Pavage des Moulins inc. c. Deroy

2013 QCCQ 3835

JL 4270

 
 COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

JOLIETTE

LOCALITÉ DE

JOLIETTE

« Chambre civile  »

N° :

705-22-012540-124

 

 

 

DATE :

8 avril 2013

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

DENIS LAPIERRE, J.C.Q.

 

 

 

PAVAGE DES MOULINS INC.

Demanderesse / défenderesse reconventionnelle / demanderesse en garantie

c.

PIERRE DEROY

Défendeur / demandeur reconventionnel

-et-

LOUISBOURG SBC, SOCIÉTÉ EN COMMANDITE

Défenderesse en garantie

 

 

 

JUGEMENT

 

 

[1]            Tout a commencé avec une action sur compte de 7 366,88 $. La demanderesse Pavage des Moulins inc. (Pavage) réclame du défendeur Pierre Deroy (Deroy) le paiement des travaux d'asphaltage qu'elle a effectués chez lui. Le défendeur n'a rien payé depuis l'exécution des travaux, en avril 2010. En fait, non seulement allègue-t-il n'avoir rien à payer en raison de la mauvaise qualité des travaux, mais il réclame les coûts nécessaires pour faire arracher l'asphalte installé par la demanderesse. Il réclame également des frais d'experts et des frais d'avocats en raison de la mauvaise foi de la demanderesse. Maintenant poursuivie en demande reconventionnelle, la demanderesse poursuit enfin Louisbourg SBC société en commandite (Louisbourg) en garantie, car elle aurait, selon l'expert de monsieur Deroy, fourni un enrobé bitumineux de qualité inférieure.

Les questions en litige :

            La demande principale :

[2]            La demanderesse s'est-elle déchargée de son fardeau de prouver le contrat, l'exécution des travaux et le non-paiement du défendeur? Si oui, le défendeur a-t-il établi de façon prépondérante des raisons de ne pas payer en tout ou en partie le montant réclamé?

La demande reconventionnelle :

[3]            Si c'est le cas, les motifs de reproches établis par le défendeur justifient-ils la réfection des travaux et, partant, sa réclamation pour le retrait de la couche d'asphalte installée par la demanderesse? Le défendeur a-t-il droit d'obtenir en supplément le paiement de ses frais d'experts et d'avocats?

La demande en garantie:

[4]            Si la demande reconventionnelle réussit, la défenderesse en garantie doit-elle indemniser la demanderesse Pavage des Moulins en raison de l'insuffisance de l'enrobé bitumineux qu'elle lui a fourni?

Les faits :

[5]            Le ou vers le 29 mars 2010, Pavage et Deroy concluent le contrat P-3 prévoyant la préparation et la pose d'une couche d'asphalte sur la partie du terrain du défendeur destinée à la circulation automobile, une superficie évaluée à 3,719 pieds carrés.

[6]            Le contrat prévoit que l'asphalte devra avoir 50 mm d'épaisseur après compaction, et précise sa qualité par un nom de code: EB10-S. Le prix du travail est de 6 500 $ avant taxes.

[7]            Les travaux sont exécutés les 14 et 15 avril 2010. Par précaution, le demandeur installe des tiges de métal pour bien délimiter la superficie à couvrir. Les travaux sont exécutés à la satisfaction du défendeur et l'entrepreneur quitte les lieux.

[8]            Peu de temps après toutefois, le défendeur rapporte avoir remarqué certains problèmes avec son entrée pavée. Il en avise le représentant de la demanderesse, monsieur René Caron. Il lui rapporte que l'asphalte semble présenter des signes de détérioration en surface, de la matière granulaire se détachant du composé bitumineux. Il rapporte aussi avoir remarqué que l'asphalte restait marqué par la béquille de sa moto dans certaines conditions. Il a plus tard remarqué et photographié que, à certains endroits, l'eau était retenue en flaques plus ou moins importantes. Poussant plus loin son observation, il a constaté à l'aide d'un tournevis que la couche de revêtement n'atteignait pas l'épaisseur convenue de 50 mm.

[9]            Des discussions s'ensuivent entre monsieur Deroy et monsieur Caron, qui suggère certaines solutions. Après réflexion, Deroy les refuse et exige la reprise des travaux. Il refuse également de payer quelque montant que ce soit.

