ordonnance qui indiquait : « Pas de travail dans le Nord du Québec, raisons médicales. Durée : réévaluation par médecin de famille ». Le 1 er décembre suivant, le docteur Prud’homme maintenait la restriction jusqu’au 3 janvier 2006. L’équipe de Montréal prenait en charge le dossier le 14 décembre 2005.
[205] Le 11 décembre, le docteur Paradis a émis un certificat médical diagnostiquant un trouble de l’adaptation avec humeur anxio-dépressive. Le docteur Paradis a fait signer une autorisation du plaignant pour que son dossier médical soit envoyé aux médecins de l’Employeur.
[206] Le Centre de gestion des invalidités de Montréal a informé le gestionnaire du plaignant, le 20 décembre 2005, que le plaignant sera absent pour une durée indéterminée et qu’il fallait normalement prévoir une absence de deux mois pour ce type de pathologie.
[207] Le 21 décembre, le docteur Vézina, médecin traitant du plaignant, a rédigé un certificat médical diagnostiquant « un état anxio-dépressif situationnel et trouble d’adaptation ». Il a déclaré le plaignant inapte au travail pour une durée indéterminée et a indiqué comme raisons pour prolonger l’invalidité : « inhibiteur au travail, harcèlement au travail ». Il a prescrit du repos et des antidépresseurs. Le docteur Vézina a vu le plaignant le 13 décembre 2005 et le certificat a été reçu par le Centre de santé de l’Employeur le 10 janvier suivant.
[208] Le docteur Vézina a fourni un autre certificat médical signé le 10 janvier 2006. Le diagnostic est toujours le même : « état dépressif situationnel avec humeur anxieuse ». Il a mis un point d’interrogation sous la rubrique « Retour au travail » et a indiqué comme raisons du prolongement de l’invalidité : « inhibiteur au travail, anxiété, harcèlement au travail » et « pas d’amélioration ». Il a prescrit des antidépresseurs et de la psychothérapie. Ce certificat a été reçu le 24 janvier suivant.
[209] Le 1 er février, le docteur Vézina a rempli un certificat médical dans lequel le diagnostic est maintenu, mais il a ajouté « diabète ». Sous la rubrique « Retour au travail », le médecin a coché « inapte à tout travail et a mis un point d’interrogation pour la date de retour au travail. Les raisons du prolongement de l’invalidité sont les mêmes; les ordonnances le sont également. Il a ajouté un médicament pour le diabète. Ce certificat a été reçu le 7 février.
[210] Le 14 février, le docteur Vézina a produit un certificat médical. Le diagnostic est un peu différent; il a indiqué une dépression légère circonstancielle et a mis un point d’interrogation à la date de retour au travail régulier. Les raisons du prolongement sont toujours « inhibiteur au travail, pas d’amélioration » et les ordonnances et les traitements sont les mêmes. Le médecin a indiqué que la limite fonctionnelle empêchant le plaignant de faire son travail était son humeur dépressive. Ce certificat a été reçu le 20 février 2006.
[211] Le 24 février, madame Édith Verville, infirmière au Centre de gestion des invalidités, a appelé le plaignant. Ce dernier lui a dit que son état s’était amélioré, qu’il voyait son médecin le 28 février et qu’il ne pensait pas reprendre son travail tant qu’il aura le même gestionnaire. Il a dit qu’il était prêt à ce que l’enquêteur communique avec lui au sujet de sa plainte de harcèlement psychologique, car il était impatient de lui donner sa version.
[212] Le 20 mars 2006, docteure Suzanne St-Martin, du Centre de gestion des invalidités, a écrit ce qui suit dans les notes d’évolution :
« M. fut rencontré par le psychologue industriel et en date du 16-03-2006, celui-ci devait rencontrer 2 autres personne de l’unité avant de produire son rapport.
Le 24-02-2006, M. faisait part à la c.s. qu’il était amélioré, qu’il revoyait son md le 28-02-2006 et ne pensait retourner au travail tant qu’il aurait le même gestionnaire.
Un c.m. fut exigé suite à sa visite du 28-02-2006 mais aucun au dossier à ce jour.
Conduite : - relance à faire à M. pour le c.m. et demande de précision quant au tx en cours et psychothérapie (début ? fréquence?),
- expertise médicale selon évolution de la condition de M. »
[213] Le 21 mars 2006, l’infirmière Verville a écrit ce qui suit dans les notes d’évolution :
« Appel à M. St-Laurent, il m’informe qu’il a vu son mdt ce matin et n’a pas encore le c.m. de la visite méd du 28/02/2006.
Le mdt lui a répondu qu’il remplissait ces papiers chez lui par temps perdu.
Il relancera le mdt ce vendredi afin d’être certain qu’il l’a posté.
Il continue Effexor 225 mgs die.
Il a refusé médication pour dormir, avait peur de s’habituer… il réussi à bien dormir présentement.
Il dit que son mdt refuse de le retourner au travail tant que le conflit avec gest n’est pas régler, il ajouter son md dit : " que si je retourne, je tomberai dans le même pattern ".
Il a vu psycho du PAE à 4 reprises au début de l’absence et a poursuivi avec yé (employé) d’HQ relié au syndicat qui fait de l’écoute vs rel d’aide, il dit ça m’a bcp aidé… il l’appelle au besoin.
Il doit revoir mdt dans 3 semaines environ.
Il dit avoir été très stressé du fait de raconter tte son histoire à l’enquêteur (plainte de harcèlement), l’enquêteur lui a dit qu’il aurait des nouvelles dans environ un mois…
Dossier à remettre à Dr St-Martin…
Gest informé. »
[214] Le lendemain, docteure St-Martin a écrit ceci :
« Dossier révisé dont note de la c.s. du 21-03-2006 qui fait état que M. a revu son md le 28-02-2006 et le 21-03-2006 et qu’un c.m. doit suivre.
Selon les dires de M. à la c.s., son md refuserait de le retourner au travail tant que le conflit avec le gestionnaire ne sera réglé.
Impression : l’ITT de M. ne devrait se poursuivre que si sa condition médicale n’est pas résolue et non en fonction de la résolution du conflit. M. pourrait être assigné à un autre poste de travail ne relevant pas du gestionnaire qu’il accuse d’harcèlement ou la gestion pourrait décider de garder M. en absence avec permission le temps de l’enquête.
Conduite : - attendons la réception du c.m. jusqu’au 27-03-2006; md à contacter le 27-03-2006 si c.m. non reçu.
- à suivre. »
« I.T.T. » signifie « invalidité totale transitoire ».
[215] Le 24 mars, dans son rapport médical, le docteur Vézina a diagnostiqué une dépression légère à modérée à cause du harcèlement au travail. Il a noté une diminution de la motivation au travail chez le plaignant et a maintenu l’arrêt de travail en indiquant que le litige était étudié par un arbitre. Pour ce qui est de l’inhibition au travail, le médecin a noté une légère amélioration, mais cela dépendait, a-t-il écrit, du suivi du traitement en psychothérapie. Il a prescrit un antidépresseur. À la question relative aux limitations fonctionnelles, le docteur Vézina a indiqué que le plaignant n’avait pas de motivation pour le travail et qu’il avait une humeur anxio-dépressive. Ce certificat médical a été reçu le 5 avril 2006.
[216] Le 10 avril 2006, docteure St-Martin écrivait ce qui suit dans les notes d’évolution :
« Réception d’un c.m. daté du 24-03-2006 du Dr. Vézina qui fait état que M. présente une dépression légère à modérée secondaire à harcèlement au travail, que l’arrêt de travail se poursuit pour durée indéterminée actuellement en précisant que le litige est étudié par un arbitre.
Les limitations fonctionnelles seraient l’absence de motivation au travail et l’humeur anxio-dépressive. Il est aussi indiqué légère amélioration de l’état dépressif sous traitement.
Conduite : appel au Dr. Vézina ( n o de tél. ) qui nous que M. n’était vraiment pas bien lorsqu’il l’a rencontré à l’automne, qu’il était très affecté par le conflit au travail soit l’harcèlement de la part de son patron, qu’il ne dormait plus et ne mangeait plus.
Dit qu’il l’a revu le 3-04-2006 et qu’il semble aller mieux et pense débuter la diminution progressive de sa médication éventuellement.
Faisons part du commentaire de M. à la c.s. le 21-03-2006 à l’effet que son md refusait de le retourner au travail tant que le conflit avec son gestionnaire ne serait pas régler.
Dr. Vézina nous dit que ce qu’il a voulu dire est qu’il ne le retournera pas au travail tant que sa condition ne sera pas suffisamment améliorée.
Convient avec nous qu’il faut parler d’allégations d’harcèlement de la part de M. à l’égard de son gestionnaire et non d’harcèlement au travail, car ni l’un ou l’autre avons été sur place pour juger de la situation, laquelle nécessite une enquête afin de confirmer ou infirmer les dires de M.
Convient également que l’ITT engendrée par une allégation d’harcèlement au travail ne peut dépendre de la résolution du conflit mais bien de la résolution de la condition de la personne et qu’une fois la condition consolidée il revient à la gestion de trouver une solution administrative si l’enquête n’est pas terminée. (relocalisation ou absence avec permission et non maladie)
Dr. Vézina nous dit qu’il va revoir M. la semaine prochaine le 18 ou le 19 avril et verra à évaluer si sa condition lui permet de reprendre le travail même si l’enquête n’est pas terminée sachant l’option d’émettre une restriction médicale d’ici la fin de l’enquête.
Conduite : - suivi à faire la semaine prochaine auprès de M. suite à sa visite avec le Dr. Vézina et vérifier si une date de rat fut discutée;
- c.c. requis à la fin avril si pas de date prévisible de rat,
- à suivre. »
[217] Le 20 avril 2006, l’infirmière Verville écrivait ce qui suit :
« Retour d’appel de M St-Laurent, il se dit très fâché de la difficulté à nous rejoindre.
Je l’informe que j’ai communiqué avec lui à 3 reprises ce matin, il ne répond pas et j’insiste pour lui dire qu’une grande partie de mon travail est au téléphone, appel aux et des gest et appels aux et des yée absents et de RAT + communication avec CSO et md.
Il s’excuse d’avoir été aussi brusque.
Il a revu mdt et me confirme le RAT pour le 24/04/2006 à plein temps.
Il a posté c.m. (non reçu).
Il ne voit pas pourquoi il verrait Dr Prud’homme il dit il ne peut rien faire pour moi.
Il se dit des plus frustrés du non résultat suite à la plainte de harcèlement qu’il a faite.
Il a rencontré l’enquêteur le 8 mars et devait avoir le résultat un mois + tard et il n’a pas eu le résultat et dit le gest contre qui il a porté plainte est tjrs là.
Il se dit très pénalisé, aurait perdu son titre de chef d’équipe, il a appris cela du syndicat.
Je le sens très anxieux, très agressif.
Je lui demande s’il a eu la chance d’exprimer ses frustrations avec le psychologue : il me répond : " lorsqu’il me demandait si j’avais des idées suicidaires, je lui ai dit que c’était plutôt des idées homicidaires que j’avais ".
Il accepte finalement le RV au CSO avec Dr Prud’homme.
Le RV est prévu pour le 24/04/2006 à 9.00 hre avec Dr Prud’homme.
gest informé. »
« RAT » signifie « retour au travail » et « CSO » signifie « Centre de santé opérationnel », soit celui de Québec.
[218] Le même jour, madame Verville ajoutait :
« Appel à Dr St-Martin, je l’informe de mon appel à M et du RAT de l’yé.
Je lui mentionne ses propos re (idées homicidaires).
Elle me demande d’en faire part à Dr Prud’homme afin d’évaluer son degré de dangerosité présentement.
Elle considère que l’yé devrait travailler dans un autre contexte (i.e. non en contact avec son celui qu’il considère son " harceleur ") tant que le rapport de la plainte de harcèlement ne soit émis.
Je l’informe que je suis en attente d’un retour d’appel de M Poulin. »
[219] Toujours le 20 avril 2006, madame Verville écrivait dans les notes d’évolution :
« Retour d’appel du gest M Poulin. Il se dit surpris que l’on accepte le RAT de l’yé.
Il ajoute, " des cas de dépression c’est bcp + long ".
Je lui rappelle que l’yé est absent depuis le 29/11/05 et que normalement les normes sont d’environ 3 mois.
Il dit qu’il va s’entendre avec Dr Prud’homme… au sujet du RAT.
Je l’informe que j’ai communiqué avec Dr St-Martin et qu’elle suggère que l’yé ne travaille pas directement avec M Tremblay et ce jusqu’à ce que le rapport de la plainte soit remis.
Il sait que le rapport doit être remis la sem prochaine, il doit y avoir une conf tél. à ce sujet, il ne sait pas s’il va y participer….
Appel à H Robitaille pour l’informer de mes dernières conversations avec l’yé, M Poulin et Dr St-Martin. »
[220] Le 18 avril 2006, le docteur Vézina, dans un certificat médical reçu le 21 avril, tout en diagnostiquant une dépression légère à modérée et du diabète, prévoyait un retour au travail du plaignant pour le 24 avril suivant. Toutefois, il ajoutait que le plaignant devait éviter tout contact avec le harceleur allégué.
[221] Le 11 mai, docteur Prudhomme écrivait ce qui suit dans les notes d’évolution concernant les 24 et 27 avril 2006. Il reprend dans son témoignage le contenu de ces notes :
« Absent depuis le 29 novembre 2005
Dx : Et. Depr. Sec à harcèlement au travail. Suivi par son médecin aux deux semaines puis aux mois depuis le 18-04-2006 parce que son médecin considère qu’il s’est amélioré.
A demandé lui-même de rentrer parce qu’il s’est toujours senti coupable de faire du travail. En profite pour revenir au travail parce que son patron est en vacances.
A acheminé sa plainte : le résultat n’est pas arrivé.
Il était heureux de revenir mais a eu une mauvaise nouvelle car la partie patronale dit qu’il " n’a jamais été capable de retourner dans le nord " selon ses patrons. Répète qu’il aime sa job au possible. Il dit ne pas savoir pourquoi ils le disent incapable de travailler dans le nord. Pourtant il fait la job avec le même contexte depuis 2001 sans problèmes majeurs.
Il a consulté un psychologue du PAE : il a eu quatre rencontres de quatre heures : ce dernier en conclut à un problème " réel " de son supérieur hiérarchique.
Actuellement :
Sommeil : il dort bien de façon générale.
Appétit : perte de poids de 30 lbs secondaire à probable problème de diabète qui a coïncidé avec ses problèmes de harcèlement.
Il est sous médication, son médecin le dit contrôlé.
Le niveau de l’humeur : dit que le stress le met encore en colère.
Il peut pleurer encore mais c’est plus rare.
Il est capable de s’occuper à la maison; il marche beaucoup.
À la maison : va relativement bien. Petits heurts avec sa femme à propos de son fils.
Il est capable de rire, de faire des farces, se dit humoristique quand il n’est pas confronté.
Prend Effexor 225 mgs le matin : prévu jusqu’à la résolution de la plainte et du problème organisationnel.
Mais selon lui, si cela était à refaire, il ne ferait pas de plainte : il se sent plus comme l’accusé du problème que la victime. Selon la tournure des évènements, il retirerait sa plainte : c’est assez pour lui donner des idées noires. Dit qu’il s’est vengé en frappant sur du bois - appréhende le retour : ça le rend plus euphorique que ça le fait craindre, dit avoir très hâte.
Son médecin serait prêt à ce que l’on discute avec lui au besoin. Selon le travailleur, malgré ce qu’il a coché sur le certificat médical (ne pas communiquer avec lui), il est prêt à nous parler.
Il convient qu’il a un caractère colérique depuis qu’il est tout petit mais a abordé ce point avec le psychologue. Y travaille.
Verbalise bien, affec mobilisable, cohérent dans ses propos, il a encore beaucoup de rancœur face à la situation : s’est senti humilié suite à la rencontre de son patron immédiat, il ne veut plus le voir.
Nous convenons de parler au gestionnaire pour connaître si l’évitement du harceleur allégué est possible.
Nous convenons que je communique avec son médecin par la suite puis statuerons sur son retour au travail.
Nouvelle rencontre avec le trav. Il revient sur l’épisode d’Obéjuuan parce que ça lui rappelle une épisode de menace de mort qu’il a vécu vers l’âge de 20 ans avec menace avec un fusil comme à Obéjuuan. Selon lui, ce serait à ce moment-là qu’il a vécu à nouveau un stress important et que tout a basculé et qu’on a dit que ça allait mal dans son travail et qu’il n’était pas capable de faire sa job.
Je l’avise avoir rencontré M. Poulin, son gestionnaire supérieur et avoir convenu d’attendre le jugement du conciliateur et ses recommandations avant de parler à son médecin et lui-même.
Rencontre M. Poulin en cie. de Diane Paradis c.s. : lui expliquons que suite à l’entrevue, nous jugeons le trav. apte à reprendre le travail à condition, pour l’instant, qu’il ne soit pas en contact direct ou verbal avec son gest., tant que le jugement ne sera pas sorti et que le problème de relation entre les deux ne sera pas réglé. Jugement à venir ce mercr. 26. »
« Rencontre de M. Poulin, gest. supér. de M. Tremblay, gest. immediat du trav. Inquiet
Nous relate que le trav. qui a été affecté tempor. dans des bureaux à Lebourgneuf. A rencontré plusieurs trav. pour leur compter ses malheurs et se retrouve souvent en pleurs dans leur bureaux. Un trav. a raconté que M. St-Laurent aurait dit que si son probl. ne se règle pas, il irait s’immoler dans le bureau de son patron. Les trav. autour seraient inquiets.
Selon M. Poulin, qui semble émotif dans ce dossier et qui se questionne sur la fin de l’invalidité qui coïncide avec le début des vacances de M. Tremblay qui a été accusé de harcèlement. Il n’est pas content de la plainte qui a été acheminée et déplore le fait qu’il doive supporter son gest. qui vit mal cette situation, d’autant plus que le conciliateur a conclu, après son enquête, qu’il n’y avait pas matière à harcèlement. Se dit toujours convaincu que le trav. n’est pas capable de trav. au Nord et nous demande de lui assurer qu’il est sécuritaire s’il monte au Nord.
Devant ces faits nouveau, nous demandons de rencontrer le trav. ce matin. »
[222] Le 12 mai 2006, le docteur Prud’homme écrivait ce qui suit dans les notes d’évolution concernant d’autres événements du 27 avril 2006 :
« RAT avec restr.
Rencontre du trav. à notre demande suite à la rencontre de son gest. ce matin.
L’interroge sur ses agissements de ces derniers jrs. Avoue avoir dit, un peu par dépit et pour saisir son entourage, qu’il allait s’immoler dans le bureau de son boss si on ne lui donnait pas raison dans sa requête, dit que ça ne se reproduira plus.
Me dit avoir rencontré un compagnon qui aurait vécu la même chose que lui avec un autre gest. et qui l’a félicité de sa démarche. Ce qui compte, ce n’est pas le résultat mais le courage de ses convictions : il poursuit sa démarche en ne retirant pas son grief.
Il déplore que l’on invoque sa situation avec son épouse comme motif de son retour hâtif au travail, p.c.q. elle ne veut pas le voir à la maison. Dit que c’est faux que lui et elle s’entendent très bien et que s’il a hâte de revenir, c’est pour la soutenir financièrement dans sa tentative de faire fonctionner sa petite entreprise en immobilier, fondée pour payer les études avancées de leurs enfants. Tout cela est du mémèrage pour le discréditer, ce que son patron a tjrs. fait, selon lui, depuis qu’il le gère.
Ne nie pas être un émotif et être prompt dans ses réactions, qu’il est ainsi depuis qu’il est tout petit mais qu’il travaille à s’améliorer.
Je tente de lui faire comprendre que son entourage peut avoir des raisons d’avoir des craintes et des perceptions face à sa condition et à sa capacité de travail au Nord suite à des réactions excessives de sa part. Il en convient.
Comme il est très labile et très volubile ce matin, je lui conseille de me donner la permission de communiquer avec son mdt. pour discuter de tout cela avec lui. Il est d’accord et signe une autorisation. Si suite à cela, nous ne pouvons statuer sur sa capacité de travail, il faudra peut-être aller en expertise, à moins que lui et son gest. n’arrive à s’entendre autrement. Il se dit d’accord.
Il signe l’autorisation devant moi.
Je le retourne à son gest. M. Poulin en lui disant que peut-être l’expertise sera demandée. »
« 27-04-006 10.45 hre
Conversation avec Mme Bossé, cons. RH dans le dossier. Je lui résume la situation. Convient avec moi que et le trav. et le gest. sont trop émotif dans ce dossier et, que compte tenu de la décision du conciliateur, il serait préférable qu’ psychologue industr. rencontre les 2 parties pour tenter de les rapprocher. Ce dont je suis en accord. Convenons d’y aller avec cette stratégie avant d’envisager l’expertise, qui ne donnera pas nécessairement les résultats escomptées, surtout si la décision n’est pas dans le sens attendu par trav. : cela pourrait même envenimer les choses.
Elle communiquera avec le gest. pour lui faire part de nos conclusions.
Je communiquerai avec le mdt. en PM et avec le gest. pour lui suggérer de garder son trav. à du trav. clérical ou à la maison en attendant la décision du mdt. dans le dossier.
[…]
27-04-006 en PM
Conversation avec le dr. Vézina
Lui résume la situation de son patient à son milieu de trav. et son attitude de ces jours. derniers ainsi que la décision du conciliateur après son enquête interne. Je lui rappèle que son patient ne peut être soustrait de tout contact avec son gest. dans le contexte de son trav., ce qui va à l’encontre avec ce que son patient lui aurait dit. Compte tenu des récents agissements de son patient, dit vouloir revoir son patient pour statuer sur sa condition et convenons qu’il nous transmette une attestation à ce sujet.
Conversation avec M. Poulin : lui résume la prise de décision de Mme Bossé. Elle l’a déjà mis au courant. Me dit avoir rencontré le trav. La rencontre se serait bien déroulée, selon lui. Il a décidé de laisser son trav. à la maison en attendant les développements dans le dossier et le rapport de son mdt.
Tente de joindre le trav. Chez lui : message laissé sur B.V. de me rappeler.
Conversation avec Mme Bossé : a parlé avec M. Poulin et ont décidé de garder le trav. à la maison jusqu’au retour de M. Tremblay, le gest. du trav. Dès son retour, ils feront intervenir le psychologue industr.
Émettons donc notre L19 au gest.
L19 : Après évaluation de l’attestation médicale du mdt. émise le 18-04-006 et après évaluation du trav. et du contexte ainsi que du milieu de travail, nous jugeons ce dernier apte à reprendre son travail à compter du 24-04-006 avec restriction temporaire de ne pas se retrouver en contact direct avec son gestionnaire immédiat dans le prochain court terme.
Une nouvelle attestation médicale devrait nous être fournie par le travailleur dans les jours immédiats suite à la rencontre de son mdt »
Il précise que « labile » signifie passer par toutes sortes d’émotions rapidement. Le L19 est un document qui est remis au gestionnaire. Le docteur Prud’homme écrivait ce qui suit concernant sa conversation téléphonique du 28 avril avec le plaignant et reprend dans son témoignage le contenu de cette note:
« Conversation avec le trav. Lui résume le téléph. avec son mdt. L’avise que ce dernier veut qu’il prenne un R.V. avec lui en début de semaine. Lui indique qu’il devra nous émettre une nouvelle att. médicale suite à cette visite pour statuer sur son aptitude au travail. Son mdt a été mis au courant qu’il est difficile de le soustraire du contact de son gest. s’il retourne en haut dans l’immédiat. Je le mets au courant du bien fondé de passer par une interv. avec le psy. indust. avant de penser à une expertise, qui elle ne règlera pas le conflit. Semble d’accord. »
Il reprend dans son témoignage le contenu de cette note.
[223] Le 1 er juin, il écrivait :
« Intrant : suivi absence administrative depuis le 24 avril 2006.
Téléphone au travailleur pour m’informer s’il a rencontré son médecin tel que convenu avec ce dernier.
L’a rencontré en début de semaine; son médecin l’aurait mis en congé à nouveau tant que le travailleur sera contraint d’avoir des contacts avec son gestionnaire. Il lui aurait complété un certificat médical de Hydro-Québec mais n’a pu le poster puisque l’avait oublié au bureau de son syndicat (ce qui lui a été confirmé par son syndicat aujourd’hui). Son syndicat lui a confié avoir discuté avec la gestion pour introduire un psychologue comme conciliateur dans le dossier. Il attend des nouvelles pour une rencontre.
Je lui demande de télécopier le certificat médical à GI à Montréal pour confirmer son absence maladie.
Téléphoné à Mme Bossé, conseillère RH. Elle me confirme les infos de M. St-Laurent. Elle est à planifier une rencontre avec le syndicat et la gestion afin de leur proposer la solution par conciliation. Je l’informe que l’expertise médicale sera envisagée en toute fin afin de ne pas médicaliser le dossier et cette demande sera envisagée s’il y a des éléments médicaux pour la supporter. »
[224] Le 12 juin 2006, il notait ce qui suit :
« Intrant : suivi du dossier d’absence
Discussion avec Dre Danièle Dupont au sujet du dossier actuel. Résumons les interventions récentes dans le dossier avec contexte de plainte pour harcèlement par le travailleur et recommandation du médecin traitant d’autoriser un retour au travail à condition que le travailleur ne soit pas en contact avec le harceleur allégué (18-04-2006)
Comme le travailleur nous a révélé avoir en main le certificat médical émis par son médecin traitant récemment qui stipulerait qu’il n’est pas apte à poursuivre son travail, nous concluons qu’il revient au travailleur de fournir son certificat à la gestion des invalidités qui statuera sur l’aptitude au travail ou non dans le dossier.
Dre. Dupont vérifiera auprès de GI si le certificat médical a déjà été acheminé par le travailleur. »
[225] Le 13 juin, le docteur Prud’homme dressait le bilan et faisait le résumé de la situation :
« Tentatives de joindre M. St-Laurent en Am et PM.
Tombe sur boîte vocale en PM.
Fin PM : appel de Mme Bossé, cons RH, qui a reçu une information du représentant syndical, provenant de M. St-Laurent, à l’effet que le médecin de HQ lui aurait dit qu’il devait aller en médiation sinon il serait contraint d’aller en expertise.
Je resitue le dossier depuis ma première rencontre avec M. Poulin, gestionnaire de M. Tremblay, ce dernier est le gestionnaire de M. St-Laurent; en avril à sa demande en compagnie de Hélène Robitaille, cons santé, parce qu’il désirait que M. St-Laurent ait une expertise médicale alléguant que M. St-Laurent n’était pas apte à travailler au Nord.
J’ai rencontré M. St-Laurent le 24 avril 06 afin d’évaluer surtout suite à la remise d’un certificat médical de son médecin traitant le 18 avril 06 qui jugeait son patient apte à reprendre le travail mais avec restriction de ne pas être en contact avec le " harceleur allégué ".
Je rappelle, à Mme Bossé, lui avoir dit et à M. Poulin que suite à mon évaluation du travailleur au Centre de santé le 24 avril 06, que nous considérions le travailleur apte au travail avec pour le moment le maintien de la restriction de ne pas être en contact avec le " harceleur allégué " en raison d’une part du contexte émotif entourant ce dossier depuis la plainte déposée par M. St-Laurent pour harcèlement de la part de son supérieur immédiat et d’autre part de l’attente des résultats de l’enquête du conciliateur HQ sur la recevabilité de cette plainte, rapport devant être déposé le 27 avril 06.
M. St-Laurent a été mis au courant que M. Poulin voulait aller en expertise pour évaluer son aptitude à travailler au Nord lors de cette rencontre et nous lui avions dit que nous allions attendre les conclusions du rapport de recevabilité de la plainte avant de décider de lever ou non la restriction émise par son médecin traitant en regard du harceleur allégué et que l’expertise sera peut être envisagée selon l’évolution du travailleur ces prochains jours, suite à ce jugement. J’avais rappelé à M. St-Laurent qu’ayant reçu des intrants contradictoires de la part de ses gestionnaires et de lui-même, en plus de l’affirmation du travailleur que depuis son arrêt de travail il s’est toujours considéré apte au travail mais que c’était la présence de M. Tremblay qui freinait son retour au travail et que c’est sachant que M. Tremblay était parti en congé pour plusieurs semaines qu’il avait demandé à son médecin traitant de le retourner au travail, que dans ce contexte donc je voulais me donner quelques jours de réflexion avant de prendre position plus définitivement dans le dossier et qu’une expertise pourrait être considérée le cas échéant.
C’est pourquoi j’avais suggéré à M. Poulin de ne pas faire monter M. St-Laurent au Nord pour l’instant, le temps que le jugement soit rendu afin d’être capable de récupérer le travailleur étant à Québec s’il réagit mal suite aux conclusions du rapport sur la recevabilité de sa plainte.
Je rappelle à Mme Bossé, cons RH, que c’est suite à ce jugement le 27 avril 06 que nous avions discuté ensemble du dossier et que tous deux nous étions d’accord du contexte très émotif chez les deux parties, les gestionnaires et le travailleur, en raison de la plainte déposée pour harcèlement. Mme Bossé nous avait expliqué le contexte dans lequel l’enquête avait été faite et qu’il nous semblait que le tout avait été effectué avec rigueur, selon les étapes qu’elle nous a résumés. Malgré tout, un tel jugement étant basé sur la preuve présentée ou recueillie, n’exclut pas hors de tout doute l’absence de possibilité d’harcèlement et ne résout pas le litige qui persiste entre ces deux individus.
Par la suite, j’ai mentionné à Mme Bossé avoir revu M. St-Laurent le 27 avril 06 à la demande de M. Poulin qui s’inquiétait à nouveau de la capacité future de M. St-Laurent à travailler au Nord suite à des " problèmes de comportement et des paroles " qu’il aurait eus lors de la rencontre de travailleurs aux bureaux du service à Québec. M. St-Laurent avait avoué avoir eu ces comportements, disant qu’il avait toujours été ainsi que les travailleurs du Nord le connaissait prompt et émotif, que ce n’était pas du nouveau et qu’il travaillait à se corriger. J’en avais profité pour parler à M. St-Laurent d’une conversation que j’avais eu avec Mme Bossé et de la proposition qu’elle avait envisagée soit de tenter une médiation entre lui et M. Tremblay. Comme j’avais mentionné à M. St-Laurent que peu importe qu’il y ait ou non une expertise médicale dans le dossier, arrêt de travail ou non pour motif administratif ou médical, il y aurait retour au travail un jour et que le litige entre lui et M. Tremblay aurait à être résolu de toute façon et que peut-être il serait bon qu’il accepte de tenter la médiation parce que s’il y avait succès il éviterait beaucoup de problèmes futurs et très possiblement que l’expertise médicale qu’il redoutait un peu n’aurait plus sa raison d’être.
Comme M. St-Laurent ne se disait pas fermé à cette démarche (et désirait en discuter avec son syndicat) je lui ai demandé la permission de parler à son médecin traitant au sujet de la restriction de ne pas être en contact avec " le harceleur allégué " puisque la médiation implique la rencontre des deux parties.
Je conclus donc avec Mme Bossé que c’est dans ce sens qu’il a été question de médiation avec le travailleur et qu’en aucun temps, il n’a été question de forcer une médiation sous peine d’aller en expertise si M. St-Laurent refusait d’y aller.
Par ailleurs, je lui rappelle que pour l’instant, la L-19 stipule que le travailleur est apte au travail à condition avec restriction de ne pas être en contact avec le harceleur allégué. Sachant que le travailleur a confirmé avoir rencontré son médecin traitant en début de la 1 ère semaine de mai suite à la conversation que j’ai eu avec ce dernier et qu’il m’a dit que son médecin traitant aurait émis un nouveau certificat que nous n’avons pas encore reçu à GI ou au Centre de santé de Québec, nous sommes toujours en attente avant de pouvoir lever ou non, selon la teneur des recommandations, la restriction du contact avec le harceleur allégué si nous voulons qu’il y ait médiation avec les 2 personnes en " litige " en présence. »
Il a noté aussi une conversation qu’il a eue avec madame Peddie, le 16 juin 2006 :
« Mme Peddie me confirme avoir eu l’autorisation du travailleur de parler à son médecin traitant et ce dernier lui a confirmé son aptitude à subir la médiation qui aura lieu le 19 juin 06.
