TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt :

2013-1530

 

Date :

20 décembre 2012

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

Jacques Larivière

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SYNDICAT DES SALARIÉS(ES) DE LA FROMAGERIE (CSD)

           Ci-après « le syndicat »

 

et

AGROPUR, COOPÉRATIVE AGRO-ALIMENTAIRE

 

Ci-après « l’employeur »

 

 

Plaignant :

Syndicat

 

Griefs :

 

n os 1207 - suspension / 1208 - congédiement

 

 

 

 

Convention collective 

SYNDICAT DES SALARIÉS(ES) DE LA FROMAGERIE (CSD) et AGROPUR, COOPÉRATIVE AGRO-ALIMENTAIRE en vigueur du 24 juillet 2007 au 23 juillet 2014

 

 

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SENTENCE ARBITRALE

 

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[1]          Les deux griefs du salarié Réal Janelle, cariste, déposés 21 avril 2011, contestent, respectivement, une suspension temporaire aux fins d’enquête survenue le 13 avril 2012 et un congédiement imposé le 21 avril 2011.

[2]          La présente sentence répond à une demande de précisions formulée par la partie syndicale à l’égard des motifs invoqués par l’employeur au soutien du congédiement du salarié.

[3]          La fin d’emploi est justifiée par la teneur de l’avis reçu le 21 avril 2011 du directeur de production de la fromagerie de Granby, Sylvain Bergeron :

Objet : Congédiement

Monsieur Janelle,

La présente fait suite aux évènements survenus dans la nuit du 12 avril dernier. Vous avez tenu un langage inapproprié et vulgaire envers votre supérieur immédiat. De plus, vous avez argumenté sans aucune raison ses directives de travail en plus de ne pas les accomplir. L'ensemble des évènements survenus lors de votre quart de travail nous démontre un manque flagrant de sérieux envers votre emploi, de l'insubordination envers votre supérieur immédiat de même qu'une attitude négative et contestataire. En raison de la gravité de la situation, vous avez été suspendu pour fin d'enquête dès le 13 avril.

Lors de notre rencontre du 19 avril 2011, nous vous avons posé plusieurs questions afin, de tenter de comprendre la situation et votre comportement lors de cette nuit-là. Votre version de la situation est contradictoire avec les faits évoqués par Monsieur Chouinard. De plus, des preuves, nous démontrent que vous avez menti lors de cette enquête puisque vos propos sont contraires à nos faits.

L'étude de votre dossier nous confirme, sans aucun doute, une problématique majeure au niveau de votre comportement, attitude et assiduité au travail. En effet, vous avez récemment été discipliné pour diverses raisons et nous avons dû vous suspendre à plusieurs reprises. La mesure disciplinaire datée du 3 juin dernier en est la preuve et fait état de l'ensemble de votre dossier des derniers mois. Enfin, il vous a clairement été spécifié dans cette mesure que toute récidive entraînera votre congédiement immédiat.

Notre patience envers vous à (sic) atteint sa limite. Le lien de confiance entre un employeur et son employé se doit d'exister et malheureusement, l'ensemble des actions des derniers mois à (sic) rompu définitivement ce lien.

En raison de l'ampleur de votre dossier disciplinaire, de votre comportement inacceptable du 12 avril dernier de même que la perte du lien de confiance, nous mettons fin à votre lien d'emploi en date du 13 avril 2011.

[4]            Le 21 mars 2012, la procureure du syndicat fait parvenir au procureur de l’employeur une requête pour précisions dans laquelle elle explique ceci :

[...]

Plus particulièrement, l'employeur allègue au premier paragraphe de la lettre de congédiement que monsieur Janelle aurait « tenu un langage inapproprié et vulgaire ». À cet égard, nous désirons savoir quel est le langage tenu ou quels sont les propos reprochés à monsieur Janelle?

Toujours au premier paragraphe de la lettre de congédiement, l'employeur allègue que monsieur Janelle aurait « argumenté sans aucune raison ses directives de travail en plus de ne pas les accomplir ». Quelles sont les directives de travail qui auraient été argumentées et n'auraient pas été accomplies par monsieur Janelle?

Quant au deuxième paragraphe de la lettre de congédiement, l'employeur affirme que la version de la situation de monsieur Janelle est « contradictoire avec les faits invoqués par monsieur Chouinard ». Nous aimerions savoir en quoi la version des faits soumise par monsieur Janelle est-elle contradictoire avec les faits invoqués par monsieur Chouinard ?

