TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

n/d  2011-01

 

 N o de dépôt : 2013-2710

Date :

7 février 2013

 

____________________________________________________________________________________

 

DEVANT L’ARBITRE :

Me Bernard Lefebvre

 

 

Syndicat des employés(es) manuel(les) de la Ville de Terrebonne section locale 1009 (SCFP)

                                                                                                                             « le syndicat »

Et

 

Ville de Terrebonne                                                                                                                                                                                                               

 

                                                                                                                              « l’employeur »

 

 

 

 

Grief :

10-32

4 août 2010

 

 

 

 

Convention collective :

2008 - 2011

 

SENTENCE ARBITRALE

 

[1]           Le 4 août 2010, des pompiers de la Ville de Terrebonne procèdent au nettoyage de l’étang des moulins. Le syndicat prétend que ce travail relève de la juridiction et de l’accréditation des cols bleus et que le nettoyage effectué par les pompiers viole la convention collective (cc) en général et la disposition 2.02 cc en particulier.

 

[2]           Prenant fait et cause de ses membres, le syndicat dépose un grief en vertu duquel il réclame la cessation de cette pratique. Le grief du 4 août 2010 se lit ainsi:

 

« Dossier 10-32 …

Tous les employés visés

Département : Entretien du territoire

Date de l’événement : 4 août 2010

LITIGE

La ville de Terrebonne viole la convention collective des cols bleus (AM-1005-2534) et la juridiction de ces derniers en faisant effectuer, par des pompiers, des travaux relevant de l’accréditation des cols bleus (nettoyage de l’étang des moulins) ».

 

[3]           La nature et la portée des termes « juridiction » et « accréditation », évoqués dans le grief ci-dessus, se rattachent à la disposition 2.02 cc libellée ainsi:

 

« Article 2 Reconnaissance et juridiction syndicale

 

2.02 Les personnes exclues de l’unité de négociation ne remplissent aucun emploi régi par la présente convention ou par le certificat d’accréditation, à l’exception des bénévoles, qui peuvent être utilisés, comme par le passé, pour l’organisation des manifestations sportives ou culturelles sans but lucratif. Cependant, lesdits bénévoles n’utiliseront pas les équipements motorisés de la ville.

Les personnes exclues de l’unité de négociation ne remplissent aucun emploi régi par la présente convention et n’exécutent aucune tâche ou fonction normalement effectuée par un membre de l’unité de négociation, à l’exception des appariteurs-concierges qui n’effectuent du travail que dans le cadre de ce qui est prévu à la lettre d’entente No 5 apparaissant en annexe de la convention collective .»

 

[4]           Selon le syndicat, les termes « juridiction » et « accréditation », de la disposition 2.02 cc, contiennent la nature et les caractéristiques de la fonction : « Ouvriers de parc » [1] , dont les titulaires ont nettoyé l’étang des moulins en tout temps.

 

[5]           L’employeur admet que des pompiers ont nettoyé l’étang des moulins, le 4 août 2010, sans enfreindre pour autant la convention collective, puisque, aux termes du deuxième alinéa de la disposition 2.02 cc, les personnes exclues de l’unité de négociation peuvent exécuter une tâche ou une fonction que n’effectuent pas normalement les cols bleus en général et les ouvriers de parcs en particuliers, comme c’est le cas du nettoyage de l’étang des moulins accompli le 4 octobre 2010.

 

I. LA PREUVE

 

[6]            Les parties admettent au départ que la disposition 2.02 cc a été introduite dans une  convention collective antérieure et que sa portée se limite à régler l’attribution des tâches et fonctions dévolues aux membres de l’unité d’accréditation des cols bleus, au regard des autres employés de l’employeur. Pour reprendre les termes de l’arbitre F. Hamelin [2] , la disposition 2.02 cc concerne le « contracting in » et non pas le « contracting out ».

 

[7]           Le syndicat produit M. Martin Lanciault, qui travaille à la Ville depuis 1990, d’abord en qualité d’ouvrier de parcs et, depuis 2001, à titre de chauffeur C affecté au département de l’hygiène du milieu.