Elle me télécopiera un résumé de la conversation avec le médecin traitant et la confirmation manuscrite de ce dernier quant à l’aptitude de M. St-Laurent, signé le 16 juin 06 par le médecin traitant. »
[226] Le 22 juin, le docteur Prud’homme a écrit :
« Téléphone de Mme Bossé, cons RH. En résumé, elle dit que la médiation s’est bien déroulée selon Mme Danielle Peddie.
M. St-Laurent aurait accepté de travailler à nouveau avec M. Tremblay.
Les deux auraient cheminé, selon elle. Le processus se poursuit.
Une conférence téléphonique est prévue en fin PM pour résumer la situation et mettre les parties au courant des derniers et prochains développements. »
[227] Le 26 juin 2006, il a fait le résumé d’une conférence téléphonique et écrit des notes le 28 juin suivant :
« Appel conférence à la demande de la gestion et de la médicatrice dans le dossier.
Re : Litige entre M. Lionel St-Laurent vs M. Jean-Yves Tremblay, gestionnaire direct du travailleur.
Étaient présents lors de la conférence :
- Mme Nicole Gauthier, consultante en psychologie
- Mme Danièle Peddie, médiatrice
- Mme Angèle Lemieux, conseillère ressources humaines en remplacement de Mme André Bossé en vacances
- M. Jean-Yves Tremblay, gestionnaire de M. L. St-Laurent
- M. Richard Poulin, gestionnaire de M. Tremblay et M. St-Laurent.
Objet : Retour sur la situation et réintégration du travailleur.
Mme Peddie, médiatrice, nous rappelle que la médiation s’est bien déroulée. M. St-Laurent a accepté de travailler sous l’autorité de M. Tremblay, son gestionnaire et tous deux ont conclu par une poignée de main. Par ailleurs, ils ont accepté de respecter la clause de confidentialité sur les pourparlers et de ne pas en dévoiler le contenu à quiconque.
Reste maintenant à déterminer les conditions de sa réintégration au travail au Grand Nord, en Haute-Mauricie et en Basse Côte-Nord. Ce qui implique de préparer son retour auprès de son gestionnaire et de ses compagnons de travail dans un premier temps et le mode de réinsertion dans les plages horaires régulières.
En ce qui concerne le point de vue santé, je rappelle aux gens en présence, que son médecin traitant avait considéré que son patient était en état de subir les étapes d’une médiation et ne s’y objectait pas et consentait à lever la restriction " de ne pas être en contact avec le harceleur allégué " si la médiation était réussie. Du côté du Centre santé, je rappelle à mon tour qu’après avoir évalué le travailleur à son retour au travail, nous avions jugé le travailleur apte au travail, tout comme son médecin traitant en maintenant la même restriction émise par son médecin traitant (tout en convenant que ce dernier ait sa personnalité propre qui est connue de tous depuis longtemps).
La gestion désire malgré tout avoir l’assurance que M. St-Laurent est toujours en état de faire face aux conditions de travail dans le Grand Nord considérant les raisons médicales qui ont conduit ce dernier en arrêt de travail. Le fait qu’il puisse être confronté à des situations corsées et même de crise dans certains villages, considérant sa peur des chiens alors que dans ces régions il y a beaucoup de chiens non attachés ou errants et finalement considérant que le travailleur ait eu ce que la gestion a qualifié de réactions excessives ou problèmes de comportement lors certaines situations de travail. La gestion veut avoir l’assurance que M. St-Laurent peut travailler en toute sécurité pour lui-même et ses compagnons eu égard aux conditions parfois difficiles dans lesquelles il est appelé à travailler. Elle veut avoir la certitude qu’aucune condition de santé personnelle ne puisse agir comme facteur déclenchant ou aggravant lors de conditions particulières de travail telles : l’éloignement, compagnonnage continuel durant de longues heures et sur de longues périodes confrontation à des modes de vie et des cultures différentes selon les régions.
En même temps, les gestionnaires se questionnent sur les intentions réelles et la capacité d’évaluer certaines situations chez le travailleur puisque ce dernier malgré que d’une part il ait accepté de " retravailler " avec M. Tremblay tout en maintenant sa plainte de harcèlement auprès du syndicat, malgré, semble-t-il, les conseils de ses représentants syndicaux. Ils qualifient cette décision de peu conséquente et congruente avec les résultats de la médiation.
Sur le plan santé, nous convenons avec la gestion que nous évaluerons la recevabilité de la demande d’évaluation médicale dès sa réception et que nous procéderons par la suite, à la demande d’expertise médicale si cela est jugé opportun. Nous suggérons à la gestion de prévoir un rendez-vous avec le médecin du service de santé immédiatement après avoir rencontré M. St-Laurent afin d’évaluer sa réaction suite à l’annonce de la demande d’évaluation médicale (et des motifs allégués) afin de lui expliquer tout de suite en quoi consiste l’expertise médicale et ce qu’elle vise.
M. Poulin nous fera parvenir sa demande d’évaluation médicale d’ici quelques jours afin que nous en évaluions la recevabilité. Il prévoit rencontrer M. St-Laurent à ce sujet lundi le 3 juillet en a.m.
28-06-2006
M. Poulin nous a acheminé la demande d’évaluation médicale de M. St-Laurent. Après avoir pris connaissance des motifs de la demande, celle-ci est jugée recevable telle que formulée. »
[228] Une demande d’évaluation médicale a été faite par l’Employeur le 27 juin 2006. Le plaignant a refusé de la signer. Le représentant syndical était présent. Sur le formulaire, sous la rubrique « Motif de la demande », on lit ce qui suit :
« Problème de rendement :
Faire le suivi de ses travaux en tant que chef d’équipe.
Problème de comportement :
Conteste les agissements de son supérieur envers lui.
Saute d’humeur, sens coupable, agressivité.
Problème d’absence :
Oui
Évaluation de l’aptitude physique et mentale :
Commentaires :
(absence rémunérée en raison de son comportement)
Autres facteurs :
- en novembre 2005, appel téléphonique et instabilité émotive dans une Centrale isolée Kuujjuarapik
- à reçu des menaces de mort en juin 2005 à Obedjiwan
- demande toujours d’avoir un véhicule dans les villages isolés en raison de sa peur des chiens
- l’employé effectue de 10 à 14 jours ouvrables dans les villages isolés avec des services de santé et police au strict minimum étant donné la population faible de ces villages
- aucune route d’aller, transport par avion seulement »
[229] Le 3 juillet 2006, le docteur Prud’homme a rencontré le plaignant. Voici ce qu’il a écrit à ce sujet dans les notes d’évolution :
« Intrant : suivi aptitude au travail
Rencontre du travailleur pendant 60 minutes à la demande de son gestionnaire qui l’a rencontré avec M. Donald Brisson représentant syndical pour connaître les motifs de la demande d’évaluation médicale.
Se dit offusqué, car croyait que d’avoir passé à la médiation, cela l’exempterait de devoir rencontrer un expert, un psychiatre par surcroît. Je lui explique que les motifs allégués par son gestionnaire sont recevables dans le contexte actuel, l’environnement de travail et l’historique du dossier depuis 1 an. Par contre, s’il se dit en parfaite santé et qu’il a démontré sa bonne volonté en subissant la médiation avec succès, il est tout à son avantage de passer en expertise et de ne pas craindre sur son aptitude à travailler au Nord puisqu’il prétend être en bonne santé et avoir démontré depuis plus de 10 ans qu’il pourrait faire son travail au Nord.
Je lui demande d’y réfléchir chez lui durant quelques jours et de me téléphoner pour me donner sa réponse. Entre temps, je lui dis que j’entreprends des démarches pour un rendez-vous avec l’expert.
À suivre. Rendez-vous à prévoir. »
[230] Le 5 juillet suivant, le docteur Prud’homme a reçu un appel de monsieur Poulin. Le docteur a noté ce qui suit :
« Intrant : suivi demande d’évaluation médicale
Appel de M. Richard Poulin en présence de Angèle Lemieux, conseillère ressources humaines. Ils viennent tout juste de rencontrer les représentants syndicaux de M. St-Laurent afin d’expliquer les raisons de la demande d’évaluation médicale pour ce dernier. Il me demande si M. St-Laurent est venu me rencontrer afin de me dire s’il accepte de passer en expertise médicale. Comme il n’est pas venu, nous convenons d’attendre d’ici au 7 juillet avant de procéder.
Entre temps, il m’avise qu’il prévoit une rencontre de " médiation " le 24 août avec M. St-Laurent et ses compagnons de travail. Il aimerait pouvoir obtenir un rapport d’expertise au plus tard le 15-20 août avant de procéder à cette rencontre. »
[231] Le 27 juillet, le docteur Prud’homme a écrit au docteur Yvan Gauthier, psychiatre, concernant l’expertise médicale qui devra avoir lieu. Cette lettre fait partie des notes d’évolution (E-37) et en voici quelques extraits :
« Docteur,
Nous vous demandons de déterminer, s’il y a lieu, les diagnostics médicaux en lien avec la condition de santé globale actuelle du travailleur, de déterminer si les problèmes de comportement rapportés par ses gestionnaires sont en lien avec sa condition médicale actuelle ou liés à la personnalité de base de l’individu, de statuer sur l’aptitude au travail du travailleur, et tout particulièrement en région nordique, et de déterminer par le fait même si des restrictions médicales découlent de son état de santé actuel, leur caractère provisoire ou permanent et le traitement optimal considérant la condition actuelle du travailleur.
[…]
[…] la gestion se demande si M. St-Laurent a actuellement l’aptitude physique mais surtout mentale pour faire face aux stress inhérents à son travail dans le secteur Boréal et s’il peut se comporter de façon sécuritaire face à ses compagnons, à la population sur place et à lui-même. C’est pour ces raisons que la demande d’aller en expertise médicale a été acheminée par les gestionnaires de l’unité Boréal au service de santé. »
[232] Le rapport du docteur Gauthier a été envoyé au docteur Prud’homme et fait partie des notes d’évolution. En voici quelques extraits :
« Tel que mentionné précédemment, nous retenons les difficultés d’adaptation décrites par le sujet vis-à-vis les facteurs de stress identifiés dans son environnement. Nous n’avons pas d’évidence d’un désordre affectif majeur lié à la présentation, ni d’un trouble de la personnalité associé. Les problèmes médicaux du sujet ont été identifiés à l’Axe IV. Son niveau de fonctionnement actuel se situe dans les limites de la normale.
Quant aux problèmes de comportement rapportés par les gestionnaires de Monsieur Lionel St-Laurent, nous ne pouvons les mettre en lien avec sa condition médicale actuelle. Il est possible que certains aspects de sa personnalité influencent ses rapports avec autrui, notamment au niveau des figures d’autorité.
Actuellement, Monsieur Lionel St-Laurent ne présente aucun trouble mental qui puisse le rendre inapte à son travail de technicien automatisme auprès d’Hydro Québec. En l’absence de condition médicale invalidante d’un point de vue psychiatrique, Monsieur St-Laurent est considéré apte à revenir à son emploi régulier en date de l’évaluation, soit le 8 août 2006, incluant en région nordique.
[…]
Nous n’identifions pas de restriction médicale ou psychiatrique chez Monsieur Lionel St-Laurent qui pourrait découler de son état de santé actuel. »
Dans son témoignage, le docteur Prud’homme dit que « 75 » à l’indice global de fonctionnement (Axe V : E.G.F.) attribué par le docteur Gauthier correspond à la moyenne. Il a constaté que le docteur Gauthier a suggéré de démédicaliser le dossier, c’est-à-dire de cesser de faire voir le plaignant par un médecin ou par du personnel médical, car, selon lui, le problème est ailleurs. Le docteur Prud’homme souligne aussi que le docteur Gauthier a écrit que, lorsque le plaignant a à faire face à l’autorité, il éprouve de la difficulté à fonctionner à cause de sa personnalité.
[233] Le 23 août 2006, le docteur Prud’homme a rencontré le plaignant. Voici ce qu’il a écrit dans les notes d’évolution :
« Re : rapport d’expertise médicale. Rencontre du travailleur à notre demande.
Rencontre de M. St-Laurent en compagnie d’Hélène Robitaille, cons santé, et de Donald Bisson, délégué social.
Je lui fais lecture des conclusions auxquelles est arrivé l’expert médical, Dr Yvan Gauthier, soit : qu’il est apte à faire son travail de technicien automatismes et à revenir à son emploi régulier sans restriction en date du 08 août 06 incluant en région nordique et qu’il revient à l’administration de vérifier ses aptitudes et ses compétences à effectuer son travail.
M. St-Laurent accepte positivement ces conclusions. Nous lui réitérons le fait qu’il revient à la gestion et aux ressources humaines de résoudre le litige qui prévaut entre lui et son gestionnaire.
M. St-Laurent nous fait part de son amertume face à toute cette situation et compte bien se rendre en arbitrage pour se faire justice malgré tout le stress que ces procédures lui amènent.
Nous lui rappelons, avec son accord, qu’une copie de l’expertise sera envoyé à son médecin traitant, Dr Bernard Vézina, tel que suggéré par l’expert, où il pourra en discuter plus librement avec son médecin traitant.
Nous lui rappelons que son gestionnaire souhaite qu’il retourne chez lui après cette rencontre où il devra attendre de M. Poulin les consignes pour son retour au travail.
Message laissé sur boîte vocale de M. Poulin et Mme Bossé cons RH, pour leur faire part de nos conclusions sur la L-19. » »
[234] Le 25 août, le docteur Prud’homme a rencontré monsieur Poulin et a noté ce qui suit :
« Rapport de l’expert médical,
Suite à la rencontre de M. St Laurent hier par le CSO de Québec, M. Poulin désirait se faire résumer la rencontre mais surtout me souligner le fait que M. St-Laurent hier a rencontré M. Jean Yves Tremblay qui dit avoir salué son employé mais que ce dernier ne lui aurait pas rendu son salut, se contentant de baisser la tête à son passage malgré les ententes intervenues entre eux lors de la médiation. De plus, il aurait salué quelques compagnons avant notre rencontre au CSO en disant, selon ce qu’aurait rapporté 2 gestionnaires, qu’il allait y avoir des flammèches contrairement à la consigne de repartir à zéro et de ne plus parler du passé.
Je rappelle à M. Poulin que sur le plan santé, l’expert le considère apte au travail, même en région nordique et qu’il a été avisé que son dossier relève maintenant du côté administratif. »
[235] Le 28 août 2006, madame Danielle Peddie, médiatrice, a appelé le docteur Prud’homme pour savoir comment le plaignant avait réagi à la suite des conclusions du psychiatre Gauthier dans son rapport d’expertise. Le docteur Prud’homme lui a répondu que le plaignant les avait bien accueillies, mais qu’il tenait à poursuivre sa plainte pour le harcèlement exercé par monsieur Tremblay. Madame Peddie a rétorqué qu’elle tiendrait compte de cet élément dans la poursuite de sa médiation.
[236] Le 25 septembre suivant, le docteur Prud’homme a rencontré monsieur Poulin et madame Hélène Robitaille. Voici ses notes à ce sujet :
« Nous résumons le comportement de M. St-Laurent en Basse Côte Nord depuis son 1 er voyage avec un chef d’équipe réputé très patient. M. St-Laurent aurait eu un comportement bizarre un matin alors qu’on l’avait averti la veille d’être prêt à 06:30 heures pour prendre l’avion à La Tabatière après avoir franchi la distance du Lac Robertson. M. St-Laurent se serait levé plus tard, était à déjeuner alors que les compagnons étaient à l’attendre dans le camion; ils lui ont rappelé de se presser pour ne pas manquer l’avion, a acquiescé mais s’est mis à laver sa vaisselle. Ses compagnons l’ont envoyé faire ses bagages alors qu’ils finissaient sa vaisselle. Puis ils l’ont attendu dans le camion : il n’arrivait pas. Ils sont retournés à l’intérieur de la maison de transition : ce dernier était à essuyer la table en bois : elle devait être essuyée pour ne pas être brisée. M. St-Laurent, selon eux, avait les yeux vitreux, hagards et était ralenti et non prompt comme d’habitude. Ils s’inquiètent de son état, le croient sous médication mal équilibrée et se demandent ce qui se produira s’il a à participer à des interventions en situation d’urgence.
Actuellement, il est à nouveau pour 15 jours dans le Nord.
Conduite :
- nous tenir au courant de ses agissements;
- en discuter à nouveau à son retour de son voyage de 15 jours pour évaluation de la situation. »
[237] Le 19 décembre 2006, le plaignant a rencontré le docteur Prud’homme et ce dernier a rédigé les notes suivantes :
« Rencontre à la demande du travailleur. Vient nous rencontrer afin de vérifier si peut prolonger ses séances de thérapie avec le PAE étant donné le contexte particulier entre lui et son gestionnaire et le reste de l’équipe. Avait vu en 2006 un psy. du PAE mais n’avait pas apprécié le type de conseils et relation qu’il avait eu avec ce dernier.
Étant donné qu’il juge avoir besoin d’aide pour faire ses devoirs c'est-à-dire auprès de son gest. et auprès de son équipe avec qui il est en problème, il voulait s’assurer de pouvoir avoir accès au PAE malgré 4 rencontres prévues au programme déjà épuisées.
Comme l’année en cours est terminée et qu’il ne pourra avoir accès aux services du PAE qu’après la période des Fêtes, je lui propose d’utiliser ses 4 rencontres qui seront en banque pour l’année 2007 et ensuite nous discuterons de la nécessité de prolonger s’il y a lieu après discussion avec le travailleur et ses 4 rencontres épuisées et après discussion avec Dr Dupont Md chef du territoire. »
Le docteur Prud’homme explique que l’Employeur paie quatre séances de psychothérapie par année dans le cadre du PAE.
[238] Le 12 septembre 2007, monsieur Tremblay a rencontré le docteur Prud’homme pour l’aviser qu’il envoyait une équipe de laquelle faisait partie le plaignant à la réserve d’Obedjiwan afin de régler des problèmes techniques aux centrales de la Haute-Mauricie. Le docteur Prud’homme a noté ce qui suit et l’a confirmé par écrit à monsieur Tremblay, le même jour :
« Or, le 23 août 06, nous émettions une nouvelle L-19 suite à la réception d’un rapport d’expertise où nous vous avisions que " nous en arrivons à la conclusion que ce dernier est apte à faire son travail de technicien automatisme et à revenir à son emploi régulier sans restriction, incluant en région nordique, en date du 08 août 06.
M. St-Laurent n’a actuellement aucune restriction rattachée à sa condition médicale actuelle. »
[239] Le lendemain, le plaignant s’est rendu au bureau du docteur Prud’homme et les notes de ce dernier indiquent ce qui suit :
« Il entre dans mon bureau enragé, alléguant que je ne le supporte pas dans ses problèmes de santé puisque je n’ai pas dit à son patron, Jean Yves Tremblay, d’arrêter son harcèlement envers lui. Je lui rappelle que sa 1 ère démarche est d’obtenir un billet de son médecin traitant tel que demandé (et qu’il verra demain) de nous fournir une attestation comme quoi il ne veut plus qu’il aille à Obedjiwan. Puis nous évaluerons le sérieux des raisons alléguées pouvant porter atteinte à sa santé puis nous émettrons une L-19 le cas échéant.
Je lui répète que je n’ai pas le contrôle des démarches, que fera son gestionnaire par la suite après réception du billet du médecin traitant et de la L-19. Je lui répète que s’il a la conviction d’être à nouveau harcelé, il a des recours soit via son syndicat ou en logeant une plainte aux personnes responsables concernées.
Il quitte en parlant fort et en vociférant que le Centre de santé ne le supporte pas. Je lui répète encore que pour le CSO pour évaluer ses assertions nous devons avoir des recommandations de son médecin traitant qui décidera après avoir évalué son patient sur ce sujet.
Mmes Diane F. Paradis, cons santé, et Jacinthe Picher, commis santé, ayant eu conscience de la situation puisque M. St-Laurent parlait suffisamment fort pour les déranger dans leur travail et lors de sa sortie de mon bureau surtout.
Appel à M. Poulin (6324), gestionnaire, pour lui dire que dorénavant M. St-Laurent devra être accompagné lorsqu’il voudra me rencontrer à mon bureau, étant donné son état d’esprit et ses propos irrespectueux vis-à-vis le CSO et moi-même. »
Le docteur Prud’homme précise qu’à plusieurs reprises, le plaignant s’est présenté à son bureau. Il semblait vouloir le narguer, selon lui. Il lui demandait quel était le rôle du médecin sans lui laisser le temps de répondre. Il l’insultait en proférant des jurons. Le docteur Prud’homme a écrit à monsieur Poulin pour lui faire savoir que les employés n’entraient pas n’importe comment au Centre de santé (E-30 précité au paragraphe 168).
[240] Le 19 septembre, le plaignant a apporté au Centre de santé un certificat médical daté du même jour, signé par le docteur Vézina. Ce dernier écrit ceci :
« Mons. St Laurent aurait déjà eu des menaces de mort avec fusil pointé sur lui à Obedjiwan - Pour ce, il lui est impossible d’envisager de retourner à cet endroit. Le seul fait d’y penser le fait " chavirer " - " cauchemars " - le rend profondément anxieux et stressé.
Monsieur bénéficierait d’un support adéquat et de compréhension de son employeur. Peut accomplir le travail actuel. À revoir 3 semaines. »
Selon le docteur Prud’homme, il faut décoder que « le travail actuel » ne comporte pas de voyage à Obedjiwan et que, ainsi, le plaignant n’a pas de problème à accomplir ses tâches.
[241] Le 20 septembre 2007, le docteur Prud’homme a appelé le docteur Vézina. Voici ce qu’il écrit à ce propos :
« Après discussion sur le contenu du certificat médical qu’il a émis le 19 septembre 07, il en arrive à la conclusion que M. St Laurent ne sera plus capable de retourner à Obedjiwan dans le futur et d’autant plus que cet événement lui rappelle un événement semblable qu’il a vécu plus jeune. S’ajoute à cela la présence de chiens errants dans le village dont il a une peur morbide.
Nous convenons que je remettrai un nouveau certificat médical à M. St Laurent qu’il verra dans 3 semaines et qu’il remplira en se prononçant sur la durée.
Dossier à suivre.
L-19 : Considérant la conversation que nous avons eue avec le médecin traitant de M. St Laurent et considérant sa condition médicale actuelle, nous jugeons celui-ci apte à effectuer son travail régulier en évitant de travailler dans la région de Obedjiwan, ce pour une période indéterminée pour l’instant.
M. St Laurent remettra un nouveau certificat médical à son médecin traitant, dans 3 semaines, qui statuera sur la durée de cette restriction. »
[242] L’Employeur n’a pas reçu le certificat du docteur Vézina trois semaines plus tard, mais seulement le 4 janvier 2008, soit plus de trois mois plus tard. Le docteur Vézina avait rempli la partie concernant le rapport médical le 1 er novembre 2007, soit avant le plaignant, qui, lui, avait rempli sa section le 27 décembre 2007. Dans son rapport, le docteur Vézina écrit ce qui suit :
« Peut travailler éviter tout travail à Obedjiwan et environs re : menaces reçues à cet endroit.
0 T à Obedjiwan et environs. Devrait recevoir l’aide du PAE pour vaincre sa phobie d’Obedjiwan. »
[243] Lorsque le docteur Prud’homme avait parlé au docteur Vézina le 20 septembre 2007, il lui avait demandé des raisons précises qui justifiaient la limitation pour Obedjiwan. Selon le docteur Prud’homme, le rapport du docteur Vézina du 1 er novembre 2007, reçu le 4 janvier 2008, ne répondait pas à sa demande. Pour le 14 octobre 2008, le docteur écrit ce qui suit dans les notes d’évolution :
« Conversation avec Mme Bossé.
Je lui résume notre position sur l’aptitude au travail de M. St Laurent à Obedjiwan et en régions nordiques.
Comme M. St Laurent est au travail actuellement et depuis plusieurs mois, nous émettrons une nouvelle L-19 à la demande de RH considérant qu’il n’a pas fait complété le certificat médical HQ tel que demandé en septembre 07 et après revue du dossier.
L-19 :
À la demande de la gestion et des RH, après révision du dossier de M. St Laurent, et tout particulièrement depuis septembre 07, nous constatons que M. n’a pas fait compléter par son médecin traitant le certificat médical HQ que nous lui avions remis le 20 septembre 07. Suite à la révision de l’ensemble du dossier nous maintenons les conclusions de l’expert retrouvées dans son rapport reçu en date du 18 août 06 soit que M. St Laurent est apte à effectuer son travail de technicien automatismes sans restriction médicale ni d’horaire, ni de lieu de travail incluant les régions nordiques et de la Haute Mauricie, ce depuis le 11 octobre 07 date à laquelle il devait avoir fait compléter le certificat médical HQ que nous lui avions remis le 20 septembre 07.
Donc M. St Laurent est considéré apte à effectuer son travail normal à horaire régulier sans restriction médicale, d’horaire et de lieu depuis le 11 octobre 07 considérant que la restriction d’aller à Obedjiwan n’avait été émise que provisoirement et qu’à la condition que le médecin traitant nous remettre un nouveau certificat médical HQ à être évalué par le centre de santé une fois complété et à être comparé avec les conclusions de l’expert demandé au dossier en date du 08 août 06. »
[244] Le 8 avril 2009, le docteur Prud’homme écrit ce qui suit dans les notes d’évolution :
« Rencontre de MM. Richard Poulin et Pierre Giroux, gest. de M. St-Laurent, en présence de Mme Diane F. Paradis, cons. santé, à leur demande. Ils désirent se faire confirmer que M. St-Laurent n’a aucune restriction médicale concernant le travail à Obéjiwan en Haute-Mauricie.
Nous leur confirmons que M. St-Laurent avait eu une restriction temporaire et provisoire de ne pas travailler à Obéjiwan pour une période indéterminée le 20-09-07, soit en attendant que Mr. fasse compléter dans les plus brefs délais un CM-HQ que nous lui avions remis à cette date. Nous demandions dès lors à son mdt de nous expliquer les raisons, autres que celles sur lesquelles l’expert s’était prononcé en 2006, qui justifient que Mr. St-Laurent soit exempté de travailler à Obéjiwan. Comme nous n’avons rien reçu de son Mdt. depuis lors et comme M. ne s’est pas absenté pour une telle raison depuis que nous lui avions demandé de faire justifier cette restriction de lieu par des explications complémentaires de son mdt., nous le considérons toujours apte à se rendre à Obéjiwan pour y travailler. Nous avons remis une copie de la L19 émise le 14-10-2008 dont les conclusions vont dans ce sens.
Nous ne voyons pas présentement de motif médical justifiant que le CSO rencontre M. St-Laurent. »
[245] Le 10 novembre 2009, le docteur Prud’homme a vu le plaignant et il a écrit ce qui suit :
« Rencontre du trav. à sa demande : veut une restriction d’aller à Obedjiwan en Haute-Mauricie.
Dit avoir toujours peur depuis qu’il a reçu des menaces il y a plrs. années. Lui dit que dans ce contexte (comme on le lui avait demandé il y a plrs années, sans qu’il l’ait fait), de nous fournir un document médical expliquant les raisons de façon claire qui l’empêchent d’effectuer son travail de façon sécuritaire, raisons découlant soit de sa propre condition ou de changements récents dans son environnement de travail.
Lui remettons un CM-HQ-stand. à faire compléter par don mdt. »
[246] Le 30 novembre suivant, le médecin traitant, dans la section « Rapport médical », indique ce qui suit :
· Sous la rubrique « Diagnostic principal » : « Anxiété et angoisse face à un éventuel " Posting " à Obedjiwan »;
· Sous la rubrique « Éléments objectifs de l’examen » : « Insomnie - cauchemars ». Le docteur Prud’homme souligne qu’il s’agit là d’éléments subjectifs;
· Sous la rubrique « Degré de gravité des symptômes » : « Anxiété = moyen, phobie = moyen »;
· Sous la rubrique « Maladie associée » : « Oui, Diabète »;
Le médecin traitant, pour son pronostic, écrit : « Peut travailler. 0 travail à Obedjiwan et environs suite à des menaces qu’il aurait eues à cet endroit ». Le plaignant n’a rempli le formulaire que le 1 er juin 2010, soit six mois après son médecin.
[247] Le 4 juin 2010, le docteur Prud’homme écrit ceci dans les notes d’évolution :
« Téléphone au supér de Mr. afin de l’informer que ce dernier nous a fourni le 1-06-2010 un CM-HQ dont la section-A, à compléter par le trav. est datée du 1 er -06-2010 et dont la section-B, à compléter par son médecin traitant l’a été le 30-11-2009, sans qu’il y ait d’explication de sa part ou de celle de son mdt. pour expliquer le délai de plus de 6 mois. Considérant ce délai de plus de 6 mois, nous aviserons son employé que son CM-HQ n’est pas recevable et nous l’informerons que pour se prévaloir des restrictions émises à l’époque par son mdt, nous exigerons un nouveau CM-HQ avec explications sur les raisons médicales dont découlent les recommandations, de la part du trav. et du mdt. pour dénouer cet imbroglio. »
[248] Le 12 juillet suivant, il envoie une demande d’expertise au docteur Yvan Gauthier. Voici ce qu’il lui écrit :
« Nous demandons d’évaluer à nouveau M. Lionel St Laurent que vous aviez évalué le 08 août 2006 et chez lequel vous aviez retenu comme diagnostic : des difficultés d’adaptation en phase de rémission, sans désordre affectif majeur ni de trouble de personnalité associé. Vous ne pouviez mettre en lien les problèmes de comportement rapportés avec sa condition médicale actuelle, tout en retenant la possibilité que certains traits de personnalité puissent influencer ses rapports avec autrui et avec l’autorité. Vous nous aviez recommandé de ne pas médicaliser ce dossier tout en nous mentionnant qu’aucune restriction médicale ou psychiatrique n’avait été identifiée comme pouvant découler de son était de santé actuelle.
Depuis son retour au travail le 21 mars 2006, M. St Laurent manifesta sa volonté de poursuivre son grief pour harcèlement en provenance de son gestionnaire, et ce malgré une conciliation qui s’était soldée par une volonté nouvelle de retravailler ensemble, suivie d’une poignée de mains. Bien que monsieur se déclare inapte à retourner travailler à Obedjiwan en Haute Mauricie, en raison d’une peur viscérale des chiens errants et de la crainte d’être confronté avec les individus de ce village qui l’aurait déjà menacé, la gestion se demande toujours pourquoi il se considère apte à travailler dans les villages nordiques, alors qu’on y retrouve des chiens errants, des individus et des adolescents armés avec des habitudes de vie comparables à celles de la Haute Mauricie et alors qu’il insiste toujours pour se déplacer seulement en camion, de l’aéroport, aux maisons d’accueil d’Hydro Québec dans les villages, maisons situées très souvent à quelques minutes à pied seulement de l’aéroport, en raison de la présence des chiens errants dans ce village, tout comme à Obedjiwan. Des gestionnaires, tout comme lors de leur demande en première expertise le 08 août 2006, se demandent toujours si M. St Laurent a actuellement la capacité physique et mentale pour faire face aux stress inhérents à son travail et au rythme de vie particulier des gens des villages, considérant les difficultés interrelationnelles qu’il a manifesté avec son entourage immédiat et ses compagnons de travail et considérant qu’il peut se retrouver dans certaines situations au travail seul à faire face à des situations difficiles en présence des habitants des villages.
Depuis août 2006, monsieur n’a pas eu à se déplacer à Obedjiwan parce que le besoin ne s’est pas manifesté depuis lors sur le plan opérationnel. Depuis ce temps, M. St Laurent n’a pas eu à s’absenter du travail pour moyenne ou longue durée avec un diagnostic de santé mentale. Par ailleurs, il nous a remis en juin dernier un certificat médical HQ standardisé alors qu’il y avait eu au préalable une demande de la santé de fournir un certificat médical HQ le 10 novembre 2009, dont la partie " Déclaration du médecin " avait été complétée le 30 novembre 2009 par son médecin traitant et celle du travailleur avait été signée par lui-même le 01 juin 2010, où le médecin traitant alléguait le 30 novembre 2009 qu’il pouvait aller travailler mais pas à Obedjiwan et les environs suite à des menaces qu’il aurait eues à cet endroit dans le passé, alors que pour le gestionnaire, il en va des mêmes risques un peu partout ailleurs en régions nordiques en raison de modes de vie similaires, risques dont il avait été informés par la gestion et les ressources humaines lors de son acceptation de sa permanence à ce poste.
