COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossier :

(AQ-2001-3980)

Cas :

CQ-2012-6202

 

Référence :

2013 QCCRT 0183

 

Québec, le

15 avril 2013

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Hélène Bédard, juge administratif

______________________________________________________________________

 

 

Syndicat des professionnelles et professionnels de recherche de l’Université Laval (SPPRUL-CSQ)

 

Requérant

c.

 

CHU de Québec

Employeur

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION CORRIGÉE

______________________________________________________________________

 

 

Le texte original a été corrigé le 27 mai 2013 et la description des correctifs est annexée à la présente version.

[1]            Le 6 décembre 2012, le Syndicat des professionnelles et professionnels de recherche de l’Université Laval (SPPRUL-CSQ), dépose une requête en accréditation fondée sur l’article 22 a) du Code du travail (L.R.Q., c. C-27) pour représenter un groupe qui n’est pas déjà représenté par une association accréditée. Il décrit ce groupe comme suit :

« Toutes les salariées et tous les salariés au sens du Code du travail, oeuvrant dans les activités reliées à la recherche à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus et au Centre multidisciplinaire de développement du génie tissulaire, LOEX (CMGDT/LOEX). »

 

De : Centre hospitalier affilié universitaire de Québec

 Hôpital de l’Enfant-Jésus

1401, 18 e Rue

 Québec (Québec)  G1J 1Z4

  Établissements visés  :

 Tous ses établissements

[2]            L’employeur n’est pas d’accord avec cette description de l’unité de négociation.

[3]            Ses motifs de désaccord sont multiples. D’abord, il précise que la désignation de l’employeur visé par la requête est erronée et devrait plutôt être le CHU de Québec qui, comme on le verra plus loin, est né de la fusion du CHUQ et du CHA depuis le 9 juillet 2012. Ensuite, il prétend que l’unité proposée par le Syndicat n’est pas appropriée au regard de la communauté d’intérêts, de l’historique des accréditations dans le milieu de la recherche et de la mobilité.

[4]            Il propose l’unité suivante :

« Toutes les personnes salariés au sens du Code du travail titulaires d’un diplôme universitaire de premier cycle et exerçant des fonctions d’assistant de recherche et de professionnel de recherche au centre de recherche du CHU de Québec à l’exclusion des salariés déjà couverts par une autre unité de négociation. »

De : CHU de Québec

11, Côte du Palais

Québec (Québec)  G1R 2J6

Établissements visés  :

Hôpital de l’Enfant-Jésus

Hôpital du Saint-Sacrement

[5]            À l’audience, le Syndicat et l’employeur modifient l’unité respectivement demandée et proposée.

[6]            C’est ainsi que le syndicat cherche à représenter :

« Toutes les personnes salariées au sens du Code du travail exerçant des fonctions d’assistant de recherche et de professionnel de recherche. »

De : CHU de Québec

11, Côte du Palais

Québec (Québec)  G1R 2J6

Établissements visés  :

Hôpital de l’Enfant-Jésus

Centre multidisciplinaire de développement du génie tissulaire, LOEX (CMGDT/LOEX)

[7]            L’employeur qui considère qu’une telle unité est inappropriée propose que l’unité de négociation soit ainsi décrite :

« Toutes les personnes salariées au sens du Code du travail exerçant des fonctions d’assistant de recherche et de professionnel de recherche. »

De : CHU de Québec

11, Côte du Palais

Québec (Québec)  G1R 2J6

Établissements visés  :

Toutes les installations du Centre de recherche du CHU de Québec sur le site de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus et de l’Hôpital du Saint-Sacrement.

[8]            Le 27 février 2012, l’employeur transmet deux listes de salariés : l’une en fonction de l’unité demandée par le Syndicat qui comprend 37 noms et l’autre, en fonction de celle qu’il propose qui comprend 73 noms. Le même jour, l’agent de relations du travail transmet au Syndicat un rapport amendé sur le caractère représentatif.

[9]            Le 15 mars suivant, le Syndicat fait part de son désaccord relatif à trois noms. La Commission a informé les parties que si les noms de ces trois personnes ont un impact sur le caractère représentatif, elle les convoquerait ultérieurement à une audience pour disposer de cette question.

LE LITIGE

[10]         Il y a accord entre les parties sur l’identification des salariés visés par la requête en accréditation, soit les assistants et les professionnels de recherche qui travaillent au CHU de Québec. Ces termes incluent aussi les chargés de projet et les coordonnateurs de recherche.

[11]         Le litige concerne la portée de l’unité de négociation au niveau des installations de l’employeur. Ainsi, la Commission doit déterminer si l’unité proposée par le Syndicat est appropriée, en ce qu’elle vise seulement l’Hôpital de l’Enfant-Jésus et le Centre multidisciplinaire de développement du génie tissulaire (CMDGT) du CHU de Québec. Ce dernier prétend que cette unité, compte tenu de sa portée limitée, n’est pas appropriée et qu’elle devrait aussi viser son installation de l’Hôpital du Saint-Sacrement.

[12]         Précisons que la Loi concernant les unités de négociation dans le secteur des affaires sociales (L.R.Q., c. U-0.1) ne s’applique pas aux salariés visés par cette requête comme le prévoit l’exception prévue à l’article 94 de cette loi.

[13]         Aux fins de la décision, l’usage d’un des termes «  assistant  » ou «  professionnel  » de recherche n’est pas limitatif et inclut tous les salariés visés par la requête.

le COntexte

[14]         L’employeur visé par la requête est le CHU de Québec (ou CHU) qui est un établissement au sens du paragraphe 2 de l’article 79 de la Loi sur la santé et les services sociaux (L.R.Q., c. S- 4.2)  (la Loi SSSS). C’est un centre hospitalier de soins généraux et spécialisés qui dispense des services dans cinq installations connues comme étant le Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL), l’Hôpital Saint-François d’Assise, l’Hôtel-Dieu de Québec, l’Hôpital de l’Enfant-Jésus et l’Hôpital du Saint-Sacrement.

[15]         Il est issu de la fusion du Centre hospitalier universitaire de Québec (le CHUQ) et du Centre hospitalier affilié universitaire de Québec (le CHA), fusion qui a pris effet le 9 juillet 2012.

[16]         Jusqu’à cette date, le CHUQ était constitué du CHUL, de l’Hôpital Saint-François d’Assise et de l’Hôtel-Dieu de Québec. Quant au CHA, il était constitué de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus et de l’Hôpital du Saint-Sacrement.