 

[8]           M. Lanciault dépose une photo de l’étang des moulins et il s’y réfère pour décrire la configuration de ce lieu dans le paysage de la Ville. L’étang ponctue le secteur «Vieux-Terrebonne» de la Ville. Un cours d’eau alimente l’étang en amont et une écluse règle le débit du courant en aval, où une grille retient les débris de grosse dimension. Un sentier longe l’étang et un débarcadère sert pour la fin à laquelle il est destiné. La photo montre une borne-fontaine installée près du débarcadère. Cette borne-fontaine en est une du réseau de l’aqueduc de la Ville.

 

[9]            À la fin du printemps et au cours de l’été, des branchailles et divers débris jonchent ici et là le dessus de l’étang; des algues parsèment le fond dont les pousses ondulent à la surface, et des sédiments en suspension dans l’eau se déposent graduellement dans le fond, alors que le courant libère le milieu du plan d’eau.

 

[10]        M. Lanciault affirme avoir procédé au nettoyage de l’étang à tous les étés durant la période où il travaillait en qualité d’ouvrier de parcs. Il effectuait ce nettoyage à quatre occasions au cours de l’été, soit une fois dans un temps concomitant à la Fête nationale (Saint-Jean-Baptiste) et les autres fois au cours du mois d’août, dans le but de soulever les sédiments couvrant le fond de l’étang vers la surface et les repousser vers le milieu où le courant entraîne le tout en aval.

 

[11]        À ces fins, M. Lanciault couplait un boyau sur une prise d’eau de la borne fontaine située à proximité de l’étang et il dirigeait le jet d’eau sortant sous pression vers l’étang afin de le débarrasser des débris de toutes sortes et des algues, du moins des pousses d’algues.

 

[12]        M. Lanciault ne procède plus au nettoyage de l’étang depuis son assignation comme chauffeur au département de l’hygiène du milieu, c’est-à-dire, depuis 2001. Cependant, il se rend régulièrement à l’étang des moulins dans l’exercice de ses fonctions de chauffeur. Il atteste que le 4 août 2010 est la seule fois où il a vu les pompiers nettoyer l’étang.   

  

[13]        L’employeur contre interroge M. Lanciault au sujet du procédé utilisé dans son temps pour nettoyer l’étang. Il utilisait un boyau de 1½ pouce de diamètre; le jet d’eau refoulait les pousses d’algues, les branchailles et les sédiments vers le milieu de l’étang où le courant emportait le tout vers l’écluse et la grille.

 

[14]         M. Lanciault affirme n’avoir jamais vu aucun pompier nettoyer l’étang au cours de sa carrière d’ouvrier de parcs, c’est-à-dire, de 1990 à 2001.

 

[15]        L’employeur produit M. Jacques Bérubé, directeur du service incendie depuis le mois de mars 2008, dont l’embauche remonte au mois de juin 1986 dans un poste de pompier. De 1986 à 2008, M. Bérubé a occupé divers postes au service incendie.

 

[16]        Le directeur Bérubé raconte le contexte du nettoyage de l’étang des moulins effectué par les pompiers le 4 août 2010. Au matin de ce jour-là, le directeur général de la ville demande à M. Bérubé si l’équipement du service incendie est disponible pour nettoyer l’étang des moulins afin de donner suite à une ou des plaintes de citoyens et citoyennes, contre des odeurs nauséabondes qui en émanent.

 

[17]        En ce mois d’août 2010, la ville a décrété une période de restriction d’utilisation de l’eau du réseau d’aqueduc et a limité l’arrosage au maximum, partout sur son territoire. C’est aussi un mois de festivités.

 

[18]        M. Bérubé assure le directeur général de la Ville de la disponibilité des équipements du service incendie appropriés au nettoyage en profondeur de l’étang, c’est-à-dire : une pompe portative à débits variables reliée au camion incendie, des boyaux ajustés au fonctionnement de la pompe et des pompiers affectés à cette fin.

 

[19]        La pompe portative utilise l’eau de l’étang en circuit fermé: un boyau est couplé à la pompe dont l’extrémité est déposée dans l’étang. La pompe aspire l’eau de l’étang via ce boyau et refoule cette eau dans un autre boyau couplé à la sortie de la pompe. Ainsi, le nettoyage de l’étang se fait sans solliciter le réseau d’eau de la Ville.

