Ghantous c. Construction Katasa 2010 inc.

2013 QCCQ 4145

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

HULL

LOCALITÉ DE

GATINEAU

« Chambre civile »

N° :

550-32-019629-119

 

 

 

DATE :

26 avril 2013

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

RÉAL R. LAPOINTE, J.C.Q.

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PHILIPPE-ALBERT GHANTOUS, […], Gatineau, (Québec)  […]

Partie demanderesse

c.

CONSTRUCTION KATASA 2010 INC., 223, rue St-Rédempteur, Gatineau, (Québec)  J8X 4H1

Partie défenderesse

 

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JUGEMENT

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[1]            Le recours du demandeur est fondé sur un écrit intitulé «  Entente de réservation  » lequel document porte la date du 24 novembre 2010.

[2]            Le document est signé par le demandeur et par un employé de la défenderesse, ces deux étant qualifiés respectivement d’ «  acquéreur  » et de «  témoin  ».

[3]            La pièce en question porte sur «  … l’option d’acheter l’unité d’habitation résidentielle désignée comme le numéro 603 du projet de copropriétés divises à être créé, portant le nom … sur le terrain…  ».  (sic)  On y précise la superficie brute et la conformité avec un plan annexé.

[4]            Le prix de l’unité est de 209 900 $.

[5]            On peut y lire que «  le promettant acquéreur dépose la somme de 6 300 $ à titre de dépôt de réservation qui sera détenu en son nom, en fidéicommis par Me…  » et qui s’appliquera sur le prix d’achat de l’unité.

[6]            Il y a une clause à l’écrit qui prévoit que «  le vendeur se réserve le droit de considérer si le nombre de réservations… justifie le début des travaux pour le projet  ».

[7]            Cette clause de dédit  n’a plus son incidence, le promoteur, qui à l’écrit se désigne comme le vendeur, ayant construit l’immeuble et vendu les nombreuses unités.

[8]            Il appert de la preuve que le prix convenu reflète le montant demandé à une grille dénombrant les unités, leur superficie, le nombre de chambres, la valeur marchande et «  le prix réduit  » en date de l’entente.

[9]            La preuve démontre que 15 jours après la signature de l’entente l’unité de condominium visée ne figurait plus dans les plans du promoteur.

[10]         À compter de cette date diverses négociations sont engagées afin de remplacer l’unité par une autre dans une nouvelle entente.  Mais les parties ne réussirent pas à s’entendrent.  L’acompte fut restitué au demandeur.

[11]         Il ressort de la preuve que dans les faits, l’unité en question fut finalement construite malgré les hésitations de la défenderesse.  Mais elle fut l’objet d’une entente avec un tiers qui fit l’acquisition de plusieurs unités de condo.

[12]         La partie défenderesse demande le rejet du recours.  On souligne que l’entente n’est pas une offre d’achat; en effet au paragraphe 5 de l’entente intitulé «  Durée de l’option  » il est prévu : «  Si le vendeur décide de débuter les travaux, le promettant acquéreur devra dans les 15 jours de la réception de l’avis signer une offre d’achat sur le formulaire…  ».  [le souligné est ajouté]  Ainsi, l’offre d’achat proprement dite ne viendrait que dans un deuxième temps.

[13]          Aussi, en défense on insiste que le représentant de l’entreprise n’était pas habilité à engager celle-ci.  C’est pourquoi il signait comme témoin et non comme représentant autorisé.  Seules trois personnes dans la direction de l’entreprise auraient pu s’engager pour elle, soutient-on.

Analyse

[14]         À l’examen, il ressort que le document en question a été préparé par le promoteur et il ne laisse aucune place à la négociation, surtout que la preuve démontre que le prix demandé fut celui convenu.

[15]         Et, rien à l’entente ne prévoit que le promoteur n’est pas lié par l’entente ou que celle-ci doive être ratifiée par un dirigeant quelconque ultérieurement.  Elle n’est conditionnelle qu’à la réalisation du projet.  Dans un tel contexte il est facile de voir chez le représentant en question, toute l’autorité voulue pour présenter les plans des unités, les listes de prix, remettre l’entente de réservation et recevoir l’acompte du demandeur.  À l’écrit, rien ne restreint expressément le rôle du représentant; surtout qu’on ne fait aucunement mention d’une acceptation ultérieure par la défenderesse. 

[16]         L’autre partie identifiée comme étant «  l’acquéreur  » se lie résolument aux conditions prévues par le promoteur. Et elle met en jeu un acompte, une forte somme d’argent qui s’appliquera au prix d’achat.

[17]         Il est prévu que si celle-ci refuse de signer le contrat préliminaire le vendeur pourra considérer l’entente de réservation résiliée et garder à titre de dommages et intérêts liquidés au sens de l’article 1623 C.c.Q., cinquante pour cent de l’acompte versé.

[18]         En finale, le caractère de l’entente se veut une offre de contracter au sens de l’article 1396 C.c.Q. qui se lit comme suit :

«  L'offre de contracter, faite à une personne déterminée, constitue une promesse de conclure le contrat envisagé, dès lors que le destinataire manifeste clairement à l'offrant son intention de prendre l'offre en considération et d'y répondre dans un délai raisonnable ou dans celui dont elle est assortie.

 

La promesse, à elle seule, n'équivaut pas au contrat envisagé; cependant, lorsque le bénéficiaire de la promesse l'accepte ou lève l'option à lui consentie, il s'oblige alors, de même que le promettant , à conclure le contrat, à moins qu'il ne décide de le conclure immédiatement  ».   [le souligné est ajouté]

[19]         Or, les parties à «  l’entente  » se sont obligées par un avant-contrat.  La promesse unilatérale présentée par le promoteur-offrant est devenue une promesse bilatérale lorsque le destinataire de l’offre s’obligeait par l’acceptation pure et simple de l’offre.

[20]         L’inexécution par le promoteur de son obligation de conclure un contrat subséquent donne ouverture à des dommages-intérêts.

[21]         La question des dommages n’a pas fait l’objet d’une démonstration étoffée.

[22]         Le Tribunal ne peut conclure comme le voudrait le demandeur qu’il a droit en dommages à l’accroissement de l’appréciation de la valeur de l’unité entre le moment de l’offre et celui du recours.

[23]         Il y a lieu d’observer que le demandeur s’engageait comme il en témoigne, dans une démarche à caractère spéculatif par laquelle il cherchait à faire fructifier ses avoirs.

[24]         Les agissements de la défenderesse ont fait qu’il n’a pu participer au projet qu’il ciblait.  Il a néanmoins pu conserver ses liquidités et sa capacité financière pour d’autres projets financiers ou immobiliers aussi rentables.

[25]         Il y a lieu de reconnaître qu’il a néanmoins subi un revers par la faute de la défenderesse.   Le demandeur avait consacré temps et énergie à sélectionner le projet en cause avec l‘aide d’un collègue.  Et par la suite il effectuera les démarches requises afin d’obtenir l’approbation de sa banque comme demandé.  Il a aussi participé à de nombreuses négociations et échanges de courriels dans le but d’obvier aux agissements de la défenderesse et dans celui de minimiser ses dommages.

[26]         Le Tribunal exerce sa discrétion judiciaire et lui octroie 3 000 $ en dommages généraux.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la réclamation;

CONDAMNE la défenderesse à payer la somme de 3 000 $;

LE TOUT avec frais.

 

 

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Réal R. Lapointe, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

15 avril 2013