Face à cette situation, nous vous demandons d’évaluer à nouveau la condition médicale actuelle de M. St Laurent, d’évaluer son aptitude actuelle au travail en Haute Mauricie et en régions nordiques, là où il peut être assigné, tenant compte également des problèmes rapportés par son entourage et des déclarations du travailleur en arbitrage du travail en été 2010 à l’effet qu’il peut tolérer les deux chiens de son épouse acquis depuis plusieurs mois mais pas les chiens des autres et surtout pas les chiens errants en villages nordiques. De même qu’il déclare craindre de rencontrer les individus qui l’ont menacé à Obedjiwan alors qu’il a avoué, en cour, avoir reconduit l’un d’eux chez lui en camion, après avoir été menacé parce que ce dernier était trop ivre pour marcher.
Nous vous remercions encore une fois pour votre diligence et demeurons à votre disposition pour de plus amples renseignements jugés nécessaires. […] »
Le docteur Prud’homme dit que, finalement, il n’y a pas eu d’expertise, car, entre le mois d’août 2006 et juillet 2010, il n’y a eu aucun élément nouveau dans le dossier du plaignant.
[249] Le 1 er septembre 2010, le docteur Prud’homme écrit ce qui suit dans les notes d’évolution :
« Prise de conn. du dernier CM-HQ émis par mdt. le 9-08-2010. Réitère les mêmes recommandations émises depuis plusieurs années soit que Mr. est actuellement apte au travail mais qu’il doit éviter d’aller à Obedjiwan suite à des menaces déjà reçues à cet endroit.
Dossier actuellement en tribunal du travail en litige entre autre concernant cette recommandation du mdt. vs celles de l’expert impliqué dans ce dossier. »
[250] Le 12 novembre 2010, le docteur Prud’homme écrit ce qui suit :
« Rencontre de Mr. Richard Poulin, gest. de Mr. St-Laurent. Nous demande si Mr. est apte à trav. au Nord, sans restriction. Je lui réponds que si Mr. St-Laurent se juge apte à travailler n’importe où au Nord comme le dit son mdt. de façon implicite sauf à Obedjiwan, endroit menaçant pour lui, nous le jugeons apte à se rendre à Obedjiwan, après comparaison aux conclusions de l’expert qui l’a jugé apte à trav. partout au Nord sans restriction de lieu, d’autant plus que d’autres milieux où Mr. se dit prêt à aller sont jugés tout aussi, sinon plus menaçants que Obedjiwan et les environs.
L19 : Après évaluation de l’attestation médicale émise par le médecin traitant en date du 9-08-2010 et après comparaison aux conclusions de l’expert impliqué dans le dossier pour les mêmes motifs en août 2006, nous concluons que votre employé est apte à travailler partout dans le Nord et en Haute-Mauricie, ce sans restriction de lieu ni d’horaire. »
[251] Le docteur Prud’homme commente des notes prises par le médecin traitant, le docteur Vézina, notes déposées en liasse sous la cote S-17b) :
· 13 décembre 2005 : le docteur Vézina écrit que le plaignant lui a mentionné qu’il est harcelé par son gestionnaire qui le traite d’incompétent et qu’il est au bout du rouleau. Le plaignant lui a dit que s’il rencontre ce gestionnaire, ce sera sa fête. Le docteur Prud’homme laisse au tribunal le soin d’interpréter cette dernière phrase.
· 10 janvier 2006 : le docteur Vézina indique que le plaignant fait de la menuiserie dans son sous-sol. Le docteur Prud’homme dit que, même si le plaignant se sent au bout du rouleau, il est capable d’avoir des passe-temps.
· 14 février 2006 : il est mentionné que le plaignant a fini son sous-sol. Le docteur Prud’homme dit que si le plaignant a réussi à finir son sous-sol, il était donc capable de travailler avec certaines restrictions, comme exécuter des travaux allégés, par exemple.
· 18 juillet 2006 : il est noté que le plaignant s’est construit un cabanon. Le docteur Prud’homme dit que cette activité demande de la concentration et un bon effort. Encore une fois, il croit que le plaignant aurait pu travailler.
· 19 septembre 2007 : le docteur Vézina écrit que le plaignant se sent harcelé parce que son supérieur veut l’assigner à Obedjiwan. Il est noté que le plaignant a mentionné qu’il avait « engueulé » le médecin de l’Employeur (docteur Prud’homme) et qu’il irait au bureau de son supérieur pour lui régler son compte. Le docteur Prud’homme souligne que le plaignant identifie une assignation à du harcèlement alors qu’il est de la responsabilité d’un gestionnaire d’attribuer les tâches et les fonctions des employés.
[252] Selon le docteur Prud’homme, les notes d’évolution du docteur Vézina ne fournissent pas des renseignements complémentaires ni d’éléments nouveaux depuis l’expertise du docteur Gauthier, en août 2006, pour comprendre pourquoi le docteur Vézina recommandait que le plaignant n’aille pas à Obedjiwan. Toutes les rencontres que le docteur Prud’homme a eues avec le plaignant après août 2006 ne lui ont pas permis non plus d’identifier d’autres éléments qui n’auraient pas été couverts par le docteur Gauthier. Il souligne que, même si le plaignant a eu des menaces d’un individu à Obedjiwan, il est allé le reconduire chez lui vu qu’il était en état d’ébriété. Le docteur Prud’homme a donc beaucoup de difficulté avec ce diagnostic de « peur morbide » d’aller à Obedjiwan.
[253] En contre-interrogatoire, le docteur Prud’homme dit que, lorsqu’il a reçu la fiche d’absences du plaignant, il s’est interrogé si les absences en 2005-2006 correspondaient bien à la réalité. Tout ce qui empêchait le plaignant de travailler était la présence de monsieur Tremblay au travail. Le docteur Prud’homme a commencé à douter des diagnostics de trouble de l’adaptation; il a constaté que le plaignant avait un conflit avec son supérieur immédiat plutôt qu’un problème de santé mentale. À titre d’exemple, lorsque monsieur Tremblay partait en vacances le plaignant revenait travailler et ce, de façon normale.
[254] Lorsqu’il a rencontré monsieur Poulin, le 28 novembre 2005, ce dernier lui a raconté que le plaignant se déclarait non malade, ce qui a confirmé ses doutes sur les diagnostics. Il a vu le plaignant le 29 novembre et ce dernier lui a parlé du harcèlement exercé par monsieur Tremblay à son endroit. Il devenait évident que le docteur Prud’homme avait affaire à un conflit de travail et a suggéré au plaignant de rencontrer monsieur Tremblay pour régler ses doléances. Il convient toutefois que les diagnostics reliés aux absences de novembre 2005 à avril 2006 n’ont pas été contestés par le Centre de gestion des invalidités.
[255] Le docteur Prud’homme estime qu’en novembre 2005, le plaignant n’avait pas plus de raisons que les autres employés pour refuser d’aller à Obedjiwan; ce n’était pas plus dangereux pour lui que pour les autres. D’ailleurs, d’autres localités du Grand-Nord où travaillait le plaignant présentaient des problèmes identiques.
[256] Il n’est pas en mesure de dire si la gestion a fait des efforts pour assigner le plaignant à un autre poste. Selon lui, il s’agissait d’un conflit entre individus, et il ne fallait pas médicaliser le dossier. Il n’a donc pas eu de discussion avec docteure St-Martin, du Centre de gestion des invalidités, sur la relocalisation du plaignant dans un autre poste.
[257] Le plaignant prenait des antidépresseurs en avril 2006. À 225 mg die , le docteur Prud’homme estime qu’il ne s’agissait pas de dépression majeure; ce type d’ordonnance est souvent donné dans des cas de deuil, de douleurs. Selon lui, cette médication est prescrite pour des dépressions légères à modérée, et ne rendait pas le plaignant inapte à travailler.
[258] Le plaignant a dit qu’il s’immolerait par le feu. Le docteur Prud’homme souligne que le plaignant a toujours été reconnu comme émotif, soupe au lait, avec des réactions promptes. Était-ce relié à sa personnalité, était-ce de la manipulation? Quoi qu’il en soit, dit le docteur Prud’homme, il faut quand même s’assurer qu’une personne n’est pas dangereuse pour elle-même ni pour les autres.
[259] Il a été question de demander une expertise en mai 2006. Selon le docteur Prud’homme, cette expertise ne réglerait pas le problème. Il préférait plutôt une tentative de médiation pour rapprocher les parties en conflit.
[260] En juin 2006, l’Employeur attendait toujours le certificat médical du plaignant demandé en avril 2006, même si l’étape de médiation était toujours en cours. Il voulait savoir s’il y avait eu détérioration ou amélioration de l’état de santé du plaignant.
[261] Lorsque le plaignant s’est présenté chez le docteur Prud’homme le 18 septembre 2007, il était furieux et parlait fort; le médecin s’est senti menacé. Le plaignant ne l’a pas touché. Le docteur Prud’homme lui a encore dit qu’il devait transmettre un certificat médical et que, s’il y avait restriction, le médecin traitant devait l’expliquer en détail.
[262] Le docteur Prud’homme dit qu’une lombalgie aigüe prend du temps à guérir et il est rare qu’une personne en souffrant puisse entrer au travail le jour suivant; cela peut durer des semaines, voire des mois. Le docteur Prud’homme a reçu deux diagnostics dans la même journée du 19 septembre 2007 : « lombalgie » et « restriction d’aller à Obedjiwan », sans plus de détails.
[263] Dans le certificat médical du docteur Vézina du 1 er novembre 2007, reçu par l’Employeur le 4 janvier 2008, le docteur Prud’homme est étonné que le diagnostic principal soit « lombalgie » sans qu’il soit fait mention de restriction reliée à ce problème, comme c’est normalement la cas. La restriction pour Obedjiwan n’est toujours pas expliquée et, à l’axe V, on note 75 à 80, ce qui signifie que le plaignant était apte à travailler.
[264] En réinterrogatoire, le docteur Prud’homme dépose, sous la cote E-52, un certificat médical du docteur Vézina daté du 11 mai 2011, qui a été reçu chez l’Employeur le 13 juin suivant. Le docteur Vézina écrit ceci comme diagnostic : « Anxiété situationnelle face à une situation ». Sous la rubrique « Nature et durée (semaines) des restrictions », il est écrit :
« Permanentes (soulignement du docteur Vézina) : Monsieur devra éviter d’aller à Obedjiwan où il aurait déjà reçu des menaces de mort. Le mot " Obedjiwan " lui rappelle des souvenirs malheureux et provoque chez lui une situation de panique. Il lui est donc impossible d’y aller pour sa santé psychologique. »
[265] Selon le docteur Prud’homme, il n’y a pas d’éléments nouveaux dans ce certificat; c’est la même chose depuis 2005. C’est la raison pour laquelle une expertise a été demandée au docteur Gauthier pour s’assurer que le Centre de santé ne se trompait pas dans le jugement qu’il a posé au regard de la situation du plaignant.
[266] Madame Marie-Pierre McKenzie , en février 2007, était superviseure de la station de Sept-Îles et gérante des stations d’Air Labrador. Elle ne travaille plus pour cet employeur, ayant été mise à pied en 2009. Air Labrador desservait Montréal jusqu’à Blanc-Sablon, en passant par Sept-Îles. Les avions Dash 8 (29 passagers), Beech 1900 (19 passagers) et Twin Otter (12 passagers) vont aussi à Wabush et Terre-Neuve.
[267] Elle a fait parvenir un courriel à monsieur Marc-André Dupont, le 26 février 2007, concernant le comportement du plaignant ce jour-là; courriel qui a été précédemment déposé sous les cotes E-29 et S-33 (précité au paragraphe 67). Elle raconte qu’elle avait reçu une télécopie l’informant que le plaignant avait refusé d’identifier un bagage en attente. L’agente au comptoir de Québec a laissé monter le plaignant avec tous ses bagages, car, pour l’avion Dash 8, cela ne posait pas de problème. À Sept-Îles, le plaignant devait monter à bord d’un Beech 1900, dans lequel le poids de ses bagages posait un problème. Les règles de Transport Canada n’étaient pas respectées. Madame McKenzie n’était pas contente du fait que l’agente au comptoir à Québec ait laissé le plaignant monter à bord avec ses bagages sans en identifier un en attente, car elle refilait ainsi le problèmes aux agents de Sept-Îles. Selon elle, l’agente à Québec aurait dû être ferme. Le plaignant avait été agressif à Québec et madame McKenzie s’est informée si elle devait porter plainte chez l’Employeur. Elle explique que, dès qu’il y a excédent de poids, la personne au comptoir de Québec demande au passager d’identifier un ou des bagages qui seront sortis à Sept-Îles et mis en attente à cette station. Un collant orange est alors apposé sur le bagage ou les bagages en question.
[268] Lorsque le plaignant est arrivé à Sept-Îles, c’est madame McKenzie elle-même qui l’a accueilli, car les agentes lui avaient mentionné qu’avec lui il y avait toujours un problème de bagage malgré toutes les explications qu’elles pouvaient lui donner. Il ne voulait rien comprendre. De plus, elles savaient ce qui s’était passé au comptoir à Québec. Parce que les trois bagages avaient été mis à bord du Dash 8, il a fallu qu’à Sept-Îles un bagagiste les sorte de l’avion pour les apporter au comptoir afin de les faire vérifier par la Sécurité. Si le plaignant avait identifié le bagage en attente à Québec, le bagagiste aurait mis deux des trois bagages à bord du Beech 1900 et aurait apporté au comptoir celui sur lequel un collant orange avait été apposé pour être mis en attente. Cette opération a duré une quinzaine de minutes de plus, et c’était une perte de temps et d’énergie inutile. Madame McKenzie a donc demandé au plaignant d’identifier ce qu’il estimait le plus important à apporter avec lui en premier, car il n’était pas possible de monter à bord du Beech 1900 tous ses bagages. Le plaignant était agressif et a refusé. Pour ce dernier, tout était important. Madame McKenzie a « pogné les nerfs » et a demandé au plaignant d’aller s’asseoir, car elle en avait assez entendu.
[269] Le plaignant est revenu au comptoir et a dit que la prochaine fois, il mettrait tous ses bagages dans un sac de hockey. Elle lui a rétorqué que s’il le faisait, il aurait encore plus de problèmes. En effet, le sac de hockey serait considéré comme du « cargo » et non prioritaire, risquant ainsi d’arriver trois semaines plus tard. Les priorités sont déterminées comme suit : 50 livres de base pour chaque employé, les médicaments et le cargo. Madame McKenzie a offert au plaignant d’attendre avec ses bagages pour prendre un autre vol. Elle ne se souvient pas de la réponse de ce dernier. Le plaignant a dit qu’il soumettra une plainte aux supérieurs de madame McKenzie et cette dernière lui a répondu que c’était précisément ses patrons qui lui donnaient les directives en cas de surplus de poids de bagages. Selon madame McKenzie, l’échange verbal avec le plaignant devenait interminable.
[270] L’Employeur était un client important et elle craignait sa réaction en cas de refus d’embarquement d’un de ses employés. Toutefois, dit-elle, elle l’a prévenu que, dorénavant, Air Labrador expliquerait à un passager agressif la politique de « tolérance 0 », comme elle l’a mentionné dans son courriel du 26 février 2007. Madame McKenzie ajoute qu’Air Canada ou Air Canada Jazz n’auraient jamais permis au plaignant d’embarquer. Un règlement de Transport Canada stipule que si un passager est agressif au sol, il le sera probablement à bord de l’avion et pourra constituer un danger pour la sécurité des passagers. Deux agents de comptoir ont indiqué à madame McKenzie que si cette situation d’agressivité de la part du plaignant persistait, ils démissionneraient.
[271] Madame McKenzie et l’agente de comptoir à Québec, madame Julie O’Neil, ont rencontré les enquêteurs de l’Employeur du plaignant. Le résultat de l’enquête a été déposé précédemment sous la cote E-28.
[272] Elle mentionne que les employés de l’Employeur voyagent habituellement par paire. Le plaignant était accompagné de monsieur Lefebvre; ce dernier était calme et posé. Elle indique que le plaignant était connu pour son comportement colérique et, lorsqu’il se présentait au comptoir, il était toujours négatif.
[273] Les bagages des employés de l’Employeur étaient souvent trop lourds. Il n’était pas possible de demander à d’autres passagers de mettre une partie de leurs bagages en attente même s’ils étaient à l’intérieur des normes. Toutefois, certains passagers, les médecins par exemple, ont absolument besoin de leurs bagages. Une solution a été trouvée : l’Employeur payait trois billets de passage pour deux employés. Ainsi, il couvrait 200 lbs de plus de bagages.
[274] À la suite de l’incident du 26 février 2007, le plaignant l’a appelée pour expliquer son comportement; il menaçait de porter plainte à Air Labrador. Madame McKenzie s’attendait à recevoir des excuses, mais elle s’est fait avertir plutôt par le plaignant qu’il ne voulait plus être importuné à cause de ses bagages lors de ses prochains déplacements. Elle dépose, sous la cote E-38, un courriel qu’elle a envoyé le 11 septembre 2007 à monsieur Jean-Yves Tremblay. Il se lit ainsi :
« Tel que demandé, voici la confirmation que Monsieur Lionel St-Laurent n’a jamais présenté d’excuses. Ces excuses toutefois devraient plutôt être dirigées vers les agentes qui ont du s’occuper du cas de Monsieur St-Laurent. Merci. »
[275] Elle en dépose un autre (E-39) qu’elle lui a fait parvenir le 19 septembre suivant :
« Monsieur St-Laurent vient de m’appeler pour ses excuses, il avait l’air sincère et je l’ai réellement senti peiné. Je lui ai aussi dit que je transmetterais ses excuses aux agentes présentes au comptoir ce jour la. Il m’a dit : si vous préférez je vais m’excuser de vive voix avec elles. Je lui ai dit que ce n’étais pas nécessaire, qu’il aurait trop de misère à les rejoindre en même temps. Merci. »
[276] En contre-interrogatoire, madame McKenzie dit qu’elle ne se souvient pas des mots exacts utilisés par le plaignant lorsqu’il a été agressif avec elle. Il n’a pas posé de geste violent; il était plutôt arrogant et impoli, et haussait le ton. Ce n’était pas uniquement à cause du comportement du plaignant, le 26 février, que les deux employés menaçaient de démissionner. Pour elles, l’attitude répétée du plaignant était la goutte qui faisait déborder le vase.
[277] Madame Julie O’Neil était préposée aux passagers pour Air Labrador à l’aéroport de Québec. Elle a travaillé pour cette compagnie de 2004 à 2009.
[278] Elle se souvient d’avoir été rencontrée par les enquêteurs de l’Employeur. Elle reprend dans son témoignage ce qu’elle leur a raconté et qui apparaît dans le rapport déposé sous la cote E-28 (rapport de Daniel Hamel) :
« Ainsi donc, Mme O’Neil débuta et relata que le 2007-02-26 vers 06h30, M. St-Laurent était son premier client. Elle dit être la seule à ne pas avoir eu de problèmes avec lui à date. À cet effet, les autres employées lui disaient régulièrement : " Voilà ton client " en voyant arriver M. St-Laurent. Ce matin-là, M. St-Laurent avait un surplus de bagage et elle lui demanda d’en identifier un qui pourrait être retardé en cas de besoin selon les directives de la compagnie. M. St-Laurent s’est aussitôt mis à parler fort et ne voulait pas en identifier un. Il était visiblement fâché de çà et elle trouvait son attitude intimidante et stressante. Son ton était agressif. Elle ajouta que c’est toujours comme ça avec ce client-là mais qu’habituellement il restait calme avec elle. Vu qu’elle avait fait cette demande en prévision du transfert d’appareil à Sept-Iles, elle le laissa monter sans plus. Elle nota l’incident sur le journal de vol. Mme O’Neil termina en mentionnant qu’un autre employé d’Hydro-Québec voyageait sur le même vol que lui et qu’il était évident qu’il ne voulait pas être mêlé à çà. »
[279] En contre-interrogatoire, madame O’Neil mentionne qu’elle ne se souvient pas des mots et des termes exacts utilisés par le plaignant qui l’ont amenée à déclarer aux enquêteurs qu’il avait « une attitude intimidante et stressante ».
[280] Monsieur Jean-Yves Tremblay a obtenu son diplôme de technicien en électrodynamique au Cégep de Jonquière en 1970. En novembre 1970, il a été embauché chez l’Employeur comme dessinateur à la région Montmorency. Toujours dans cette même région, il a obtenu un poste d’estimateur le 7 janvier 1971. Il a été prêté à titre d’estimateur au réseau non relié de 1971 à 1974, année où il y est devenu estimateur permanent. En 1978, il occupait un poste de technicien automatisme à ce même réseau. En 1987, il a été nommé chef de la maintenance automatisme, appareillage électrique et télécommunications toujours au réseau non relié. Enfin, de 2007 à 2009, il a y été chef maintenance. En 2009, il a pris sa retraite. En février 2006, au moment du grief du plaignant, monsieur Tremblay était chef maintenance, automatisme et appareillage, et le plaignant a relevé de lui jusqu’en décembre 2007.
[281] La mission de l’unité de monsieur Tremblay était d’entretenir, réparer, installer et mettre en service des équipements de production d’électricité pour des centrales thermiques et hydrauliques en automatisme, en appareillage électrique et en télécommunications. Les installations se situaient dans les villages côtiers de la Baie d’Hudson (six centrales) de la Baie d’Ungava (huit centrales), de la Basse-Côte-Nord (trois centrales) et de la Haute-Mauricie (trois centrales). Il y en avait une aussi à l’Île d’Anticosti. Ces endroits étaient très éloignés et souvent difficiles d’accès.
[282] Monsieur Tremblay, pour orchestrer les activités à la demande des chefs d’exploitation de ces centrales, gérait cinq techniciens automatisme, six électriciens en appareillage et trois salariés temporaires. Le technicien automatisme fait du travail au niveau du contrôle des machines et des systèmes, soit en production, soit en entretien. L’électricien intervient sur de plus gros équipements comme les transformateurs, les alternateurs et les systèmes de ventilation et de pompage. Les techniciens font partie de l’unité d’accréditation section locale 957 alors que les électriciens, de la section locale 1500.
[283] Les charges de travail faisaient l’objet de statistiques pour chaque région et chaque centrale, de telle sorte qu’il était possible d’année en année de prévoir le nombre d’employés requis et de jours de travail. Les statistiques étaient informatisées.
[284] Tant pour les techniciens que pour les électriciens, des équipes de deux salariés étaient formées, dont un chef d’équipe. Chaque équipe était attitrée à une région. Monsieur Tremblay tentait le plus possible de jumeler des salariés qui s’entendaient bien, car ils travaillaient sur un horaire de 12 jours multiplié par 15 cédules, donc de 160 à 180 jours par année. Il les réunissait ainsi selon leurs habiletés, certains étant plus débrouillards manuellement pour assurer l’acheminement de l’électricité même s’il y avait bris d’équipement et qu’une pièce manquait. De plus, il fallait des employés qui connaissaient l’informatique. Donc, il en fallait au moins un qui était fort dans ce domaine. Le chef d’équipe s’occupait du support technique et faisait le lien entre l’équipe et lui; il planifiait la charge de travail avant son départ vers les centrales. Au retour des équipes, monsieur Tremblay les rencontrait en groupe pour faire le bilan des travaux exécutés.
[285] Dans les régions des centrales cohabitent plusieurs cultures : française, anglaise et inuite. On y voit plusieurs problèmes sociaux, dont l’abus d’alcool et de drogue. Il est strictement interdit pour les employés de l’Employeur de vendre de l’alcool et des drogues. Les employés résident dans des maisons fournies par l’Employeur et ils sont responsables de leur entretien. Ils s’occupent de leurs repas.
[286] Quatre fois par année, monsieur Tremblay réunissait les équipes pour discuter de santé et de sécurité du travail. Il tenait aussi d’autres rencontres pour traiter de comportements, d’assiduité, de qualifications professionnelles et de la qualité du travail. Monsieur Tremblay allait aussi rencontrer les équipes sur place; il effectuait environ quatre à cinq voyages par année aux centrales. Globalement, sa gestion se faisait donc à distance.
[287] En septembre 1992, le plaignant a obtenu un poste dans l’unité gérée par monsieur Tremblay depuis 1987. Le plaignant a relevé de lui de 1992 à 2007. Comme pour tous les nouveaux employés, il a rencontré le plaignant pour lui expliquer les particularités du travail dans l’unité. Il lui a parlé de la nécessité d’être débrouillard, de la capacité de s’adapter aux aléas des transports comme, par exemple, le fait, parfois, de recevoir ses bagages en retard, d’avoir à cuisiner ses repas ou de ne pas revenir de son voyage au moment prévu. Il lui a mentionné que sa vie sociale serait touchée par son horaire de travail et lui a précisé qu’il aurait à travailler avec des personnes de cultures différentes (Inuits). Il ajoute que, antérieurement, après avoir fait ces précisions à des candidats, certains se désistaient sur-le-champ ou après un voyage en région éloignée. Dès sa première rencontre avec le plaignant, monsieur Tremblay a constaté qu’il ne possédait pas le profil d’un employé qui s’adapterait à ce type de poste. Selon monsieur Tremblay, le plaignant n’était pas un candidat idéal; il estimait que sa personnalité et les réponses à ses questions ne cadraient pas avec le genre de vie et de travail dans les centrales des régions éloignées. Monsieur Tremblay fondait cette opinion sur sa propre expérience dans ce type de travail. Toutefois, la convention collective imposait que le poste soit occupé par le candidat ayant le plus d’ancienneté.
[288] Le plaignant lui a rapidement démontré que son opinion était fondée. Par exemple, il est allé le voir travailler. Il a fallu qu’il lui montre comment suivre un plan d’installation. Il a constaté qu’il manquait d’habileté et de dextérité. Même à l’aide d’un plan d’installation, il n’était pas capable de remonter un panneau de contrôle, ce qui faisait partie du travail de tout technicien automatisme.
[289] Monsieur Tremblay dit qu’il formait les équipes en fonction des personnalités de chacun, de leurs connaissances techniques et de leurs habiletés. Il a jumelé le plaignant avec un salarié qui avait de très bonnes connaissances techniques, soit Joël Féry. Toutefois, la cohabitation de ces deux personnes est devenue impossible. Monsieur Tremblay recevait souvent des critiques de la part de monsieur Féry disant que le plaignant avait de la difficulté à réaliser les travaux et qu’il commettait des erreurs. Une tension s’est installée dans cette équipe. Le plaignant est allé rencontrer monsieur Tremblay à son bureau pour l’informer que s’il ne l’assignait pas avec un autre équipier, des choses allaient arriver. Il a donc jumelé le plaignant avec presque tous les équipiers possibles comme, par exemple, messieurs Giroux, Lefebvre et D’Astous, et ces derniers rapportaient toujours la même réalité : difficultés de voyager et de cohabiter avec le plaignant. Les salariés se présentaient à lui et demandaient de changer d’équipier. Travailler avec le plaignant était pour eux ardu, car ils étaient seuls pour régler les questions techniques; le plaignant n’était d’aucune utilité.
[290] Lors de la crise du verglas, en 1998, plusieurs techniciens du secteur Boréal ont été demandés pour aller travailler en Montérégie. Compte tenu du fait que les qualités et les connaissances techniques du plaignant ne se prêtaient pas à cette opération, monsieur Tremblay lui a demandé de demeurer au bureau, à Québec, et de lui signaler tout problème pouvant survenir aux centrales des régions éloignées. Monsieur Tremblay dit avoir expliqué sa décision au plaignant et ce dernier n’était pas heureux de la position de monsieur Tremblay. Il est certain qu’être envoyé en Montérégie était très avantageux financièrement pour les techniciens, mais une personne devait continuer à suivre les centrales du Boréal, et le plaignant y a été assigné. Aucun grief n’a été soumis à l’encontre de cette décision administrative.
[291] Quand le secteur Boréal avait accès à de la formation, le plaignant en bénéficiait autant que les autres techniciens.
[292] Le plaignant désirait obtenir un poste de chef d’équipe. Monsieur Tremblay soutient n’avoir jamais dit au plaignant qu’il n’était pas compétent. Il explique que la fonction de chef d’équipe était attribuée par ancienneté. Or, monsieur D’Astous avait plus d’ancienneté que le plaignant. Comme il a refusé de prendre ce poste, le plaignant était donc le plus ancien et cette ouverture de poste de chef d’équipe a eu lieu en 2000. Monsieur Tremblay explique qu’il estimait que le plaignant n’avait pas démontré depuis 1992 qu’il pouvait avoir le profil pour être chef d’équipe. Il raconte qu’en 1995 le plaignant avait échoué à l’examen d’habilitation au Code de sécurité des travaux . Selon monsieur Tremblay, une compréhension de ce code est importante et vitale. Finalement, le plaignant a réussi le test en 1998.
[293] Monsieur Tremblay a offert le poste de chef d’équipe à monsieur Lafleur qui, lui aussi, l’a refusé. Il a été obligé de le donner au plaignant. Il lui a expliqué que la fonction était très exigeante et qu’il ferait une évaluation de son travail après six à huit mois. L’évaluation n’a pas été satisfaisante. Le plaignant avait des difficultés à rendre compte des travaux exécutés, à les organiser et à diriger l’équipe. Monsieur Tremblay a accordé une autre période au plaignant afin qu’il puisse s’améliorer, mais il a constaté que la prestation du plaignant était inadéquate et que les travaux étaient surtout exécutés par le compagnon du plaignant, monsieur Lafleur.
[294] Le 28 janvier 2002, monsieur Tremblay a rencontré le plaignant, car la situation ne s’améliorait pas. Il ne voulait pas être seulement négatif; il lui a signalé d’abord sa satisfaction dans la réalisation des travaux d’entretien et de réparation. Toutefois, le plaignant avait toujours beaucoup de difficulté dans le suivi des défectuosités. Selon monsieur Tremblay, il a eu beaucoup de problèmes dans son rôle de chef d’équipe. Il estime que la réalisation des travaux tenait beaucoup à la qualité du coéquipier comme technicien. La prime de chef d’équipe a été retirée au plaignant le 12 mai 2008. À cette époque, monsieur Tremblay n’était plus son supérieur.
[295] Monsieur Tremblay raconte qu’à la suite d’une sentence arbitrale l’Employeur devait payer 30 $ par jour pour les repas des employés. Tous les salariés se sont pliés à cette décision et ont cessé d’apporter des factures d’épicerie, à l’exception du plaignant qui, lui, remettait pour remboursement l’excédent des factures qui totalisaient plus de 30 $ par jour. Monsieur Tremblay, devant l’entêtement du plaignant, lui a dit qu’il serait mieux de garder son emploi chez l’Employeur. Il voulait indiquer par là que, dans le secteur privé, un employeur ne tolérerait pas ce genre de comportement.
[296] Monsieur Tremblay relate qu’au printemps 2002 il y a eu un incendie à Poste-de-la-Baleine. Ce feu a causé des dégâts et, lorsqu’il y a eu réparation à l’hiver 2003 par les soudeurs, une étincelle a causé un autre incendie. Il a fallu remettre d’urgence en service la centrale. Tous les circuits électroniques devaient être nettoyés, asséchés et remis en service. Monsieur Miguel Simard, responsable de la sécurité, est venu informer monsieur Tremblay que, malgré l’urgence, le plaignant nettoyait les pièces de réserve. C’était son compagnon, monsieur Lafleur, qui effectuait tout le travail d’urgence. Selon monsieur Tremblay, le plaignant avait manifestement pris une mauvaise décision, car il retardait la mise en service de la centrale. Monsieur Tremblay, bien que mécontent, n’a jamais traité le plaignant d’incompétent, ni l’ingénieur Lajoie ni personne d’autre.