[10]         La demanderesse attend un an avant d'expédier une première mise en demeure, P-2, et un an de plus avant d'intenter des procédures judiciaires. Entre-temps, outre les discussions précitées, monsieur Deroy n'adresse aucune communication écrite ni aucune réclamation à la demanderesse.

[11]         En réaction aux procédures judiciaires toutefois, monsieur Deroy demande une expertise à la firme Solmatech. C'est la pièce D-1. Un de ses rédacteurs, monsieur Mathieu Meunier, a été qualifié d'expert et entendu par le Tribunal. Le rapport D-1 concerne deux (2) aspects: l'épaisseur de la couche d'asphalte et la composition de l'enrobé bitumineux utilisé.

[12]         L'expertise, qui n'a pas été contredite, révèle que l'épaisseur moyenne de la couche d'asphalte, déterminée par carottage, atteint 43.6 mm en moyenne, avec des variantes aussi importantes que 19.5 mm à certains endroits et 66.8 mm à certains autres.

[13]         Quant à l'enrobé bitumineux, il a principalement été évalué à l'égard de deux paramètres: sa composition granulaire et sa teneur en bitume. Un de ces paramètres, la composition granulaire, est tout juste conforme aux normes. L'autre, la teneur en bitume, révèle une moyenne de 4.38 % alors que la norme EB10-S exige un minimum de 4.8 %. Le bitume est l'élément liant qui permet d'assurer un maintien homogène du matériel granulaire.

[14]         Cette insuffisance dans la teneur en bitume de l'enrobé est qualifiée d'importante par l'expert, bien qu'elle se situe dans les limites de tolérance de certaines normes municipales (pièce DG-6). Chose certaine, l'écart est supérieur à celui toléré par le Ministère des Transports du Québec (pièce DG-5).

[15]         Le Tribunal retient donc de la preuve d'expertise que l'ouvrage effectué par la demanderesse est fautif à l'égard de deux (2) des paramètres examinés par l'expert, soit l'épaisseur de la couche d'asphalte et le pourcentage de bitume qu'il contient.

[16]         Selon l'expert, la combinaison de ces deux facteurs pourra réduire la durée de vie utile de l'asphalte. De quinze (15) ans dans des conditions normales, elle risque d'être diminuée du tiers, avec détérioration prématurée.

[17]         Pour le moment toutefois, cette détérioration ne s'est pas manifestée de façon très évidente, puisque les photographies P-7 déposées au dossier de la Cour démontrent le bon état de l'ouvrage au moment de l'audition. Cela n'ébranle pas l'expert dans son opinion. Celui-ci continue à dire que les dommages se manifesteront éventuellement, de façon plus rapide que la normale.

[18]         En défense reconventionnelle, Pavage a tenté d'expliquer que le manque d'épaisseur de la couche d'asphalte est relié à l'agrandissement de la surface à recouvrir, suite à une demande de monsieur Deroy. Cette explication, provenant du témoignage d'un employé de la demanderesse, monsieur Renaud Lévesque, est peu probante et n'est nullement soutenue par la preuve.

[19]         En réalité, le problème vient probablement d'une erreur dans la prise de mesures effectuée au préalable par le préposé de Pavage. Celui-ci a sous-estimé d'environ 270 pieds carrés une section de la cour de monsieur Deroy, et il a délimité la largeur de l'entrée charretière à un pied de plus que ce qui avait été convenu, pour environ 75 pieds carrés additionnels.

[20]         Ces trois cent cinquante (350) pieds carrés supplémentaires, clairement de la responsabilité de la demanderesse, ont probablement eu pour effet de réduire l'épaisseur moyenne de l'asphalte.

[21]         Selon le témoignage de monsieur René Caron, des quarante-quatre (44) tonnes d'enrobé bitumineux fournies par Louisbourg, environ quarante-trois (43) tonnes (pièce P-4) ont été étendues. En utilisant la formule expliquée par monsieur Caron, ces quarante-trois (43) tonnes, sur la surface réelle à recouvrir, ne pouvaient donner plus que 48.3 mm d'épaisseur, soit moins que ce qui était prévu au contrat. Or, on l'a vu, les carottages ont permis d'estimer à 43.6 mm l'épaisseur moyenne de l'asphalte. Tout ceci tend à confirmer que, d'une part, la couche d'asphalte est insuffisante et que, d'autre part, cette insuffisance résulte d'une erreur de mesure ou de calcul de la demanderesse.

