Lavoie c. Savard |
2013 QCCQ 3264 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE QUÉBEC |
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« Chambre civile » |
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N° : |
200-32-056108-128 |
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DATE : |
18 mars 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE JACQUES TREMBLAY, J.C.Q. |
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FRANCINE LAVOIE , […] , St-Augustin-de-Desmaures (Québec) […] |
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Demanderesse |
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c. |
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JOSÉE SAVARD et FRANÇOIS LAMONTAGNE , […] , St-Augustin-de-Desmaures (Québec) […] |
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse (Lavoie) réclame des défendeurs (Savard Lamontagne) la somme de 7000 $ pour une déficience à la cheminée de la résidence qu’elle a acquise au prix de 492 000 $.
[2] Savard Lamontagne nient l’existence d’un vice caché et prétendent plutôt à l’usure normale. Les travaux d’entretien s’élèveraient tout au plus à 1500 $ selon eux. Des travaux ont été exécutés en partie avant que le vice leur soit dénoncé.
LES FAITS
[3] Un an après l’acquisition, Lavoie constate que le foyer n’évacue pas la fumée normalement. Sa structure interne est affectée d’une corrosion avancée. Elle procède au remplacement de la cage intérieure sans aviser Savard Lamontagne.
[4] En novembre 2010, elle cherche la cause de cette détérioration et obtient un avis de Gabriel Gagnon.
[5] On constate que la couronne de la cheminée n’est pas conforme au Code national du bâtiment et plus spécifiquement aux dispositions 5.2.3.1, 5.2.3.4 et 5.2.3.5 qui se lisent comme suit :
5.2.3.1 Couronnements et cheminées
Les couronnements de cheminées doivent être en béton armé selon les pratiques courantes ou en métal anticorrosion. Sauf pour les capuchons, le dessus du couronnement doit être en pente à partir du revêtement; le dessous doit comporter un larmier situé à au moins 25 mm de la paroi extérieure de la cheminée. Voir la figure 2.
5.2.3.4
Un joint interrompu doit être ménagé entre un revêtement de conduit et un couronnement en béton armé selon les pratiques courantes et coulé sur place. Ce joint doit être étanchéisé.
5.2.3.5
Dans le cas des couronnements préfabriqués, en béton, le joint entre le couronnement et le conduit de fumée doit être réalisé au mortier. Le mortier doit être séparé du conduit par un joint interrompu, qui doit être étanchéisé.
[6] L’eau pénètre et imbibe le mortier des briques de la cheminée qui sont ainsi fragilisées. Le coût de restauration et de correction est évalué à 8465,62 $ (P-2). Lavoie met en demeure Savard Lamontagne et dénonce le vice (P-3) le 22 février 2011. Ces travaux correctifs ne sont pas encore exécutés.
QUESTION EN LITIGE
La
cheminée est-elle affectée d’un vice caché donnant droit à une réduction du
prix de vente conformément à l’article
ANALYSE ET DÉCISION
[7]
Le recours de Lavoie est fondé sur l’article
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[8] La preuve révèle que la cheminée n’est pas construite de façon à éviter les infiltrations d’eau entraînant une détérioration de l’intérieur du foyer et des briques qui la couvrent.
[9]
Le vice est antérieur à la vente, mais est-il caché et grave (affectant
l’usage du bâtiment) tel que le l’exige l’article
[10] Plusieurs résidences du voisinage ont des cheminées de style français comme celle de la résidence de Lavoie. Puisqu’elle se termine par une surface plane, il est nécessaire que son couronnement soit réalisé afin d’évacuer vers l’extérieur l’eau qui s’y déposera.
[11] Or, dans notre cas, cette précaution fait défaut. Avec le temps, l’eau s’infiltre entraînant corrosion, éclatement de la brique et à terme la production de moisissure, champignons ou pourriture.
[12] Le Tribunal désire référer aux paragraphes 57 à 62 du jugement de l’honorable juge Johanne Roy dans l’affaire Thériault c. Langlois qui résument bien les principes de droit qui doivent être appliqués en pareilles circonstances [1] .
[13] Le vice est caché, car sa découverte aurait nécessité un mesurage du dessus de la cheminée, opération très spécifique et irréaliste à moins d’être alerté par des manifestations extérieures de détérioration importante. Or, le mortier de la brique change de couleur indiquant une infiltration d’eau lorsque la pluie ou la fonte de la neige a cessé. Cette manifestation apparaît donc à un moment très précis et ne peut être constatée en hiver ou lorsque la pluie est abondante. Au surplus, c’est la partie la plus élevée de la cheminée qui est affectée. Dans le présent cas, la corrosion de l’intérieur du foyer a constitué l’élément dénonciateur du problème de construction.
[14] Le Tribunal, devant considérer l’examen de l’immeuble du point de vue d’un acheteur raisonnable, arrive donc à la conclusion que le vice affectant la cheminée était caché.
[15] D’autre part, le vice est grave, car il entraîne une infiltration d’eau affectant la solidité du mur de brique et empêchant la conservation en bon état du foyer et d’un intérieur résidentiel exempt d’insalubrité.
[16] Le coût des travaux correctifs dépasse le montant maximal de la juridiction de la Cour des petites créances et c’est pour cette raison que Lavoie réduit sa réclamation à 7000 $. La dépense qu’elle a réalisée pour la réfection de l’intérieur du foyer n’est pas réclamée dans le présent dossier. L’exécution des travaux décrits à la pièce P-2, soit l’estimation de Gabriel Gagnon, entraîne une amélioration de la qualité de la cheminée par sa mise aux normes et le remplacement complet de la brique qui couvre la cheminée dans sa partie excédentaire au toit. Le Tribunal dans pareilles circonstances doit tenir compte qu’il est en présence d’une résidence de plus de vingt ans d’âge.
[17] En conséquence, une plus-value est produite par les travaux qui seront exécutés. Le Tribunal doit apprécier une réduction de prix de vente pour tenir compte du vice caché affectant l’immeuble. Une somme de 4000 $ est donc allouée à ce chapitre. Cette somme ne porte pas intérêt, car les travaux ne sont pas encore réalisés.
[18] Le témoin Gabriel Gagnon a été utile à la compréhension de la cause de l’infiltration d’eau et à la fixation de l’indemnité. En conséquence, les frais du témoin de Gabriel Gagnon devront être assumés par Savard Lamontagne.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE partiellement la réclamation de Francine Lavoie;
CONDAMNE Josée Savard et François Lamontagne à payer à Francine Lavoie la somme de 4000 $ sans intérêt ni indemnité additionnelle;
CONDAMNE Josée Savard et François Lamontagne à payer les frais de témoin de Gabriel Gagnon;
DEMANDE au greffier d’aviser Gabriel Gagnon de la conclusion du présent jugement qui le concerne;
CONDAMNE Josée Savard et François Lamontagne à payer à Francine Lavoie les frais judiciaires au montant de 163 $.
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__________________________________ JACQUES TREMBLAY, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
18 février 2013 |
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