 

[20]         La pompe refoule l’eau dans le boyau à plus ou moins 100 livres de pression, alors que l’eau sort de la borne-fontaine à plus ou moins 40 livres de pression. Aussi, le jet d’eau propulsé par la pompe atteint rapidement le fond de l’étang et déracine ainsi les algues.

 

[21]        M. Bérubé atteste de la nécessité d’utiliser la pompe portative et non pas le réseau d’eau de la ville pour nettoyer l’étang en la manière demandée par le directeur général de la ville.

 

[22]        M. Bérubé certifie qu’une personne ne peut opérer adéquatement la pompe portative, sans avoir reçu au préalable une formation afférente au contrôle de la pression et au maniement des boyaux.

 

[23]        M. Bérubé est formel : il a procédé au nettoyage de l’étang une première fois en 1994 alors qu’il occupait le poste de lieutenant du service incendie et l’opération du 4 août 2010 était identique à celle-là. Il a procédé à d’autres nettoyages de l’étang des moulins dont celui effectué avant l’année 2010, dans le cadre d’une activité, plus précisément à l’occasion d’un concours d’une course de canards.

 

[24]        En fin d’interrogatoire, M. Bérubé souligne la rareté de la pompe portative sur le marché: il précise le contenu de la formation donnée au pompier qui opère la pompe portative aspirante foulante, à savoir, le positionnement approprié à la maitrise du boyau, et, il explique la signification de la restriction de l’utilisation de l’eau du réseau de la Ville, imposée citoyens au mois d’août 2010.

 

[25]        Le contre interrogatoire de M. Bérubé porte en premier lieu sur la directive de l’utilisation d’eau en période de restriction et M. Bérubé admet que celle décrétée au mois d’août 2010 n’est pas unique en son genre.

[26]        S’il n’y a pas restriction de l’utilisation d’eau du réseau, la Ville émet toutefois une consigne d’arrosage restreint durant la période du 15 mai au 15 octobre de chaque année. M. Bérubé ajoute que la directive du 4 août 2010 émanait du bureau du maire et non pas d’un autre palier décisionnel, par exemple : une régie inter municipale.

 

[27]         M. Bérubé décrit ensuite les festivités du mois d’août 2010 dans le Vieux-Terrebonne pour aborder l’organisation du travail des pompiers affectés au nettoyage de l’étang des moulins dans l’éventualité où un incendie se serait déclaré dans le même espace de temps. Dans ce cas, les pompiers nettoyant l’étang et l’équipement du service incendie sur place auraient été dépêchés au combat de l’incendie mais, tant l’équipement que la brigade seraient revenus à l’étang une fois l’incendie éteint.

 

[28]        En dernier lieu, M. Bérubé reconnait que les pompiers n’ont pas reçu une formation spécifique sur la façon de dégager les algues de l’étang.

 

[29]        Le ré interrogatoire de M. Bérubé permet à celui-ci d’expliciter la formation donnée aux pompiers au regard du fonctionnement de la pompe portative et du maniement des boyaux couplés à cette pompe.

 

II. PLAIDOIRIE

 

A) Arguments du syndicat

 

[30]         La question est celle de savoir si l’employeur pouvait utiliser les pompiers pour accomplir un travail normalement effectué par les cols bleus.

 

[31]        Or, la disposition 2.02 cc répond à cette question. Le premier alinéa et le deuxième alinéa de cette disposition se lisent ensembles. L’un dans l’autre, les deux alinéas signifient que l’employeur ne peut confier à des personnes exclues de l’unité de négociation des cols bleus un travail normalement effectué par des membres de cette unité, sauf les exceptions énumérées dans ces deux alinéas, qui ne s’appliquent pas en l’espèce.

 

[32]        En droit du travail, on nomme « contracting in » la condition de travail énoncée à la disposition 2.02 cc [3] et l’application de ses termes implique que l’employeur convient, pendant la durée de cette convention, de faire accomplir par des salariés membres de l’unité de négociation des cols bleus le travail normalement accompli par ceux-ci.