[297] Il raconte que, le 9 novembre 2005, le compagnon du plaignant, monsieur Lafleur, lui a dit qu’il désirait être à Québec le 12 décembre, car il voulait être certain de prendre son avion pour aller en vacances dans le Sud. Or, monsieur Lafleur avait un voyage de travail prévu pour la période entre le 5 et le 16 décembre. Monsieur Tremblay lui a répondu qu’il tenterait d’organiser les voyages de travail afin qu’il puisse prendre ses vacances pendant cette période, même si elles n’avaient pas été prévues au 30 avril précédent comme l’exige la convention collective. Le voyage de travail du 5 au 16 décembre devait se faire en Haute-Mauricie, dont à Obedjiwan, pour l’installation d’antennes pour les communications satellites. Le plaignant et monsieur Lafleur ont fait des démarches pour que monsieur Denis Boucher, technicien à l’exploitation, ayant de l’expérience en automatisme, remplace monsieur Lafleur pour le voyage en Haute-Mauricie. Monsieur Tremblay leur a expliqué qu’il ne pouvait pas accepter ce remplacement parce que monsieur Boucher, étant à l’exploitation, il y aurait eu grief. L’installation des antennes en Basse-Côte-Nord avait subi un retard d’une semaine et il était crucial que le plaignant et monsieur Lafleur soient présents à Obedjiwan dans la semaine du 12 décembre. Monsieur Tremblay a demandé à monsieur D’Astous de remplacer monsieur Lafleur, mais ce dernier a refusé car il venait de passer trois semaines dans la Basse-Côte-Nord. Il a donc demandé à monsieur Lafleur d’aller en Haute-Mauricie et revenir le 15 décembre. Ce dernier a carrément refusé en allant jusqu’à dire qu’il se blesserait volontairement pour être certain de ne pas faire ce voyage de travail.
[298] Monsieur Tremblay a soumis une autre proposition : le plaignant et monsieur Lafleur iraient en Haute-Mauricie du 29 novembre au 8 ou 9 décembre pour faire de l’entretien ensuite, le 12 décembre, le plaignant et monsieur Giroux se rendraient en Haute-Mauricie pour l’installation des antennes. Le plaignant a refusé de monter pendant la période proposée, car il prétendait que l’entretien préventif avait déjà été effectué et il avait peur des tempêtes. Après examen des charges de travail rapportées, monsieur Tremblay a constaté qu’il n’était pas indiqué que ces entretiens avaient été faits; il a dit au plaignant qu’il avait mal fait son travail, car, comme chef d’équipe, il n’avait pas inscrit que le travail avait été réalisé. Le plaignant a dit par la suite qu’il n’était plus question qu’il aille en Haute-Mauricie pour quelque raison que ce soit. Monsieur Pomerleau, représentant syndical, a avisé monsieur Tremblay que le plaignant ne voulait pas faire le voyage, car il estimait que c’était dangereux (tempêtes de neige). Monsieur Lafleur refusait aussi d’y aller. Il a donc rencontré monsieur Poulin, son supérieur, et ce dernier lui a dit qu’il s’occuperait du dossier vu l’intervention du Syndicat.
[299] Monsieur Tremblay relate qu’à l’automne 2005, il y a eu des élections à Obedjiwan et que la tension y était vive. L’Employeur avait demandé à la Sûreté du Québec d’exercer une surveillance accrue de la centrale et de la maison d’Hydro-Québec. Cette situation n’était pas sans insécuriser les salariés. Le plaignant se promenait dans les bureaux à Québec et disait que, bientôt, il faudrait demander à l’armée d’accompagner les techniciens à Obedjiwan; monsieur Tremblay lui a demandé de cesser d’exagérer.
[300] Finalement, le voyage du 12 décembre n’a pas eu lieu, car un fournisseur n’avait pas reçu ses équipements. Monsieur Tremblay dit que, le 15 décembre, il faisait très beau et que monsieur Lafleur, s’il avait fait le voyage, n’aurait pas raté son avion pour ses vacances. De plus, une directive de l’Employeur a annulé tout voyage à Obedjiwan considérant le climat politique houleux à cet endroit.
[301] Monsieur Tremblay dépose, sous la cote E-41a), un document intitulé Charge de travail automatisme pour la Haute-Mauricie du 23 novembre 2005 et, sous E-41b), celle du 28 décembre suivant. Dans le document E-41a), la partie 1 est l’entretien et rien n’est rempli pour la centrale d’Obedjiwan. Selon monsieur Tremblay, la charge de travail lui permet de planifier les travaux d’un prochain voyage compte tenu de ce qui est inscrit par le chef d’équipe. Le plaignant lui avait dit que l’entretien avait été fait, ce qui n’apparaissait pas dans E-41a). Le 28 décembre 2005 (E-41b), monsieur Lafleur était revenu de ses vacances et le plaignant était absent pour maladie. Il a pu indiquer que les travaux d’entretien avaient été effectués. S’ils n’avaient pas été rapportés le 23 novembre, c’est qu’il était survenu un problème informatique. Monsieur Tremblay dit que, dans l’unité du plaignant, il y a un technicien en informatique qui aurait pu le régler; le plaignant aurait dû lui demander d’accomplir cette tâche afin de s’assurer du bon suivi des travaux. Sur la pièce E-41b), on constate que l’entretien avait été fait. C’est monsieur Tremblay qui l’a noté dans la charge de travail alors que cela aurait dû être fait par le chef d’équipe, le plaignant.
[302] Monsieur Tremblay relate qu’il avait eu un rapport le 20 novembre 2004 comme quoi une cloche de téléphone dans une centrale ne fonctionnait pas. Le 6 janvier 2005, le plaignant a écrit que cette cloche serait remplacée après une réparation temporaire. Monsieur Tremblay a reçu cette réponse le 14 décembre 2005. Il se demande si elle a été remplacée. Si oui, pourquoi le plaignant ne l’a-t-il pas indiqué dans son rapport du 14 décembre? De plus, cela aurait dû être fait depuis fort longtemps, et rien ne montrait que la pièce avait été remplacée. Monsieur Tremblay dit qu’il s’agissait encore là d’un exemple d’un manque de suivi, et il y en avait beaucoup d’autres. Quand monsieur Tremblay a signalé au plaignant qu’il n’avait pas bien fait son travail de chef d’équipe, il ne lui a pas dit qu’il était incompétent. Le plaignant toutefois a pu interpréter ses paroles et conclure le contraire.
[303] Monsieur Tremblay trouvait la situation décourageante. Lors des réunions de travail, il insistait régulièrement sur l’importance de rendre compte des travaux qui avaient été effectués lors d’un voyage de travail afin de planifier les autres travaux pour les prochains voyages. Selon monsieur Tremblay, les charges de travail étaient son instrument de travail, car, lui aussi, devait rendre des comptes des réparations effectuées aux chefs d’exploitation.
[304] Le plaignant s’est absenté pour maladie à compter du 29 novembre 2005. Monsieur Poulin a informé monsieur Tremblay que le plaignant ne voulait plus travailler sous ses ordres; il a alors pris charge du dossier du plaignant.
[305] Monsieur Tremblay a rencontré M e Pâquet qui enquêtait sur une plainte de harcèlement psychologique soumise par le plaignant à son endroit. Il était accompagné d’un représentant de l’Association des cadres. Il dépose le calendrier 2006 sous la cote E-42. Il raconte que monsieur Poulin, son supérieur, l’a informé que le rapport de M e Pâquet ne concluait pas à du harcèlement psychologique, mais que les communications devaient être améliorées au sein du secteur Boréal.
[306] Il a rencontré madame Bossé, des ressources humaines, et madame Gauthier; elles l’ont avisé qu’une médiation aurait lieu pour assurer la meilleure intégration possible du plaignant dans l’unité. Il était très sceptique, mais elles l’ont convaincu du bien-fondé de cette démarche. Il a compris que la médiation était la meilleure chose à faire et il s’y est engagé à 100 %; il mentionne qu’il a prouvé que tout serait envisagé pour réintégrer le plaignant dans l’équipe. Monsieur Tremblay indique qu’avoir travaillé avec des spécialistes des ressources humaines lui a permis d’apprendre beaucoup. Madame Gauthier lui a donné de nombreux conseils sur ce qu’il devait améliorer. Il dépose, en liasse sous la cote E-43, le calendrier de ses absences par ses feuilles de temps et l’affectation temporaire de monsieur Pierre Giroux sur son poste de gestionnaire. Quand monsieur Tremblay prenait ses vacances, c’est ce dernier qui le remplaçait.
[307] Lorsque le plaignant est revenu au travail le 24 avril 2006, monsieur Tremblay était en vacances.
[308] Le 19 juin suivant, il y a eu rencontre, à laquelle assistaient madame Peddie, le plaignant et monsieur Tremblay. Le plaignant et lui devaient accepter mutuellement de retravailler ensemble, de ne pas revenir sur le passé, de regarder vers l’avant, de contrôler leurs émotions et d’accepter les défauts de l’autre.
[309] En mai, juin, juillet et août 2006, le plaignant n’était pas au travail. Il est revenu au bureau le 23 août 2006. Ce jour-là, monsieur Tremblay l’a croisé dans le couloir du bureau à Québec et l’a salué. Le plaignant l’a ignoré totalement. Cette même journée, le plaignant aurait déclaré qu’il y aurait des flammèches. Monsieur Tremblay estimait que l’attitude du plaignant était étrange puisque la dernière fois qu’ils s’étaient vus, le 19 juin, ils s’étaient serré la main et avaient convenu de travailler ensemble. Une autre intervention de médiation a été tenue le 30 août suivant.
[310] Monsieur Tremblay dépose, en liasse sous la cote E-44, les notes manuscrites qu’il a prises du 23 août 2006 au 27 septembre 2007. Il a remis ces notes à monsieur Poulin. Il écrit, entre autres, qu’à la première journée de travail du plaignant, le 31 août, tout s’est bien passé. La veille, il avait eu une rencontre avec lui, monsieur Pomerleau et madame Gauthier pour déterminer les conditions gagnantes pour assurer une réintégration du plaignant la plus harmonieuse possible. Lors de cette rencontre, il a été déterminé aussi que tout ce qui était rapporté par les techniciens au bureau de monsieur Tremblay serait communiqué aux personnes intéressées, par souci de transparence.
[311] Monsieur Tremblay, le 30 août, a demandé quel technicien serait intéressé à voyager avec le plaignant : un premier a répondu qu’il ne voulait pas, un second a dit la même chose, mais qu’il s’y conformerait si monsieur Tremblay l’exigeait et, enfin, un troisième a donné son accord. Il a été convenu ensuite que les trois se partageraient dans l’année l’accompagnement du plaignant, soit quatre mois pour monsieur Lefebvre, les quatre suivants pour monsieur Giroux et les quatre derniers pour monsieur D’Astous. Après cette rencontre du 30 août, monsieur Lefebvre a révélé à monsieur Tremblay qu’il regrettait avoir dit qu’il n’avait aucun problème à voyager avec le plaignant. Monsieur Tremblay lui a répondu que toute la démarche de réintégration était engagée et qu’il fallait la poursuivre.
[312] À la médiation, il a été demandé au plaignant de dresser la liste de ses points forts et de ses points faibles afin de prévoir une formation en conséquence. De plus, pour faciliter la réintégration du plaignant, ce dernier a été assigné au projet de monter de nouveaux panneaux de contrôle de disjoncteurs en ligne qui sont installés sur le réseau de distribution de la Basse-Côte-Nord. Selon monsieur Tremblay, il ne s’agissait pas d’un projet compliqué. Monsieur Lefebvre, à son retour de vacances, devait superviser le plaignant et l’aider dans ce travail, rendre compte des résultats et fournir un compte-rendu.
[313] Monsieur Tremblay dit qu’il a appris à la première journée de retour du plaignant, le 31 août 2006, qu’il avait peur des chiens. C’est la raison pour laquelle, antérieurement, il insistait tant pour avoir un véhicule entre la centrale et la maison de transit fournie par l’Employeur malgré les cinq minutes de marche entre les deux bâtiments.
[314] Monsieur Lefebvre et le plaignant sont partis le 5 septembre 2006 aux centrales du Lac Robertson et de La Romaine. Monsieur Tremblay communiquait régulièrement avec eux. En général, tout se passait bien, mais monsieur Lefebvre avait constaté que le plaignant prenait du temps à comprendre ce qu’il devait faire. Monsieur Lefebvre devait vérifier davantage le travail du plaignant. Ce dernier avait montré une certaine nervosité et avait fait des erreurs lors d’un travail de modification et de changement des logiciels de programmation des automatismes de gestion de la centrale à La Romaine, comme monsieur Tremblay l’a écrit dans ses notes lors de sa rencontre le 19 septembre avec monsieur Lefebvre.
[315] Monsieur Tremblay a rencontré le plaignant le 19 septembre pour lui faire part du compte-rendu de monsieur Lefebvre et lui a expliqué pourquoi il avait raté le rendez-vous téléphonique de la semaine précédente. Il a été convenu qu’ils se reparleraient le 28 septembre suivant. Le plaignant a demandé à monsieur Tremblay d’avoir à nouveau sa prime de chef d’équipe. Le 28 septembre, monsieur Tremblay a communiqué par téléphone avec monsieur Lefebvre et ce dernier lui a dit que le plaignant était de bonne humeur; il n’était pas agressif, mais il avait besoin de beaucoup d’explications, car il ne connaissait pas l’installation au Lac Robertson. Monsieur Lefebvre avait le mandat d’indiquer à monsieur Tremblay si de la formation était nécessaire pour le plaignant. Cette même journée, il a parlé au plaignant aussi. La banque horaire variable a été discutée. Aussi, il continuait à faire des vérifications sur la prime de chef d’équipe. Le plaignant lui a dit que ça allait bien au travail et qu’il n’avait pas de problème avec monsieur Lefebvre.
[316] Monsieur Tremblay a rencontré le plaignant le 12 octobre 2006, et il a été question d’un problème entre ce dernier et des électriciens. Le plaignant a évité de réagir de façon émotive. Monsieur Tremblay lui a annoncé que la prime de chef d’équipe lui serait payée et qu’il attendait la liste de ses points forts et de ses points faibles afin de prévoir une formation. Il a indiqué au plaignant qu’il désirait obtenir cette liste le 23 octobre. Le 26 octobre, monsieur Tremblay et le plaignant se sont parlé au téléphone; il a été convenu que la liste soit remise dans la semaine du 30 octobre.
[317] Le 20 novembre 2006, lors d’une communication téléphonique entre monsieur Tremblay et le plaignant, ce dernier lui a dit qu’il aimait travailler à la centrale du Lac Robertson. Il lui a dit aussi que la liste n’était pas prête, car il n’était pas à l’aise avec la préparation; il a ajouté que monsieur Tremblay devrait savoir quels étaient ses besoins en formation. Plutôt qu’utiliser son temps pour dresser cette liste, il préférait le prendre pour placer des commandes de matériel.
[318] Monsieur Tremblay a rencontré le plaignant le 30 novembre suivant. Le plaignant désirait agir à titre de chef d’équipe et monsieur Tremblay lui a demandé de réfléchir sur son intention. Il lui a fait remarquer que, depuis son retour au travail, il allait très bien et qu’il semblait plus heureux comme compagnon; la tâche de chef d’équipe génère une pression sur le détenteur de ce titre. Monsieur Tremblay a réitéré sa demande d’obtenir la liste des points forts et des points faibles. Enfin, le plaignant a demandé s’il lui serait possible de continuer à voir son psychologue dans le but de s’améliorer et que l’Employeur paie les honoraires de ce dernier dans le cadre du PAE.
[319] Le 4 décembre 2006, il a été décidé de continuer de verser la prime de chef d’équipe au plaignant « au moins jusqu’au transfert officiel de l’activité support technique même si ce dernier n’effectue pas le travail de chef d’équipe », comme l’écrit monsieur Tremblay dans ses notes du 5 décembre. Il ajoute qu’il a rencontré le docteur Prud’homme à onze heures au sujet de la demande du plaignant concernant ses rencontres avec le psychologue. Le 6 décembre, monsieur Tremblay appelait le plaignant pour lui dire que sa demande était acceptée, mais qu’il devait prendre rendez-vous avec le docteur Prud’homme qui aurait à administrer ce dossier.
[320] Le 21 décembre 2006, le plaignant a demandé de l’aide, car il ne savait pas comment faire sa liste de besoins de formation, et il désirait être guidé par Pierre Giroux. Monsieur Tremblay écrit dans ses notes : « il m’a confirmé qu’il était en dépression à ce moment ». Il ne sait pas à quelle date il a pris cette note.
[321] Monsieur Tremblay a conservé dans ses notes (E-44) un texte du plaignant intitulé Poste de chef d’équipe . Ce dernier parle de « pression, d’injure, d’incompétence » et joint à son texte des définitions du Petit Larousse (E-3, précité au paragraphe 81). Monsieur Tremblay se dit incapable d’interpréter cette réaction du plaignant. Ce dernier lui a remis ce document à la suite de la demande qu’il lui répétait relative à sa liste qu’il s’était engagé à fournir. Lorsque le plaignant lui a donné cet écrit, monsieur Tremblay n’a pas réagi. Selon lui, tout cela était incompréhensible. Le plaignant a pris ses vacances entre ses différents voyages dans le Nord. Il ne l’a revu que le 13 mars 2007 et il n’avait toujours par reçu la liste qui lui aurait permis d’ajuster la formation du plaignant afin d’améliorer sa prestation de travail.
[322] Le 13 mars 2007, monsieur Tremblay a demandé au plaignant une liste de matériel pour un projet. Le plaignant l’avait transmise à monsieur Lefebvre et ce dernier, rencontré deux jours plus tard par monsieur Tremblay, lui a dit que cette liste n’était ni complète ni claire. Il lui a donc demandé de la retourner au plaignant.
[323] Le 28 mars suivant, monsieur Lefebvre s’est présenté au bureau de monsieur Tremblay. Il semblait exaspéré. Monsieur Tremblay écrit dans ses notes :
« Après discussion avec Yves afin d’éclaircir le mandat des contrôles auto- sectionneurs à Lionel.
Yves lui a remis le dossier à continuer avec recommandation en date du 28 mars.
Dossier à vérifier avec Lionel. »
[324] Le 28 août 2007, monsieur Tremblay recevait de monsieur Kenneth Collier, chef d’exploitation de la Basse-Côte-Nord le courriel suivant :
« Bonjour Jean-Yves, je voudrais savoir où le dossier des nouveaux boîtes de contrôle pour les autosectionneurs est rendu. Est-ce que prévu de faire un essai avec quelques boîtes cette année? Une réponse d’ici jeudi sera appréciée car j’ai une réunion avec les opérateurs vendredi matin. »
Monsieur Tremblay précise que « autosectionneur » signifie disjoncteur et disjoncteur en ligne et panneau de contrôle également. Il a rencontré le plaignant le 30 août afin de donner une réponse à monsieur Collier. Le plaignant lui a répondu qu’il refusait de travailler sur ce projet, car cela ne constituait pas un travail de technicien automatisme. Monsieur Tremblay lui a demandé de répéter ce qu’il venait de dire pour s’assurer qu’il avait bien compris. Selon monsieur Tremblay, la supervision et le contrôle sont des responsabilités des techniciens.
[325] À la suite de cette rencontre, monsieur Tremblay a baissé les bras pour ce qui était de sa participation à l’intégration du plaignant; depuis neuf mois, il tentait de réaliser le projet défini lors de la médiation. Il a appelé madame Gauthier pour l’informer qu’il abandonnait. Il l’a avisée que le plaignant ne respectait pas ce qui était convenu : il n’a jamais remis sa liste, revenait sur le passé et refusait de travailler sur des projets qui relevaient de sa compétence. Monsieur Tremblay dit que, cependant, il a continué d’envoyer le plaignant dans des voyages de travail et de garder contact avec lui. Il ne tenait plus de rencontre avec lui pour identifier ses besoins en formation. De plus, il a demandé au plaignant de cesser de travailler sur le projet de la Basse-Côte-Nord, tel qu’il avait été convenu lors de la médiation puisqu’il refusait d’exécuter les tâches.
[326] Avant son départ en congé de maladie, le plaignant, comme chef d’équipe, était responsable des centrales de la Baie d’Hudson et de la Haute-Mauricie. À l’automne 2007, l’équipe du plaignant devait se rendre en Haute-Mauricie et, lorsque monsieur Tremblay lui a parlé de ce voyage, le plaignant a répondu qu’il n’irait pas parce qu’il avait des restrictions médicales. Monsieur Tremblay lui a répondu qu’il n’en avait plus. Il s’appuyait sur les commentaires du docteur Prud’homme du 12 septembre 2007 (cités au paragraphe 238). Monsieur Tremblay a dit au plaignant que s’il ne voulait pas aller en Haute-Mauricie, il devait fournir un certificat médical attestant son incapacité à se rendre dans cette région. Il lui a conseillé d’aller voir le docteur Prud’homme et de communiquer avec son représentant syndical, monsieur Pomerleau. Monsieur Tremblay a parlé à monsieur Pomerleau, à la demande du plaignant. Il lui a expliqué qu’il y avait là une question d’équité; tous les salariés du secteur Boréal devaient aller en Haute-Mauricie et cette région n’était pas plus dangereuse pour le plaignant que pour ses collègues de travail.
[327] Le 20 septembre 2007, monsieur Tremblay a reçu un avis du Centre de santé de l’Employeur disant que le certificat médical du médecin traitant du plaignant indiquait que ce dernier ne pouvait pas aller en Haute-Mauricie, en particulier à Obedjiwan. Monsieur Tremblay n’a pas eu à y envoyer le plaignant, car il avait réorganisé le travail de l’équipe. Pendant la période où le plaignant devait aller en Haute-Mauricie, ce dernier est resté au siège social, à Québec. Le plaignant lui a demandé d’aller dans d’autres régions. Toutefois, à la suite de la décision médicale, monsieur Tremblay a dû assigner les autres équipes dans différentes régions, incluant la Haute-Mauricie. En conséquence, il n’était pas question pour lui de tout recommencer et de demander aux autres techniciens que ceux prévus dans la cédule d’aller dans des endroits différents. Le plaignant lui a répondu qu’il déposerait un grief, mais, selon monsieur Tremblay, il n’y en a pas eu. Il est certain qu’en restant à Québec, le plaignant perdait une somme importante. Au lieu d’être payé 151 heures pour le voyage, il a été payé 70 heures.
[328] À l’automne 2007, monsieur Tremblay a rencontré les compagnons de voyage du plaignant et a reçu leurs rapports. Il a constaté que, dans chacun des endroits où ils sont allés, ils avaient plus de difficultés lorsque le plaignant les accompagnait.
[329] Monsieur Tremblay était informé du fait que le plaignant avait reçu des menaces à Obedjiwan en 1997. Il explique que l’Employeur avait du mal à percevoir les comptes d’électricité de certains habitants de cette localité et la perception des comptes impayés se faisait à la maison de transit de l’Employeur. À certaines occasions, le non-paiement entraînait une rupture de service. Les citoyens étaient mécontents et devenaient agressifs, surtout après avoir consommé de l’alcool. Pour eux, la maison de transit était associée à un lieu de recouvrement des factures. Il a donc été demandé aux employés qui percevaient ces montants de le faire à la centrale et non à cet endroit.
[330] À la fin de décembre 2007, monsieur Tremblay a changé de poste. Il a été nommé chef maintenance à la distribution. Il n’avait donc plus le plaignant sous sa supervision.
[331] En contre-interrogatoire, monsieur Tremblay dit que l’Employeur n’a jamais imposé des mesures disciplinaires au plaignant au sujet de sa prestation de travail. Toutefois, il précise qu’à de nombreuses occasions le plaignant a été vu au sujet de la quantité ou de la qualité de son travail, et pour lui rappeler comment effectuer ses tâches.
[332] La prime de chef d’équipe a été retirée au plaignant en 2008, soit après le changement de poste de monsieur Tremblay.
[333] La procureure patronale a fait entendre de nouveau monsieur Poulin sur le certificat médical obtenu par le plaignant l’empêchant d’aller travailler à Obedjiwan, fait postérieur que j’avais permis d’être mis en preuve lors du témoignage du plaignant.
[334] Monsieur Richard Poulin dépose, en liasse sous la cote E-45, différents rapports des services de santé aux services administratifs :
· 12 octobre 2010 : « […] est apte à travailler partout dans le Nord et en Haute-Mauricie, ce sans restriction de lieu ni d’horaire. »
· 7 juin 2010 : certificat émis le 30 novembre 2009 remis le 1 er juin 2010. Le Centre de santé demande une nouvelle évaluation.
· 14 octobre 2008 : « […] apte à effectuer son travail normal à l’horaire régulier sans restriction médicale […] ».
· 20 septembre 2007 : « […] apte à effectuer son travail régulier en évitant de travailler dans la région de Obedjiwan […] dans 3 semaines (médecin) statuera sur la durée de cette restriction. »
· 23 août 2006 : aucune restriction médicale.
[335] Monsieur Poulin, en 2011, voulait s’assurer que le plaignant n’avait plus de restriction médicale pour aller travailler à Obedjiwan. De 2007 à 2011, le plaignant n’a pas eu à se rendre à cet endroit, car les équipes, par rotation, n’y allaient qu’une fois par année. Il dépose, en liasse sous la cote E-46, des courriels échangés entre le plaignant et lui-même :
· 3 mai 2011 : « Monsieur je vous demande quel moyen allez-vous prendre pour assurer ma santé et ma sécurité dans le village d’Obedjiwan lors de mon travail à cet endroit à partir du 2011-05-09 jusqu’à mon retour pour Québec? » (le plaignant)
· 4 mai 2011 : « […] j’ai procédé à une vérification si j’avais eu vent de conditions de santé et sécurité avaient changées à Obedjiwan. Rien ne me laisse présager que les conditions sont différentes aujourd’hui et à comparer des autres villages où vous avez des travaux à effectuer régulièrement.
De plus, vos conditions de travail en fonction du travail que vous effectuez dans les installations éloignées sont négociées et ajustées en lien avec les inconvénients que celui-ci vous apporte. » (monsieur Poulin)
[336] Monsieur Poulin explique qu’à cette époque (2011), aucune situation n’empêchait le travail à Obedjiwan; il n’y avait pas de conflit. La Sûreté du Québec était avisée que des employés se rendaient à cet endroit. Entre 2007 et 2011, il n’y a eu aucun rapport indiquant des problèmes dans ce village, ni après.
[337] Le 9 mai 2011, le plaignant a fait un refus de travail officiel à monsieur Giroux en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail . Monsieur Poulin en a été informé et a demandé à monsieur Éric Gagné, conseiller en prévention en santé et sécurité du travail chez l’Employeur, de les assister pour traiter de cette affaire. Monsieur Gagné a tenu une rencontre avec le plaignant, accompagné de monsieur Serge Boudreau, représentant syndical, au bureau de monsieur Poulin; il voulait connaître les raisons du refus de travail. Monsieur Boudreau désirait qu’un autre technicien automatisme soit envoyé à Obedjiwan à la place du plaignant, mais monsieur Poulin a refusé en alléguant qu’il ne commencerait pas à faire de la discrimination; c’était au tour du plaignant d’effectuer ce voyage de travail.
[338] Le plaignant et monsieur Boudreau ont maintenu le refus de travail. Monsieur Michel Bilodeau, inspecteur de la CSST s’est présenté le matin même du 9 mai, accompagné d’un collègue de travail, monsieur Pierre-Guy Brassard. L’inspecteur a entendu les deux parties et a offert une médiation avec laquelle monsieur Poulin était en accord, mais le plaignant a refusé. L’inspecteur a alors lu la Loi et a précisé que sa décision serait exécutoire s’il n’acceptait pas le refus et que, par la suite, les travaux devraient être faits, c'est-à-dire se rendre en Haute-Mauricie. Il a ajouté qu’il pouvait y avoir appel contre sa décision. L’inspecteur, à cinq ou six occasions a rencontré les parties à tour de rôle pour obtenir leur version. Il a remis un brouillon manuscrit et a informé les parties qu’une décision officielle reprenant et confirmant son texte manuscrit leur parviendrait ultérieurement. Monsieur Poulin dépose, sous la cote E-47, la décision manuscrite rendue le 9 mai 2011. L’inspecteur Bilodeau conclut ainsi :
« [..] je détermine qu’il n’y a pas de danger justifiant monsieur Lionel St-Laurent à refuser d’exécuter son travail.
Par conséquent, j’ordonne le retour au travail […] »
[339] Il dépose, sous la cote E-48, le rapport officiel d’intervention de l’inspecteur Bilodeau rédigé le 11 mai suivant. L’inspecteur note, entre autres, que les menaces qu’auraient eues le plaignant à Obedjiwan en 1997 n’ont pas été déclarées à cette époque et ne sont pas documentées. Aucun suspect n’a été arrêté en lien avec cet événement en 1997. Il ajoute que le plaignant a travaillé pendant quatre autres années après son agression. Il précise que la maison de l’Employeur à Obedjiwan est équipée « de barreaux aux fenêtres du rez-de-chaussée afin de prévenir les intrusions ». Il écrit aussi que, selon monsieur Poulin, il n’y a pas eu d’agression contre des employés depuis au moins 2003, année de l’obtention de son poste au secteur Boréal. Il énumère les certificats médicaux du médecin traitant, le docteur Bernard Vézina, et des rapports du docteur Prud’homme du Centre de santé entre le 20 septembre 2007 et le 12 octobre 2010. À cette dernière date, le docteur Prud’homme a écrit que le plaignant pouvait travailler sans restriction à Obedjiwan. L’inspecteur Bilodeau souligne que le plaignant n’a pas subi de menaces depuis 1997. Monsieur Poulin dépose, sous la cote E-49, des courriels entre monsieur Gagné et lui-même. Le 9 mai 2011, il a enregistré le refus de travail du plaignant dans le système AGIP.
[340] Après la visite du 9 mai de l’inspecteur, le plaignant est retourné chez-lui. Le lendemain, il remettait à monsieur Giroux une note manuscrite qui est déposée sous la cote E-50. Il est écrit ceci : « Je prends ma pension. 10 mai 2011. Lionel St-Laurent ». Ce qui s’est avéré après que monsieur eût vérifié auprès de monsieur Pomerleau. Lorsque le plaignant a remis sa note (E-50) à monsieur Giroux, il lui a demandé de faire un voyage supplémentaire dans le Nord pour aller saluer des collègues de travail. Il lui restait des vacances à prendre. Monsieur Poulin dépose, sous la cote E-51, le calendrier d’absences du plaignant. À compter du 10 mai 2011, il était en vacances. Du 6 au 17 juin, il a fait un voyage dans le Nord. L’accumulation de jours de vacances et d’heures supplémentaires a fait en sorte que le plaignant a pris officiellement sa retraite le 30 août 2011.
[341] Il est admis qu’il n’y a pas eu de grief contestant la décision relative au refus de travail du plaignant.
[342] En contre-preuve, la partie syndicale a fait entendre de nouveau le plaignant, monsieur Lionel St-Laurent.
[343] En 1995, monsieur Lionel St-Laurent , le plaignant, a échoué au test de chef d’équipe. Il explique qu’il n’était admissible à ce poste qu’après avoir travaillé pendant cinq ans dans la même discipline. Il avait commencé en 1992. En 1998, il a subi ce test à nouveau puisqu’il avait cumulé plus de cinq ans dans le même domaine. Il l’a réussi.
[344] Il décrit la fonction d’un chef d’équipe et mentionne que, lorsqu’il a travaillé avec monsieur Germain Lafleur, il effectuait toutes les tâches qui étaient reliées à ce poste. Il ajoute qu’il est possible que monsieur Lafleur s’occupait plus de l’entretien des appareils et faisait plus du travail manuel.
[345] Sur l’affaire de la cloche non remplacée, le plaignant explique qu’après l’avoir réparée temporairement, il a constaté, à son retour à Québec, que cette centrale serait désaffectée. Il n’a pas jugé bon de faire acheter une nouvelle cloche. La désaffectation a eu lieu en 2008.
[346] Il dépose, sous la cote S-34, un document intitulé Cédule de voyage automatisme et appareillage pour le voyage du 8 août 2005. Cette pièce a été admise sous réserve de l’objection de la procureure patronale qui soumet qu’il n’est pas possible de savoir à quelle date ce document a été rempli. Il dit que le travail avait été exécuté à Wémotaci. Toutefois, à cause du bogue informatique, cette information n’y apparaît pas. Le plaignant dit que si monsieur Tremblay était allé examiner la cédule de voyage, il aurait réalisé qu’il n’y avait pas de problème. Le plaignant précise qu’il remplissait ces documents (cédules) dans la semaine qui suivait son retour à Québec.