Nous vous prions de nous faire part de ces précisions d'ici le 27 mars 2012 et ce, afin que nous puissions préparer le témoignage de monsieur Janelle le 28 mars 2012 lors de notre rencontre prévue à cet effet. À défaut, nous présenterons une requête en précisions à l'audience du 4 avril prochain et nous demanderons à l'arbitre d'ordonner à l'employeur de fournir ces précisions et ce, avant de débuter l'audition du présent dossier.

[5]            Le procureur de l’employeur répond à sa collègue le 3 avril 2012 affirmant que l’avis la lettre de congédiement est suffisamment détaillée pour permettre au plaignant et à son syndicat de connaître ce qui lui est reproché et de lui assurer ainsi la possibilité d’offrir une défense pleine et entière.

[6]            À l’audition du 4 avril 2012, le procureur de l’employeur annonce son intention de présenter une preuve dans le but de démontrer que les précisions recherchées sont inutiles tenant compte des faits qui se sont déroulés à la connaissance du plaignant à l’époque des événements reprochés. Un report de l’audience est autorisé dans le but de permettre au procureur de l’employeur de présenter cette preuve.

La preuve de l’employeur

[7]            L’audition de la requête pour précisions se poursuit le 24 octobre 2012. À cette occasion, le procureur de l’employeur, avec le consentement de la partie syndicale, dépose des documents tirés d’un dossier de demande de prestations d’assurance emploi formulée par le plaignant à la suite de son congédiement. Il s’agit de la transcription de son témoignage du 29 juin 2011 devant le Conseil arbitral de l’assurance-emploi et de la décision favorable au prestataire rendue le même jour.  

[8]            Il est utile de mentionner que les représentants de l’employeur ne se sont pas présentés devant le Conseil arbitral qui a entendu la version du salarié et de ses représentants syndicaux. Après avoir rapporté les déclarations écrites de l’employeur versées au dossier de la demande de prestations, l’instance administrative déclare être en présence de versions contradictoires lui permettant, conformément à la jurisprudence pertinente, d’accorder au réclamant le bénéfice du doute.

[9]            Dans son témoignage devant le Conseil arbitral, le salarié rapporte et commente divers incidents survenus depuis le printemps 2010 jusqu’à l’époque de son congédiement à la suite d’incidents survenus le 12 avril 2011 en mentionnant également l’existence d’autres griefs ayant cependant fait l’objet de règlements à l’amiable. Il décrit l’atmosphère régnant dans le département de production du fromage où il est assigné et les relations, selon son point de vue, difficiles et conflictuelles qui prévalaient à l’intérieur de l’usine entre les salariés, leur syndicat et les contremaîtres.

[10]         Également, le salarié nie les faits qui lui sont reprochés dans la lettre de congédiement du 21 avril 2011 en laissant transparaître une connaissance précise de ce qui lui est reproché.

[11]         En effet, en ce qui concerne le langage inapproprié et vulgaire, il nie devant le Conseil arbitral avoir dit à son contremaître qui lui donnait comme directive d’aller peser une série de contenants que les travailleurs identifient comme des « S », que « les « S », il pouvait se les mettre dans le cul ».

Représentations de la partie syndicale

[12]         La procureure du syndicat craint que l’employeur cherche à prendre le plaignant par surprise. Elle veut s’assurer que la preuve de l’employeur consistera seulement aux faits mentionnés dans l’avis de congédiement. Elle reconnaît ne pas s’intéresser aux moyens de preuve qui pourraient être employés par le procureur de l’employeur, mais seulement aux faits pertinents.

[13]         C’est pourquoi elle désire connaître avant l’audition les paroles reprochées au salarié et les directives qu’on lui reproche d’avoir transgressées.

[14]       Elle invoque le droit en matière d’arbitrage de grief à une défense pleine et entière et cite au soutien de ses prétentions la jurisprudence suivante :

1. Celanese Canada inc. et Syndicat des employés de Celanese (CSN). Cols Bleus , T.A., 19 février 1998, Me Jean-Pierre Lussier, AZ-98141101 ;

2. Les Métallurgistes unis d'Amérique, local 7785 et Caradon Indalex, division de Caradon Limitée , T.A., 26 juin 2000, Me Carol Jobin, AZ-00141235 ;

3. Fédération de la santé et des services sociaux (CSN) et Centre de réadaptation Dollard-Cormier , T.A., 27 janvier 2010, Claude H. Foisy, AZ-50626679 ;