 

[33]        La preuve indique que le nettoyage de l’étang est un travail effectué régulièrement par les cols bleus de 1994 à 2001 ainsi qu’en 2010 et ce travail est en tout point conforme avec la nature et les caractéristiques de la fonction « Ouvriers de parcs ».

 

[34]          Il est évident que le travail inhérent à l’emploi de pompier est le combat d’incendie et non pas de nettoyer l’étang des moulins. Partant de cette évidence, si une alarme de feu s’était déclenchée le 4 août 2010 durant l’exécution du nettoyage de l’étang, les pompiers y affectés auraient eu l’obligation de quitter ce lieu et de se rendre combattre l’incendie alors que le déclenchement de l’alarme incendie n’aurait pas empêché les cols bleus de continuer le nettoyage de l’étang si l’employeur leur avait confié cette tâche.

 

[35]        Il suit que le nettoyage de l’étang des moulins relève des cols bleus et le nettoyage  effectué par les pompiers le 4 août 2010 viole la convention collective (cc) en général et la disposition 2.02 cc en particulier.

 

[36]        Le syndicat demande donc à l’arbitre d’accueillir le grief du 4 août 2010.

 

B) Arguments de l’employeur

 

[37]        D’entrée de jeu dans sa plaidoirie, l’employeur souligne à l’arbitre deux considérations qui ne seraient pas sans effet sur l’appréciation de la preuve syndicale.

 

[38]        En premier, aucune preuve syndicale n’établit que les pompiers n’ont pas nettoyé l’étang des moulins après l’année 2001 et, deuxièmement, il n’y a pas de preuve que les cols bleus n’ont pas eu connaissance que les pompiers n’ont pas nettoyé cet étang durant les années 1994 et 2001.

 

[39]        Il suit d’une part que la question de savoir si les pompiers ont nettoyé l’étang des moulins durant ces périodes découle du témoignage de M. Bérubé et d’autre part, le grief en question doit être tranché en fonction des caractéristiques et du contexte ayant donné lieu au nettoyage de l’étang des moulins, que la Ville a dû effectuer le 4 août 2010.

 

[40]        L’employeur a établi que, le 4 août 2010, le nettoyage de l’étang des moulins consistait à extirper les algues enracinées dans le fond; que le service incendie possédait les équipements afférents à cet ouvrage, c’est-à-dire : une pompe portative exerçant la pression requise à ce que le jet d’eau qui sort du boyau déracine les algues du fond de l’étang; que le boyau couplé à la pompe supporte la pression d’eau, et, que les cols bleus n’ont jamais manipulé ce genre de pompe et de boyaux.

 

[41]        Ainsi, la preuve soutient la position de l’employeur que ce sont les pompiers qui ont nettoyé l’étang des moulins en profondeur depuis 1994.

 

[42]         Par ailleurs, le 4 août 2010, la Ville a décrété une restriction d’eau sur tout son territoire. Ainsi, le nettoyage de l’étang des moulins via une borne fontaine aurait sollicité indûment l’aqueduc de la Ville sans atteindre pour autant la fin requise par la direction, alors que la pompe portative atteint cette fin sans solliciter le réseau d’eau public.

 

[43]        En définitive, la preuve établit la réalité suivante : le travail normalement accompli par les cols bleus consiste à nettoyer la surface de l’étang et non pas le fond.

 

[44]        L’employeur conclut que le nettoyage de l’étang des moulins effectué par les pompiers le 4 août 2010  ne viole pas la convention collective.

 

III. ANALYSE ET DÉCISION

 

[45]        Convenons dès l’abord que le nettoyage de l’étang des moulins effectuée en la manière de M. Lanciault en tout temps pertinent en l’espèce, n’est ni une fonction, ni une tâche inhérentes à l’emploi de pompier. Cette tâche est donc normalement effectuée par un salarié régi par la convention collective des cols bleus. La preuve indique que, en l’occurrence,  cette tâche est dévolue à l’ouvrier de parcs.