[347] Il se souvient d’avoir dit au docteur Prud’homme qu’il se bâtissait un cabanon. Il a exécuté ces travaux sur une période de trois mois avec son fils, et ce dernier se chargeait des tâches les plus exigeantes physiquement. Il a installé également des tablettes dans son sous-sol pour ranger ses outils.
[348] Le plaignant mentionne que, contrairement à ce qu’a déclaré monsieur Tremblay, il n’était pas présent lors du feu à Poste-de-La-Baleine en 2003. En 2001, le 24 mai, il y a eu un feu à Poste-de-La-Baleine et l’Employeur lui a demandé de s’y rendre et de remettre la centrale en marche. Il dépose, en liasse sous la cote S-35, ses feuilles de temps pour les 24 et 25 mai 2001. Il a eu surtout à faire du nettoyage de pièces. Il y a eu un deuxième feu à Poste-de-La-Baleine vers la fin d’octobre, début novembre de la même année et monsieur Tremblay lui a demandé de se rendre à cet endroit. Toutefois, explique le plaignant, il était à Salluit pour compléter l’automatisation. C’est monsieur Lafleur qui y est allé. Il dépose, en liasse sous la cote S-36, ses feuilles de temps du 22 octobre au 2 novembre 2001.
[349] Sa lombalgie aiguë n’a pas duré qu’une journée, mais plutôt deux à trois semaines. Il était en vacances et il n’a pas demandé de congé de maladie.
[350] En contre-interrogatoire, le plaignant dit que c’est par dépit qu’il a signé les documents pour sa retraite. Monsieur Giroux lui avait dit qu’il serait suspendu s’il n’allait pas à Obedjiwan. Il avait demandé un certificat médical (E-52).
[351] Le plaignant dépose, en liasse sous la cote E-53, une série de courriels et de documents relatifs à sa retraite. À la page 8 de D-53, le formulaire de demande de calcul de retraite indique ceci :
« Je comprends que cette demande de calcul de retraite est un engagement formel de ma part à prendre ma retraite à la date prévue ci-dessus. »
Le plaignant a signé ce formulaire en date du 4 juillet 2011.
[352] La partie patronale a fait entendre de nouveau monsieur Jean-Yves Tremblay.
[353] Monsieur Jean-Yves Tremblay dépose, sous la cote E-54, une norme sectorielle provenant de l’Employeur intitulée Formation et habilitation du personnel d’Hydro-Québec au Code de sécurité des travaux en vigueur en avril 2004. Il explique qu’il est vrai qu’en vertu de cette norme, il est exigé d’avoir cinq ans d’expérience pertinente aux travaux à exécuter. Toutefois, à l’article 5.1, il est prévu ce qui suit :
« Les années d’expérience connexe à la spécialité acquises à l’extérieur d’Hydro-Québec également reconnues […]
Le plaignant, de 1985 à 1992, travaillait en télémétrie, qui constitue, selon monsieur Tremblay, de l’expérience connexe. Il est prévu aussi qu’il peut exister des cas où les employés ont moins de cinq ans d’expérience et son habilités s’il y a entente avec des comités de santé et sécurité régionaux. Monsieur Tremblay mentionne que plusieurs ententes d’habilitation ont été conclues et il veut montrer ainsi que les cinq ans d’expérience traduites par le plaignant comme étant une norme obligatoire ne correspond pas à la réalité. Le Code de sécurité des travaux est conçu pour protéger les travailleurs et les équipements et prévenir les électrocutions. En 1995, le plaignant a subi l’examen et il a eu un échec. À cette époque, il ne se situait pas dans les cas d’exception; il était admissible pour subir cet examen.
[354] Selon monsieur Tremblay, les rôles et les tâches d’un chef d’équipe comme elles ont été définies par le plaignant ne sont pas exacts. Le chef d’équipe ne fait pas que remplir de la paperasse; le travail technique est exécuté autant par le chef que par le coéquipier. Le chef d’équipe s’assure que le travail exécuté l’est selon les normes et il doit prendre les bonnes décisions. Selon monsieur Tremblay, c’est monsieur Lafleur qui prenait les décisions techniques plutôt que le plaignant.
[355] Monsieur Tremblay a rapporté dans son témoignage principal l’affaire de la cloche. Il voulait montrer par cet exemple, qui en est un parmi plusieurs autres, les lacunes du plaignant dans son rôle de chef d’équipe. Cela importait peu qu’elle soit réparée ou remplacée; l’important, c’est de rendre compte le plus tôt possible. L’outil de travail de monsieur Tremblay est la charge de travail (E-41) et c’est de cet outil qu’il tire les réponses à donner à ceux qui ont exigé le travail. En résumé, le plaignant a dit dans son témoignage qu’il n’a pas remplacé la cloche parce que la centrale serait fermée, mais, dans son « rendre compte », il a rapporté que la cloche avait été réparée provisoirement et qu’elle serait remplacée. À la lumière du témoignage du plaignant, monsieur Tremblay voit bien, outre le fait que le compte-rendu était tardif qu’il a maintenant une deuxième version du « rendre compte ».
[356] Le plaignant a dit dans son témoignage que la cédule de voyage était une autre source d’information pour monsieur Tremblay. Son nom le dit, c’est une cédule, un instrument de planification du travail au début de l’année afin de prévoir le nombre d’heures-homme pour réaliser les travaux pendant l’année. Si des travaux n’ont pas été exécutés pendant une cédule de voyage, ils sont reportés à une ou plusieurs cédules suivantes. D’où l’importance de savoir par la charge de travail ce qui a été fait et ce qui ne l’a pas été.
[357] Monsieur Tremblay reconnaît que le plaignant n’est intervenu qu’au premier feu à Poste-de-la-Baleine, en mai 2001, l’autre ayant eu lieu en novembre 2001. Monsieur Tremblay dépose, en liasse sous la cote E-55, un document intitulé Gestionnaire des déplacements professionnels de monsieur Tremblay pour les déplacements entre le 20 novembre 2000 et le 24 septembre 2001 et du 24 septembre 2001 au 4 février 2002, et ceux du plaignant entre le 15 janvier et le 4 septembre 2001 et du 4 septembre 2001 au 25 février 2002. Monsieur Tremblay précise que, dans son témoignage, lorsqu’il a parlé du feu à Poste-de-la-Baleine, il voulait parler de la remise des panneaux de contrôle qui a été faite par monsieur Lafleur alors que le plaignant n’avait fait que nettoyer les équipements de réserve. Cette activité de remise des panneaux de contrôle a eu lieu après le feu, soit vers novembre ou décembre 2001. Lorsque le plaignant a déclaré que monsieur Tremblay lui avait dit à Poste-de-la-Baleine, en mai 2001, qu’il avait mal fait son travail, c’est inexact, soutient-t-il, puisqu’il n’était pas là. Lorsqu’il est allé à Poste-de-la-Baleine, en octobre 2001, le plaignant n’y était pas. Enfin, en novembre 2001, le plaignant était à cette centrale et monsieur Tremblay aussi; c’est à ce moment qu’il a constaté que monsieur Lafleur installait les panneaux de contrôle. Les absences ou présences à Poste-de-la-Baleine sont vérifiables par les pièces de E-55. Lorsque monsieur Tremblay a constaté que le plaignant n’avait pas mis la priorité sur les panneaux de contrôle, il lui a signalé ce fait et ce dernier a alors cessé de nettoyer l’équipement de réserve.
[358] Au regard du test auquel a échoué le plaignant en 1995,monsieur Tremblay dit que, jamais en 40 ans d’expérience chez l’Employeur, il n’a vu un salarié échouer au test après avoir reçu la formation au préalable et avoir accès au manuel de formation pendant le test.
[359] Le Syndicat a fait entendre le plaignant pour répondre à la contre-preuve de l’Employeur.
[360] Monsieur Lionel Saint-Laurent, le plaignant, dit que, entre 1985 et 1992, il n’a pas eu à travailler avec le Code de sécurité des travaux ; c’est l’installateur de mesurage qui avait à le faire. Avant d’arriver au secteur Boréal, il n’a jamais été habilité au Code ni initié.
[361] Il ne se souvient pas de ce que monsieur Tremblay lui a dit lorsqu’il est allé à Poste-de-la-Baleine après le feu d’octobre 2001. Il ajoute qu’il devait vérifier si des pièces de rechange étaient nécessaires, car celles des panneaux de contrôle étaient inutilisables. Monsieur Lafleur était très habile pour réparer les circuits, mais, dit le plaignant, ces derniers étaient irréparables et il fallait les remplacer.
[362] Le représentant du Syndicat rappelle qu’il y a cinq griefs qui sont interreliés, comprenant celui sur le harcèlement psychologique.
[363] La convention collective de 1995 (S-1a)) couvre les griefs S-2 et S-21. Celle de 2008 (S-1b)) est applicable aux trois autres. Il renvoie aux articles qui lui apparaissent pertinents, dont ceux-ci :
« 2.19 Direction de travail
Activité d’une personne salariée appelée à exercer une direction régulière de travail de une (1) ou de plusieurs personnes et qui, en plus de son travail régulier, accomplit les tâches suivantes :
- organise, dirige le travail que doit accomplir le groupe;
- détermine les méthodes à suivre pour les travaux;
- inspecte, enregistre le travail du groupe. »
« Attribution d’une direction de travail
19.12 B) Nonobstant les dispositions prévues au paragraphe 19.12A) dans le cas d’attribution permanente ou temporaire d’une direction de travail d’un groupe, dans une sous-spécialité ou spécialité , dans une unité structurelle , une des personnes salariées est choisie selon la procédure suivante :
La Direction s’informe par écrit auprès des personnes salariées dans cette sous-spécialité ou spécialité en commençant par celle possédant le plus d’ancienneté et ainsi de suite jusqu’à ce qu’une personne salariée accepte la direction de travail du groupe. Si personne n’accepte, la Direction désigne la personne salariée de son choix pour une durée minimum de trois (3) mois. Une personne salariée détenant une direction de travail permanente doit informer par écrit sa personne supérieure immédiate, trente (30) jours à l’avance, qu’elle n’assumera plus la direction de travail. Cette personne salariée ne peut être désignée à nouveau dans les trois (3) mois subséquents.
La Direction informe par écrit le Syndicat et les personnes salariées dans cette sous-spécialité ou spécialité , du nom de la personne salariée ayant accepté la direction de travail ou de la personne salariée désignée ainsi que la date de cette attribution et la date d’ancienneté de la personne salariée choisie.
Dans le cas de réduction du nombre d’attribution permanente de direction de travail d’un groupe, dans une sous-spécialité ou spécialité , une des personnes salariées possédant une direction de travail est choisie selon la procédure suivante :
La Direction s’informe par écrit auprès des personnes salariées dans la sous-spécialité ou spécialité , détenant une direction de travail d’un groupe en commençant par celle possédant le plus d’ancienneté et ainsi de suite jusqu’à ce qu’une personne salariée accepte. Si personne n’accepte, la Direction retire la direction de travail à celle possédant le moins d’ancienneté. »
Prime de direction de travail
« 21.06 B) 1. La personne salariée appelée à exercer une direction de travail permanente ou temporaire reçoit une prime équivalente à un échelon de son niveau pour la durée de son assignation. Toutefois, la personne salariée qui exerce une direction de travail en sus de sa semaine régulière de travail reçoit 1/5 d’échelon additionnel pour chaque journée complétée, si elle a une semaine régulière de travail de cinq (5) jours, et de 1/4 d’échelon additionnel pour chaque journée complétée, si elle a une semaine régulière de travail de quatre (4) jours.
2. La personne salariée qui exerce une direction de travail permanente voit sa prime maintenue lorsqu’elle doit s’absenter pour une absence rémunérée prévue à la convention collective.
3. La personne salariée qui exerce une direction de travail temporaire voit sa prime maintenue lorsqu’elle doit s’absenter pour une absence rémunérée prévue à la convention collective, à moins que la Direction n’ait confié la direction de travail à une autre personne salariée.
4. La direction de travail fait partie intégrante des responsabilités attitrées de la personne salariée de niveau " C ". »
Prime d’encadrement et support technique - 21.06 C)
(précité au paragraphe 173)
Annexe B : Primes
« Indemnité personne itinérante RNR 52 e - 56 e parallèle »
« Indemnité personne itinérante RNR 56 e - 60 e parallèle »
Annexe C
Heures de travail garanties - Lettre d’entente Région Montmorency
Personne salariée itinérante secteur Boréal
2. indemnités :
b. Les heures de travail garanties s’établissent comme suit :
i. cinq (5) jours de douze (12) heures : du lundi au vendredi entre 8 h et 22 h avec deux (2) périodes non rémunérées pour la prise de repas soit de 12 h à 13 h et de 17 h à 18 h.
ii. un (1) jour de dix (10) heures : samedi entre 8 h et 20 h avec deux (2) périodes non rémunérées pour la prise de repas soit de 12 h à 13 h et de 17 h à 18 h;
iii. un (1) jour de huit (8) heures : dimanche entre 8 h et 17 h avec une période non rémunérée pour la prise de repas soit de 12 h à 13 h. »
[364] Sur le grief de harcèlement psychologique (S-2), le représentant du Syndicat souligne qu’il sera difficile pour l’Employeur de prévenir le harcèlement à l’endroit du plaignant puisque ce dernier a pris sa retraite. Toutefois, le plaignant a droit à des dommages causés par ce harcèlement psychologique alors qu’il était au travail.
[365]
Il dépose l’ouvrage
Les
mesures disciplinaire et non disciplinaires dans les rapports collectifs du
travail
[1]
et renvoie à la définition du harcèlement psychologique de l’article
[366]
Il soumet l’affaire
Centre
hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon Saint-Joseph)
et
Syndicat
des infirmières et infirmiers Mauricie/Cœur-du-Québec
, M
e
François
Hamelin, arbitre, président du tribunal, 5 janvier 2006, (
« [102] La réclamante a contesté par voie de grief toutes et chacune de ces mesures et les faits qui y sont reliés seront abordés lors de l’étude spécifique de chaque grief.
[…]
[164] Dans le sens courant du terme, une " conduite " renvoie à une manière d’agir et se manifeste par des attitudes et des comportements objectifs, incluant des paroles, des actes ou des gestes, précise le législateur.
[165] La " conduite vexatoire " est plus subjective. Selon les dictionnaires courants, il s’agit d’une conduite qui entraîne des vexations, c’est-à-dire qui contrarie, maltraite, humilie ou blesse quelqu’un dans son amour-propre et qui cause des tourments.
[166] La conduite vexatoire est donc une attitude ou des comportements qui blessent et humilient la personne dans son amour-propre. Dans la loi, le législateur a mis l’accent sur les conséquences psychologiques qui en découlent pour la victime, d’où l’importance de définir des critères objectifs d’appréciation, comme nous le verrons plus loin. »
Le plaignant a été blessé parce qu’on a mis en doute sa compétence. Il y a atteinte à son intégrité lorsqu’on met en cause son comportement. Le plaignant s’est senti harcelé depuis son entrée en fonction au secteur Boréal.
« [196] En matière de harcèlement, c’est d’abord et avant tout la conduite de la victime présumée qui doit être examinée, parce que la définition de harcèlement psychologique introduit des éléments qui ne se comprennent que du point de vue de cette dernière. Il en va ainsi de la conduite vexatoire, du caractère non désiré de la conduite, de l’atteinte à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychologique de la victime, et de la dégradation de son milieu de travail. Tous ces éléments ne peuvent être compris que dans la perspective de la victime présumée.
[197] L’appréciation de la conduite de la victime présumée ne doit toutefois pas être purement subjective si l’on veut éviter de sombrer dans la pure subjectivité . La conduite de la victime présumée doit être appréciée objectivement et le critère retenu sera celui de la personne raisonnable, normalement diligente et prudente, placée dans les mêmes circonstances que la victime présumée.
[…]
[218] Ces situations qui s’apparentent à du harcèlement psychologique mais qui n’en sont définitivement pas, doivent être identifiées afin d’éviter toute méprise susceptible de causer de graves injustices en confondant victimes réelles et fausses victimes. »
L’arbitre Hamelin identifie les situations suivantes :
1) Les rapports sociaux difficiles;
2) Les situations conflictuelles;
3) La victimisation;
4) La personnalité paranoïde;
5) Le contexte des relations du travail.
Il faut considérer également si le présumé harceleur agissait à l’intérieur de son droit de direction.
[367]
Au sujet de la preuve
postérieure, le représentant du Syndicat dépose l’affaire
Université du
Québec à Trois-Rivières
et
Maître Jean Gauvin
et
Syndicat des
professeurs et professeures de l’Université du Québec à Trois-Rivières
,
Cour supérieure, juge France Bergeron, 3 février 2011 (
« [38] La façon de procéder adoptée par l'Arbitre, alors qu'il se saisit des faits postérieurs et procède à leur analyse, est ce qu'il devait faire. Malgré que la suspension et le non renouvellement de contrat faisaient chacun l'objet d'un grief dont était saisie une autre arbitre, il devait évaluer ces faits dans le cadre du harcèlement. Sa décision est correcte. L'Arbitre n'a pas excédé sa compétence.
[39] En cette matière particulière qu'est le harcèlement en milieu de travail, le Tribunal est en accord avec l'Arbitre. »
[368] Le représentant du Syndicat souligne que le plaignant avait 37 ans d’ancienneté chez l’Employeur (1975-2012), dont 20 au secteur Boréal. Dès son entrée en fonction, il s’est fait dire par monsieur Tremblay que ce dernier ne voulait pas de lui. Monsieur Tremblay l’a dénigré, l’a traité d’incompétent et lui a dit que personne ne voulait travailler avec lui, ce qui l’a blessé. Personne d’autre parmi ses collègues de travail ne le traitait de la sorte.
[369] En 1993-1994, le plaignant s’est fait reprocher d’avoir oublié des plans pour Akulivik. Or, c’était monsieur Féry qui les avait laissés dans les classeurs. Monsieur Tremblay ne s’est jamais excusé auprès du plaignant pour cette erreur.
[370] En 1997, monsieur Féry s’en est pris physiquement au plaignant. Ce dernier en a parlé à monsieur Tremblay, son supérieur immédiat, qui n’est jamais revenu sur cette affaire.
[371] En 1997, le plaignant a reçu des menaces de mort à Obedjiwan. Il n’y a pas eu de suivi de cette affaire par l’Employeur.
[372] En janvier 1998, lors de la tempête du verglas, monsieur Tremblay n’a pas envoyé le plaignant travailler au rétablissement du courant. Il lui a dit qu’il n’était pas apte à faire ce travail. Le plaignant se voyait encore traiter d’incompétent.
[373] En 1998, monsieur Giroux n’a jamais dit qu’il ne voulait pas travailler avec le plaignant.
[374] Lorsque monsieur Féry a pris sa retraite, monsieur Tremblay a offert aux collègues du plaignant le travail de chef d’équipe. Ils ont refusé vu l’ancienneté du plaignant. Monsieur Tremblay estimait qu’il n’était pas capable de faire ce travail.
[375] Monsieur Tremblay a reproché au plaignant de s’être occupé de l’équipement de réserve lors du deuxième feu à Poste-de-la-Baleine, pourtant, il n’était pas présent lors du deuxième feu. Encore ici, le plaignant est traité d’incompétent.
[376] En 2002, monsieur Tremblay a sermonné le plaignant à cause de la présentation d’un compte de dépenses. Le plaignant en a été très affecté. Monsieur Tremblay ne s’est pas excusé de s’être emporté ainsi; il l’a fait cependant auprès du représentant syndical.
[377] Le plaignant s’est fait dire qu’il n’aurait plus d’emploi s’il n’y avait pas un syndicat.
[378] Devant toutes ces attaques de monsieur Tremblay, le plaignant pleurait souvent lorsqu’il était dans sa famille, et il a passé des vacances d’enfer.
[379] En 2002, des erreurs ont été constatées sur des plans. Monsieur Tremblay, sans autre vérification, a mis en cause l’intégrité et la compétence du plaignant comme chef d’équipe.
[380] En 2005, le plaignant était dépressif et parlait de suicide. Il est allé voir monsieur Poulin avec un représentant syndical. Monsieur Poulin a pris cette démarche pour des menaces.
[381] En 2005, à Poste-de-la-Baleine, monsieur Tremblay a appelé le plaignant et lui a reproché le travail qu’il avait fait à Wémotaci. Il lui a parlé du voyage imminent à Obedjiwan. Le plaignant n’était plus capable de dormir. Il est allé rencontrer monsieur Poulin, qui l’a dirigé vers le docteur Prud’homme. Ce dernier lui a dit de consulter son médecin, qui l’a mis en arrêt de travail de novembre 2005 à avril 2006.
[382] Le médecin traitant du plaignant lui a prescrit des antidépresseurs. Il ne devait plus travailler dans le Nord-du-Québec. Il avait un trouble de l’adaptation avec humeur anxio-dépressive. Il prenait de l’Effexor 225 mg die . Le plaignant était donc très affecté par le harcèlement psychologique qu’il subissait à son travail.
[383] Le 24 avril 2006, le médecin traitant du plaignant a écrit que son patient était apte à retourner au travail, mais qu’il devait éviter tout contact avec monsieur Tremblay. Le plaignant a dit que si le problème ne se réglait pas, il allait s’immoler dans le bureau de monsieur Tremblay.
[384] Pour ce qui est du grief S-21 contestant la mesure administrative, le représentant du Syndicat fait référence à l’ouvrage de Linda Bernier et al . cité précédemment. Il relève, entre autres, les extraits suivants :
« 1.187. Selon certains, en matière de mesures non disciplinaires, le pouvoir du tribunal d’arbitrage s’exerce en deux étapes; tout d’abord, il doit vérifier si l’employeur a de bonnes raisons d’agir, s’il existe une cause à l’action de ce dernier. Dans un deuxième temps, le tribunal d’arbitrage doit décider si la décision de l’employeur n’a pas été imposée de façon abusive, discriminatoire ou déraisonnable. Ainsi, il y a situation abusive lorsque l’employeur agit de mauvaise foi, c'est-à-dire sans aucune justification sur le plan opérationnel au regard de son entreprise. Il y a situation discriminatoire lorsque la mesure non disciplinaire de l’employeur vise en réalité des fins illégales reliées à un motif de discrimination interdite. Enfin, une décision déraisonnable ferait appel aux critères d’un employeur " compétent, qui agit avec bon sens et dans le respect de l’équité ", qui n’aurait pas pris la même décision dans les circonstances. »
« 1.191 . […] Dans le cadre de cet examen, le tribunal d’arbitrage ne doit pas importer des motifs provenant du domaine disciplinaire mais plutôt se concentrer sur l’équité du traitement du salarié en évaluant notamment la rigueur de l’évaluation de la situation par l’employeur. »
« 2.145 . Rien ne s’oppose à ce que l’employeur utilise une suspension en tant que mesure non disciplinaire. Dans l’arrêt Cabiakman c. Industrielle-Alliance Cie d’assurance sur la vie [ 2004 3 R.C.S. ], la Cour suprême du Canada a déterminé que le pouvoir résiduel de suspendre pour des motifs administratifs fait partie intégrante de tout contrat de travail. Cependant, ce pouvoir doit être exercé selon les conditions suivantes :
[…]
à La suspension doit être relativement courte à défaut de quoi, elle pourrait constituer une résiliation du contrat de travail ou un congédiement pur et simple;
à La suspension administrative ne peut être sans solde qu’en des cas exceptionnels. »
[385] Lorsque le plaignant est revenu de son congé de maladie, monsieur Poulin a été alerté par ses commentaires. Il l’a dirigé vers le docteur Prud’homme. Le représentant du Syndicat demande si l’Employeur avait vraiment des motifs pour imposer une suspension administrative. Certes, le plaignant a été payé pendant sa suspension, mais il n’a pas bénéficié des avantages reliés à son travail dans le Nord. Selon le représentant du Syndicat, l’Employeur n’avait pas de motif pour suspendre le plaignant pour une si longue durée. Il aurait dû l’envoyer chez lui pour quelques jours uniquement. Le plaignant a été payé sur une base de 37,5 heures par semaine alors que, pendant sa suspension, plusieurs voyages dans le Nord étaient prévus, où les heures de travail et le temps supplémentaire sont garantis. Le grief réclame donc toutes les sommes perdues à cause de cette suspension administrative.
[386] Sur cette question, le représentant du Syndicat soumet le jugement de la Cour suprême du 29 juillet 2004, dans Cabiakman c. L’Industrielle-Alliance Cie d’assurance sur la vie [2004 3 R.C.S.], dont fait mention précédemment le texte de Bernier et al . Il cite des extraits du résumé :
« Un employeur peut-il suspendre sans traitement pour des motifs administratifs un employé faisant l’objet d’accusations criminelles?
[…]
Lors de son procès criminel, l’intimé est acquitté séance tenante et l’appelante le réintègre peu après dans ses fonctions, soit quelques deux ans après sa suspension. Lors du procès civil, la Cour supérieure conclut au bien-fondé de la suspension imposée par l’appelante mais juge injustifiée l’absence de rémunération. Elle fait donc droit à la réclamation de l’intimé et condamne l’appelante à indemniser l’intimé du salaire perdu pendant la durée de la suspension. La Cour d’appel confirme ce jugement mais modifie son dispositif pour octroyer à l’intimé le quantum des dommages fixé par les parties.
[…] »
Ce pouvoir résiduel de suspendre pour des motifs administratifs en raison d’actes reprochés à l’employé fait donc partie intégrante de tout contrat de travail mais doit être exercé selon certaines conditions. Premièrement, la mesure prise doit être nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l’entreprise. À cet égard, l’employeur a le fardeau de démontrer le caractère juste et raisonnable de sa décision.
[…] Troisièmement, l’interruption provisoire de la prestation de l’employé doit être prévue pour une durée relativement courte, déterminée ou déterminable, faute de quoi elle se distinguerait mal d’une résiliation ou d’un congédiement pur et simple. Enfin, sous réserve de cas exceptionnels, la suspension est en principe imposée avec solde. L’employeur ne peut en effet se dégager unilatéralement de son obligation de payer le salaire de l’employé s’il prive ce dernier de la possibilité d’exécuter sa prestation. Un salarié qui se voit imposer une suspension administrative sans solde pourra donc à juste titre, en général, considérer cette mesure comme un congédiement déguisé. De plus, il existe une condition implicite de rétablissement de la situation juridique des parties après la cessation de la cause de l’inexécution des fonctions du salarié. »
[387]
Le représentant du Syndicat
soumet aussi une sentence arbitrale de M
e
Rodrigue Blouin du 22
décembre 2004, dans l’affaire
Syndicat des travailleuses et travailleurs des
postes
et
Postes Canada (Société canadienne des Postes)
(
« [45] Cette mesure disciplinaire doit par conséquent être qualifiée de suspension pour fins d’enquête. Elle fut servie sans rémunération. Il s’agit donc de savoir si l’employeur pouvait, en les circonstances, agir de la sorte.
[…]
[48] En effet, selon la jurisprudence arbitrale, en principe
un salarié ne cesse de travailler sans salaire qu’au moment où la suspension
est exécutable. Exceptionnellement, un salarié peut être relevé provisoirement
de son travail dans l’attente des conclusions d’une enquête que mène son
employeur. Néanmoins, ce relevé provisoire, appelé malencontreusement
suspension en jurisprudence, doit s’opérer avec rémunération sauf en des
circonstances particulières telles celles qui mettent en cause l’ordre public
ou les bonnes mœurs
[
Voir par exemple : S.Q. c. J.D. Gagnon et
Association des policiers provinciaux du Québec,
DTE.
[…]
[57] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, nous estimons qu’il n’y a pas de preuve justifiant l’urgence alléguée par l’employeur (pt. 19). Quoiqu’il en soit, il n’y a rien en preuve qui nous permette de camper le litige sur des circonstances telles celles concernant l’ordre public et les bonnes mœurs et justifiant alors une suspension sans solde. »
[388] Le plaignant n’a pas remis de certificat médical après avoir consulté son médecin pendant sa suspension. Le représentant du Syndicat dit que le plaignant n’avait pas à fournir de certificat; il était suspendu. Il demande donc à l’arbitre d’accueillir le grief S-21 (2006-R06-009), tout en réservant sa compétence pour la détermination du quantum .
[389] À l’issue de la médiation, à laquelle le plaignant a participé activement, des ententes ont été conclues. Le retour au travail a eu lieu en septembre 2006 et l’Employeur a déclaré qu’il a continué à verser une prime au plaignant. Mais quelle est cette prime, demande le représentant du Syndicat? Est-ce la prime de chef d’équipe?
[390] Après la médiation, l’Employeur a demandé au docteur Gauthier de fournir une expertise sur l’aptitude du plaignant à travailler. Le plaignant n’était pas heureux du tout de cette décision de l’Employeur. À la lumière du rapport d’expertise, le docteur Prud’homme a statué que le plaignant était apte à faire son travail sans restriction, y compris dans les régions nordiques.
[391] En septembre 2007, il était question que le plaignant aille à Obedjiwan. Ce dernier avait des craintes, car il a déjà eu des menaces de mort à cet endroit. Pour l’Employeur, la restriction concernant Obedjiwan était temporaire. Pour le plaignant, elle était permanente, et également pour son médecin traitant, ce qui a envenimé la situation. Chaque fois qu’il était question d’Obedjiwan, le plaignant devait aller se chercher un billet médical. Il s’est senti incompris et cet acharnement de l’Employeur fait partie du harcèlement psychologique.
[392] Sur la lettre de suspension d’une semaine (S-24), qui a fait l’objet du grief S-23 (2007-R06-18), le représentant du Syndicat demande si la faute a été prouvée et, si oui, la sanction était-elle proportionnelle? Il convient que le plaignant a été intransigeant. Il faut se rappeler qu’il avait déjà eu des problèmes auparavant avec ses bagages. Le personnel d’Air Labrador a trouvé le comportement du plaignant intimidant et agressant à leur endroit. Il est vrai qu’il n’a pas collaboré avec cette entreprise.
[393] Le représentant du Syndicat soutient que cet incident ne méritait pas cinq jours de suspension, mais, tout au plus, un avertissement. Il s’est excusé, ce qui constitue un facteur atténuant. On peut penser que cette sanction sévère a été prise alors que le harcèlement se poursuivait au sujet d’Obedjiwan. Madame McKenzie a confirmé que le plaignant était peiné de son comportement (S-39).
[394] À la suite de cet événement, l’Employeur a émis une politique (S-32). Il faut constater alors qu’il y avait un problème non réglé et cela a pris l’incident avec le plaignant pour que l’Employeur réagisse. Le représentant du Syndicat demande donc que le grief S-23 soit accueilli.
[395] Sur la suspension de trois semaines (S-27) et le grief S-26 le contestant (2007-R-06-028), le représentant du Syndicat explique que le plaignant cherchait de l’aide, car il avait encore des problèmes avec l’Employeur au sujet d’Obedjiwan. Le docteur Prud’homme s’est senti intimidé; il n’a pas été agressé, mais il était certain que le plaignant lui parlait fort. Le docteur Prud’homme a bien senti que le plaignant était en colère.
[396] Pour le représentant du Syndicat, le comportement du plaignant ne méritait pas une suspension de trois semaines. Il faut se replacer dans le contexte : le plaignant vivait une incompréhension et une intransigeance de la part de l’Employeur et tout cela avait un lien avec le harcèlement psychologique.
[397] L’enquête interne qui a été effectuée sur le harcèlement ne lie aucunement l’arbitre. Le plaignant maintient qu’il a subi du harcèlement psychologique, que la situation l’a affecté sérieusement et l’a rendu malade. Il ne faut pas ignorer ce contexte dans l’examen de la proportion de la sanction. Le représentant du Syndicat demande donc que la sanction soit réduite compte tenu des circonstances.