[17]         Le CHU gère un centre de recherche, le Centre de recherche du CHU (le CR-CHU) comme le prévoit l’article 88 de la Loi SSSS. Il  existe depuis la fusion CHA-CHU en juillet 2012. C’est ce centre de recherche qui est au cœur du présent litige.

[18]         Les salariés concernés sont des professionnels et des assistants de recherche dont les services sont retenus par des chercheurs du CR-CHU qui exercent leurs activités de recherche dans les installations de l’ancien CHA soit à l’Hôpital du Saint-Sacrement et à celui de l’Enfant-Jésus.

[19]         Pour comprendre l’entreprise visée par la requête en accréditation et cibler l’unité de négociation, il y a lieu de décrire la structure organisationnelle de l’employeur et son historique.

La situation antérieure à la création du Centre de recherche du CHU en juillet 2012

[20]         Avant juillet 2012, les activités de recherche relevaient de trois différents centres de recherche qui étaient sous l’égide du CHUQ et du centre de recherche du CHA.

Les centres de recherche du CHUQ

[21]         Jusqu’en 2006, chacun des hôpitaux qui faisaient partie du CHUQ - CHUL, Hôtel-Dieu et Saint-François d'Assise - gérait de façon indépendante son propre centre de recherche. Chaque centre avait une gestion et une direction totalement autonomes les unes des autres. En d’autres termes, la fusion de ces hôpitaux ou installations dans le CHUQ n’avait pas entraîné la fusion de leur centre respectif de recherche.

[22]         Par ailleurs, depuis 2004, les assistants de recherche oeuvrant dans ces trois centres de recherche sont couverts par des accréditations distinctes. C’est ainsi que le même syndicat qui est requérant dans la présente affaire est reconnu pour représenter le groupe de salariés principalement formé des assistants de recherche du Centre de recherche de l’Hôtel-Dieu, du Centre de recherche du CHUL et du Centre de recherche de Saint-François d'Assise.

[23]         Notons que ces accréditations visent encore aujourd’hui, distinctement, chacun des centres de recherche du CHU dans ses installations du CHUL, de l’Hôtel-Dieu et de Saint-François d'Assise.

[24]         Par la suite, en 2006, le  Fonds de recherche en santé du Québec (le FRSQ) -  auquel réfère l’article 88 de la Loi SSSS et un des principaux organismes subventionnaires en recherche médicale - demande que soient fusionnés les trois centres de recherche du CHUQ avec une direction unique pour des fins d’efficacité et d’économie.

[25]         C’est ainsi que le Centre de recherche du CHUQ (le CRCHUQ) est créé en 2007. Il unifie les structures administratives et harmonise les pratiques de gestion des anciens centres qui deviennent des sites de ce nouveau centre.

[26]         Malgré la création de ce centre de recherche, les accréditations visant les assistants de recherche n’ont pas été modifiées.

Le Centre de recherche du CHA avant juillet 2012

[27]         Alors que trois centres de recherche autonomes existaient au CHUQ avant la fusion avec le CHA en juillet 2012, il n’y avait qu’un seul centre de recherche au CHA.

[28]         Comme on l’a vu, le CHA exerce ses activités à l’intérieur de ses installations de l’Hôpital du Saint-Sacrement et celui de l’Enfant-Jésus. Un centre de recherche unifié y est établi dont les activités sont réparties entre les deux endroits. Un même directeur dirige le Centre de recherche du CHA, soit le D r François Auger.

[29]         Les activités du Centre de recherche du CHA sont réparties entre quatre axes de recherche et une plate-forme et se déroulent dans les deux installations :

1. L’axe Santé des populations (URESP) à Saint-Sacrement;

2. L’axe Vieillissement à Saint-Sacrement;

3. L’axe Génie tissulaire et régénération aux deux installations;

4. L’axe Traumatologie - urgence-soins intensifs aux deux installations;

5. La plateforme de sciences cliniques aux deux installations.

[30]         L’axe de recherche Génie tissulaire et régénération est plus particulièrement en cause dans le litige. Il a pour objet la reconstruction d’organes à l’aide du génie tissulaire. Bien que ce soit très sommaire comme description, les activités de cet axe portent sur la culture de la peau et sur la recherche en reconstruction d’organes - vaisseaux sanguins, tissus, cornées, etc. - à partir de cellules souches.

[31]         Vu la nature des travaux liés à cet axe, les activités se déroulent pour la plupart au Laboratoire d’organogenèse expérimentale du CHA (le LOEX) qui a deux emplacements. L’un, à l’intérieur de Saint-Sacrement voué à l’ophtalmologie et l’autre, voué aux autres tissus, est situé depuis 2010 sur les terrains de l’Enfant-Jésus. Avant cette date, les activités étaient regroupées au laboratoire LOEX de Saint-Sacrement.

[32]         Ce nouveau laboratoire LOEX est intégré au Centre multidisciplinaire du développement du génie tissulaire\LOEX (le CMDGT), un centre novateur et dont l’équipement est ultra spécialisé.

[33]         À l’ouverture du CMDGT en 2010, les chercheurs et  le personnel travaillant sur les tissus autres que ceux de l’œil et qui étaient localisés  jusque-là à Saint-Sacrement, sont déplacés dans ce nouveau bâtiment. Les autres, dont les activités portent sur le génie tissulaire de l’oeil, demeurent à Saint-Sacrement, là où est concentré l’ophtalmologie dans la région de Québec.

[34]         La philosophie de ce centre de recherche, plus particulièrement depuis l’ouverture du CMDGT, est de mettre en commun au bénéfice de tous les chercheurs du centre et de leur personnel, les locaux, les équipements et services en fonction de leurs besoins.

[35]         Au CMDGT, sont notamment rassemblés l’équipement et les services spécialisés suivants :

·         accessibles aux chercheurs et à leurs employés de l’axe Génie tissulaire des deux installations : 

-     des salles blanches pour la préparation de produits;

-     des salles de cultures.

·         accessibles à tous les chercheurs et à leurs employés quelque soit l’axe de recherche :

-     une animalerie;

-     des microscopes confocaux;

-     des microscopes « time laps »;

-     des laboratoires.

[36]         D’autres services et équipements se trouvent évidemment à l’Enfant-Jésus et à Saint-Sacrement. D’ailleurs, à ce dernier, une plateforme de profilage génétique a été mise en place en janvier 2013 et elle est utile aux chercheurs et à leur personnel quelque soit leurs axes de recherche.