 

[46]        La question est de savoir si le nettoyage de l’étang des moulins effectué le 4 août 2010 est une fonction ou une tâche normalement effectuée par un ouvrier de parcs.

 

[47]        L’intérêt de cette question est manifeste puisque la disposition 2.02 cc, pose le principe du non transfert d’une tâche normalement effectuée par un salarié régi par la convention collective à une personne exclue de l’unité de négociation des cols bleus ( contracting in ).

 

[48]        Il suit de la disposition 2.02 cc que l’employeur peut transférer à une personne exclue de l’unité de négociation des cols bleus une tâche ou une fonction qui n’est pas normalement effectuée par un salarié régi par la convention collective.

 

[49]        La question de savoir si le nettoyage de l’étang effectué le 4 août 2010 est une tâche ou fonction qui n’est pas normalement effectuée par un membre de l’unité de négociation dépend de la nature et de la portée du libellé du deuxième alinéa de la disposition 2.02 cc que nous répétons pour commodité :

 

« 2.02 Les personnes exclues de l’unité de négociation ne remplissent aucun emploi régi par la présente convention et n’exécutent aucune tâche ou fonction normalement effectuée par un membre de l’unité de négociation, … »

 

[50]        Sur ce point, le témoignage de M. Bérubé établit que les cols bleus n’ont jamais effectué le nettoyage de l’étang des moulins en la manière exécutée par les pompiers le 4 août 2010. Mais ce n’est pas suffisant pour conclure que ce nettoyage soit une tâche ou une fonction qui n’est pas normalement effectuée par un membre de l’unité de négociation des cols bleus.

 

[51]        En effet, du point de vue d’une application fonctionnelle du Manuel conjoint de la classification et de la description des fonctions, ( le Manuel ) qui fait partie intégrante de la convention collective, la nature et les caractéristiques d’un emploi consistent non seulement à inclure les tâches et fonctions énumérées dans la description d’un emploi mais aussi « tout travail connexe ou inférieur demandé par son supérieur » (cf. Nature et caractéristiques de la fonction Ouvriers de parcs ).

 

[52]        Ainsi, si le nettoyage de l’étang effectué le 4 août 2010 est un travail connexe à la nature et aux caractéristiques de la fonction « Ouvrier de parcs », devons-nous pour autant considérer ce nettoyage comme une …

 

« tâche ou fonction normalement effectuée par un membre de l’unité de négociation … » (2.02, 2 e al.)

 

[53]        Comme  le Manuel fait partie de la convention collective et que les dispositions de la convention collective s’interprètent …

 

« les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble du contrat » (art. 1427 C.c.Q.)

 

[54]        … l’arbitre peut interpréter l’expression …

« tâche ou fonction normalement effectuée par un membre de l’unité de négociation »

 

[55]        … comme étant d’application reliée à la durée de la convention collective et non pas se rapportant uniquement au passé.

 

[56]          Enfin, le fait que le supérieur de l’ouvrier de parcs n’ait pas demandé à un titulaire de cette fonction d’effectuer le nettoyage de l’étang des moulins le 4 août 2010 n’entraîne pas nécessairement l’exclusion de cette tâche de cette fonction.

 

[57]        Alors, le nettoyage de l’étang des moulins effectué le 4 août 2010, est-il une tâche ou une fonction connexe à un emploi « col bleu », dont l’ouvrier de parcs, en l’occurrence, afin de déterminer, le cas échéant, si ce nettoyage est une …

 

« une tâche ou une fonction normalement effectuée par un membre de l’unité de négociation » ( cf. 2.02, 2 e al .)

 

[58]        Examinons les faits.

 

[59]        Il est évident que le nettoyage de l’étang des moulins ne pouvait pas ne pas se faire le 4 août 2010. On convient sans peine que l’étang des moulins doit être agréable à la vue et à l’odorat. D’ailleurs, Festivités obligent. Il découle de la preuve que ce nettoyage devait être exécuté le plus rapidement possible. Pourquoi avoir attendu au 4 août 2010 avant de s’exécuter? On ne sait pas.