[22]         Cela dit, il n'en demeure pas moins que monsieur Deroy bénéficie depuis trois ans d'une cour de belle apparence, qui semble jusqu'à présent avoir conservé son intégrité. Les seules manifestations à ce jour d'une détérioration prématurée ont été remarquées dès le début, et ne semblent pas s'être aggravées de façon marquée puisque, de l'aveu même du propriétaire, la cour est encore belle aujourd'hui. Seul un effritement en surface et l'effet de poinçonnement de la béquille de la moto du défendeur révèlent l'existence d'un problème autre qu'éventuel. Aucune fissure ni aucune ornière ne sont apparues à ce jour.

[23]         Certains problèmes révélés par le demandeur apparaissent mineurs ou ne semblent pas en lien avec l'ouvrage, comme un puisard existant situé plus haut que la surface de l'asphalte, ou la hauteur de celui-ci par rapport au plancher du garage. Les photographies D-4 démontrent que la flaque d'eau remarquée en 2010 et qui se forme, en cas de pluie, à la bordure de l'asphalte, s'infiltre rapidement dans le sol voisin. C'est du moins ainsi que l'expert explique la disparition de cette flaque sur certaines photographies après en avoir constaté la présence sur des photographies antérieures.

[24]         Quant à la défenderesse en garantie, Louisbourg, sa preuve se limite à des estimations du pourcentage de bitume entré dans la composition de l'enrobé bitumineux en litige, les pièces DG-2 à DG-4. Ces relevés démontrent que le pourcentage de bitume était toujours inférieur à 4.8 %, même s'il était selon Louisbourg conforme aux normes de tolérance du Ministère des Transports ou de la ville de Montréal.

[25]         À tout événement, le Tribunal préfère la mesure effectuée par Mathieu Meunier aux estimations fournies par Louisbourg, puisque l'expertise de Meunier portait précisément sur l'asphalte qui a été installé chez monsieur Deroy.

[26]         D'un côté, nous avons donc un ouvrage qui n'est pas conforme aux termes du contrat intervenu entre les parties et, de l'autre, une surface pavée en bon état après trois (3) ans, que monsieur Deroy est en mesure d'utiliser quotidiennement et pour laquelle il n'a, à ce jour, rien déboursé, mais dont on dit que la durabilité sera amputée d'un tiers et présentera éventuellement des signes de faiblesse.

Les prétentions des parties :

            1)         La demanderesse :

[27]         Pour la demanderesse, jurisprudence à l'appui [1] , même une obligation de résultat ne donne pas nécessairement droit à la reprise des travaux en cas de non-conformité. Pour elle, l'entrée résidentielle en litige n'est pas un « ouvrage » au sens du Code civil du Québec , en ce sens qu'elle n'est pas soumise à la garantie contre la perte de l'ouvrage (article 2118 C.c.Q). Seule la garantie contre les malfaçons (article 2120 C.c.Q.) peut s'appliquer, si tant est qu'il y ait malfaçon, ce qui est nié. De toute façon, si malfaçon il y a, celle-ci n'était ni cachée ni dénoncée préalablement et en temps utile à la demanderesse.

2)         Le défendeur :

[28]         Pour le défendeur, nous sommes en présence d'un contrat d'entreprise dont il importe peu de déterminer s'il s'agit d'un « ouvrage » au sens de l'article 2118 du Code civil du Québec . Les obligations contractuelles de la demanderesse sont déterminées par l'article 2100 du Code civil du Québec. Il s'agit d'une obligation de résultat, dont on ne peut se soustraire qu'en prouvant force majeure. Dans les circonstances, l'exception d'inexécution devrait s'appliquer, faute de délivrance, et il y a lieu à la remise en état des parties. Il réfère également à la Loi sur la protection du consommateur [2] , ainsi qu'aux témoignages de monsieur Deroy et de l'expert Meunier. De plus, flairant la mauvaise foi dans la défense reconventionnelle de la demanderesse, il réclame ses frais d'avocats et d'experts.

[29]         Chacune des parties dépose plusieurs autorités à l'appui de ses prétentions.