La recherche  après  la fusion du CHA-CHU en juillet 2012

[37]         La fusion du CHA et du CHUQ en juillet 2012 entraîne la fusion des quatre centres de recherche : celui de l’Hôtel-Dieu, du CHUL, de Saint-François d’Assise et celui du CHA. Ensemble, ils forment le Centre de recherche du CHU de Québec (ou CR-CHU) présent dans ses cinq installations.

[38]         Ce centre fusionné est dorénavant dirigé par un même directeur, le D r  Serge Rivest.

[39]         Pour ce qui est de l’ancien centre de recherche du CHA, son mode de fonctionnement ne change pas après la fusion. Les activités se poursuivent en complémentarité sur les deux installations.

[40]         Le cadre réglementaire existant demeure le même. Ainsi, les statuts et règlements du Centre de recherche du CHA continuent de s’appliquer jusqu’à ce qu’ils soient remplacés par ceux du CR-CHU. Ceux-ci décrivent la mission du centre ainsi que ses objectifs généraux, la structure organisationnelle, les procédures de nominations, les modalités d’examen des projets de recherche ainsi que celles relatives aux conflits d’intérêts et à la propriété intellectuelle.

[41]         Dans ces statuts et règlements, on réfère au centre de recherche du CHA comme étant une seule et même entité. On n’y fait aucune mention des deux installations Saint-Sacrement - Enfant-Jésus, ceux-ci étant complètement intégrés dans cette entité unique.

[42]         Il en est de même de la Politique institutionnelle en matière de recherche qui définit l’engagement du CHA et prévoit les moyens pour accomplir la mission de recherche. Il en ressort que la concentration de chercheurs au sein du Centre de recherche du CHA favorise la synergie et les interactions entre les axes de recherche. Les liens multidisciplinaires sont décrits comme étant primordiaux. À la page 3 de la Politique, on lit :

La recherche s’accomplit, à la fois à l’intérieur des services et départements cliniques et dans le cadre du Centre de recherche, selon les axes de recherche reconnus par le FRSQ incluant la santé des populations, le génie tissulaire et régénération, la perte d’autonomie, la traumatologie et les sciences cliniques. L’originalité du Centre de recherche réside dans ses liens multidisciplinaires, sources d’une grande interdisciplinarité. Ainsi, la recherche évaluative et épidémiologique côtoie la recherche clinique et fondamentale. Le Centre de recherche est bien intégré dans son milieu, tandis que le milieu clinique se préoccupe d’ajouter à la dimension « soins » la dimension « recherche ». [ ]

[43]         Également, la demande de renouvellement de la subvention de centre du Centre de recherche du Centre hospitalier affilié universitaire de Québec (CHA) auprès du FRSQ pour la programmation 2009-2013 fait ressortir l’unification du centre localisé sur les deux sites. De même, on y décrit l’interrelation entre les chercheurs des quatre axes de recherche et de la plateforme des sciences cliniques ainsi que le partage des équipements, des locaux et de l’expertise.

Les chercheurs

[44]         Malgré l’intégration du Centre de recherche du CHA dans la nouvelle entité, le CR-CHU,  les chercheurs de l’ancien CHA, continuent d’être répartis entre les quatre axes de recherche et la plateforme du centre. Un chercheur supervise chaque axe et plateforme.

[45]         Le statut de chercheur du CHRCHU/ancien CHA - régulier, associé, clinicien- s’acquiert selon la procédure et les règles prévues aux statuts et règlements.

[46]          Les chercheurs sont ainsi rattachés au CR-CHU/ancien CHA ainsi qu’à l’Université Laval, car ils y sont aussi professeurs. Ils poursuivent leurs activités d’enseignement et de recherche dans les installations de Saint-Sacrement ou de l’Enfant-Jésus en fonction de l’axe de recherche auquel ils sont associés.

[47]         Quel que soit leur lieu principal de travail, ils ont accès aux services et équipements offerts par l’une et l’autre des installations. C’est principalement l’objet de la recherche qui détermine leurs besoins en cette matière, mais aussi l’évolution et les résultats de la recherche.

[48]         Le domaine de la recherche médicale est tributaire des subventions qui constituent la principale source de financement. Toutefois, il est largement compétitif,   moins de 20 % des demandes de subvention sont acceptées.

[49]         Les subventions sont octroyées aux chercheurs par un organisme subventionnaire comme le Fonds de recherche en santé du Québec (FRSQ). Elles sont attribuées pour une recherche spécifique et une période déterminée. Pour lui permettre de fonctionner et faire avancer ses recherches, un chercheur fera plusieurs demandes de subventions qui, si elles sont accordées, se succèderont ou seront concomitantes. 

[50]         Une fois octroyée, la subvention est gérée par le CR-CHU/ancien CHA. Un compte budgétaire est créé au nom du chercheur pour chacune de ses recherches : les entrées et dépenses afférentes y sont créditées ou débitées. Le matériel et la  rémunération des assistants sont les principales dépenses du chercheur.

[51]         De fait, le chercheur est appuyé dans ses travaux par un ou des assistants de recherche. Ceux-ci collaborent étroitement à ses projets et en assurent la continuité, l’avancement et le roulement quotidien.

[52]         Un même chercheur peut être secondé par plusieurs assistants comme c’est le cas du D re Lucie Germain qui dirige l’axe Génie tissulaire et régénération et qui est aussi directrice du laboratoire LOEX . De façon constante, six assistants travaillent pour elle. Elle a un bureau au CMDGT, bâti sur les terrains de l’Enfant-Jésus et un autre à Saint-Sacrement. Ses assistants sont appelés à travailler à ces deux endroits en fonction de l’objet de ses recherches qui peuvent porter tant sur la peau que sur les vaisseaux ou sur la cornée.

[53]         Ses assistants sont susceptibles de se déplacer d’une installation à l’autre en fonction des besoins de la recherche, par exemple pour utiliser les microscopes ou l’animalerie du CMDGT. Toutefois, il ressort de son témoignage que ce sont surtout les assistants basés à Saint-Sacrement qui se déplacent au CMDGT pour utiliser les équipements et les salles spécialisées qu’on y retrouve.

[54]         Par ailleurs, les services d’un même assistant de recherche peuvent être retenus par deux chercheurs en fonction de la subvention qu’ils reçoivent. Dans un tel cas, il répartit son temps entre les projets des deux chercheurs selon la proportion convenue.