 

[60]        Or, la photo de l’étang des moulins, déposée en preuve, montre un étang recouvert de pousses d’algues à fleur d’eau sur une grande surface. D’où, selon la preuve, la provenance d’odeurs nauséabondes dont se sont plaints des citoyennes et des citoyens. Force est donc de conclure à la nécessité d’extirper la plante à sa racine afin de rendre ce lieu agréable à l’œil et odorant durant un bon bout de temps. On conçoit que l’ouvrier de parcs soit potentiellement capable d’exécuter cette tâche. Mais la question n’est pas là. Encore faut-il que l’outillage connexe à cette extirpation fasse partie de son équipement de travail et qu’il en ait une bonne connaissance technique et pratique.

 

[61]        La preuve prépondérante établit que la pompe portative utilisée par les pompiers le 4 août 2010 est le seul outil approprié à l’extirpation de la plante à sa racine que l’employeur a en sa possession.

 

[62]        Cette pompe ne fait pas partie de l’équipement des cols bleus et, sans m’aventurer en dehors des considérations des parties, l’arbitre peut affirmer que la convention collective ne donne pas le droit à ceux-ci d’obliger l’employeur de leur donner une formation sur un équipement qu’ils n’utilisent pas dans l’exercice normal de leurs fonctions.

 

[63]         L’arbitre peut inférer de la preuve que l’utilisation de l’eau via la borne fontaine aurait sollicité le réseau d’aqueduc de la Ville plus longtemps que celui pris par les pompiers pour nettoyer l’étang des moulins le 4 août 2010.

 

[64]        Ceci étant, la preuve de l’état de l’étang des moulins le 4 août 2010 supporte la thèse de la nécessité de nettoyer cet étang en profondeur le plus rapidement possible. La pompe portative aspirante et refoulante utilisée par les pompiers était l’équipement approprié à cette fin.

 

[65]        En conclusion, les cols bleus n’étaient pas équipés pour nettoyer l’étang des moulins, le 4 août 2010, selon les contraintes du moment. Le nettoyage de cet étang, effectué par les pompiers le 4 août 2010, n’est pas une tâche ou une fonction connexe au travail de l’ouvrier de parcs et n’est pas normalement effectuée par un membre de l’unité de négociation des cols bleus, au sens de la disposition 2.02 cc.

  

V. DISPOSITIF

 

[66]        Pour tous ces motifs, le tribunal rejette le grief du 4 août 2010.

 

[67]        Ainsi décidé le 7 février 2013.

 

                                                                                           

                                                                                        Me Bernard Lefebvre

 

 

Pour le syndicat :

 

 Mme Chantale Bourgeois

 

Pour l’employeur :

 Me Mario Lavoie

 

 

Annexe de la sentence arbitrale du 7 février 2013

Ville de Terrebonne et SCFP sl 1009, grief 10-32, 4 août 2010

Titre   Ouvriers de parcs  Classe 7

NATURE ET CARACTÉRISTIQUES DE LA FONCTION:

Travaux comportant l'entretien de parcs, jardins, terrains de jeux, bâtiments municipaux et autres espaces libres ainsi que l'exercice d'une certaine surveillance sur le public usager ainsi que l'exécution de tâches variées se rapportant à l'entretien des plantes, fleurs, arbustes et arbres dans les rues, parcs et espaces verts. Le travail requiert l'exécution de tâches simples, variées dans le domaine de la menuiserie, de la peinture, etc ..

Le travail s'accomplit sous surveillance et selon de directives orales ou écrites. L'employé doit
maintenir en bon état les lieux qui lui sont confiés et effectuer les travaux relatifs à l'installation,
selon les activités prévues pour chaque saison. Il est tenu de veiller au bon ordre parmi le public
usager et de prendre les décisions de routine qui s'imposent afin de faire respecter les règlements en vigueur au service des parcs. Un employé de rang supérieur vérifie son rendement par des visites régulières sur les lieux de travail.

EXEMPLES DES TÂCHES ACCOMPLIES:

Coupe la (sic) gazon à l'aide de ciseaux, coupe-bordure mécanique, faux, tondeuse manuelle et
motorisé (sic), procède à la mise en place de plaque de gazon; passe le rouleau manuel ou motorisé servant à l'entretien des jardins et des parcs; procède à la plantation de fleurs, arbustes et voit à l'entretien de ces deniers (sic) (sarclage, arrosage).