3)         La défenderesse en garantie :

[30]         Quant à l'action en garantie, elle ne fait l'objet d'aucune argumentation particulière de Pavage, étant essentiellement subsidiaire. En défense, Louisbourg oppose à Pavage le même défaut de dénonciation que Pavage reproche à Deroy. Elle attire l'attention du Tribunal sur le fait que les symptômes prévus par l'expert peuvent résulter tant du problème d'épaisseur que de la qualité du mélange bitumineux, et soutient que le bitume fourni était conforme aux normes de tolérance acceptées dans l'industrie. Elle souligne ne pas être tenue de fournir la meilleure qualité, bien qu'elle reconnaisse ne pouvoir offrir la plus mauvaise (article 1563 C.c.Q.).

Le droit applicable :

[31]         Pour le Tribunal, il apparaît clair que les premières dispositions législatives qui régissent cette affaire sont celles de la Loi sur la protection du consommateur . À son article 2, cette loi prévoit son application à tout contrat conclu entre un consommateur et un commerçant et «  ayant pour objet un bien ou un service  ». Il est indéniable que Pavage est un commerçant en semblable matière et que Deroy est un consommateur agissant pour ses fins privées. Le contrat d'asphaltage doit être considéré comme un contrat de service soumis à cette loi, comme ce fut le cas dans l'affaire Fernandes (SJ Paysagiste, s.e.n.c.) c. Gendron [3] de cette Cour.

[32]         En considérant le dossier sous cet angle, la question du choix entre la garantie contre la perte de l'ouvrage et celle contre les malfaçons, avec les exigences y relatives en matière de dénonciation, est moins déterminante. Il s'agira d'examiner les dispositions du contrat en cause à la lumière des dispositions obligatoires de la Loi sur la protection du consommateur .

[33]         Pour le Tribunal, cela est conforme à la jurisprudence de cette Cour.

Les motifs :

[34]         Quelle que soit la façon dont on qualifie les obligations de l'entrepreneur Pavage, le contrat P-3 est clair. Il prévoit l'installation d'une couche d'asphalte d'un grade particulier, EB10-S, à une épaisseur prédéterminée, 50 mm. Qu'une obligation de résultat résulte de ce contrat ou de la loi est peu contesté. L'article 40 de la Loi sur la protection du consommateur prévoit «  qu'un bien ou un service fourni doit être conforme à la description qui en est faite dans le contrat  ». Si on considère le contrat en litige comme impliquant la vente d'un bien, celui-ci doit également être tel «  qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable [4]  … »

[35]         La preuve est claire: l'expertise de Mathieu Meunier démontre que le revêtement bitumineux du défendeur n'atteint pas 50 mm sur toute sa superficie, pas même en moyenne. L'enrobé bitumineux fourni est de qualité inférieure à celle promise. Il en résulte que l'ouvrage est promis à une durée utile moindre, soit une dizaine d'années plutôt que quinze.

[36]         La responsabilité à l'égard du manque d'épaisseur est attribuable à la demanderesse, d'autant plus que cette insuffisance résulte vraisemblablement d'une erreur de mesure de sa part, sans intervention de monsieur Deroy. La responsabilité de l'enrobé bitumineux échoit également à la demanderesse, du moins à l'égard du défendeur Deroy.

[37]         Cela étant, la question qui demeure est celle de savoir si le travail de la demanderesse doit être arraché sans égard à sa valeur résiduelle, à celle des travaux de préparation ou à l'existence d'autres solutions possibles.

[38]         À nouveau, la Loi sur la protection du consommateur recèle des réponses. L'article 272 de cette loi édicte les conséquences d'un manquement du commerçant à l'une des obligations qu'elle prescrit. Il existe six (6) possibilités, qui vont de la réduction de l'obligation à la résiliation, la résolution ou la nullité du contrat, en passant par l'exécution forcée par le commerçant ou par un tiers.

[39]         Le défendeur Deroy réclame la résolution du contrat et la remise en état des parties. Il soutient que l'inexécution est à ce point grave qu'elle équivaut à un défaut de délivrance. Il réclame même compensation pour les dommages qu'il subit des procédures judiciaires, tant la demanderesse lui apparaît de mauvaise foi. En toute cohérence avec cette position, il n'a rien payé à la demanderesse depuis l'exécution des travaux en avril 2010.

[40]         Avec respect, le Tribunal ne partage pas son opinion.

[41]         Depuis 2010, en dépit des manquements contractuels de la demanderesse, le défendeur bénéficie d'une entrée de cour de belle apparence, demeurée intègre après trois (3) ans. La détérioration annoncée par l'expert Meunier n'a pas commencé à se manifester. Les seuls éléments observables actuellement s'étaient déjà manifestés en 2010 et la situation ne semble pas s'être dégradée. Pas de fissure, pas d'ornière, pas de nouvelle rétention d'eau.