Les assistants  et les professionnels de recherche

[55]         Les assistants de recherche sont recrutés par les chercheurs, généralement, parmi les étudiants qui ont fait des stages auprès d’eux dans le cadre de leurs baccalauréats ou études  supérieures.

[56]         Le chercheur détermine les conditions de travail de son assistant, la durée du contrat, le salaire, les vacances et autres avantages sociaux. Le même contrat type de travail établi par le CR-CHU/ancien CHA est utilisé par tous les chercheurs lors de l’embauche ou du renouvellement du contrat de leur assistant.

[57]         Sous le sigle encore utilisé du CHA, ce «  contrat d’engagement  » lie le chercheur à son assistant. Le chercheur nomme l’assistant pour agir sous son autorité et sa responsabilité «  dans le cadre et les limites des protocoles de recherche  » et il est affecté à un projet déterminé. Le contrat ne comporte aucune mention de l’installation dans laquelle il fournira sa prestation de travail.

[58]         La durée du contrat est d’une année ou moins et peut être reconduite «  sous réserve de l’obtention ou de la disponibilité du financement pour le projet de recherche  ».

[59]         Le salaire et le nombre de jours de vacances sont fixés par le chercheur après négociation, ou non, avec son assistant. Il se fonde sur une échelle en fonction de la formation, de l’expertise de l’assistant et du type d’emploi. Dans certains cas, le chercheur se base sur l’échelle de salaire prévue à la convention collective applicable aux professionnels de recherche du CR-CHU-CHUL.

[60]         Le contrat prévoit que les assistants en tant qu’employés du Centre de recherche du CHA participent au RREGOP, qu’ils adhérent au régime d’assurance collective en vigueur au CHA, que les frais de déplacement remboursables sont ceux prévus à la politique du CHA. Enfin, c’est la direction du CHA qui administre le dossier de rémunération des assistants et verse leur salaire pour le compte du chercheur.

[61]         Quant aux tâches de l’assistant, elles lui sont confiées par son chercheur et s’exercent surtout en laboratoire. Les liens entre eux sont étroits, les contacts et échanges sont constants, car le rôle de l’assistant est, avant tout, de faire avancer la recherche du chercheur. Il fait diverses expériences, l’analyse et la revue des résultats, etc. Certains sont aussi responsables de la supervision d’étudiants associés à la recherche ainsi que de la formation pour l’utilisation d’équipement comme les microscopes.

[62]         L’assistant a des tâches spécifiques au projet sur lequel il travaille, mais quelques-uns ont des tâches communes qu’ils partagent. Les tâches communes qui s’exercent au CMDGT ont trait à la préparation des milieux de culture et l’entretien des salles.

[63]         Ainsi, l’équipe Solutions est composée de treize assistants affectés à tour de rôle à la préparation des milieux de culture dans les salles blanches selon un horaire mensuel pré établi. Cette rotation implique une demi-journée de travail à une fréquence d’un mois et demi.

[64]         Lorsque l’assistant de recherche s’absente pour maladie, vacances ou autres motifs, il n’est pas remplacé pour ce qui est de ses tâches spécifiques. Bien que ce ne soit pas clair, il semble que le projet de recherche soit suspendu pendant les absences de l’assistant. Quant aux tâches communes comme la préparation de milieux de culture, on peut comprendre que l’horaire rotatif entre assistants tient compte des absences de chacun.

Le lieu de travail, les déplacements et la mobilité des assistants

[65]         De façon générale, les assistants de recherche sont basés dans la même installation que le chercheur auquel ils sont rattachés. Chacun détient une carte qui lui permet d’accéder au bâtiment et, s’il détient l’autorisation et la formation requise, aux salles dont l’accès est limité comme les salles blanches et l’animalerie. Tous les assistants ont droit à une carte de stationnement qui permet d’utiliser celui des deux installations.

[66]         Plusieurs assistants ont été entendus par la Commission et ont expliqué leurs fonctions et conditions de travail; des chercheurs en ont aussi fait état.

[67]         Ainsi, l’assistant Larochelle travaille pour le D r Moulin depuis neuf ans à l’axe Génie tissulaire et régénération . Il est basé au CMDGT depuis son ouverture en 2010, auparavant il était basé à Saint-Sacrement. En plus des tâches spécifiques à ses travaux de recherche, il fait partie de l’équipe faisant en rotation la préparation des milieux de culture dans les salles blanches. Il donne aussi de la formation sur des techniques spécialisées.

[68]         Monsieur Provencher est coordonnateur de recherche depuis 1998. Il travaille à l’axe de recherche Vieillissement pour le D r Dupré, neurologue à l’Enfant-Jésus. Antérieurement, il était associé à la plateforme des sciences cliniques. Ses fonctions sont variées, elles consistent à préparer des documents pour le comité d’éthique, à  élaborer des questionnaires pour les patients participant à des recherches, à obtenir leur consentement,  à concevoir et maintenir des banques de données, à faire le suivi budgétaire. De plus, il est impliqué au niveau des prélèvements in vivo et post mortem.

[69]         Le poste de travail de monsieur Provencher est situé au Pavillon Notre-Dame qui est adjacent à l’Enfant-Jésus. Il se déplace à l’intérieur de l’hôpital pour rencontrer des patients et pour des réunions avec les chercheurs CMDGT. Environ une à deux fois l’an, il doit se rendre à Saint-Sacrement.

[70]         Madame Bérubé est assistante de recherche pour le D r Auger de l’axe Génie tissulaire et régénération depuis août 2012. Ce dernier était jusqu’à la fusion du CHU et du CHA, directeur du Centre de recherche du CHA. Depuis, il est devenu directeur du CMDGT. Plusieurs assistants de recherche travaillent pour lui.

[71]         Madame Bérubé est basée au CMDGT et travaille en laboratoire. Elle fait partie de l’équipe Patients qui prépare la peau pour les grands brûlés de l’équipe histologie et est chef de l’équipe Solutions dont il a été question ci-dessus. Comme les autres assistants de l’équipe Patients , elle se déplace à l’occasion à l’Hôtel-Dieu de Montréal où l’on soigne les grands brûlés, pour livrer de la peau aux fins de greffe.

[72]         Monsieur Lacroix  est également assistant pour le D r Auger et il travaille comme directeur de projet depuis 2005. Basé à Saint-Sacrement jusqu’à l’ouverture du CMDGT depuis 2010, il y travaille depuis.