Installe des balançoires, glissoires, arrêt-balles, clôtures, etc …

Exécute sporadiquement divers travaux simples de menuiserie, de peinture que requiert l'entretien des bandes de patinoires, les monte et les démonte selon les saison (sic) participe à l'exécution des divers travaux nécessaires pour l'opération des patinoires.

Passe le râteau et le rouleau manuel ou motorisé servant à l'entretien des terrains de tennis, arrose ces terrains, y installe les filets et rubans de lignes et les répare.

Nettoie les abreuvoirs.

Assume la surveillance dans les parcs, lorsque sur les lieux, édifices et terrains de jeux afin de
maintenir le bon ordre conformément aux règlements en vigueur; voit à assurer la sécurité des
enfants; fait respecter par le public la propriété de la Ville.

Aide à la transplantation; creuse et remplit les trous destinés à recevoir les arbres.  

Pose des tuteurs destinés à soutenir et à protéger les arbres.

Coupe les arbres, les branches au moyen de sécateurs et de scies.

Remplace les ampoules, réflecteurs, tubes fluorescents et fusibles défectueux dans les parcs,
bâtisses, rues.

Peinture, retouches (sic), répare sporadiquement et installe divers articles ou équipements tels: coffres, bancs, clôtures, manches d'outils, balançoires, glissoires, arrêt-balles, tuteurs, estrades et divers articles à l'extérieur aux terrains de jeux.

Guide les souffleuses pour le chargement de la neige.

Conduit et/ou opère, s'il ya lieu, un véhicule motorisé de la Ville de catégorie « C », nécessaire aux divers travaux.

Exécute divers travaux de préparation et d'entretien de terrains de balle, piste de courses, etc.;
trace les lignes blanches sur les terrains de sports.

Déblaie, durant l'hiver, les entrées de bâtisses, soit à la pelle ou à l'aide grattoir; sable ou sale les
entrées, chemins et allées.

Complète, s'il y a lieu, les formulaires requis dans l'exercice de ses fonctions et avise son supérieur de toute anomalie ou défectuosité.

Effectue tout travail connexe ou inférieur demandé par son supérieur ou son remplaçant.

QUALITÉS REQUISES;

Bonnes connaissances:

-          Des techniques, des pratiques et de l'outillage utilisés dans l'exercice de la fonction.

-          Des méthodes modernes d'entretien et de nettoyage.

-          Des règlements régissant les parcs municipaux et les places publiques.

-          De l'outillage et des matériaux utilisés pour différents travaux.

-          Des risques de la fonction et des méthodes préventives.

 

Habileté:

 

-          À exécuter divers travaux simples d'entretien et de réparation.

-          À se servir d'un outillage nécessaire au travail.

-          À maintenir l'ordre et à inspirer le respect de l'autorité.

-          À faire preuve de tact et de courtoisie.

-          À effectuer les travaux selon les règles de la fonction.

-          À conduire le véhicule concerné.

 

 

DEGRÉ MINIMUM D'INSTRUCTION ET D'EXPÉRIENCE:

 

Instruction: Savoir lire, écrire et parler le français.

 

Expérience: Quelques expériences pertinente (sic) à la fonction.

 

Autre: Posséder un permis de conduire valide et reconnu.

 

Note: Il est entendu que la description d'une fonction reflète les éléments généraux du travail

accompli et ne doit pas être considérée comme une description détaillé de toues (sic) les tâches à accomplir. Toutefois, la tâche ayant une influence sur l'évaluation de la fonction doit apparaître à la description.

 

 

 



[1] Description en annexe de cette sentence.

[2] Coorsh, division Multifoods Inc. et Union internationale des travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, FAT-COI-CTC, section locale 749, AZ-90141166 , Me F. Hamelin, cf. p. 44., voir aussi, Union internationale des travailleurs unis de l’alimentation et de commerce, section locale 405P et Les Aliments Lesters Ltée, 19 avril 2004, Me Nathalie Faucher, cf. p. 20.

 

[3] Supra note 2.