[398] Sur le grief S-29 (2008-R06-010) qui conteste le retrait de la prime de chef d’équipe, le représentant du Syndicat dit qu’il faut se demander si, en mai 2008, l’Employeur avait des motifs raisonnables pour cesser de payer la prime en vertu de l’article 21.06 B) de la convention collective. Il renvoie à nouveau à l’ouvrage de Linda Bernier et al. cité précédemment :
« 1.187. […] en matière de mesures non disciplinaires, le pouvoir du tribunal d’arbitrage s’exerce en deux étapes; tout d’abord, il doit vérifier si l’employeur a de bonnes raisons d’agir, s’il existe une cause à l’action de ce dernier. »
« 4.150. L’employeur confronté à un salarié incompétent, particulièrement lorsque celui-ci possède de nombreuses années de service, peut choisir de le rétrograder au lieu de fermer son dossier. La rétrogradation utilisée comme mesure administrative est permise pour sanctionner un manquement involontaire du salarié. Elle ne vise pas à punir le salarié mais à le soustraite à ses fonctions devant son inaptitude et son incapacité constante à satisfaire aux normes fixées.
4.151. Pour qu’une rétrogradation soit maintenue, l’employeur doit prouver l’incompétence du salarié. En l’absence d’une telle preuve, la rétrogradation n’est pas maintenue. »
« 4.001. L’incompétence peut se traduire par un changement dans les caractéristiques d’un salarié le rendant inapte à exercer ses fonctions de façon adéquate. Le salarié qui ne possède pas les connaissances, l’habileté ou l’expérience nécessaires pour effectuer adéquatement son travail ou le salarié qui ne possède plus ces qualités en raison de la diminution de ses capacités ne peut fournir la prestation de travail pour laquelle il a été embauché.
L’employeur, quant à lui, a l’obligation de permettre au salarié d’exécuter convenablement sa prestation de travail en lui fournissant les outils, les directives et l’endroit de travail et en supervisant adéquatement le salarié dans son travail. »
[399]
Le représentant du Syndicat
soumet la sentence arbitrale de M
e
Diane Veilleux du 27 mars 2009
dans
Syndicat des employées et employés de l’UQAM
et
Université du
Québec à Montréal
(
« [79] Les cinq (5) formalités relatives à l’équité de
traitement que nomme l’arbitre Lavoie avaient été confirmés par la Cour d’appel
dans l’arrêt
Costco Whosale Canada Ltd c. Laplante
[
Arrêt de
la Cour d’appel rendu le 12 septembre 2005,
" La jurisprudence a déterminé une série
d’exigences auxquelles l’employeur doit se conformer avant de se départir d’un
employé incompétent. Ce n’est qu’après avoir satisfait à celles-ci qu’il pourra
le faire. Ces exigences, telles que définies par Jacquelin Couture, alors
Commissaire au Bureau du commissaire général du travail, dans Savoie c. Garage
Montplaisir inc., C.T.,
- Le salarié doit connaître les politiques de l’entreprise et les attentes fixées par l’employeur à son égard;
- Ses lacunes lui ont été signalées;
- Il a obtenu le support nécessaire pour se corriger et atteindre ses objectifs;
- Il a bénéficié d’un délai raisonnable pour s’ajuster;
Il a été prévenu du risque de congédiement à défaut d’amélioration de sa part. "
[400] Le représentant du Syndicat rappelle que le plaignant a reçu la prime de chef d’équipe. Monsieur Tremblay ne voulait pas la lui donner. Finalement, le plaignant a été chef d’équipe de 2000 à 2005. En 2005, il était en absence pour maladie et, en 2006, il était suspendu.
[401] En septembre 2006, l’Employeur a laissé la prime au plaignant, mais ce dernier n’avait plus les responsabilités reliées à cette fonction.
[402] En mai 2008, l’Employeur lui a retiré la prime. Entre 2006 et 2008, le plaignant n’a pas pu faire ses preuves, car l’Employeur lui a retiré les responsabilités du poste.
[403] Le plaignant n’a jamais déclaré qu’il était le plus compétent techniquement. Qu’il se fasse aider par ses collègues de travail, n’a rien de mal. Il avait les tâches d’organiser le travail et rendre compte des travaux. L’Employeur aurait retiré la prime au plaignant pour les raisons suivantes :
· Son comportement au feu de Poste-de-la-Baleine : il y a confusion de l’Employeur; il s’est trompé de feu.
· Ses difficultés à rendre compte : c’était dans la période où le plaignant n’allait pas bien. Monsieur Lafleur a constaté qu’il y avait eu un problème informatique. Si c’est tout ce que l’Employeur a trouvé comme problème pour lui enlever la prime, ce n’est pas convaincant.
· La réparation d’une cloche de téléphone : l’Employeur a reproché au plaignant de ne pas avoir assuré le suivi. Le plaignant avait une obligation de moyen pas de résultat. La cloche fonctionnait à la suite de son intervention.
· Son habilitation au Code de sécurité : le plaignant a dû se prendre à deux reprises pour réussir l’examen. Dans la pièce E-54, il est question de cinq ans d’expérience. La première fois, le plaignant n’avait que trois ans d’expérience et la seconde, cinq; il a réussi le test.
[404] Sur le plan technique, il est vrai que monsieur Lafleur faisait le travail. Toutefois, cela n’empêchait pas le plaignant d’assumer les tâches de chef d’équipe. Il n’était peut-être pas le chef d’équipe idéal, mais il exécutait correctement les fonctions y ayant trait. Il n’y a pas eu de preuve que l’Employeur ait encadré et aidé le plaignant. Il est possible que, lors de son retour au travail, en septembre 2006, il avait des lacunes et l’Employeur aurait dû l’aider. Il a choisi plutôt de lui demander d’identifier ses lacunes, mais c’est à l’Employeur de procéder à cette identification et lui indiquer les moyens pour y remédier. Le représentant du Syndicat demande donc que l’arbitre accueille le grief et ordonne que l’Employeur verse la prime de chef d’équipe au plaignant.
[405] Tous les événements vécus par le plaignant (mesures administratives et disciplinaires, retrait de la prime, dénigrement sur sa compétence et acharnement dans l’affaire Obedjiwan) l’ont affecté et l’ont rendu malade. Il a été attaqué dans sa dignité et son intégrité. Le représentant du Syndicat demande donc que l’arbitre accueille le grief relatif au harcèlement psychologique et qu’elle ordonne le paiement de dommages punitifs et moraux.
[406] La procureure patronale souligne que, pour les cinq griefs (harcèlement psychologique, suspension administrative, suspensions disciplinaires, retrait de la prime), la partie syndicale n’a fait entendre qu’un seul témoin : le plaignant. Il aurait été intéressant d’entendre des collègues de travail, des gestionnaires, des médecins et des psychologues pour soutenir les prétentions du plaignant. À l’exception des mesures disciplinaires, le Syndicat avait le fardeau de la preuve. De son côté, l’Employeur a fait entendre 12 témoins :
· Maître Jean Pâquet, enquêteur sur la plainte de harcèlement. Selon son rapport, il n’y a pas eu de harcèlement psychologique;
· Madame Andrée Bossé, des ressources humaines, qui a apporté son soutien aux gestionnaires et aux ressources externes;
· Monsieur Richard Poulin, supérieur immédiat du présumé harceleur, monsieur Jean-Yves Tremblay;
· Monsieur Jean-Yves Tremblay, supérieur immédiat du plaignant jusqu’en 2007;
· Monsieur Joël Féry, retraité et ancien collègue de travail du plaignant;
· Monsieur Yves Lefebvre, également retraité et collègue de travail du plaignant;
· Monsieur Miguel Simard, exploitant d’un village du Grand-Nord, qui a côtoyé le plaignant et son supérieur immédiat;
· Madame Angèle Lemieux, des ressources humaines, au sujet des événements de septembre 2007 menant à des mesures disciplinaires;
· Madame Christiane D’Auteuil, des ressources humaines, sur les événements de 2007;
· Docteur Henri Prud’homme, du Centre de santé chez l’Employeur;
· Madame Marie-Pierre McKenzie, d’Air Labrador;
· Madame Julie O’Neil, d’Air Labrador.
[407] La procureure patronale cite les dispositions de la convention collective qui lui paraissent pertinentes aux présent litige :
« article 1 - but de la convention
1.01 Cette convention collective est conclue dans le but de promouvoir des relations ordonnées entre la Direction et les personnes salariées représentées par le Syndicat, d’établir et de maintenir des salaires et des conditions de travail qui soient justes et équitables pour toutes et de prévoir un mécanisme pour le redressement des griefs et des mésententes qui peuvent survenir entre les parties aux présentes. »
« 2.12 Rétrogradation
Passage d’une personne salariée d’un emploi de niveau supérieur à un emploi de niveau inférieur. »
Pourvoi de poste
« 19.07 A) Sous réserve des stipulations de cet article, le critère suivant s’applique dans les cas de transfert, mutation : chez plusieurs personnes salariées en mesure de répondre aux exigences normales du poste vacant, l’ancienneté prévaut. »
Prime de chef d’équipe 19.12 B) :
La procureure souligne que cette disposition, déjà citée par la partie syndicale au paragraphe 363, ne considère pas uniquement l’ancienneté.
Prime de direction de travail 21.06 B :
Précitée au paragraphe 363, cette disposition fait que la prime équivaut à un échelon de son niveau de salaire.
[408] En ce qui touche le grief de harcèlement psychologique (S-2), la procureure patronale dépose les dispositions législatives qui lui semblent pertinentes :
· Charte des droits et libertés de la personne (art. 1, 4, 10, 10.1 et 46);
· Code civil du Québec (art. 2087);
· Loi sur les normes du travail (art. 81.18 à 81.20, 123.6 à 123.16);
· Loi sur la santé et la sécurité du travail (art. 51).
[409]
Lorsqu’un gestionnaire indique à
un salarié qu’il n’est pas satisfait de son travail, c’est l’exercice de son
droit de direction. La procureure patronale soumet le cas
Syndicat des
fonctionnaires municipaux de Québec (FISA)
et
Ville de Québec
,
Gilles Laflamme, arbitre, 21 mars 2012 (
« [273] On y allègue que MM. Dubois, Bérubé et Maheux ont eu des comportements blessants et humiliants à l’endroit de Mme Boissonneault et que leur conduite vexatoire a porté atteinte à sa dignité. Et, le syndicat demande, entre autres, de déclarer que Mme Boissonneault a été victime de harcèlement psychologique au travail.
[…]
[281] Avant même l’arrivée de M. Grenier à son nouveau poste, l’employeur avait indiqué à Mme Boissonneault, à quelques reprises, de façon informelle, de porter attention à son attitude à l’égard de ses collègues de travail.
[…]
[291] La voie suivie par l’employeur pour arriver à un changement d’attitude chez Mme Boissonneault n’a pas été de nature disciplinaire. Il a voulu lui faire prendre conscience d’un problème réel - et les rappels qui ont été faits à Mme Boissonneault en témoignent - et y trouver une solution en préconisant une démarche d’aide pour améliorer le climat de travail.
[292] La convocation à une telle rencontre, de façon objective, ne peut être considérée comme humiliante ou méprisante. Elle peut déplaire, créer un état de stress plus ou moins prononcé, mais ce n’est pas du harcèlement. Une telle convocation s’inscrit à l’intérieur de l’exercice normal des droits de gérance et, dans la mesure où elle ne revêt pas un caractère abusif, déraisonnable, je ne saurais en faire reproche à l’employeur. Les faits mis en preuve ne démontrent aucunement que l’employeur a exercé son droit de direction, par cette convocation à une rencontre - j’analyserai plus tard le contenu - de façon déraisonnable.
[293] À cet effet, l’arbitre Me François Hamelin, dans
l’affaire Centre hospitalier régional de Trois-Rivières [
Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon
Saint-Joseph) et Syndicat professionnel des infirmières et infirmiers de
Trois-Rivières (Syndicat des infirmières et infirmiers
Mauricie-Cœur-du-Québec). (Lisette Gauthier). M
e
François Hamelin,
président, 5 janvier 2006.
" [249] Rappelons que le traditionnel droit de direction de l’employeur, qui lui confère le pouvoir de diriger et de contrôler les activités de son entreprise, est un pouvoir de nature discrétionnaire et qu’à ce titre, la doctrine et la jurisprudence reconnaissent une liberté d’action assez large à l’employeur, qui inclut le droit à l’erreur à la condition que celle-ci ne soit pas abusive ou déraisonnable.
250] C’est ainsi que dans la direction et le contrôle de son personnel, l’employeur possède une discrétion étendue lorsqu’il s’agit d’établir et de faire respecter les procédures de travail, les règles et les usages du milieu de travail, d’évaluer le rendement des salariés et de contrôler la qualité du travail qu’ils accomplissent : tout cela fait partie de l’exercice normal du droit de direction et il est entendu qu’il peut en résulter du stress et des désagréments. Tout cela fait partie de la normalité des choses. Ce n’est donc qu’en cas d’exercice déraisonnable du droit de direction que l’on peut parler d’abus de droit.
[251] En somme, l’exercice discrétionnaire du droit de
direction de l’employeur ne peut constituer un abus que s’il est exercé de
manière déraisonnable et cet abus ne peut constituer du harcèlement que s’il
satisfait aux éléments essentiels de la définition qu’en donne le législateur à
l’article
[…]
[313] L’arbitre Me Marc Gravel, dans l’affaire Syndicat des
employées et employés de métiers d’Hydro-Québec [
Syndicat
des employées et employés de métiers d’Hydro-Québec, section locale 1500
SCFP-FTQ et Hydro-Québec, M
e
Marc Gravel, arbitre, 27 septembre
2007.
" [253] Le tribunal, dans un contexte de harcèlement au travail, ne peut s’attarder à la seule subjectivité des victimes bien que la plupart des éléments constitutifs du harcèlement émanent de celles-ci. Le point de vue retenu par l’ensemble de la jurisprudence est celui de la personne raisonnable, objective et bien informée des circonstances, dotée d’attributs semblables et se trouvant dans une situation semblable à celle de la victime.
[254] L’adjudicateur doit être prudent lorsqu’il apprécie les faits, car plusieurs situations, tels les conflits de personnalités, les malentendus, le stress et les conflits non gérés, peuvent être la source de plaintes de harcèlement, alors qu’en réalité, les faits entourant ces événements ne rencontrent en rien les conditions nécessaires à l’établissement de harcèlement. "
[314] Je suis d’avis qu’une personne raisonnable, placée dans une même situation que Mme Boissonneault et ayant connu des rappels sur sa conduite n’aurait pas conclu à du harcèlement de la part de l’employeur.
[…]
[319] Aussi, l’employeur a eu recours à une médiatrice pour tenter de trouver une solution aux relations tendues entre Mme Boissonneault et M. Grenier. Je ne saurais reprocher à l’employeur l’organisation de ces réunions avec la médiatrice. Au contraire, cela témoigne de sa volonté, sans discrimination aucune à l’égard de Mme Boissonneault, d’établir un climat de travail sain entre deux collègues. »
La procureure patronale signale que monsieur Tremblay rencontrait le plaignant pour du coaching et traiter, par exemple, des difficultés de ce dernier à rendre compte. Ce n’est pas parce que le plaignant se dit humilié ou blessé qu’il faut déduire qu’il y a harcèlement. Le plaignant estimait que c’était désagréable de se faire indiquer des erreurs par son supérieur mais, en soi, il ne s’agit pas de harcèlement.
[410] Elle soumet des sentences arbitrales dans lesquelles il est question de problèmes de rendement et de compétence :
[410.1]
Syndicat de IKEA Montréal
(CSN)
et
IKEA Canada limited partnership
, M
e
Pierre
Laplante, arbitre, 12 juillet 2007 (
« [305] À la première évaluation, l’employeur releva :
A) 9 retards en 19 jours de travail;
B) Une incapacité à faire les tâches de base;
C) Une difficulté à utiliser les outils connus et à respecter les instructions;
D) Une difficulté à être présente de façon constante dans son aire de travail.
[…]
[307] Lors de la deuxième évaluation, celle se situant après le 45 ème jour de travail, l’employeur nota une amélioration du travail de Mme Peel en soulignant toutefois que cette dernière avait encore des difficultés à utiliser les outils connus et à respecter les instructions.
[…]
[333] La jurisprudence arbitrale,
avec notamment comme fer de lance les décisions rendues par mon collègue Me
François Hamelin, dont celle du
Centre hospitalier régional de
Trois-Rivières et Syndicat professionnel des infirmières et infirmiers de
Trois-Rivières
(
A) l’existence d’une conduite vexatoire, c’est-à-dire un comportement qui humilie, qui blesse quelqu’un dans son amour-propre et qui lui cause des tourments;
B) l’existence d’un caractère répétitif des actes du comportement vexatoire. Sauf en de rares exceptions, les fautes doivent se reproduire à plusieurs reprises et être étalées sur une certaine période de temps;
C) l’existence d’une nature hostile et non-désirée du comportement vexatoire, c’est-à-dire que l’on puisse déduire des intentions agressives ou menaçantes de la part du harceleur;
D) l’existence d’une atteinte à la dignité ou à l’intégrité de la personne. L’atteinte doit laisser des marques qui, sans être indélébiles, n’en sont pas moins profondes et durables;
E) l’existence d’un milieu de travail néfaste, c’est-à-dire la création d’un environnement de travail malsain et défavorable pour une personne.
[…]
[358] Somme toute, ces 3 salariées ont considéré que la plaignante, malgré les accommodements réalisés par l’employeur, n’accomplissait pas son travail et qu’elles devaient assumer, en plus de leur propre charge de travail, la partie du travail que la plaignante ne pouvait pas faire. D’où la frustration accumulée. D’où le phénomène de rejet. D’où les propos et attitudes désobligeantes. Nous ne sommes pas en situation de harcèlement psychologique.
[…]
[362] Lorsque ces 3 collègues de travail lui disent que sa place n’est pas dans le département BA-4, et bien qu’il s’agisse d’une remarque déplaisante à entendre de la part de collègues de travail, nous ne pouvons ignorer l’incompétence de la plaignante comme cuisiniste, ni son incapacité à accomplir plusieurs tâches relevant des représentants au BA-4.
[…]
[372] Conséquemment, le tribunal d’arbitrage en arrive à la conclusion que la mutation de poste de la plaignante était justifiée et que les évènements allégués par la plaignante au chapitre du harcèlement psychologique n’en sont pas et ne correspondent pas à la définition de harcèlement psychologique. »
La procureure patronale précise qu’il faut une continuité et une répétition de gestes vexatoires pour conclure à du harcèlement psychologique. Le plaignant ressort des événements qui se seraient produits il y a plusieurs années. Elle ajoute que ses collègues ont tenté de l’encadrer puis, voyant les résultats, ils lui faisaient exécuter les tâches les plus simples. Cela créait de la frustration. Monsieur Lafleur faisait le travail de chef d’équipe, mais c’est le plaignant qui recevait la prime. Monsieur Simard a constaté que le plaignant n’était pas capable de faire le travail.
[410.2]
Syndicat des
fonctionnaires municipaux de ville A (SCFP)
et
Ville A
, M
e
Fernand
Morin, arbitre, 27 juillet 2007 (
[410.3]
Syndicat canadien de la fonction
publique, section locale 3280
et
Commission scolaire des
Grandes-Seigneuries
, M
e
Marcel Morin, arbitre, 10 septembre
2008 (
« [471] Encore une fois, lorsque l'on analyse les différents éléments permettant de conclure à du harcèlement psychologique, l'on ne peut se contenter d'un élément parmi tous ceux prévus par la Loi. La partie syndicale devait démontrer l'existence de chacun des éléments constitutifs du harcèlement psychologique et, avec respect pour l'opinion contraire, le Tribunal est d'avis que le syndicat a failli dans cette preuve.
[472] La preuve médicale ne permet non plus d'arriver à une conclusion de harcèlement psychologique. Elle fait plutôt ressortir que Madame G... a des traits de personnalité obsessionnels (conformisme, contrôle) qui peuvent être utilisés pour endiguer une hypersensibilité qu'elle redoute, dira le Docteur Van Gijseghem. Le Docteur Favreau n'a pas vu le profil d'une personne harcelée. La Commission y voit plutôt une personne rigide qui a des problèmes. Une personne plutôt vulnérable que méchante. »
[410.4]
Syndicat des employés du Centre de
recherche industrielle du Québec (SCFP)
et
Centre de recherche
industrielle du Québec (CRIQ)
, M
e
Jean-Guy Ménard, arbitre, 23
décembre 2009 (
« [114] Ce faisant, monsieur Cherfaoui a accepté d’évoluer dans un environnement qui lui était jusque-là inconnu et il s’est du même coup trouvé à convenir qu’il pourrait éventuellement avoir à confronter des difficultés inhérentes à cette réalité et qu’il devrait y réagir en s’investissant davantage dans son travail. À ce propos, il me semble approprié de revenir sur cette prétention de monsieur Cherfaoui voulant qu’on l’aurait insuffisamment initié par le fait qu’on n’aurait pas vu à son intégration et qu’on ne l’aurait pas adéquatement encadré et supporté. Étant un professionnel et ayant dorénavant à travailler pour un employeur qui cherchait à embaucher des personnes compétentes dans leur domaine mais aussi autonomes et capables de contribuer à des innovations en matière de conception d’équipements industriels, je ne crois pas qu’il y ait eu négligence de la part de l’Employeur à ce sujet, d’autant qu’il m’apparaît que des circonstances comme les spécificités de l’entreprise auraient dû inciter monsieur Cherfaoui à exprimer ses insatisfactions au moment voulu plutôt que de s’en plaindre plusieurs années plus tard. »
La procureure patronale rappelle que le contexte de travail dans notre affaire est particulier. L’employé travaille dans le Grand-Nord; il rétablit souvent l’électricité seul. Il a beaucoup de pression et de responsabilités.
« [117] Globalement, la défense de monsieur Cherfaoui est à deux effets principaux. En premier lieu, il nie avoir des problèmes de compétence à la base; il accepte seulement avoir certaines difficultés de communication avec ses collègues. Par ailleurs, il estime avoir été victime d’un habile stratagème grâce auquel on a réussi à l’éliminer soit en ne lui transmettant pas de l’information qui lui était nécessaire, soit en le gardant à l’écart de l’équipe, soit en le faisant travailler sur des tâches inutiles ou même en ne l’occupant tout simplement pas, soit en lui donnant du travail strictement technique ou encore au-delà de sa description de tâches d’agent de recherche et développement, soit en lui refusant de tenir des réunions d’équipe ou en en tenant sans qu’il y soit invité, soit en ne le supportant pas quand il en avait besoin, etc.
[118] A priori, cette défense n’est pas sans laisser filtrer une certaine incohérence par le fait que monsieur Cherfaoui se plaint, d’un côté, de ne pas avoir été suffisamment supporté, alors qu’il se disait, de l’autre, capable de faire le travail. On conviendra que cette position de dénégation qu’il a prise est de nature à réduire l’impact du reproche qu’il adresse à l’Employeur de ne pas l’avoir soutenu adéquatement. Par ailleurs, il y a lieu d’admettre que l’Employeur se retrouvait ainsi devant une situation pour le moins embêtante, les seules possibilités qui lui restaient étant de mettre ses énergies à essayer de faire comprendre à monsieur Cherfaoui qu’il y avait quelque part une problématique de base. Précisément parce qu’il se refusait à toute admission touchant sa compétence, celui-ci était dans un mode qui l’incitait à voir une attaque dans tout reproche, et qui l’incitait à revisiter chaque incident relevé pour se justifier et s’en déresponsabiliser. Ce faisant, il n’a pas vu l’essentiel, il n’a pas compris que finalement il ne livrait pas la marchandise attendue, que les résultats espérés n’étaient pas là. À argumenter sur chaque point spécifique dans le but de démontrer sa compétence, il a raté le message global d’insatisfaction quant à ses réalisations que lui lançait l’Employeur et il a perdu du même coup autant d’occasions de susciter un compromis ou de corriger le tir en appelant à l’aide, le cas échéant.
[…]
[125] Très habilement défendu par le représentant du Syndicat, monsieur Cherfaoui prétend généralement que l’Employeur est le seul responsable de la série d’imbroglios qui l’ont mené à son congédiement entre autres par le fait qu’il a mal évalué ses compétences à l’embauche, qu’on l’a trop souvent placé dans des situations intenables au plan professionnel en négligeant peut-être même intentionnellement de lui fournir l’information et le support qui lui étaient nécessaires, qu’on ne lui a jamais donné la chance et les conditions pour se faire valoir et qu’on ne l’a pas dûment prévenu qu’il risquait d’être congédié, tant et si bien qu’on en a fait une victime à l’égard de laquelle on a agi malicieusement et trompeusement. Pour conclure ainsi, il faut en venir à penser qu’à peu près tous les points relevés par monsieur Cherfaoui tiennent soit de la négligence, soit d’intentions malveillantes de l’Employeur. Or, il ne m’apparaît pas que la preuve permette de prétendre que monsieur Cherfaoui était à ce point étranger à ce qui lui est arrivé, bien au contraire.
[…]
[142] Il ne fait aucun doute dans
mon esprit que monsieur Cherfaoui a vécu des moments extrêmement difficiles
chez l’Employeur. Cela dit, il ne faut toutefois pas perdre de vue qu’à
proprement parler ils sont tous reliés de près ou de loin à sa façon de réaliser
le travail demandé qui insatisfaisait d’abord ses supérieurs et parfois même
ses collègues. En définitive, la seule exception correspond à son absence pour
maladie de la mi-novembre 2005 pour laquelle l’Employeur avait tort, soit dit
en passant, d’exiger une attestation médicale après deux (2) jours. Dans
l’ensemble, il y avait indiscutablement là matière à antagoniser les rapports
entre eux si bien qu’il y a eu tantôt des expressions de mécontentement
froidement lancées, tantôt des mouvements d’impatience qui ont été la cause de
discussions fermes et qui ont aussi provoqué une distance entre les
intervenants. Mais y a-t-il vraiment eu "conduite vexatoire se
manifestant par des comportements (…) hostiles ou non désirés, laquelle
port(ait) atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique" de
monsieur Cherfaoui (article
[143] En tout respect pour ce dernier et en toute considération pour l’énergie et les efforts qu’il a mis à défendre ses points de vue, je ne le crois pas pour le simple motif que, suivant la preuve, l’idée de ses vis-à-vis n’était pas d’atteindre sa dignité ou son intégrité, de l’humilier, de le diminuer au regard des autres, mais plutôt de l’amener à améliorer sa prestation de travail. Aurait-il adopté une attitude un peu plus conciliante qu’il aurait probablement été plus à même de constater qu’on ne cherchait vraiment pas à l’éloigner pour arriver à l’éliminer de façon définitive. À ne pas vouloir comprendre que la qualité de son travail laissait voir qu’il avait certains problèmes de base, il est bien clair qu’il a perdu certaines sympathies et qu’il a pu considérer qu’il y avait du harcèlement dans les attitudes des personnes qui l’entouraient. »
Le plaignant a prétendu qu’il n’avait pas été soutenu par monsieur Féry. Il a été jumelé avec le salarié le plus expérimenté et a reçu la formation à l’instar des autres employés.
[410.5]
Syndicat de la fonction publique du
Québec
et
Gouvernement du Québec
, M
e
Maureen Flynn,
arbitre, 17 novembre 2009 (
« [99] D’autre part, la preuve ne peut être analysée que subjectivement ou qu’à travers les yeux de la victime. Cette approche pourrait être risquée, considérant le profil psychologique des « fausses victimes » tel que résumé par le commissaire Guy Roy :
" (95) Comme on vient de le voir, il est périlleux de prendre, comme unique point d’analyse, la seule perception du plaignant. Ce point de vue peut être d’une victime ou d’une personne ayant des problèmes de victimisation ou souffrant de paranoïa. De plus, chaque personne, en raison de ses traits de personnalité, de son éducation, de sa religion et de son milieu de vie, réagit différemment à une même situation voire à une même conduite.
(96) L’appréciation de la conduite par une personne
possédant une vision tronquée de la réalité, peut mener à des aberrations. En
effet, cette seule perception ferait en sorte que chaque plainte devrait être
accueillie puisque la conduite constituerait toujours du harcèlement pour la
présumée victime, sinon pourquoi s’en plaindrait-elle? » Bangia c. Nadler
Danino S.E.N.C.,
[100] Et, l’arbitre François Hamelin suggère de tenir compte du trait de caractère ou de l’état de santé mentale de la personne qui se dit victime de harcèlement psychologique, trait ou état de santé qui peuvent permettre de mieux définir le caractère raisonnable des perceptions de la victime :
" (76) Il est en effet important de s’assurer qu’un trait de caractère (agressivité, méfiance, tendance à la victimisation, etc.) ou une maladie mentale (troubles d’adaptation, dépression, etc.) de la présumée victime n’est pas à l’origine du déclenchement, de l’évolution et de la persistance de la conduite dénoncée du présumé harceleur, ce qui donne un éclairage de la situation qui n’est pas celui d’une victime raisonnable. » Ville de Montréal c. Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP), 27 février 2009. "
[…]
[107] Enfin, dans l’affaire Breton et Compagnie d’échantillons « National » Ltée, le commissaire Jean Paquette propose une démarche d’analyse de la preuve que je retiens :
" 150.6 Avant toute chose, il faut examiner la présence d’une conduite vexatoire. L’utilité de l’analyse des deux éléments de l’atteinte à la dignité ou l’intégrité et celui du milieu de travail néfaste ne se manifeste qu’en présence d’une preuve prépondérante de conduite vexatoire. En effet, sans conduite vexatoire, il ne peut pas y avoir d’effets. Par ailleurs, si les effets sont présents sans l’existence d’une conduite vexatoire, il ne s’agit pas de harcèlement psychologique.
150.7. Il s’agit donc en premier de répertorier les divers comportements, paroles, actes ou gestes reprochés à une ou plusieurs personnes par celle qui s’estime victime de harcèlement psychologique. Ensuite, il faut déterminer si ces comportements, paroles, actes ou gestes sont répétés et vérifier leur caractère hostile ou non désiré pour conclure à l’existence d’une conduite vexatoire.
150.8. En résumé, des comportements, des
paroles, des actes ou des gestes qui sont répétés et qui sont hostiles ou non
désirés constituent la manifestation d’une conduite vexatoire au sens du
premier alinéa de l’article
(…)
152.1.
Il faut aussi faire une appréciation globale
de la preuve et garder une perspective d’ensemble des divers comportements,
paroles, gestes ou actes pour déterminer leur caractère vexatoire. Il ne faut
pas se limiter à les examiner au cas par cas. Cet examen demeure pertinent et nécessaire,
mais l’analyse globale permet d’évaluer le degré réel de gravité de l’ensemble
des conduites. » Mario Breton c. Compagnie d’échantillons
« National » ltée,
[…]
[110] Le commissaire Jean Paquette résume les critères développés par la jurisprudence pour apprécier le comportement d’un employeur dans le cadre d’une plainte de harcèlement psychologique :
"
Ainsi, l’employeur possède
une discrétion étendue sur la direction et le contrôle du personnel. Par ailleurs,
l’exercice normal du droit de direction implique inévitablement du stress et
des désagréments pour les salariés. L’exercice discrétionnaire du droit de
direction de l’employeur ne peut constituer un abus que s’il est exercé d’une
manière arbitraire, déraisonnable ou discriminatoire. De plus, cet abus ne peut
constituer du harcèlement psychologique que s’il satisfait aux éléments
essentiels de l’article
[…]
[119] J’estime qu’il ressort de la preuve que chacune de ces interventions a été exercée d’une manière respectueuse et qu’elles font partie des prérogatives de gestion de l’employeur. Bien que je puisse concevoir que la situation a dû entraîner un certain stress et désagrément pour la plaignante, d’autant plus que la preuve révèle que ces interventions ont été exercées à l’intérieur d’une période rapprochée et au cours de laquelle la condition de la plaignante était fragile, j’estime qu’il ne ressort aucunement de la preuve que l’un des représentants de l’employeur n’ait adopté une conduite vexatoire, c’est-à-dire qui a pu blesser, insulter, humilier, mépriser ou opprimer la plaignante. »
[410.6]
Syndicat des travailleurs et
travailleuses des postes
et
Société canadienne des postes
, M
e
Marc Gravel, arbitre, (
« [87] À tout événement, on peut comprendre que les supérieurs de madame Gauthier aient pu, à certains moments, être agacés par son attitude et qu'ils le lui aient fait savoir sans nécessairement mettre des gants blancs. Toutefois, le tribunal qui a pu entendre toute la preuve ne peut en venir à une autre conclusion que celle que les supérieurs de la plaignante n'ont pas usé de harcèlement psychologique à son égard, mais l'ont simplement rappelée à l'ordre et qu'en agissant de la sorte, ils faisaient correctement leur travail de gestionnaires. Un gestionnaire masculin peut certainement s'adresser à une salariée pour lui faire remarquer les carences et les déficiences de son travail, l'incorrection de ses attitudes, lui rappeler les plaintes de la clientèle, sans que la salariée puisse immédiatement se défendre en prétextant que les propos du superviseur, à ce moment-là, constituent envers elle du harcèlement psychologique.
