Section des affaires sociales
En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière
Référence neutre : 2013 QCTAQ 04834
Dossier : SAS-M-206786-1301
NATALIE LEJEUNE
c.
SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC
[1] Le requérant conteste la décision de l’intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec du 4 janvier 2013 qui lui impose une évaluation complète auprès de l’Association des Centres de réadaptation en dépendance du Québec, avant d’obtenir un nouveau permis de conduire.
[2] Au moment du dernier événement du 18 juillet 2008, le requérant consommait à l’occasion, mais depuis il a cessé. Il s’est écoulé 4½ ans entre l’arrestation et la déclaration de culpabilité.
Le requérant témoigne
[3] Lors des événements, il faisait de la moto et il toussait beaucoup, ce qui ne lui permettait pas de souffler dans l’appareil détecteur d’alcool (ADA). Les policiers ont jugé qu’il refusait de souffler alors que le requérant explique qu’il n’était pas capable.
[4] Lors de l’évaluation sommaire, il allègue avoir eu de la difficulté à comprendre quelques questions. Plusieurs prêtaient à confusion et ne s’appliquaient pas, selon le requérant, à sa situation.
[5] Au surplus, le requérant n’avait pas ses lunettes et il a dû requérir l’aide de l’évaluatrice pour « cliquer » les réponses pour lui. Il considère qu’avec 377 mois de conduite automobile, plusieurs questions sont un outrage. Une personne peut s’améliorer et changer avec le temps, inutile de tant revenir sur son passé.
[6] Il rappelle que la première arrestation il y a bien des années, s’est soldée par un acquittement.
[7] Un extrait du rapport d’évaluation sommaire se lit comme suit :
« Il s’agit ici d’une deuxième arrestation, à vie, pour conduite avec facultés affaiblies pour monsieur. Celle-ci est survenue le 18 juillet 2008 et son taux d’alcoolémie est inconnu car selon monsieur, il n’aurait pas été capable de souffler afin de subir l’alcootest et les policiers auraient alors émis un refus. Monsieur aurait pris 1 consommation dans un resto-bar et aurait été arrêté pour excès de la limite de vitesse. Il a été reconnu coupable de conduite ou garde d’un véhicule lorsque la capacité de conduire est affaiblie par l’effet de l’alcool le 17 septembre 2012. Selon monsieur, il aurait subi une première arrestation pour conduite avec facultés affaiblies en 1982 environ. Monsieur ne se souvient plus des détails de cette arrestation, ni du taux d’alcoolémie qui y était associé. Actuellement, 3 points d’inaptitude sont inscrits à son dossier de conduite pour 2 infractions d’excès de la limite de vitesse. Monsieur cumule 377 mois d’expérience de conduite et n’a plus de permis valide actuellement, donc aucun épisode de conduite n’est rapporté dans les 35 derniers jours. »
(Reproduit tel quel)
L’évaluatrice Josée Champagne témoigne à son tour
[8] Depuis 2010, elle a réalisé près de 600 évaluations. Au 1 er juillet 2012, l’intimée a changé le protocole pour cibler davantage les personnes à risque de récidive. Les différentes étapes sont plus élaborées et peuvent prendre jusqu’à 2 heures pour être complétées.
[9] Il y a 11 facteurs évalués, dont 10 sont contributifs.
[10] Madame Champagne explique que dans le cas du requérant 4 facteurs ont contribué à l’échec.
[11] Comme requis par le Code de la sécurité routière [1] , le requérant s’est soumis à une évaluation sommaire le 12 décembre 2012 et l’a échouée. Les habitudes de consommation et les facteurs de récidive ont été jugés à risque. Ce processus est imposé au requérant à la suite de sa déclaration de culpabilité du 3 mars 2006 pour avoir conduit avec les facultés affaiblies.