[42]         Le Tribunal n'est pas prêt à considérer que ce travail est si mal fait qu'il n'a et n'a jamais eu aucune valeur. Le défendeur profite et continuera de profiter pendant quelques années, à en croire l'expert, d'un ouvrage identique à celui qu'il aurait si la qualité de la couche asphaltique et son épaisseur atteignaient les exigences du contrat.

[43]         La demanderesse a bien proposé des travaux correctifs dont la nécessité est douteuse, mais le défendeur n'a rien voulu savoir. C'était son droit. Mais en refusant à la fois toute solution proposée par la demanderesse et le paiement de quelque montant que ce soit, le défendeur s'est mis dans une position vulnérable tant à l'égard de son devoir de minimisation des dommages qu'à l'égard des procédures judiciaires qui ne manqueraient pas d'être prises contre lui.

[44]         N'aurait-il payé que 5 % de la facture qu'il aurait bénéficié de la juridiction des petites créances de cette Cour. Amputée en conséquence de sa réclamation pour frais d'avocats, sa demande reconventionnelle aurait également facilement pu être présentée devant cette division.

[45]         Il n'a pas été l'unique artisan de son propre malheur, mais il y a contribué largement. Dans un tel contexte, il n'est pas très étonnant que la demanderesse ait, après deux (2) ans, interrompu les communications pour prendre action contre lui.

[46]         Dans les circonstances, le Tribunal choisit la solution de l'article 272 c) de la Loi sur la protection du consommateur, soit la réduction de l'obligation du consommateur, plutôt que celle préconisée par le défendeur.

[47]         Cette approche donne un résultat très similaire à celui obtenu dans l'affaire 3870797 Canada inc. c . 9064-1622 Québec inc. [5] de cette Cour, dont les faits s'approchaient grandement de ceux sous étude. Dans cette affaire, l'honorable Georges Massol n'a pas utilisé les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur en raison de la qualité des parties en présence. Le Tribunal n'a toutefois aucune hésitation à déclarer que, en complément à la Loi sur la protection du consommateur , il pourrait reprendre à son compte le raisonnement et les dispositions soulevées par le juge Massol. Il en viendrait exactement aux mêmes conclusions. Ses commentaires quant à l'attitude du défendeur et aux lacunes dans sa dénonciation des malfaçons sont tous aussi pertinents. Le non-respect du contrat selon l'article 40 de la Loi sur la protection du consommateur a, dans la présente affaire, le même effet que la non-atteinte de l'obligation de résultat édictée à l'article 2100 du Code civil du Québec .

[48]         L'application de l'article 272 c) de la Loi sur la protection du consommateur donne un résultat semblable à l'utilisation de l'article 1604 du Code civil du Québec , qui prévoit également la réduction proportionnelle de l'obligation corrélative, dans le cas d'un défaut de peu d'importance.

[49]         Bref, que ce soit en matière de protection du consommateur ou en droit civil général, des règles similaires s'appliquent et conduisent à la même solution.

Les dommages :

[50]         Il reste à quantifier tout cela. Bien qu'il soit tentant de réduire la facture d'un tiers pour tenir compte de la diminution de vie utile de l'ouvrage, le Tribunal n'entend pas se diriger dans cette voie. Cette évaluation demeure une question d'opinion, et il est probable que les dernières années voient la situation se dégrader plus rapidement selon l'expert Meunier. De plus, le contrat créait une obligation de résultat qui n'a pas été respectée et la Loi sur la protection du consommateur est une loi d'ordre public, dont la contravention ne doit pas être de peu de conséquence.

[51]         Utilisant son pouvoir discrétionnaire, le Tribunal réduit de moitié l'obligation de monsieur Deroy et accordera 50 % de la réclamation, soit la somme de 3 668,44 $.

La demande reconventionnelle :

[52]         La réclamation pour l'enlèvement de l'asphalte a été réglée par les motifs qui précèdent. Elle sera donc refusée.

[53]         Quant aux frais d'avocat, le Tribunal réfère à ses commentaires précédents sur la contribution du défendeur à son propre malheur. Bien qu'il n'ait pas été particulièrement impressionné par la preuve en défense reconventionnelle concernant le prétendu agrandissement de la zone des travaux par le défendeur au moment de l'exécution de ceux-ci, il n'en tient pas rigueur à la demanderesse.