[88] Dans le cours normal des opérations d'une entreprise, un contremaître peut s'adresser à une employée pour lui rappeler ses tâches et la façon de les accomplir adéquatement, sans qu'il ait à craindre à chaque fois qu'on l'accuse de harcèlement psychologique.
[…]
[90] Un employeur qui cherche à obtenir de ses salariés un rendement adéquat par les moyens normaux qu'il a à sa disposition, que ce soit le dialogue, la formation ou même la discipline, et qui emploie efficacement et à bon escient ces outils à sa disposition ne crée certainement pas une atmosphère de travail délétère et ne commet pas davantage d'acte vexatoire. Il est fort possible, cependant, selon la personnalité du salarié, qu'il puisse considérer les remontrances ou explications qu'on lui fait comme étant vexatoires. Cela ne les rend pas telles. »
[411]
La procureure patronale soumet
également des sentences arbitrales qui traitent des critères de la personne
raisonnable. Outre celle rendue par l’arbitre Hamelin dans l’affaire
Centre
hospitalier de Trois-Rivières
(précitée au par. 367 de la présente), elle
soumet l’affaire
Olymel S.E.C./Iberville
et
Teamsters Québec, section
locale 1999
, M
e
Richard Marcheterre, arbitre, 13 décembre 2007
(
« [130] Le seul attribut ou caractéristique personnel chez la plaignante qui pourrait avoir une incidence sur l’existence de harcèlement, est son caractère agressif. La preuve indique de manière très prépondérante que l’agressivité de la plaignante n’est pas nouvelle, qu’elle se retrouve régulièrement lorsqu’elle est contrariée et plus particulièrement dans les situations où sa condition physique est en cause, alors que l’Employeur exerce son droit de gérance en cherchant à vérifier son incapacité ou appliquer la procédure de travaux légers.
[…]
[132] En conclusion sur ce sujet, je suis d’avis qu’il me faudra analyser les faits à la lumière du critère fondamental de référence, soit celui de la personne raisonnable non agressive placée dans les mêmes circonstances que la plaignante, notamment parce que son agressivité était déraisonnable, non justifiée, et que même si elle l’était, ce n’était qu’à ses yeux en raison de son caractère agressif. »
Elle
dépose aussi une autre sentence arbitrale du 27 février 2009 de M
e
Hamelin dans l’affaire
Ville de Montréal
et
Syndicat des
fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP)
(
[412] À la lumière de cette jurisprudence, la procureure patronale établit les constats suivants :
· Le plaignant n’a pas été victime de harcèlement psychologique;
· Il a vécu des problèmes de rendement dans son travail;
· Le contexte particulier de son travail ne lui convenait pas comme certains de ses collègues l’ont déclaré;
· Le plaignant a persisté dans son combat jusqu’à sa retraite, et sa motivation était la rémunération. D’ailleurs, il avait demandé de garder les mêmes conditions de rémunération s’il allait travailler sur un autre poste;
· Il était intransigeant et cela l’a mené à adopter des comportements agressifs. L’enquêteur, M e Pâquet, en a parlé en soulignant que cela déstabilisait ses collègues de travail;
· En choisissant un secteur d’activité qui ne lui convenait pas, le plaignant devenait l’artisan de son propre malheur;
· Le plaignant avait un problèmes d’introspection, de remise en question.
[413] L’Employeur a effectué une enquête menée par une personne de l’extérieur, M e Jean Pâquet. Certes, l’arbitre n’est pas liée par l’analyse et les conclusions de l’enquête cependant, elles donnent une bonne indication de la situation. Selon la procureure patronale, cette enquête a été sérieuse et professionnelle. Au regard de l’obligation de l’Employeur de prévenir et faire cesser le harcèlement psychologique, ce dernier a agi très tôt dans le dossier. Elle relève les huit allégations que le plaignant a rapportées à l’enquêteur qui se trouvaient aux pages 19 et suivantes du rapport, en avril 2006 (E-12). Elle rappelle qu’après le grief et ce rapport, le plaignant a allégué en audition que les exigences répétées de l’Employeur pour obtenir un certificat médical motivant son incapacité de travailler à Obedjiwan constituaient aussi du harcèlement psychologique.
[414] La première allégation se lit ainsi :
« L’incident de la candidature au poste de technicien en automatisme en 1992
La preuve recueillie a démontré de façon claire et convaincante que Jean-Yves Tremblay ne voyait pas d’un bon œil la candidature de Lionel St-Laurent au poste de technicien en automatisme pour les Réseaux autonomes en 1992.
À ce chapitre, la preuve révèle que Jean-Yves Tremblay a non seulement fait part de ses réserves à Lionel St-Laurent lui-même, mais aussi auprès de la Direction, qui l’aurait encouragé à tenter de dissuader ce dernier de postuler. »
La procureure patronale renvoie aux témoignages de messieurs Tremblay, Poulin, Lefebvre, Féry, Simard et du plaignant : les enjeux techniques sont plus importants vu l’éloignement, car l’approvisionnement en équipements est difficile. Monsieur Tremblay a précisé dans son témoignage qu’un employé, dans un tel contexte, devait être débrouillard. La notion d’équipe est importante, car les salariés en plus de travailler de longues heures ensemble doivent cohabiter. La procureure patronale souligne qu’il était important que monsieur Tremblay, lors de l’entrevue d’embauche, décrive au plaignant tout le contexte particulier du travail dans le Grand-Nord. Il faisait cette démarche pour tous les nouveaux employés. Certains se sont d’ailleurs désistés.
[415] Monsieur Féry a expliqué que le plaignant aurait été meilleur à l’exploitation. Il a ajouté que le problème n’était pas monsieur Tremblay; la situation aurait été semblable avec un autre supérieur immédiat. Selon monsieur Féry, le plaignant ne voulait pas trop en faire et n’était pas attentif à son travail.
[416] Monsieur Lefebvre a déclaré que le plaignant ne supportait pas la pression; il lui a dit qu’il se sentirait mieux s’il travaillait ailleurs. Il corrobore la version de monsieur Tremblay à savoir que ce dernier n’a jamais traité le plaignant d’incompétent; il indiquait tout simplement au plaignant comment faire son travail.
[417] Dès 1992, le plaignant s’est vu confronté aux réserves de monsieur Tremblay sur ses capacités à fonctionner dans le contexte particulier du Grand-Nord. C’est ce qu’a constaté l’enquêteur Pâquet lorsqu’il a conclu que la conduite de monsieur Tremblay n’était pas vexatoire. La procureure patronale cite cet extrait du rapport :
« Dès son embauche en 1992, Lionel St-Laurent s’est vu confronté aux réserves de son supérieur immédiat à poser sa candidature à semblable poste.
Ces réserves se sont toujours maintenues par la suite, et notamment à l’occasion de la crise du verglas en 1998, et lorsqu’il a fallu combler le poste de chef d’équipe laissé vacant par le départ à la retraite de Joël Féry en 2000.
Ces réserves ont pris la forme de propos sur la capacité d’accomplir les tâches reliées au poste, tant sur le plan des qualités professionnelles que sur le plan des qualités personnelles.
Jean-Yves Tremblay ne s’est jamais caché pour exprimer ce qu’il pensait.
Tous lui reconnaissent son franc parler.
On ne peut certes pas reprocher au mis en cause d’avoir exprimé au principal intéressé ce qu’il pensait.
Cela relève du privilège que lui confère notamment son droit de gérance. »
[418] La deuxième allégation se lit ainsi :
« L’incident relié à la crise du verglas en janvier 1998
À ce chapitre, la preuve a révélé de façon claire et convaincante que Jean-Yves Tremblay a affecté Lionel St-Laurent à son bureau pendant ce qu’il est convenu d’appeler « la crise du verglas », alors que tous les autres techniciens disponibles ont été affectés au dépannage sur le terrain.
La preuve permet de plus d’établir que Jean-Yves Tremblay a clairement expliqué les raisons qui le motivaient à prendre semblable décision auprès de Lionel St-Laurent. »
La procureure patronale souligne qu’en 1998, le plaignant ne s’est pas plaint de cette décision. Ce n’est que huit ans plus tard que cette affaire a été soulevée. Monsieur Tremblay a pris une décision de gestion qui n’a rien à voir avec le mépris. Il a reconnu avoir désigné des salariés capables de fonctionner en temps de crise et il a expliqué ses motifs au plaignant. Ce dernier n’a pas contredit avoir reçu les explications de son supérieur immédiat.
[419] Les troisième et quatrième allégations se lisent comme suit :
« L’incident relié à l’agression physique de Joël Féry en 1998
À ce chapitre, la preuve est plutôt contradictoire; Lionel St-Laurent prétend avoir été agressé par Joël Féry, alors que ce dernier ne se rappelle pas d’un semblable incident, si ce n’est qu’à une occasion, il avait pris le bras de Lionel St-Laurent, après avoir tenté de l’interpeller à plusieurs reprises oralement, sans succès, en raison du bruit ambiant. »
« L’incident relié à la demande de changement d’équipier en 1998
« À ce chapitre, la preuve recueillie permet de conclure de façon prépondérante que l’ensemble des techniciens en automatisme semblent plutôt réticents à voyager avec Lionel St-Laurent.
Tant le témoignage du mis en cause que des techniciens Joël Féry et Yves Lefebvre militent en ce sens. »
[420] Le salarié Féry et le plaignant ont été jumelés de 1992 à 1998. Le plaignant, lors de son témoignage, s’est plaint de ne pas avoir reçu une formation suffisante quand il est arrivé en poste. Or, la pièce E-2 démontre qu’il a reçu la même formation que les autres salariés, ce qu’il n’a pas contredit.
[421] Le plaignant s’est plaint également que le salarié Féry était incapable de transmettre son savoir. Il convient qu’il n’a pas informé monsieur Tremblay de cette situation. Il a déclaré également qu’il s’était fait apostropher par monsieur Féry devant des collègues de travail en 1994.
[422] Monsieur Tremblay a rencontré monsieur Féry sur cette prétendue agression en 1998 et ce dernier lui a raconté ce qui s’était produit. Le plaignant avait perçu le geste comme une agression, mais, selon monsieur Féry, c’était anodin. Le plaignant a demandé de changer d’équipier, mais personne ne voulait voyager avec lui. Ils ne lui disaient pas et c’était à monsieur Tremblay d’avoir l’odieuse tâche de lui en faire part.
[423] Monsieur Féry a admis qu’il n’était peut-être pas le meilleur formateur, mais vu le travail accompli par le plaignant, il lui faisait exécuter les tâches les plus simples. Il a rappelé que le plaignant avait quand même son diplôme de technicien.
[424] Monsieur Lefebvre a été jumelé avec le plaignant en septembre 2006. Selon lui, le plaignant n’était pas très performant techniquement; il avait la tête dure et s’obstinait. Monsieur Lefebvre a confirmé que peu de collègues voulaient voyager avec le plaignant.
[425] Selon la procureure patronale, tant monsieur Tremblay que les collègues de travail du plaignant ont été très patients. Elle cite l’enquêteur dans une de ses conclusions :
« Il est heureux que ce dernier n’ait pas fait l’objet de " mobbing " de la part de ses collègues de travail.
Ceux-ci ont manifesté une patience surprenante dans les circonstances.
Ceux-ci ont manifesté, de la même façon une tolérance hors du commun pendant toutes ces années. »
[426] La cinquième allégation indique ceci :
« L’incident relié au poste de chef d’équipe en 2000
À ce chapitre, la preuve révèle de façon claire et convaincante que Jean-Yves Tremblay ne voyait pas d’un bon œil, encore une fois, la candidature de Lionel St-Laurent à ce poste.
De la même façon, et pour les raisons déjà invoquées précédemment lors de son embauche en 1992, Jean-Yves Tremblay a expliqué à ce dernier les raisons de ses réserves. »
Le plaignant voulait prendre cette responsabilité pour obtenir la prime en conséquence. Monsieur Tremblay a consenti à un essai de six mois.
[427] Dans la convention collective, à 2.19, il est prévu qu’un chef d’équipe fait son travail régulier en plus de celui de chef d’équipe. Le plaignant ne traduisait pas ce rôle ainsi. Monsieur Tremblay l’encadrait par des rencontres de coaching ; ce n’est certes pas du harcèlement psychologique.
[428] Sur le test d’habilitation au Code de sécurité des travaux , la procureure patronale souligne que l’examen se fait avec l’aide du manuel qui traite de la sécurité et que le plaignant travaillait chez l’Employeur depuis 1980.
[429] Monsieur Tremblay, en 2000, a fait un essai de six mois avec le plaignant comme chef d’équipe et il était insatisfait à cause des problèmes de suivi des travaux (rendre compte).
[430] Au retour au travail du plaignant, en septembre 2006, monsieur Tremblay ne lui a pas donné le rôle de chef d’équipe, mais a maintenu sa prime. Il voulait ainsi que le plaignant se réapproprie son rôle de chef. Il lui a fourni deux pistes de solution, soit identifier les points qu’il désirait développer et participer à un projet technique d’installation de nouveaux panneaux. Le plaignant n’a pas réussi. Il a continué à recevoir la prime de 2006 à 2008 et son supérieur s’attendait à ce qu’il soit en mesure de réaliser les deux mandats qu’il lui avait confiés : identifier ses lacunes et participer à un projet technique. Il a tenté de l’aider par des séances de coaching . En 2008, la prime disparaissait.
[431] La procureure patronale rappelle le témoignage de monsieur Simard : s’il voulait que les travaux soient faits, il demandait au salarié Lafleur plutôt qu’au plaignant. Il a suggéré au plaignant de laisser tomber son travail dans les régions éloignées, mais ce dernier refusait. Selon monsieur Simard, le plaignant s’accrochait à la rémunération fort importante reliée à ce travail.
[432] Monsieur Poulin a déclaré dans son témoignage que le salarié Lafleur ne voulait plus couvrir les erreurs du plaignant. Monsieur Féry a dit à l’enquêteur Pâquet que c’était une bonne décision de ne pas confier la responsabilité de chef d’équipe au plaignant.
[433] Selon la procureure patronale, la décision de monsieur Tremblay de ne pas confier le rôle de chef d’équipe tout en maintenant la prime ne constituait pas du harcèlement psychologique, mais plutôt une évidence que le plaignant avait des faiblesses certaines, tant comme technicien que comme chef d’équipe. Ce qui amplifiait le problème, c’est que le plaignant voulait avant tout conserver la rémunération garantie dans le Grand-Nord et celle de chef d’équipe.
[434] La sixième allégation se lit comme suit :
« L’incident relié à la présentation d’un compte de dépenses en 2001
À ce chapitre, la preuve a révélé de façon claire et convaincante que Jean-Yves Tremblay avait été fort irrité par la présentation d’un compte de dépenses qui n’obéissait pas, selon lui, à la nouvelle procédure établie pour ce faire et qu’en raison de ce qui précède, il s’était exprimé de façon colérique auprès de Lionel St-Laurent en lui disant " T’es chanceux d’avoir un syndicat, sinon t’aurais pas de job ". »
Monsieur Tremblay a reconnu avoir été excédé par la demande répétée du plaignant pour une allocation qui avait déjà fait l’objet d’un grief et d’une sentence arbitrale de M e Gravel rejetant le grief. Le plaignant continuait à la demander et monsieur Tremblay a fait une colère. Est-ce du harcèlement? Il faut examiner le contexte et conclure que la réaction de monsieur Tremblay ne peut être qualifiée de harcèlement psychologique.
[435] La septième allégation se lit ainsi :
« L’incident de l’incendie à Poste à la Baleine
À ce chapitre, la preuve est contradictoire.
Lionel St-Laurent prétend avoir été traité d’incompétent, tout comme l’ingénieur Gaétan Lajoie, ce qui est formellement nié par Jean-Yves Tremblay.
La preuve recueillie permet cependant d’affirmer que Jean-Yves Tremblay était particulièrement déçu du travail réalisé en cette occasion par Lionel St-Laurent. »
La pièce E-55 (feuilles de temps) indique clairement que le plaignant était présent au deuxième incendie à Poste-de-la-Baleine le 12 novembre 2001. Monsieur Tremblay y était, et lui et monsieur Simard ont constaté que le plaignant nettoyait de l’équipement de réserve. En 2004, il y a eu une remise en service à Poste-de-la-Baleine. Le plaignant et l’ingénieur Lajoie étaient présents. Monsieur Tremblay n’a pas dit à monsieur Lajoie qu’il était incompétent; il lui a plutôt dit que le travail ne convenait pas. La procureure patronale fait remarquer que, lorsqu’un reproche est adressé à une personne, que ce soit au plaignant ou à un autre salarié, cela ne signifie pas qu’ils sont incompétents. Elle note, à l’instar de l’enquêteur Pâquet, qu’il s’agit d’une perception du plaignant. Ce dernier a écrit ceci dans son rapport :
« La preuve recueillie permet de plus de constater que Lionel St-Laurent attribue souvent une intention blessante au fait d’être corrigé.
[…]
Les allégations de harcèlement formulées par Lionel St-Laurent à l’encontre de son supérieur immédiat reposent sur des perceptions ou des procès d’intention sans fondement objectif. »
[436] La huitième allégation indique ceci :
« L’incident des 21 et 22 novembre 2005
À ce chapitre, la preuve recueillie permet de conclure que cet incident a été en quelque sorte l’élément déclencheur qui a amené Lionel St-Laurent à déposer son grief le 6 février 2006.
Jean-Yves Tremblay ne nie pas avoir déclaré à Lionel St-Laurent que son travail n’était pas fait, mais explique cette déclaration suite à une défectuosité du système informatique.
Quant au refus de faire le voyage " cédulé " en décembre 2005, outre le fait qu’il soit largement commenté par les parties, y incluant une déclaration manuscrite de Jean-Yves Tremblay (annexe 15), on peut retenir la crainte de séjourner dans un village où il avait été l’objet de menaces de mort et l’empathie au regard des vacances anticipées de son équipier Germain Lafleur, pour expliquer le refus de Lionel St-Laurent. »
[437] En novembre et en décembre 2005, deux médecins ont vu le plaignant et diagnostiqué une dépression. Le docteur Vézina, le 21 décembre, a parlé de harcèlement psychologique, sûrement à la suite des allégations du plaignant en ce sens.
[438] Le plaignant est revenu au travail le 24 avril 2006, et le rapport de l’enquêteur Pâquet a été connu le 26 avril suivant. Le 27 avril, le plaignant a dit qu’il s’immolerait dans le bureau de monsieur Tremblay.
[439] Le plaignant aurait été malade parce qu’il était harcelé depuis 13 ans et par sa crainte d’aller à Obedjiwan. L’enquête de M e Pâquet a révélé qu’il n’y avait pas de harcèlement. De plus, le plaignant, depuis 1997, allait à Obedjiwan et n’eût été l’histoire des vacances de monsieur Lafleur qui ont modifié les plans, il y serait retourné en novembre 2005.
[440] En avril 2006, ce n’est pas à cause de sa condition médicale que le plaignant ne voulait pas retourner travailler, mais parce qu’il ne voulait pas travailler avec monsieur Tremblay. Il n’a pas fait témoigner son médecin sur sa condition médicale. Il n’y a que les certificats médicaux, qui ne font pas preuve d’un harcèlement psychologique.
[441] Après le rapport de l’enquêteur, l’affaire Obedjiwan est devenue le nerf de la guerre. L’événement des menaces se serait produit en 1997. Le plaignant est retourné à Obedjiwan entre 2000 et 2005. Obedjiwan ne diffère pas des autres villages du Grand-Nord. En août 2006, un expert a rencontré le plaignant et n’a émis aucune restriction pour un village précis. Le docteur Prud’homme a toujours demandé au plaignant que son médecin fournisse des précisions qui permettraient au Centre de santé de faire voir le plaignant par un autre expert. Ces précisions n’ont jamais été données. Le plaignant a parlé de sa peur morbide des chiens, élément dont il n’avait jamais parlé auparavant. Des chiens, il y en a dans tous les villages nordiques et, dans certains, c’est pire qu’à Obedjiwan. Le 20 septembre 2007, une rencontre houleuse a eu lieu entre le plaignant et monsieur Tremblay. Le plaignant ne voulait pas monter à Obedjiwan et monsieur Tremblay a accepté de le faire travailler à Québec. Le plaignant était fâché, car il aurait voulu être affecté ailleurs pour obtenir les avantages reliés au travail dans le Grand-Nord.
[442] Le 1 er novembre 2007, le médecin traitant du plaignant a diagnostiqué une lombalgie et du diabète, et toujours une restriction sur Obedjiwan. Le 31 décembre, monsieur Tremblay a quitté son poste pour en occuper un autre chez l’Employeur. Le Centre de santé n’a reçu le certificat que le 4 janvier 2008. Le médecin traitant ne donnait pas de précision sur la restriction pour Obedjiwan.
[443] Le docteur Prud’homme, sur la question des menaces de mort, a déclaré en 1997 qu’il avait un doute sur cet événement, car, si le plaignant avait une telle peur du prétendu agresseur, comment expliquer qu’il l’ait raccompagné chez lui après l’incident?
[444] Le 9 mai 2011, le plaignant a exercé son droit de refus d’aller à Obedjiwan; un inspecteur de la CSST a donc été appelé et, après examen de la situation, il a ordonné le retour au travail du plaignant. Le lendemain 10 mai, le plaignant soumettait sa demande de retraite.
[445] Le plaignant a prétendu qu’il avait été forcé de prendre sa retraite. Les documents qu’il a signés montrent bien qu’elle était volontaire.
[446] La procureure patronale rappelle que l’Employeur a donné suite au rapport de M e Pâquet recommandant de ne pas maintenir le statu quo , même s’il n’y avait pas de harcèlement psychologique. Les services d’une médiatrice ont été retenus et, après son intervention, monsieur Tremblay et le plaignant ont convenu de travailler ensemble. L’Employeur a investi beaucoup d’énergie et d’argent pour régler le cas du plaignant : enquêteur, médiatrice, employés des ressources humaines comme soutiens, sessions de consultation avec un psychologue.
[447]
Pour conclure sur ce grief pour
harcèlement psychologique, la procureure patronale soumet la sentence arbitrale
de monsieur Jean Boulianne du 7 juin 2011 dans
Syndicat du personnel de
soutien du cégep Dawson
et
Cégep Dawson
(
« Malheureusement, l’attitude défensive de Mme Beaton, sa réticence à collaborer pour trouver une solution au problème de climat hostile dans le bureau, a fait échouer toutes les tentatives de M. Bourgeois de régler le problème. En ce sens, Mme Beaton a été un peu l’artisane de son propre malheur.
En l’espèce, on ne peut reprocher à M. Bourgeois d’avoir abusé de son droit de gérance. S’il est un reproche qu’on peut lui faire c’est d’avoir fait preuve à deux ou trois reprises, d’irritation. Mais cela ne saurait constituer du harcèlement psychologique au sens de la définition prévue à la loi. »
(page 34)
[448]
Elle dépose aussi une sentence
arbitrale de M
e
Denis Provençal du 17 juin 2010 dans l’affaire
Syndicat
national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres
travailleurs et travailleuses du Canada (TCA-Canada) FTQ
et
Alpha-Vico
inc.
(
« [22] À mon avis, une preuve médicale concernant l’état psychologique du plaignant à l’époque où est survenu l’incident aurait été recevable puisqu’elle aurait eu pour effet de tenter d’expliquer sa conduite. Toutefois, la preuve médicale versée au dossier n’est pas probante. Tout d’abord, le médecin n’a pas été entendu devant le Tribunal et il pose un diagnostic général d’anxiété - angoisse, humeur dépressive. Il écrit une note que je qualifierais de sibylline à l’effet « harcèlement au travail, arrêt de travail un mois ». L’état psychologique du plaignant était-il dû au fait qu’il avait été arrêté par la police le 27 août et qu’il craignait de perdre son emploi ou était-il causé par d’autres facteurs? La preuve ne propose aucune réponse à cette question. »
[449] Sur le grief S-21 contestant la suspension administrative, la procureure patronale dit qu’on doit la situer dans son contexte :
· Le plaignant revient au travail le 24 avril 2006;
· Le 26 avril, le rapport de l’enquêteur conclut qu’il n’y a pas de harcèlement psychologique;
· Le lendemain, le plaignant pleure et dit qu’il va s’immoler dans le bureau de monsieur Tremblay;
· Monsieur Poulin demande au docteur Prud’homme si le plaignant est malade; le docteur lui répond qu’il n’a pas de condition médicale expliquant ce comportement;
· Monsieur Poulin veut s’assurer que le plaignant peut travailler dans le Nord;
· Le plaignant convenait qu’il avait des réactions excessives et que ses collègues pouvaient en être inquiets;
· Le plaignant autorise le docteur Prud’homme à communiquer avec le docteur Vézina;
· L’Employeur songe à une expertise. Le docteur Prud’homme suggère du travail dans les bureaux ou du travail à la maison;
· Le docteur Prud’homme parle au docteur Vézina et ce dernier dit qu’il va revoir le plaignant;
· Le plaignant est envoyé chez lui avec solde en attendant d’avoir des commentaires du docteur Vézina;
· Le certificat médical S-16 du 9 mai 2006 n’était pas au dossier. Il a été déposé lors de l’audition. C’est ce certificat que l’Employeur attendait, mais le plaignant ne lui a jamais apporté;
· Ce certificat indique que le plaignant est inapte à travailler. Comment, demande la procureure patronale, le plaignant peut-il déposer un grief alors que le certificat dit qu’il souffre de dépression modérée à légère. Le grief S-21 du 6 juin 2006 a été déposé après le certificat daté du 9 mai 2006;
· Dans les remarques du docteur Vézina, dans S-16, il est écrit que, lors du retour au travail, le plaignant a été en contact avec le harceleur, ce qui est inexact selon la procureure patronale.
[450] Selon elle, ce grief S-21 est un abus de procédures. L’Employeur n’avait pas le choix de retirer le plaignant du travail avec solde. Il fallait le protéger ainsi que ses collègues de travail. Le docteur Prud’homme a été empêché de faire son travail, car il n’a jamais reçu le certificat S-16.
[451] L’Employeur n’avait rien pour se gouverner. Il n’a pas obtenu les renseignements demandés malgré le fait qu’il ait rappelé au plaignant à plusieurs reprises que le certificat était toujours attendu. La procureure patronale trouve indécent que le plaignant, qui était payé pour rester chez lui, réclame des frais de déplacement ainsi que les heures et le temps supplémentaire garantis lorsqu’un salarié travaille dans le Grand-Nord. De plus, l’Employeur voulait s’assurer que le plaignant puisse entreprendre une médiation compte tenu de son état de santé.
[452] À l’appui de sa position, la procureure patronale dépose les sentences arbitrales suivantes et en cite quelques extraits :
[452.1]
Syndicat des travailleurs
industriels unis du Québec STIUQ (F.T.Q.)
et
Industries April inc.
(Oldcastle glass Montréal)
, M
e
Denis Provençal, arbitre, 6 avril
2009 (
« [45] Il s’agit de déterminer si l’employeur avait raison de ne pas réintégrer le plaignant, le 5 juin 2007, alors qu’un certificat médical le déclarait apte à travailler, et à décider s’il pouvait le suspendre administrativement de son emploi le 13 juillet 2007.
[…]
[48] […] Le 1 er décembre, le docteur Sobhi complète un certificat médical dans lequel il déclare que le plaignant est apte au travail. Dès son retour au travail, un incident serait survenu à l’usine impliquant le plaignant et certains de ses confrères de travail à propos de sa participation au party de Noël. Le 6 décembre, des agents de la force policière du SPVM se présentent à l’usine à la demande du directeur, M. Marcoux. Ce dernier craignait que la situation dégénère entre le plaignant et certains de ses confrères de travail. […]
[…]
51] Le 15 mai, le plaignant se présente au travail avec un certificat médical de son médecin traitant le déclarant apte à reprendre le travail. L’employeur constate que le plaignant a un comportement agressif et n’est pas dans un état normal. L’employeur refuse que le plaignant reprenne le travail et une entente est conclue avec le syndicat à l’effet qu’il recevra son salaire jusqu’au 29 mai suivant, journée à laquelle il doit rencontrer le docteur Tremblay.
[…]
[58] Selon le syndicat,
l’employeur devait réintégrer le plaignant dans son emploi aussitôt qu’il
aurait produit un certificat médical attestant qu’il était apte à reprendre son
emploi. Je suis d’avis que l’article 10.05 de la convention doit être
interprété à la lumière de l’article
[452.2]
Syndicat des employé-e-s de métiers
d’Hydro-Québec, section locale 1500
et
Hydro-Québec
, M
e
Marcel Morin, arbitre, 15 novembre 2004 (
[452.3]
Syndicat des professeurs et
professeures de l’Université Laval
et
Université Laval
, M
e
Marc Gravel, arbitre, 14 avril 2010 (
[452.4]
Syndicat des employé(e)s des
services sociaux de la Montagne
et
Centre de santé et des services
sociaux de la Montagne
, M
e
Denis Provençal, arbitre, 20 septembre
2011 (
« [211] La plaignante prétend que le fait d’avoir eu à subir une expertise psychiatrique l’a perturbée. Je suis d’avis que l’employeur avait le droit d’exiger de la plaignante qu’elle se soumettre à une telle expertise considérant les événements survenus au cours des derniers mois. La plaignante écrit le 18 janvier qu’elle va agir elle-même si l’employeur ne règle pas ses problèmes et mentionne à Mme Schepper qu’elle veut se suicider. […] »
Cette dernière affaire comporte beaucoup de similitudes avec notre cas, dit la procureure patronale. Une requête en révision judiciaire a été rejetée. Il y avait retrait d’une salariée avec solde jusqu’aux résultats d’une expertise.
[453] Sur le grief S-29 relatif à la prime de direction du travail, la procureure patronale souligne que monsieur Tremblay n’était pas satisfait du travail du plaignant comme chef d’équipe. Ce dernier avait des problèmes dans le suivi des travaux (rendre compte). Au retour au travail du plaignant, en septembre 2006, on lui a proposé deux mandats en médiation qu’il n’a pas réalisés. La prime ne lui a été retirée qu’en 2008 alors qu’en 2007 l’Employeur aurait pu cesser de la lui payer parce qu’il n’était pas parvenu à démontrer qu’il pouvait occuper ce poste.
[454] La procureure patronale soumet deux sentences arbitrales sur cette question :
[454.1] SCFP-957 et Hydro-Québec , M e André Rousseau, arbitre, 6 avril 1992 :
« Pour conclure à l’exercice d’une direction de travail, il faut retrouver un faisceau de responsabilités, que rappelle la clause 2.20, en décrivant le contenu de l’expression. Il m’apparaît que les parties ont envisagé quatre (4) conditions ou circonstances :
a) l’exercice d’une direction régulière;
b) l’organisation, la direction du travail du groupe;
c) la détermination des méthodes à suivre pour les travaux;
d) l’inspection du travail et l’enregistrement de ce travail. »
La clause 2.20 dans cette affaire est la même que 2.19.
[454.2] SCFP-957 et Hydro-Québec , M e Richard Marcheterre, arbitre, 22 mai 1984.
Dans cette sentence, l’arbitre dit que, pour avoir droit à la prime, il faut effectuer régulièrement les tâches de chef d’équipe. La procureure patronale indique que, dans notre cas, c’est le salarié Lafleur qui exerçait les responsabilités de chef d’équipe lorsqu’il travaillait avec le plaignant.
[455] Sur les griefs S-23 et S-26 contestant les suspensions d’une semaine et de trois semaines respectivement, la procureure patronale mentionne qu’elles ont été décidées par l’Employeur à cause de l’agressivité du plaignant.