[73]         Ses fonctions sont particulières et variées en ce qu’il représente D r Auger à divers niveaux. Il est l’interface de ce dernier auprès des étudiants qu’il supervise, des autres chercheurs, des collaborateurs et des médias. Ils assistent aux réunions d’étudiants, des chercheurs du LOEX tant du CMDGT que de Saint-Sacrement ainsi qu’aux rencontres de suivis de projets du D r Auger.

[74]         Quant à D re Germain dont il a été question ci-dessus et qui est responsable de l’axe Génie tissulaire et régénération, plusieurs assistants travaillent pour elle au CMDGT et à Saint-Sacrement.

[75]         Ainsi, monsieur Martel travaille pour elle depuis 2002, il était basé à Saint-Sacrement jusqu’à ce qu’il soit déplacé au CMDGT à son ouverture en 2010. Tout comme sa collègue Bérubé, il se rend à l’Hôtel-Dieu de Montréal pour livrer de la peau pour des fins de greffe. Il fait aussi partie d’un groupe de cinq assistants qui travaille à l’Université Laval, à raison d’une demi-journée par mois, pour faire de l’irradiation selon une entente convenue entre cette dernière et le CR-CHU-CHA.

[76]         De son côté, monsieur Carrier travaille pour D re Germain sur des projets de recherche relatifs à la cornée, il est donc principalement basé à Saint-Sacrement. Toutefois, ses travaux font en sorte qu’il doit se déplacer au CMDGT, plus particulièrement à l’animalerie.

[77]         Quant à monsieur Rochette, il travaillait principalement pour D re Germain pendant plusieurs années. Toutefois, pendant la période s’étendant du mois d’avril 2011 à novembre 2012, ses services ont été partagés à parts égales entre deux chercheuses. Ainsi, il a travaillé 50 % du temps pour D re Proulx, dont les travaux portent sur l’œil à Saint-Sacrement, et  50 % pour D re Germain dont les recherches se font aux deux endroits. Aussi, il fait partie du groupe Solutions   chargé en alternance de faire la préparation de milieu de culture au CMDGT. Jusqu’en février 2012, il était chargé de la formation aux microscopes confocaux au CMDGT. Depuis novembre 2012, il ne travaille que pour D re Proulx à Saint-Sacrement, mais dont les recherches requièrent l’utilisation des microscopes installés au CMDGT. De plus, il continue de faire partie de l’équipe Solutions.

[78]         Madame Rochefort travaillait pour D r Auger au CMDGT pendant ses études de maîtrise depuis janvier 2011 selon ce que révèle son contrat. Ayant changé de programme de maîtrise au cours de l’automne 2012, elle travaille depuis pour D re  Germain et est maintenant basée à Saint-Sacrement.

[79]         Quant à madame Vallières, elle était assistante pour D re Germain à Saint-Sacrement. Cependant, depuis décembre 2012, elle agit comme chargée de projets pour le D r  Auger au CMDGT.

[80]         Pour ce qui est de madame Deschenes, elle est assistante depuis mai 2011 pour D Gros-Louis, rattaché à l’axe de recherche Génie tissulaire et régénération . Elle est basée au CMDGT et à l’occasion elle se déplace au département de pathologie de l’Enfant-Jésus. Elle n’est allée qu’à une seule occasion à Saint-Sacrement pour assister à une conférence.

[81]         D r Gros-Louis explique que compte tenu des résultats des expérimentations faites par son assistante sur les maladies neurodégénératives, il doit orienter sa recherche vers le profilage génétique. Madame Deschenes devra donc utiliser pendant quelques semaines la plateforme de profilage génétique située à Saint-Sacrement lorsque le Comité d’éthique accordera les autorisations nécessaires. Madame Deschenes  mentionne toutefois, qu’il ne s’agit que d’une possibilité et qu’elle n’a pas été informée qu’elle aura à utiliser cette plateforme.

[82]         Les assistants entendus à l’audience assistent rarement à des réunions et  lorsqu’il y en a, ce ne serait que les assistants basés au CMDGT qui y participeraient. Ils disent ne pas avoir de contacts avec les assistants de Saint-Sacrement. Ce n’est qu’à l’occasion qu’ils croisent les assistants Carrier et Rochette qui viennent au CMDGT à l’animalerie ou pour faire de la formation aux microscopes ou de la culture de milieux.

[83]         Par ailleurs, les représentants du Syndicat mentionnent qu’ils ne veulent pas avoir dans leur unité de négociation les assistants de recherche qui travaillent à Saint-Sacrement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

[84]         Pour l’employeur, l’unité demandée par le Syndicat requérant n’est pas appropriée. Sa demande vise à diviser un groupe de salariés faisant partie d’un même Centre de recherche à l’intérieur du CHU de Québec. Elle ne vise pas l’entité au sein de laquelle travaillent les salariés, mais seulement l’une des installations du centre de recherche.

[85]         Cette approche est contraire à ce qui a été fait lorsque le Syndicat a obtenu  trois accréditations dans les autres centres de recherche du CHU.

[86]         Il invite la Commission à appliquer les critères reconnus en la matière soit la cohérence du groupe ou la communauté d’intérêts, l’historique des accréditations, l’organisation du travail, la mobilité de la main-d’oeuvre et la paix industrielle.

[87]         Selon l’employeur, l’analyse de ces critères tend à démontrer que l’unité recherchée par le Syndicat n’est pas appropriée. La Commission devrait retenir une unité plus large composée de tous les assistants de recherche qui ne sont pas déjà accrédités au CHU de Québec et qui sont, en fait, ceux liés à l’ancien Centre de recherche du CHA dont le mode de fonctionnement n’a pas changé depuis la fusion CHA-CHU.

[88]         Pour le Syndicat, lors d’un dépôt d’une requête en accréditation en champ libre, la Commission doit respecter la volonté des salariés. Ici, l’unité qu’il recherche est un groupe distinct parmi les salariés du centre de recherche de l’ancien CHA. Les assistants de recherche du CMDGT et de l’Enfant-Jésus n’ont pas de communauté d’intérêts avec ceux de Saint-Sacrement et il n’y a pas non plus de mobilité entre eux.

[89]         L’historique des accréditations détenues par le Syndicat auprès des autres centres de recherche du CHU de Québec démontrerait que l’unité recherchée est viable.