[12] Le requérant conteste ces résultats puisqu’il n’a pas bien compris certaines questions et qu’il a dû se faire aider à quelques reprises. Avec l’investissement personnel que cela requiert, il ne veut pas être obligé de recommencer. Il reconnaît que les réponses aux évaluations sont les siennes.
[13] Le fardeau de la preuve appartient au requérant et il ne l’a pas rencontré.
[14]
À la suite d’une déclaration de culpabilité le 17 septembre 2012 pour
une infraction à l’article
[15] Cette infraction au Code criminel a amené l’intimée à suspendre le droit du requérant d’obtenir un permis de conduire, même restreint, jusqu’au 17 décembre 2012.
[16] Des conditions particulières s’appliquent en pareil cas à l’obtention du nouveau permis, tel que l’énonce l’article 76, alinéa 4, paragraphe 2, du Code de la sécurité routière, dont les extraits pertinents se lisent comme suit :
« 76. Aucun permis ne peut être délivré à une personne dont le permis a été révoqué ou dont le droit d’en obtenir un a été suspendu à la suite d’une déclaration de culpabilité pour une infraction à l’article 180 avant l’expiration d’une période d’un, de trois ou de cinq ans consécutive à la date de la révocation ou de la suspension selon que, au cours des dix années précédant cette révocation ou cette suspension, elle s’est respectivement vu imposer aucune, une seule ou plus d’une révocation ou suspension en vertu de cet article.
(…)
Dans le cas où l’infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension en est une visée au paragraphe 4 o du premier alinéa de l’article 180, les conditions additionnelles suivantes s’appliquent à la délivrance du nouveau permis :
(…)
2 o si, au cours des dix années précédant la révocation ou la suspension, la personne s’est vu imposer une ou plusieurs révocations ou suspensions en vertu du paragraphe 4 o du premier alinéa de l’article 180, elle doit alors satisfaire, au moyen d’une évaluation complète, à l’exigence énoncée au sous-paragraphe b) du paragraphe 1 o . [2] »
[17] Conformément à l’article 76, le requérant s’est soumis à une évaluation sommaire. La conclusion fut de recommander qu’il se soumette à une évaluation complète afin de s’assurer que ses habitudes de consommation d’alcool ne soient pas incompatibles avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.
[18] Cette condition d’une évaluation complète est requise par la décision de l’intimée du 4 janvier 2013 que le requérant conteste.
[19] Le rôle du Tribunal consiste à s’assurer que les différentes étapes du processus de l’évaluation sommaire ont été correctement appliquées et qu’il n’y existe aucune erreur de nature à l’invalider. Les changements apportés au protocole et entrées en vigueur le 1 er juillet 2012, requièrent que les explications aux personnes concernées soient les plus claires possible. Les conséquences de l’échec sont importantes.
[20] Tel qu’il appert de la preuve au dossier, l’évaluation sommaire a été faite selon les normes, par une personne dûment habilitée en cette matière et aucune erreur déterminante n’a été relevée, que ce soit dans l’application des questionnaires ou l’interprétation des résultats.
[21] Le Tribunal ne peut que constater dans la présente affaire le respect d’un protocole standardisé strictement administré par une personne qualifiée et auquel a collaboré honnêtement le requérant.
[22] Les dispositions du Code de la sécurité routière citées plus haut sont impératives et d’intérêt public. Le requérant devait démontrer au terme de l’évaluation sommaire que son rapport à l’alcool ne compromet pas la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.
[23] Le requérant a échoué et une évaluation complète est requise afin d’approfondir la question du rapport à l’alcool et qu’il bénéficie d’un plan d’encadrement personnalisé.
[24] Pour obtenir à nouveau un permis de conduire, le requérant doit maintenant passer l’étape de l’examen plus exhaustif de son comportement face à l’alcool que constitue l’évaluation complète.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
- REJETTE le recours du requérant et interdit de divulguer, publier ou autrement utiliser les renseignements relatifs à l’évaluation sommaire.
Me Mario Forget
Procureur de la partie intimée
/jj