[54]         En effet, l'erreur sur les mesures initiales de la superficie à couvrir n'a été dévoilée qu'au procès. Entre-temps, compte tenu des pièces déposées au dossier, il n'est pas étonnant que la demanderesse ait vu dans l'augmentation de la surface à traiter une explication de l'amincissement de la couche asphaltique. Elle s'est contentée de bien peu dans la preuve de cette augmentation, en présentant comme témoin monsieur Renaud Lévesque plutôt que le rédacteur du contrat Denis Perras, mais le Tribunal n'estime pas que l'attitude de la demanderesse atteigne le niveau exigé par la Cour d'appel dans l'arrêt Viel [6] pour l'attribution des frais d'avocat. Quant aux frais d'expertise, le Tribunal préfère en disposer au chapitre des dépens.

[55]         Pour tous ces motifs, la demande reconventionnelle sera rejetée.

L'action en garantie :

[56]         L'action en garantie étant exclusivement reliée à la demande reconventionnelle, le rejet de celle-ci doit en toute logique entraîner celui de la première.

Les dépens :

[57]         Le Tribunal a entendu une preuve répartie sur deux journées pour cette réclamation principale d'un peu plus de 7 000 $ et une demande reconventionnelle d'un peu moins de 12 000 $. Bien que le Tribunal n'ait pas de raison de s'éloigner de la règle générale de l'attribution des frais contre la partie qui succombe dans le dossier principal, il n'attribuera les frais que dans ce dossier, vu le caractère mitigé du résultat pour chaque partie. La demande reconventionnelle et la demande en garantie seront sans frais. De plus, compte tenu de l'utilité de l'expertise déposée par le défendeur, notamment eu égard à la responsabilité contractuelle de la demanderesse, le Tribunal en attribuera une partie, jusqu'à un maximum de 1 000 $, au défendeur.

Par ces motifs, le Tribunal:

[58]         ACCUEILLE en partie l'action de la demanderesse Pavage des Moulins inc.;

[59]         CONDAMNE le défendeur Pierre Deroy à payer à la demanderesse la somme de 3 668,44 $, avec intérêts au taux légal de 5% et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec , et ce à compter du 11 mai 2012, date de réception de la mise en demeure P-2;

[60]         CONDAMNE le défendeur Pierre Deroy aux dépens sur la demande principale;

[61]         AUTORISE le défendeur Pierre Deroy à déduire des dépens le moindre des montants suivants: 1 000 $ ou le montant des dépens;

[62]         REJETTE la demande reconventionnelle du défendeur Pierre Deroy sans frais;

[63]         REJETTE la demande en garantie de la demanderesse Pavage des Moulins inc. contre la défenderesse en garantie Louisbourg SBC, société en commandite, sans frais.

 

 

 

__________________________________

Denis Lapierre, j.C.Q.

 

Me Jean-Philippe Lemire

Procureur de Pavage des Moulins inc.

 

Me Pierre-Édouard Asselin

Procureur de Pierre Deroy

 

Me Marcel-Éric Luft

Procureur de Louisbourg SBC , société en commandite

 

 

Date d’audience :

14 et 15 mars 2013

 



[1]     Groulx et al. c. Habitation unique Pilacan inc . et al. (C.A., 2007-09-26), 2007 QCCA 1292 , SOQUIJ AZ-50452136 , J.E. 2007-1880 , EYB 2997-124477

[2]     LRQ c. P-40.1

 

[3]     Fernandes (SJ Paysagiste, s.e.n.c.) c. Gendron (C.Q., 2011-05-04), 2011 QCCQ 4603 , SOQUIJ AZ-50752852 (juge Chantal Sirois)

[4]     Article 38 de la Loi sur la protection du consommateur

[5]     3870797 Canada inc . c. 9064-1622 Québec inc. (C.Q., 2013-01-09), 2013 QCCQ 335, SOQUIJ AZ-50931017 , EYB 2013-217299 (juge Georges Massol)

[6]     Viel c. Entreprises immobilières du terroir ltée (C.A., 2002-05-08 (jugement rectifié le 2002-10-22)), SOQUIJ AZ-50124437 , J.E. 2002-937 , [2002] R.J.Q. 1262 , [2002] R.D.I. 241 (rés.), [2002] R.R.A. 317 (rés.)