[90]         Aussi, il s’appuie sur la jurisprudence de la Commission pour soutenir qu’une accréditation groupant une catégorie de salariés d’un seul établissement de l’employeur est appropriée. À cet égard, le Syndicat cite notamment TUAC, section locale 509 c . Préverco inc . ( 2003 QCCRT 0271 ), IATSE local 262 c. L’Aréna des Canadiens inc. ( 2011 QCCRT 0103 ), Syndicat des travailleuses et travailleurs de transporteur médical J.M.J. inc. - CSN c. Le Transporteur médical J.M.J. inc. ( 2011 QCCRT 0566 ), Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau, section locale 574 c . Librairie Renaud-Bray inc. ( 2012 QCCRT 0314 ) .

motifs

[91]         Par sa requête en accréditation, le Syndicat cherche à représenter un groupe distinct des salariés de l’employeur selon l’article 21 du Code du travail. Cette unité vise «  Toutes les personnes salariées au sens du Code du travail exerçant des fonctions d’assistant de recherche et de professionnel de recherche.  » du CHU de Québec pour ses établissements de l’Enfant-Jésus et du Centre multidisciplinaire de développement du génie tissulaire, LOEX (CMGDT/LOEX).

[92]         L’unité demandée étant contestée par l’employeur, la Commission doit déterminer si elle est appropriée. Dans l’affaire IATSE local 262 c. L’Aréna des Canadiens inc. ( 2011 QCCRT 0103 ), la Commission résume l’ensemble des principes établis par la jurisprudence et qui sont applicables dans un tel cas :

[54] L’article 21 du Code énonce que le droit à l’accréditation existe à l’égard de la totalité des salariés d’un employeur ou d’un groupe distinct de celui-ci. Le Code ne définit pas ce qu’est un groupe distinct, mais les critères élaborés par la jurisprudence permettent d’en apprécier le caractère approprié.

[55] Un groupe distinct sera jugé approprié lorsqu’il peut établir des rapports collectifs de travail utiles avec l’employeur c’est-à-dire, négocier une convention collective et veiller à son application.

[56] Puisqu’il s’agit ici de l’exercice du droit d’association des salariés, il revient au syndicat de proposer l’unité qu’il veut représenter. Comme la requête en accréditation est déposée en champ libre, la Commission n’a pas, dans sa démarche d’appréciation, à déterminer si une autre unité serait aussi ou plus appropriée que celle demandée par le syndicat. Son rôle est seulement de décider si l’unité demandée est en soi appropriée (voir Jay Norris Canada inc. c. Vitriers travailleurs du verre, local 1135 de la Fraternité internationale des peintres et métiers connexes [ 1991] T.T. 47).

[57] D’autre part, c’est à l’employeur de démontrer que l’unité demandée par le syndicat est inappropriée. La preuve doit convaincre alors que l’unité demandée n’est pas viable ou ne présente aucune logique, de sorte que la paix industrielle est menacée. Si la Commission juge que l’unité est inappropriée, elle peut, en vertu de l’article 32 du Code, déterminer celle qui serait appropriée.

[58] Les critères élaborés par la jurisprudence pour apprécier le caractère approprié du groupe distinct ont été énoncés d’abord dans l’affaire International Union of United brewery, flour, cereal, soft drink and distillery workers of America (local 239) c. Coca-Cola Ltd , [1978] R.L. 391 (C.R.O.), décision rendue le 23 novembre 1963 et reprise ensuite dans l’affaire Sicard inc. c. Syndicat national des employés de Sicard (CSN), [1965] R.D.T. 353 (C.R.T.). Ces critères d’appréciation sont les suivants :

la communauté d’intérêts;

l’histoire des relations du travail dans l’entreprise ou le secteur d’activité;

la volonté des salariés;

le critère géographique ou organisationnel;

la préservation de la paix industrielle.

[59] Le poids relatif de ces critères s’apprécie selon les cas. La Cour suprême a jugé prééminent le critère de la communauté d’intérêts dans l’arrêt U.E.S., local 298 c. Bibeault, [1998] 2 R.C.S. 1048. Par ailleurs, comme la Commission doit également tenir compte des objectifs généraux du Code qui visent à favoriser la syndicalisation, la volonté des salariés, sans être un critère absolu ou primordial, doit être prise en compte, surtout lorsque la requête est déposée en champ libre ( Syndicat des Métallos, section locale 8922 c. Les services McKinnon inc ., 2009 QCCRT 0339 ; Syndicat canadien de la Fonction publique c. Publications métropolitaines inc. , 2003 QCCRT 0148 ).

[60] Enfin, ces critères doivent être soupesés en tenant compte de la situation de l’employeur, sa structure organisationnelle et les processus qui la caractérisent (voir Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, section locale 503 c. Wal-Mart Canada, corp. , 2004 QCCRT 0145 ).

[93]         Ici, la requête en accréditation est déposée en champ libre, le rôle de la Commission est donc de vérifier si l’unité de négociation demandée est appropriée pour permettre la négociation d’une convention collective. Il appartient au CHU de Québec de démontrer qu’elle n’est pas appropriée.

[94]         Le seul litige est de cibler les installations du centre de recherche auxquels devraient être rattachés l’unité demandée par le Syndicat : le CMDGT et l’Enfant-Jésus ou faut-il y greffer l’installation de Saint-Sacrement?

[95]         Dans son analyse, la Commission retient comme particulièrement significatifs ces trois critères : le cadre organisationnel - ou institutionnel - de la recherche au sein du CHU de Québec, l’historique des accréditations déjà accordées au Syndicat pour des groupes de salariés exerçant les mêmes activités et la communauté d’intérêts que doivent partager les salariés visés par la requête. Eu égard au poids de ces critères dans la présente affaire, la volonté des salariés n’est pas prééminente.

Le cadre organisationnel ou institutionnel

[96]         Contrairement, à ce que prétend le Syndicat, la Commission ne peut considérer les sites ou les installations de l’employeur au même titre que des succursales d’un commerce. Dans l’analyse, il faut tenir compte de deux éléments fondamentaux particuliers à l’affaire, soit le contexte institutionnel et le cadre juridique régissant l’employeur.

[97]         Le CHU de Québec est un établissement au sens de la Loi SSSS qui est désigné comme étant un centre hospitalier universitaire. À ce titre, il est soumis aux règles, devoirs et obligations prévus à la loi. En outre, il gère un centre de recherche reconnu par le Fonds de recherche du Québec - Santé comme l’autorise l’article 88 de cette loi :

Le ministre peut , après avoir consulté le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport et le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, désigner centre hospitalier universitaire un centre hospitalier exploité par un établissement qui, en plus d'exercer les activités propres à sa mission, offre des services spécialisés ou ultraspécialisés dans plusieurs disciplines médicales, procède à l'évaluation des technologies de la santé, participe à l'enseignement médical dans plusieurs spécialités, selon les termes d'un contrat d'affiliation conclu conformément à l'article 110, et gère un centre de recherche ou un institut de recherche reconnu par le Fonds de recherche du Québec - Santé i nstitué par la Loi sur le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation (chapitre M-30.01).