4. Vidéotron ltée et Syndicat des employé(e)s de Vidéotron ltée (SEVL) et Daniel Lapierre , T.T., 18 mai 2007, Me Serge Brault, AZ-50439306 ;

5. Société de transport de Laval et Syndicat des chauffeurs de la société de transport de Laval (CSN) et Mario Genest, T.A., 26 mars 2007, Me François Blais, AZ-50424134 ;

6. Syndicat de l'enseignement de Champlain et Commission scolaire Marie-Victorin , T.A., 13 février 2011, Me Jean-Pierre Villaggi;

7. Société des auteurs de radio, télévision et cinéma et Verseau International Inc. / 9043-9282 Québec Inc. et Association des producteurs de films et de télévision du Québec , T.A., 26 mars 2003, Marie-France Bich, AZ-50169387 .

Représentations de la partie patronale

[15]       Le procureur de l’employeur fait valoir que la convention collective est tout à fait silencieuse sur la teneur d’un avis disciplinaire et que la lettre du 21 avril 2011 est suffisamment explicite pour permettre au salarié de comprendre qu’il a été congédié pour ses propos désobligeants à l’endroit d’un supérieur, pour son refus d’obéir aux directives qu’il recevait de celui-ci et qu’il n’avait pas dit la vérité lorsqu’on lui a demandé sa version à l’égard de ces reproches.

[16]       L’employeur n’est jamais obligé de donner le contenu des témoignages qui seront éventuellement présentés à l’audition pas plus que leur interprétation comme le demande la partie syndicale.

[17]       Comme le laissent voir les propos tenus par le plaignant devant le Conseil arbitral de l’assurance emploi, le salarié connaît très bien l’objet précis des reproches qui lui sont adressés en raison de son comportement du 12 avril 2011 et qui est à la source des mesures disciplinaires qu’il conteste maintenant.

[18]       Comme le plaignant nie spécifiquement avoir prononcé les paroles que l’employeur juge vulgaires et déplacées, c’est qu’il les connaît très bien. Il décrit largement dans son témoignage devant la Conseil arbitral de l’assurance emploi tous les éléments de sa confrontation avec son supérieur immédiat. Il sait très bien qu’il a contrevenu à l’ordre reçu en réaction aux propos de son supérieur. Tout illustre une volonté de contester l’autorité.

[19]       Le procureur de l’employeur souligne qu’en matière d’arbitrage de grief, il ne faut pas commettre l’erreur de se coller aux règles de la procédure civile. Au cours de l’audition, l’arbitre doit toujours évaluer la pertinence des faits rapportés qui n’ont pas à être entièrement divulgués à l’avance à l’autre partie.

[20]       De plus, le salarié ne peut pas feindre l’ignorance à l’égard de ce qui lui a été reproché. Il s’en est défendu en donnant sa propre version des incidents en l’absence des représentants de l’employeur. Son droit à une défense pleine et entière n’est donc pas en cause.

[21]       Le procureur de l’employeur juge les précisions recherchées inutiles et les allégations de la lettre de congédiement sont déjà très explicites. Dans le cadre d’une procédure d’arbitrage, l’employeur n’a pas à se lier les mains en admettant comme le suggère la procureure du syndicat que la preuve portera uniquement sur les faits connus et perçus par le salarié comme le laisse entrevoir son témoignage devant le Conseil arbitral.

[22]       Il nous invite à prendre en compte la jurisprudence suivante :

Groupe pages jaunes cie et Syndicat des employé(e)s professionnels-les et de bureau, section locale 574 , arbitre Jacques Doré, décision rendue le 19 avril 2007, SA 07-04025;

Union des chauffeurs de camion, homme d’entrepôt et autres ouvriers, Teamsters-Québec, Section locale 106 , arbitre Jean-Pierre Tremblay, décision rendue le 8 octobre 2001, références non fournies;

Les produits chimiques Handy ltée. et L’Union des routiers, brasseries, liqueurs douces et ouvriers de diverses industries, local 1999 (Teamsters), arbitre Richard Marcheterre, décision rendue le 26 janvier 2000, SA-5191;

Morin et Blouin avec la collaboration de Jean-Yves Brière et Jean-Pierre Villagi, Droit de l’arbitrage de grief , 6e édition, Les Éditions Yvons Blais, 2012 , page 377, VI.8.