[456] Pour l’affaire d’Air Labrador, le plaignant terrorisait le personnel de cette entreprise; les préposées au comptoir ne voulaient plus le servir. Le problème était relatif au transport des bagages. Une employée a porté plainte et l’Employeur a fait enquête, car le transport des bagages et leur poids sont soumis à une réglementation fédérale. Le plaignant faisait de l’intimidation et des menaces. Il n’a pas présenté d’excuses. L’incident s’est produit en février 2007 et ce n’est qu’en septembre suivant qu’il s’est excusé. Dans son témoignage, il maintient qu’il avait raison de vouloir voyager avec tous ses bagages.
[457] Ce sont messieurs Poulin et Tremblay qui ont imposé la mesure disciplinaire au plaignant; ils ont considéré que ce manquement était sérieux et ils ont exigé que le plaignant s’excuse auprès d’Air Labrador. Mais ce n’est que lorsque l’Employeur s’apprêtait à imposer une autre mesure disciplinaire pour son comportement au Centre de santé et au Service des ressources humaines que le plaignant a présenté des excuses à madame McKenzie, de la compagnie aérienne, en septembre 2007. Le comportement du plaignant contrevenait au Code de conduite à l’égard des fournisseurs. Aux fins de son enquête, l’Employeur a recueilli la version du plaignant, de monsieur Lefebvre et des employées d’Air Labrador. Avec l’accord du Service des ressources humaines, il a été décidé de le suspendre une semaine afin qu’il corrige son comportement.
[458] L’attitude du plaignant au Centre de santé et au Service des ressources humaines lui a valu une suspension de trois semaines. Il a dit au docteur Prud’homme, entre autres, qu’il n’était pas sûr que ce dernier avait complété son cours de médecine. Le plaignant était très souvent agressif lorsqu’il se rendait au Centre de santé; lui-même reconnaissait qu’il était prompt, colérique, émotif et agressif. Les employés du Centre de santé, y compris le docteur Prud’homme n’ont pas à composer avec cette agressivité et ils ont droit au respect et à un environnement de travail exempt d’intimidation.
[459] Le plaignant s’est comporté de la même manière au Service des ressources humaines où il s’est rendu par la suite. Il a tenté de se justifier en disant qu’il se sentait harcelé parce que l’Employeur lui demandait des certificats médicaux.
[460] C’est encore monsieur Poulin qui a imposé la mesure disciplinaire. Pour ce dernier, le comportement du plaignant était inacceptable et rien ne justifiait une telle agressivité à l’endroit des employés du Centre de santé et du Service des ressources humaines. Ces derniers ont droit à un milieu de travail exempt de telles attitudes. Il s’agissait d’une récidive. L’objectif de cette mesure était de faire cesser cette perte de contrôle du plaignant et qu’il s’amende. Selon la procureure patronale, il s’agissait encore d’un manquement au Code de conduite, et l’imposition d’une suspension de trois semaines respectait le principe de la gradation des sanctions.
[461] Au soutien de ses prétentions, la procureure patronale soumet les sentences arbitrales suivantes :
[461.1] Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, local 500 et Alimentation G. Bélanger, M e André Sylvestre, arbitre, 7 février 2001 (SA 01-02040) :
« Pour ces raisons, l’arbitre conclut que l’employeur a offert une preuve prépondérante du reproche adressé au plaignant.
Cette faute justifiait-elle l’imposition d’une suspension d’un mois? Après réflexion, l’arbitre doit répondre par l’affirmative. En effet, le respect de l’obligation de courtoisie envers la clientèle est essentielle par un caissier et, en l’espèce, il s’est avéré que le plaignant l’a transgressée. Pourtant, et lui-même l’a reconnu, il s’était engagé à s’y plier avant d’obtenir un poste de caissier. Par la suite monsieur Bélanger l’a souvent rencontré pour l’amener à se corriger. En juin 1999, il a subi une suspension d’une semaine pour un manquement de cette nature. Cependant, au 5 novembre, il a démontré, par son comportement impoli avec un client, qu’il n’avait pas encore compris. Dans les circonstances, la suspension d’un mois, bien que sévère, n’avait rien d’abusif et elle était de nature à amener monsieur Rochette à corriger son attitude. » (pages 13 et 14)
[461.2]
Métallurgistes unis d’Amérique -
section locale 9449
et
Société minière Raglan du Québec ltée - Falconbridge
ltée
, M
e
Nicolas Cliche, arbitre, 5 septembre 2006 (
« [95] Monsieur Moreault a dépassé les bornes dans la période du 16 au 23 février et l’arbitre est incapable d’intervenir vu que monsieur Moreault a été décrit, par monsieur Hamel, comme un homme qui généralement a un effet négatif vis-à-vis ses compagnons de travail.
[96] Le présent tribunal considère que la peine imposée à monsieur Moreault est sévère mais qu’elle n’est pas abusive, déraisonnable. Monsieur Julien, dans son témoignage, a indiqué que vu les circonstances particulières que l’on retrouve à la Mine Raglan, on doit compter sur un personnel dévoué, souple et tolérant qui accepte de travailler main dans la main et qu’il ne doit pas y avoir d’agressivité entre les différents travailleurs.
[…]
[98] Monsieur Moreault doit comprendre le message. Il doit améliorer son comportement sinon il risque de recevoir des mesures disciplinaires plus importantes dans l’avenir. »
[461.3]
Hippodrome Blue Bonnets inc.
et
Syndicat des travailleurs et travailleuses de Blue Bonnets
, M
e
Richard Guay, arbitre, 4 juin 1991 (
« Le tribunal estime que la suspension de dix jours qui a été imposée à Monsieur Liboiron est sévère. Avec un dossier disciplinaire vierge, une suspension de cinq jours aurait pu suffire.
Cependant, la suspension imposée par l'employeur "reste aux frontières" de ce qui est raisonnable. Par ses gestes, Monsieur Liboiron a nuit à la réputation de l'employeur. La fondation S.A.M.T.E. n'est pas revenue au restaurant Le Centaure et il ne faut pas être sorcier pour savoir que les clients qui, le 19 juin 1989, ont été insatisfaits, ne se sont pas fait des ambassadeurs ou des promoteurs de ce restaurant.
Le caractère déraisonnable de la sanction imposée à monsieur Liboiron n'étant pas évident, le Tribunal, dans ces circonstances, n'est pas disposé à intervenir afin de la modifier. » (pages 9 et 10)
[462] Au regard de l’appréciation de la crédibilité des témoins, la procureure patronale souligne que les témoins Féry, Lefebvre, Simard, le docteur Prud’homme et mesdames Lemieux, McKenzie et O’Neil n’ont aucun intérêt dans la présente affaire. Ils ne sont pas impliqués dans les diverses mesures prises par l’Employeur.
[463] Sur cet aspect, elle soumet les sentences arbitrales suivantes :
[463.1]
Casavant frères ltée
et
Syndicat des employés de Casavant frères limitée (C.S.D)
, M
e
Richard Marcheterre, arbitre, 26 juin 1986 (
« Généralement la version du plaignant face à une preuve contradictoire, risque de ne pas être retenue parce qu’il a intérêt à gagner sa cause, surtout lorsqu’il s’agit d’un congédiement. Cela vaut pour tout témoin, syndical ou patronal. Par exemple un contremaître peut avoir une raison de mentir. » (page 17)
[463.2] Emballages Consumers inc. et Syndicat des métallos, local 206G , M e Jean-Pierre Lussier, arbitre, 15 juillet 1998 (SA 98-07044).
« D’autres facteurs m’incitent à accorder plus de crédibilité à Madame Dupont, mais je me limiterai à souligner son absence d’intérêt à inventer quoi que ce soit contre le plaignant […] » (page 10)
[463.3]
Syndicat des employé-e-s de
techniques professionnelles d’Hydro-Québec, section locale 2000
et
Hydro-Québec
,
M
e
Denis Nadeau, arbitre, 20 juin 2012 (
« 102. Après analyse, je suis d’avis que les témoignages précis, clairs et concordants de Mme L et de son conjoint doivent être préférés à celui fort mitigé du plaignant. Ce dernier n’a pas réitéré, en audience, son affirmation à l’effet qu’il ne conduisait pas rapidement lors de cette visite, mais a plutôt dit avoir demandé à Mme L de lui laisser une chance, que c’était sa première visite. Difficile de voir dans de tels propos une dénégation face aux reproches des deux clients. Par ailleurs, le plaignant n’a rien dit pour s’expliquer relativement à l’attitude suffisante que les deux clients L ont signalée. Tout comme pour l’événement survenu deux semaines plus tôt (chez Mme D), je note que les clients L n’avaient aucun autre intérêt dans le présent dossier que celui de s’assurer de la sécurité de leurs petits-enfants qui se trouvaient sur leur propriété privée. Ils ont témoigné tous les deux avec aplomb et rien ne permet de remettre en cause leur crédibilité. »
[463.4]
Fraternité des policiers et
policières de la ville de Montréal
et
Ville de Montréal
, M
e
André
Sylvestre, arbitre, 25 octobre 2006 (
« [66] Au départ, les témoins présentés par la partie patronale, madame Marin et messieurs Paquin, Latour et Dufort, n’avaient aucun motif pour noircir injustement monsieur Breton. Pourquoi auraient-ils menti pour adresser de faux reproches à cet individu qu’ils ne connaissaient pas du tout? Comment expliquer un tel acharnement? L’arbitre ne trouve pas réponse à cette question. Ainsi, s’il fallait retenir la position du plaignant, madame Marin aurait tout inventé des incidents du 8 décembre et les portiers, qui n’étaient pourtant pas des fréquentations, auraient également fabulé dans leurs réponses à l’enquêteur, au comité de discipline et à l’arbitre.
[…]
[68] Monsieur Breton a tout nié, ce qui n’était évidemment pas un élément de poids dans la preuve.[…] »
[463.5] Hydro-Québec et Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000, SCFP-FTQ , M e Marcel Morin, arbitre, 9 janvier 1997 (DTE 97T-003).
[464] Le plaignant a soumis cinq griefs qui ont fait l’objet d’une preuve commune. En effet, le représentant du Syndicat dit qu’ils sont interreliés et suivent un fil conducteur : le harcèlement psychologique subi par le plaignant.
[465] J’analyserai distinctement les griefs, car j’ai à rendre une décision sur chacun d’eux. Dans un premier temps, je procéderai à l’examen du grief portant sur le harcèlement psychologique pour étudier les autres, par la suite, selon leur date de dépôt.
Le harcèlement psychologique (S-2)
[466] La preuve soumise par le représentant du Syndicat vise deux chapitres différents : le harcèlement par le supérieur immédiat du plaignant, monsieur Jean-Yves Tremblay, avant le dépôt du grief, et celui par le Centre de santé concernant Obedjiwan, après le grief. Donc, selon les prétentions du plaignant, le harcèlement dont il a été victime se serait étalé sur une période de 19 ans (1992-2011).
[467] Beaucoup d’autres acteurs ont été identifiés par le plaignant dans cette longue saga comme ayant participé au harcèlement dont, entre autres, messieurs Féry, Poulin et même des collègues de travail qui, selon lui, auraient subi un lavage de cerveau, monsieur Tremblay les ayant convaincus qu’il était incompétent.
[468] Le représentant du Syndicat a plaidé que je n’étais nullement liée par le rapport de M e Pâquet. C’est exact. Toutefois, au même titre qu’un arbitre examine une enquête faite par un employeur précédant une mesure disciplinaire, j’ai à me demander d’abord si les faits retenus par M e Pâquet ont été soumis en preuve devant moi et si j’en serais arrivée à la même conclusion que lui.
[469] Je me permets de reproduire certains extraits du rapport de l’enquêteur, car, selon ce que j’ai entendu, ses propos concordent avec mon analyse de la situation et avec mes conclusions pour la période de 1992 à février 2006 :
« Bien que les événements ou incidents décrits précédemment aient pu être dérangeants, voire même blessants, ils se sont d’abord échelonnés sur une période de près de quatorze (14) ans, et en raison du contexte entourant ces événements ou incidents, tel que révélé par la preuve, on ne peut conclure à une conduite abusive, humiliante de la part du supérieur immédiat.
La preuve recueillie permet de plus de constater que Lionel St-Laurent attribue souvent une intention blessante au fait d’être corrigé.
Le formulaire de plainte annexé à son grief est assez révélateur à ce chapitre.
Sous la rubrique " Résumé des faits ", Lionel St-Laurent s’exprime ainsi : " Souligne de petite erreure (sic) pour que je me sente incompétan (sic) pour me faire faire ce qu’il veut ".
Les allégations de harcèlement formulées par Lionel St-Laurent à l’encontre de son supérieur immédiat reposent sur des perceptions ou des procès d’intention sans fondement objectif.
La conduite de Jean-Yves Tremblay ne rencontre pas le premier critère du test juridique auquel il a été fait référence précédemment.
En répondant négativement, pour les raisons exprimées précédemment, à la première question soulevée par la définition du harcèlement psychologique prévue à l’article 81.18 précité, il y a lieu de conclure au fait que les allégations d’harcèlement formulées par Lionel St-Laurent, dans son grief du 6 février 2006, sont mal fondées au regard des nouvelles dispositions de la Loi sur les normes du travail traitant du harcèlement et de la violence au travail. » (pages 23 et 24 de E-12)
[470] Il ne m’appartient pas de déterminer si le plaignant était compétent ou non. Il est certain cependant que, lorsque monsieur Tremblay relevait des erreurs commises par le plaignant, il remettait en cause la capacité du plaignant à bien remplir ses fonctions. Mais, selon la preuve entendue, qui reprenait ce qui avait été déclaré à l’enquêteur Pâquet, l’opinion de monsieur Tremblay ne peut certainement pas être qualifiée d’abusive ou de vexatoire. Des collègues de travail ainsi qu’un exploitant, monsieur Miguel Simard, ont corroboré la position de monsieur Tremblay.
Monsieur Féry
« Sur le plan technique, cependant, c’est proche d’un " gros zéro ". »
« Lionel St-Laurent faisait des petits projets techniques seulement. »
« L’un est techniquement pas très fort, alors que l’autre, à titre de gestionnaire et responsable des budgets et des échéanciers à respecter, souhaite que ça marche. »
« Forcément, Jean-Yves Tremblay a souvent dû être irrité. »
« Ce n’était pas la place de Lionel St-Laurent. »
« Il l’avait pas et je pense qu’il ne l’aura jamais. »
« Ça prend du caractère ou de la personnalité pour faire ce genre de job. Tu l’a ou tu l’as pas. »
« Lionel, il l’a pas. »
Monsieur Yves Lefebvre
« Je ne peux pas dire que ça me tentait de voyager beaucoup avec lui.
[…]
De fait, il a toujours plus de misère que les autres à faire le travail.
[…]
Jean-Yves Tremblay est franc et direct.
Il dit ce qu’il pense.
Quand quelque chose va mal, il le dit.
J’ai le sentiment qu’à toutes les fois où il dit à Lionel St-Laurent que quelque chose n’est pas correct, celui-ci conclut immédiatement à de l’incompétence.
Cependant, à mon avis, quand quelque chose ne va pas, il faut que ce soit dit et ce n’est pas nécessairement pour traiter l’autre d’incompétent.
Lionel St-Laurent traduit à mon avis les remarques de Jean-Yves Tremblay comme étant de se faire traiter d’incompétent. »
Monsieur Miguel Simard
« Il connaît bien Lionel St-Laurent et Jean-Yves Tremblay.
Il dit de Lionel St-Laurent que ce dernier ne travaille pas toujours sécuritairement.
Il est même dangereux.
Il en a fait part à Jean-Yves Tremblay à de nombreuses reprises.
Il lui a même demandé il y a 1 ½ an à ce que Lionel St-Laurent soit changé d’équipe.
Il dit de plus en avoir fait part et discuté avec Lionel St-Laurent de la même façon.
Il dit de ce dernier que depuis trois (3) ans, il lui apparaît manifestement pas heureux.
Au surplus, la nouvelle technologie semble le dépasser.
[…]
Il dit de plus de Lionel St-Laurent qu’à chaque fois qu’on lui explique qu’un travail n’est pas fait ou que le travail a été fait de façon incorrecte, ce dernier conclut à de l’incompétence.
[…]
Il dit de plus à chaque fois qu’on veut le corriger, y prend ça " personnel ".
Miguel Simard est d’avis que Lionel St-Laurent est l’artisan de son propre malheur. »
Monsieur Tremblay exerçait son droit de direction. Il avait un franc-parler, il était direct et, à certaines occasions, il était irrité. On ne peut pas conclure cependant à du harcèlement psychologique. Si le plaignant a commis plusieurs erreurs, il est normal que son supérieur intervienne à de nombreuses reprises. Ces interventions ne peuvent pas non plus être assimilées à des gestes hostiles et répétés.
[471] Le plaignant n’a fait entendre aucun témoin qui aurait pu minimalement confirmer ses perceptions. Je ne peux que constater que la preuve prépondérante montre que le regard du plaignant sur sa situation était démesuré et erroné.
[472] D’autre part, j’estime que l’Employeur a tout mis en œuvre pour tenter de régler les problèmes du plaignant avec son supérieur immédiat :
· Nomination d’un enquêteur externe et qualifié pour analyser la plainte du plaignant;
· Nomination d’une médiatrice pour rapprocher le plaignant et monsieur Tremblay.
L’enquêteur, après une analyse approfondie de la plainte, est arrivé à la conclusion qu’il n’y avait pas de harcèlement psychologique. Il a demandé toutefois à l’Employeur de prendre des moyens pour régler le conflit entre le plaignant et monsieur Tremblay. Ce que l’Employeur a fait. Il a recruté une médiatrice et cette dernière a réussi à amener le plaignant et son supérieur, les 19 juin, 29 et 30 août 2006, à conclure des ententes entre eux. Le problème était réglé.
[473] Puisqu’il n’y avait pas de harcèlement psychologique, selon l’enquêteur externe, et puisque les protagonistes s’étaient entendus, la question posée par la procureure patronale est pertinente : pourquoi le plaignant a-t-il persisté dans son grief, du moins pour la période de 1992 à septembre 2006? Une personne raisonnable aurait conclu qu’il fallait tourner la page et repartir du bon pied en investissant dans les ententes conclues. Une personne raisonnable aurait eu la perception que le conflit était terminé et non que le combat devait se poursuivre devant un arbitre de grief.
[474] Le plaignant a qualifié le comportement du Centre de santé de harcèlement psychologique à son endroit à cause de l’acharnement du docteur Prud’homme à exiger des certificats médicaux expliquant médicalement la restriction sur le travail du plaignant à Obedjiwan. J’estime, après avoir entendu le témoignage du docteur Prud’homme, que ce dernier a porté une attention de tous les instants au dossier du plaignant. Il a pris plusieurs précautions, dont celle, entre autres, de demander une expertise au psychiatre Gauthier qui, en août 2006, indiquait que le plaignant était apte à reprendre son travail sans restriction. Il a témoigné aussi à titre d’expert et, selon lui, les certificats du docteur Vézina ne modifiaient en rien le rapport d’expertise du docteur Gauthier. Le village d’Obedjiwan n’était pas plus dangereux que les autres en régions éloignées.
[475] De son côté, le plaignant n’a pas fait entendre le docteur Vézina ni un expert pour avaliser sa perception. De plus, soit qu’il tardait à faire parvenir ses certificats médicaux (six mois plus tard), soit qu’il ne les remettait pas du tout (S-16).
[476] Je ne vois aucun intérêt ni aucune raison pour lesquels le docteur Prud’homme aurait démontré de l’acharnement à l’endroit du plaignant. Je considère, au contraire, qu’il a manifesté beaucoup de patience, de compréhension, voire de l’empathie, à l’égard du plaignant. Son témoignage très détaillé (résumé aux paragraphes 199 à 265) m’amène aisément à ces constats.
[477] Le plaignant a soumis quatre autres griefs sur autant de décisions de l’Employeur. Ces dernières décisions sont postérieures au grief portant sur le harcèlement psychologique, mais la partie syndicale prétend qu’elles font partie d’un continuum et qu’elles sont motivées aussi par du harcèlement psychologique à l’endroit du plaignant.
[478] D’abord, compte tenu de ce qui précède, je partage l’avis de l’enquêteur Pâquet lorsqu’il écrit que les allégations de harcèlement formulées par le plaignant à l’encontre de son supérieur immédiat reposent sur des perceptions ou des procès d’intention sans fondement objectif.
[479] Ensuite, j’en viens à la même conclusion sur le prétendu harcèlement exercé par le Centre de santé de l’Employeur pour son « acharnement » à demander des certificats médicaux expliquant pourquoi le plaignant ne pouvait pas aller travailler à Obedjiwan. Ces exigences du Centre de santé se situaient clairement à l’intérieur du droit de direction de l’Employeur et elles n’étaient ni futiles ni arbitraires. Le plaignant a perçu erronément qu’il s’agissait là de requêtes abusives de la part de l’Employeur équivalant à du harcèlement psychologique à son endroit.
[480] Enfin, les décisions administratives et disciplinaires subséquentes n’indiquent pas plus qu’elles ont été prises pour harceler psychologiquement le plaignant. Que le droit de direction de l’Employeur ait été mal ou bien exercé ne signifie pas pour autant qu’il faille conclure à du harcèlement si l’Employeur, par exemple, avait pris des mauvaises décisions. Quoi qu’il en soit, puisque je dois statuer sur les quatre autres griefs, j’aurai à répondre aux questions suivantes :
· Pour ce qui est des décisions administratives, ces dernières constituent-elles un exercice abusif, arbitraire du droit de direction? Si oui, l’Employeur, par conséquent, a-t-il harcelé psychologiquement le plaignant?
· En ce qui a trait aux décisions disciplinaires, ces dernières ont-elles été prises sans cause juste et suffisante? Si oui, en les imposant, l’Employeur, par conséquent, a-t-il harcelé psychologiquement le plaignant?
Les mesures administratives (griefs S-21 et S-29)
[481] Dans son grief du 6 juin 2006 (S-21), le plaignant conteste le fait que : « depuis le ou vers le 27 avril 2006, l’employeur m’a retiré, sans raison valable, de mon emploi et renvoyé chez moi ».
[482] Les raisons pour lesquelles l’Employeur a retourné le plaignant chez lui le 27 avril 2006 ont été présentées en preuve et je suis d’avis qu’en plus de leur existence, elles étaient valables. La procureure patronale a bien résumé la situation dans son argumentation (cf. paragraphes 449 à 451). Il ressort que le plaignant n’était pas du tout satisfait du rapport de l’enquêteur Pâquet; il s’est mis à pleurer et a mentionné qu’il irait s’immoler par le feu dans le bureau de monsieur Tremblay. Monsieur Poulin a eu de bonnes raisons de croire que le plaignant n’allait vraiment pas très bien. Pour la sécurité de ce dernier et celle de ses collègues de travail, il était impérieux que le plaignant soit retiré du travail.
[483] Le représentant du Syndicat, dans son argumentation, n’a pas contesté finalement les motifs de l’Employeur. Il a simplement prétendu que cette suspension a été longue.
[484] Sur la durée de ladite suspension, il faut cerner le contexte dans lequel elle est survenue. L’Employeur, avec raison, désirait obtenir un certificat médical pour s’assurer que le plaignant était apte à reprendre le travail. Un certificat du 9 mai 2006 a été déposé sous la cote S-16, mais le plaignant ne l’a jamais remis à l’Employeur; ce dernier en a pris connaissance à l’audition des griefs. Donc, si la suspension a été longue, c’est uniquement de la faute du plaignant. Par surcroît, ce certificat indiquait que le plaignant était inapte à travailler. La procureure patronale a posé une question cruciale dans son argumentation, question que j’ai résumée au paragraphe 449 de la façon suivante :
« Ce certificat indique que le plaignant est inapte à travailler. Comment, demande la procureure patronale, le plaignant peut-il déposer un grief alors que le certificat dit qu’il souffre de dépression modérée à légère. Le grief S-21 a été déposé après le certificat daté du 9 mai 2006; »
[485] Le plaignant a été retiré du travail avec solde. Bien sûr qu’il n’a pas reçu les garanties attribuées aux salariés qui travaillent en régions éloignées. Il était chez lui et n’avait pas à subir les inconvénients qui sont compensés par ces avantages. De plus, il avait accepté la médiation et cette dernière s’est terminée à la fin d’août 2006. Des ententes et des traités de paix ont été conclus; le plaignant et monsieur Tremblay repartaient à zéro. Le retour au travail du plaignant s’est ainsi matérialisé en septembre 2006.
[486] Tout ce contexte démontre clairement qu’en plus des bonnes raisons motivant le retrait du plaignant de son travail de mai à août 2006, il n’y a eu aucun harcèlement psychologique de la part de l’Employeur dans la prise de cette décision administrative. Au contraire, elle constituait l’exercice raisonnable du droit de direction.
[487] Pour ces motifs le grief S-21 est rejeté.
[488] Dans son grief du 17 mai 2008 (S-29), le plaignant conteste le fait que l’Employeur lui aurait retiré injustement sa prime de direction de travail. Je précise immédiatement qu’il ne s’agit pas d’une rétrogradation. Comme la procureure patronale l’a souligné, cette dernière mesure est définie par les parties dans la convention collective, à l’article 2.12 : « Passage d’une personne salariée d’un emploi de niveau supérieur à un emploi de niveau inférieur. » Ce n’est manifestement pas le cas dans l’affaire qui nous occupe.
[489] Il ne m’appartient pas de décider si l’Employeur avait des raisons justes et suffisantes pour retirer la prime de chef d’équipe, mais seulement d’examiner si l’Employeur a pris une mesure abusive, malicieuse ou empreinte de mauvaise foi.
[490] La preuve me permet de constater ce qui suit :
· Plusieurs témoins ont indiqué que le plaignant n’avait pas la capacité d’être chef d’équipe :
Monsieur Féry
o « Il n’aurait pas dû cependant être chef d’équipe. Trop de pression pour lui. »
Monsieur Simard
o « Il affirme par ailleurs que depuis que Lionel St-Laurent a été désigné chef d’équipe, c’est la risée. Tout le monde sait dans les faits que c’est son équipier Germain Lafleur qui assume les responsabilités de chef d’équipe. »
Monsieur Tremblay
Ce dernier a relaté certains événements qui lui ont permis de déterminer que le plaignant ne jouait pas son rôle de chef d’équipe à cause de ses carences sur le plan technique et de ses difficultés pour le suivi des travaux (rendre compte).
· Au retour du plaignant, en septembre 2006, et après les résultats positifs de la médiation, l’Employeur, malgré le fait que le plaignant n’avait pas les responsabilités de chef d’équipe, a continué à lui verser la prime.
· Il avait été convenu que, pour se réapproprier les fonctions de chef d’équipe, le plaignant devait, premièrement, dresser la liste de ses points forts et de ses points faibles afin de déterminer ses besoins en formation et, deuxièmement, être responsable d’un projet simple d’installation de panneaux de contrôle.
· Le plaignant n’a jamais dressé cette liste demandée entre septembre 2006 et mai 2007. Monsieur Tremblay a baissé les bras et a cessé de l’exiger.
· Le plaignant n’a pas réalisé le projet demandé en objectant auprès de monsieur Tremblay que ce type de travail n’en était pas un de technicien automatisme.
· Le plaignant a donc bénéficié de la prime de chef d’équipe de septembre 2006 à mai 2008 sans accomplir les tâches reliées à cette fonction, et, surtout, il n’avait pas respecté les ententes convenues en médiation pour récupérer ladite fonction.
[491] J’estime que la démarche de l’Employeur à l’endroit du plaignant au sujet de la prime de chef d’équipe et sa décision de mai 2008 ne sont aucunement abusives, déraisonnables ou marquées par la mauvaise foi. Au contraire, messieurs Tremblay et Poulin ont fait preuve de patience et de tolérance exceptionnelles. Ils ont voulu aider le plaignant à récupérer ses responsabilités en lui offrant une formation sur mesure et en l’impliquant dans un projet simple. Pendant tout ce temps, le plaignant recevait la prime jusqu’à ce qu’il paraisse évident qu’il ne respecterait pas les engagements pris lors de la médiation.
[492] Je conclus que je n’ai aucune discrétion pour modifier la décision de l’Employeur dans l’exercice de son droit de direction. Il n’y a pas là non plus matière à invoquer une manifestation de harcèlement psychologique de la part des représentants de l’Employeur. En conséquence, le grief S-29 est rejeté.
Les mesures disciplinaires (griefs S-23 et S-26)
[493] Le 21 juin 2007, le plaignant contestait son avis de suspension de une semaine (S-23). Cette mesure disciplinaire visait à sanctionner son comportement du 26 février précédent à l’endroit du personnel d’Air Labrador.
[494] L’incident à l’aéroport a été prouvé de façon prépondérante. Mesdames McKenzie et O’Neil n’avaient aucun intérêt à inventer un tel événement. Leurs témoignages et le contenu du courriel du 26 février 2007 de madame McKenzie (S-33, précité au paragraphe 67) ne me laissent aucun doute sur le comportement irrespectueux, agressant et intimidant du plaignant à l’endroit des employées d’Air Labrador.
[495] Le représentant syndical a plaidé que la sanction de une semaine était disproportionnée et que le principe de la gradation des sanctions aurait dû être respecté. Il croit qu’un avertissement écrit aurait suffi pour corriger le comportement du plaignant. De plus, il indique que cette sanction fait partie d’une attitude de l’Employeur à l’endroit du plaignant : du harcèlement psychologique. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le futur n’a pas donné raison à la position du représentant syndical, car, même après avoir subi une suspension de cinq jours, le plaignant récidivait au Centre de santé et au Service des ressources humaines quelques mois plus tard.
[496] Certes, une première mesure disciplinaire sur un tel comportement paraît très sévère. Toutefois, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, elle ne l’est pas au point où je devrais intervenir. Le fait d’avoir présenté des excuses est plus ou moins atténuant : elles ont été adressées plusieurs mois plus tard, et sur l’insistance de l’Employeur. Même si la sanction est très sévère, il ne s’en dégage pas du harcèlement psychologique. Cette sévérité visait à neutraliser toute récidive possible d’un comportement agressif du plaignant. Je rejette donc le grief S-23.
[497] Le 19 novembre 2007, le plaignant, par le grief S-26, contestait sa suspension de trois semaines à la suite de son comportement agressif et irrespectueux à l’endroit du personnel du Centre de santé et celui du Service des ressources humaines.
[498] La preuve, encore une fois, ne laisse planer aucun doute sur le comportement adopté par le plaignant à l’endroit du personnel de l’Employeur. Le docteur Prud’homme et mesdames Lemieux et D’Auteuil n’avaient aucun intérêt à inventer de telles histoires. Le personnel de l’Employeur a droit au respect et n’a pas à subir l’agressivité du plaignant. L’Employeur se devait de sanctionner ce comportement.
[499] Le représentant syndical plaide qu’une suspension de trois semaines est trop sévère et qu’elle manifeste encore du harcèlement psychologique à l’endroit du plaignant. Je ne retiens pas cette position au sujet du harcèlement. L’Employeur se devait d’intervenir très sévèrement, car, malgré l’avertissement qu’il avait servi au plaignant dans son avis de suspension de une semaine en juin de la même année, ce dernier récidivait. Je considère que cette sanction ne m’autorise pas à substituer ma décision à celle de l’Employeur. Je rejette donc le grief S-26.
[500] Compte tenu de tout ce qui précède, je rejette le grief relatif au harcèlement psychologique.
[501] Je n’ai pas cité d’autorités dans ce dernier chapitre de ma décision pour appuyer mes conclusions, car j’estime qu’elles sont déjà contenues dans l’argumentation présentée par la procureure patronale. J’en ai reproduit plusieurs extraits, car ils me sont apparus éloquents et pertinents à la présente affaire.
[502] Par ces motifs,
Je rejette les cinq griefs portés sous les n os 2006-R06-003 (S-2), 2006-R06-009 (S-21), 2007-R06-018 (S-23), 2007-R-06-028 (S-26) et 2008-R06-010 (S-29).
Longueuil, |
le 3 avril 2013 |
M e Diane Fortier, arbitre de grief |
Copie conforme
Diane Fortier
[1] Linda Bernier , Guy Blanchet , Lukasz Granosik et Éric Séguin . Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dans les rapports collectifs du travail , Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 2 e édition, mise à jour 2012-1.