(Soulignement ajouté)

[98]         L’entreprise visée par la requête est donc un centre de recherche médicale exploité par le CHU de Québec et dont l’existence est consacrée par la loi.

[99]         Comme le CHU, ce centre de recherche, le CR-CHU, existe dans sa forme actuelle depuis juillet 2012 à la suite de la fusion de l’ancien CHU (CHUL, Hôtel-Dieu, Saint-François d’Assise) et du CHA (Saint-Sacrement - l’Enfant-Jésus).

[100]      Ce qui ressort de la preuve, c’est que même s’ils ont été fusionnés en un seul centre, les quatre centres de recherche continuent de fonctionner comme auparavant avec autonomie, mais avec une direction centralisée. Le Centre de recherche de l’ancien CHA constitue donc encore dans les faits aujourd’hui, une composante du grand centre au même titre que ceux du CHUL, l’Hôtel-Dieu et Saint-François d’Assise. 

[101]      Mais, rappelons-le, les assistants et professionnels de recherche de ces trois derniers centres sont déjà visés par des accréditations accordées en 2004 au bénéfice du Syndicat en fonction de chacun de ces trois centres de recherche. Dans ce qui constitue le CR-CHU, il n’y a donc qu’un groupe de salariés circonscrit et distinct qui n’est pas visé par une accréditation composée des assistants et professionnels de recherche de l’ancien CHA.

[102]      Il faut donc considérer que, historiquement, les accréditations ont été émises sur la base de chaque centre de recherche. Ceci, alors que dans le présent cas, le Syndicat demande d’être reconnu pour représenter qu’une partie du groupe résiduaire composé des professionnels de recherche de l’ancien Centre de recherche du CHA. Il exclut de l’unité demandée les professionnels de Saint-Sacrement ce qui a pour effet de scinder ce groupe. Il souhaite représenter seulement ceux travaillant au CMDGT et à l’Enfant-Jésus.

[103]      On l’a vu, les activités de l’ancien centre de recherche du CHA sont réparties entre quatre axes et une plateforme de recherche se déroulant dans deux installations, dont l’une, celle de l’Enfant-Jésus comprend aussi le CMDGT.

[104]      Malgré ce fait, la structure organisationnelle du centre est unifiée et répond aux exigences d’un des principaux organismes subventionnaires le Fond de recherche en santé du Québec. La demande de subvention demande de renouvellement de la subvention de centre du Centre de recherche du Centre hospitalier affilié universitaire de Québec (CHA) auprès du FRSQ pour la programmation 2009-2013 est éloquente à cet égard.

[105]      La Commission retient donc que le centre de recherche de l’ancien CHA constitue encore une entité unifiée. D’ailleurs, on note si peu de changement depuis la fusion de juillet 2012 que la présente requête a d’abord été déposée en identifiant le CHA comme étant l’employeur des salariés visés par la requête.

[106]      Par ailleurs, la preuve documentaire et le témoignage des chercheurs démontrent qu’ils participent à l’accomplissement de la mission même du Centre de recherche de l’ancien CHA et non à la mission d’une seule installation - mission qui s’inscrit dans celle du CR-CHU. La preuve révèle l’existence d’interrelations entre les axes de recherche et entre les chercheurs eux-mêmes quelque soit leur principal lieu de travail. En outre, ils partagent les équipements et les services de chacun de ces sites qui sont aussi accessibles à leur personnel quelque soit leur axe de recherche ou plateforme.

[107]      Ainsi quelque soit l’endroit où ils oeuvrent généralement - CMDGT, Saint-Sacrement, l’Enfant-Jésus - les chercheurs font partie du même grand centre de recherche et ne sont pas tributaires du fait que les lieux physiques de ce centre soient répartis en trois endroits. Les chercheurs sont tous rattachés à la même composante du CR-CHU : l’ancien centre de l’ancien CHA. Ils sont tous soumis aux règles normatives de ce dernier au niveau de la mission, de la structure organisationnelle et administrative, du mode de fonctionnement, de l’éthique, etc.

L’historique des accréditations

[108]      L’autre critère que la Commission doit analyser est l’histoire des relations du travail dans l’entreprise ou le secteur d’activités. Il a été abordé ci-dessus sous un autre angle. Répétons que les accréditations accordées par le passé l’ont été en fonction de chaque centre de recherche dans son ensemble. Ici, contrairement à ce qui a été fait antérieurement, le Syndicat vise à représenter qu’une partie des salariés du centre en excluant ceux de Saint-Sacrement.

[109]      Dans ces circonstances, le critère historique ne tend pas à démontrer que l’unité demandée par le Syndicat soit appropriée.

La communauté d’intérêts

[110]      Avant tout, les salariés occupent une place fondamentale dans la structure du centre de recherche et dans l’atteinte de sa mission. Quel que soit leur lieu principal de travail, ils ont tous le même rôle : ils exécutent la recherche pour leur chercheur respectif et ils assurent la continuité des projets de recherche.

[111]      Ainsi, chaque professionnel relève d’un chercheur, c’est ce dernier qui l’embauche, détermine ses conditions de travail, qui le rémunère à partir des subventions qu’il reçoit et il lui attribue ses tâches spécifiques au projet de recherche auquel il travaille. Un même contrat type - fourni et administré par la direction du CHA ou de l’ancien CHA - est utilisé pour encadrer la relation entre les chercheurs et les professionnels qu’ils embauchent.

[112]      Bien que les salaires des assistants soient établis par les chercheurs, ils sont basés sur une échelle qui n’est toutefois pas unique. Par contre, la preuve ne démontre pas de grande variation entre le salaire et le nombre de jours de vacances attribués aux professionnels que ce soit ceux du CMDGT ou de Saint-Sacrement. Il y a évidemment une variation qui tient compte de l’expertise, de l’expérience et de la scolarité de chacun.

[113]      Au niveau de l’interchangeabilité entre les professionnels, il est clair qu’il n’y en a pas dans les tâches principales qui sont liées à leurs projets de recherche. Ceci est inhérent au fait que chacun a des tâches de nature scientifique particulières liées au projet sur lequel il travaille.