Discussion et décision

[23]       L’avis de congédiement du 21 avril 2011 décrit plusieurs comportements ayant incité l’employeur à conclure au congédiement du plaignant, à savoir :

1-     les évènements survenus dans la nuit du 12 avril 2011 comprenant un langage inapproprié et vulgaire envers votre supérieur immédiat, une contestation des directives de travail du supérieur immédiat et un refus d’obéir;

2-     un manque flagrant de sérieux envers son emploi, de l'insubordination envers votre supérieur immédiat, une attitude négative et contestataire;

3-     un manque de franchise au moment de l’enquête sur les événements précédemment reprochés;

4-     de manière générale, un comportement, une attitude et une assiduité au travail médiocre.

[24]       Par ailleurs, la partie syndicale prétend avoir le droit d’obtenir des précisions sur trois (3) des principales remontrances formulées au salarié :

1.     quels sont les propos reprochés à monsieur Janelle;

2.     quelles sont les directives de travail contestées par le salarié et qu’il a refusé d’accomplir;

3.     en quoi la version du salarié est contradictoire avec celle de son supérieur immédiat.

[25]       La jurisprudence qui nous a été citée par les deux parties ne manque pas de distinguer entre les règles très élaborées de la procédure civile de celles plutôt minimalistes prévalant en matière d’arbitrage de grief. Toutes ces règles se fondent sur un principe de justice reconnaissant aux parties le droit à une défense pleine et entière de manière à permettre une audition juste et équitable.

[26]       Les demandes de précisions formulées dans un contexte d’arbitrage de grief doivent toujours être examinées en tenant compte de ce principe qui doit être conjugué avec la souplesse procédurale voulue par le législateur en cette matière sans compter l’obligation de l’arbitre de grief de se soumettre à la volonté des parties lorsqu’elles décrivent dans la convention collective la procédure de grief.

[27]       Dans le présent cas, les parties n’ont pas jugé utile de prévoir dans leur convention collective de travail le contenu d’un avis de congédiement. D’ailleurs, l’avis écrit n’est même pas obligatoire selon la clause 19.03 de la convention collective :

Aucune plainte, avis ou mesure disciplinaire ne pourra être invoqué contre un salarié si les faits qui lui sont reprochés datent de plus de douze (12) mois. L’Employeur, s’il décide de donner un avis écrit, doit le faire dans les quatorze (14) jours qui suivent la commission de l’offense ou de la prise de connaissance des faits. À défaut de le faire dans ce laps de temps, l’avis écrit est considéré nul et non avenu.

[28]       Cette clause ne peut pas brimer le droit à une audition de grief juste et équitable et, même en l’absence d’avis écrit, le salarié doit savoir ce qui lui est reproché. L’employeur a l’obligation de lui fournir suffisamment d’informations pour être en mesure d’assurer sa défense. Il est généralement reconnu que ce droit ne comprend pas l’obligation pour l’employeur de faire connaître les moyens de preuve qu’il entend déployer, le nom des témoins qu’il se propose de faire entendre et les arguments à l’appui de la thèse qu’il défend.

[29]       Ici, nous sommes loin des débats portant sur la délicate distinction entre la notion de « faits » et de « motifs » à l’origine d’une sanction disciplinaire et devant être dévoilés dans un avis écrit remis au salarié au moment de l’imposition de la mesure comme le prévoient maintes conventions collectives. Cependant, ce n’est pas parce que l’employeur ne s’est pas engagé dans la convention collective à fournir par écrit les faits constitutifs du reproche qu’il peut se soustraire de toute obligation permettant d’assurer un débat équitable.  

[30]       Également, ce n’est pas la connaissance par le salarié de certains évènements susceptibles de lui être préjudiciables qui importe, mais bien ce que l’employeur en retient dans le but de justifier le bien-fondé de son intervention disciplinaire.

[31]       Les auteurs Morin et Blouin n’adoptent pas, selon nous, une position ferme sur le droit d’obtenir des précisions à l’égard des motifs justifiant une sanction disciplinaire lorsqu’ils écrivent dans leur ouvrage Droit de l’arbitrage de grief ceci :

VI.8 Il (l’arbitre) lui faut savoir cependant si les précisions recherchées sont absolument nécessaires pour délimiter de façon relativement raisonnable la problématique particulière que la partie adverse entend traiter en vue d’étayer ses prétentions en droit. Il serait alors possible que le requérant puisse aussi convaincre l’arbitre du grief qu’il n’a pu en raison de la non-fourniture de ces éléments, se préparer de façon intelligente à l’exercice de son droit de défense. p. 377.

[32]       L’arbitre François Blais dans l’affaire Société de transport de Laval citée par la procureure syndicale adopte sans réserve le point de vue de ces auteurs (à la page 19 de la sentence).

[33]       Selon nous, cette règle soulève la difficulté de délimiter à l’avance ce qui est absolument nécessaire de connaître avant même d’avoir pris connaissance de la preuve de ce qui constitue la problématique en cause. En réalité, seule la preuve à venir peut vraiment nous permettre de bien juger de la nécessité des précisions demandées et c’est pourquoi nous ne sommes pas favorable à l’idée de mettre de l’avant le critère de la démonstration d’une absolue nécessité d’obtenir des précisions. Il est préférable d’aborder l’étude d’une demande de précisions en se laissant guider par la nécessité de protéger une règle de justice fondamentale. C’est l’employeur qui sait pourquoi il a pris la décision de congédier un salarié et il doit le lui dire sans détour.        

[34]         Peu importe les déclarations du salarié devant le Conseil arbitral où l’employeur n’était pas présent, le plaignant a le droit de connaître les propos qui lui seront reprochés par l’employeur au moment de l’audition du grief. Ce n’est pas parce qu’il a témoigné de ce qu’il croyait qui lui était mis sur le dos que l’employeur est obligé de s’en tenir à cela. D’ailleurs, l’employeur serait mal venu de laisser entre les mains du salarié le choix des faits qu’il entend prouver à l’audition. Cela ne le dispense pas de fournir suffisamment de précisions pour s’assurer que le droit à une défense pleine et entière soit entièrement protégé et aussi pour contribuer au bon déroulement de l’audition du grief. 

[35]         L’avis de congédiement qualifie le langage employé par le plaignant, mais ne révèle pas en quoi consistent les propos inappropriés et vulgaires. Nous sommes d’opinion que les paroles employées par le plaignant et invoquées comme fondement à l’intervention disciplinaire de l’employeur doivent être révélées pour lui permettre d’assurer sa défense.

[36]         Il en est de même des directives de travail que le salarié aurait refusé d’exécuter ou remises en cause.

[37]         Ces aspects du comportement du salarié soutiennent en quelque sorte un troisième reproche plus général qui est celui de ne pas prendre son travail au sérieux et d’adopter une attitude généralement négative et contestataire. C’est une raison de plus pour préciser en quoi consistent les propos reprochés et les directives enfreintes par le plaignant.

[38]         En ce qui concerne maintenant la troisième partie des demandes de précisions, nous jugeons qu’elles ne sont d’aucune utilité. Chercher à savoir en quoi la version du plaignant est contradictoire avec celle d’un autre témoin éventuel est une question qui relève de l’argumentation au fond. Ce sera au soussigné de déterminer si les versions sont contradictoires. Pour le moment, l’employeur peut l’affirmer sans être obligé de plaider avant même la présentation de la preuve.

[39]         Nous croyons opportun d’ajouter que la procédure normale d’arbitrage de grief qui se veut souple et expéditive n’exige pas que les parties lient contestation sur les seuls faits allégués. La reconnaissance au profit du salarié du droit d’obtenir certaines précisions sur les reproches qui lui sont formulés ne porte aucunement atteinte à notre pouvoir de déterminer à l’audition la pertinence de la preuve portant sur les motifs du congédiement.

 

Par ces motifs

 

1. Ordonnons à l’employeur d’ici le 10 janvier 2013 au plus tard de faire connaître à la partie syndicale les paroles jugées inappropriées et vulgaires prononcées par le plaignant l’endroit de son supérieur immédiat à l’occasion des évènements survenus dans la nuit du 12 avril 2011;

2. Ordonnons à l’employeur d’ici le 10 janvier 2013 au plus tard de faire connaître à la partie syndicale les directives de travail reçues par le plaignant de son supérieur immédiat en précisant celles dont il a contesté ou argumenté le bien-fondé et celles qu’il a refusé d’accomplir à l’occasion des évènements survenus dans la nuit du 12 avril 2011;

3. Dispensons l’employeur de préciser en quoi la version des faits du plaignant serait contradictoire avec celle de son supérieur immédiat.

 

Shefford, le 20 décembre 2012

 

 

 

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Jacques Larivière, arbitre

 

 

 

Représentant du syndicat :

Maître Marie-Claude St-Amant 

 

Représentant de l’employeur :

Maître Alexis-François Charette

 

Date d’audition :                            24 octobre 2012