[114]      Cependant, au CMDGT, de petits groupes de professionnels partagent certaines tâches communes au regard desquelles on constate une certaine interchangeabilité. On pense ici, entre autres, à l’équipe Solutions composée de treize professionnels affectés à tour de rôle à la préparation des milieux de culture à raison d’une demi-journée par mois et demi. Un seul des professionnels travaille principalement à Saint-Sacrement. De même, c’est ce dernier qui était aussi chargé de former les utilisateurs des microscopes confocaux au CMDGT.

[115]      À cet égard, la preuve tend à démontrer une interchangeabilité relative entre les professionnels du CMDGT, mais elle est muette en ce qui concerne ceux de l’Enfant-Jésus que le Syndicat cherche aussi à représenter.

[116]      Par ailleurs, les professionnels ont très peu d’occasions de se réunir et ce, que ce soit pour l’ensemble du Centre de recherche ou pour chacune des installations. Les réunions et rencontres sont rarissimes.

[117]      Il est clair que les professionnels de Saint-Sacrement ou du CMDGT peuvent utiliser tous les équipements de ces installations en fonction des besoins de leurs recherches. Toutefois, comme les salles blanches, certains microscopes et l’animalerie sont localisés au CMDGT, ce sont surtout les professionnels de Saint-Sacrement qui se déplacent. Ceci n’exclut pas le fait que l’inverse puisse aussi se produire. 

[118]      Quelques cas - Rochette, Rochefort et Vallières - illustrent que des assistants peuvent passer d’un chercheur à un autre sans égard aux sites. Cette mobilité est afférente au fait que l’assistant est lié à un chercheur qui lui-même est rattaché au Centre de recherche dont les activités se déroulent à deux endroits.

[119]      Quant aux déplacements extérieurs de certains professionnels du CMDGT, ils n’apportent rien au débat.

[120]      En somme, la particularité du travail des professionnels et les liens étroits qui les unissent à leur chercheur respectif font en sorte que la communauté d’intérêts n’est pas limitée aux seuls salariés du CMDGT et de l’Enfant-Jésus.

[121]      De fait, on constate une communauté d’intérêts entre certains professionnels du CMDGT en ce qu’ils partagent quelques tâches communes et un même lieu de travail.  Mais, elle existe aussi entre les salariés des trois sites qui exercent le même type de travail, en vase clos, avec leur chercheur qui établit leurs conditions de travail et qui sont tous soumis aux mêmes règles administratives et à la même structure organisationnelle.

[122]      Pour la Commission c’est dans ces aspects liés aux particularités du travail des assistants et professionnels de recherche qu’apparaissent les intérêts communs.

[123]      Ce qui étonne, c’est que le Syndicat cherche à représenter les professionnels du CMDGT et de l’Enfant-Jésus, mais la preuve ne fait pas ressortir aucun lien entre eux.  Surtout, elle révèle plus de liens ou d’intérêts communs entre les professionnels de Saint-Sacrement et ceux du CMDGT qu’entre ces derniers et ceux de l’Enfant-Jésus.  Sans doute est-ce en raison de la présence du laboratoire LOEX aux deux endroits et de l’axe de recherche sur lequel ils travaillent.

[124]      Dans les circonstances, le critère de la communauté d’intérêts ne tend pas, non plus, à conclure que l’unité de négociation demandée par le Syndicat soit appropriée.

La volonté des salariés

[125]      Quant à la volonté des salariés, il ressort de la demande que les assistants et les professionnels de recherche du CMDGT veulent se joindre à ceux de l’Enfant-Jésus, mais ne veulent pas de ceux de Saint-Sacrement  dans l’unité qu’ils recherchent.

[126]      Eu égard aux autres critères, cette volonté ne fait pas le contrepoids.

En conclusion

[127]      De cette analyse, il ressort que l’unité de négociation demandée par le Syndicat ne s’ajuste pas à l’entreprise particularisée que constitue le centre de recherche de l’ancien CHA.

[128]      En fait, l’approche adoptée par le Syndicat est réductrice car, elle fait abstraction du cadre institutionnel du centre de recherche, de sa structure organisationnelle, du facteur de rattachement du chercheur au centre et à un grand axe de recherche, du rôle fondamental des assistants dans l’atteinte de cette mission, des  liens entre chercheurs et assistants qui s’inscrivent aussi dans ce cadre et des particularités du milieu de la recherche médicale. Cette approche a pour effet de diviser le centre de recherche et conséquemment d’entraver son mode de fonctionnement qui est établi de longue date.

[129]      Ce faisant, comme le but ultime de l’accréditation est la négociation et la conclusion d’une convention collective, retenir l’unité demandée par le Syndicat perturberait ce qu’on désigne comme étant la paix industrielle.

[130]      L’employeur s’est donc acquitté de son fardeau qui était  de démontrer que l’unité demandée par le Syndicat, qui exclut les professionnels et les assistants de recherche de Saint-Sacrement, est inappropriée.

[131]      Précisons que le CMDGT fait partie de l’installation de l’Enfant-Jésus, il n’y a pas lieu d’en faire un établissement ou installation distincte. Pour la Commission, l’unité appropriée est donc la suivante :

« Toutes les personnes salariés au sens du Code du travail exerçant des fonctions d’assistant de recherche et de professionnel de recherche au centre de recherche du CHU de Québec à l’exclusion des salariés déjà couverts par une autre unité de négociation. »

 

De : CHU de Québec

11, Côte du Palais

Québec (Québec)  G1R 2J6

Établissements visés  :

Hôpital de l’Enfant-Jésus

Hôpital du Saint-Sacrement

Le caractère représentatif

[132]      Par ailleurs, l’examen du dossier d’accréditation indique que, au regard de l’unité considérée appropriée, le Syndicat ne jouit pas du caractère représentatif requis par la loi.

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

REJETTE                      la requête            

 

 

__________________________________

Hélène Bédard

 

M e Marie-Hélène Perron

BARABE CASAVANT

Représentante du requérant

 

M e Jacques Reeves

BEAUVAIS TRUCHON, S.E.N.C.

Représentant de l’employeur

 

Date de la dernière audience :

21 février 2013

Date de réception du dernier document :

 

15 mars 2013

 

/cr

Correction apportée le 27 mai 2013 :

Suppression des mots « titulaires d’un diplôme universitaire de premier cycle et » dans le paragraphe [ 131 ] .