ARBITRAGE DE GRIEF EN VERTU DU CODE DU TRAVAIL DU QUÉBEC (L.R.Q., c. C -27)
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Nos de dépôt : 2013-4509 // 2013-4500 |
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ENTRE : |
CENTRE DE RÉADAPTATION EN DÉFICIENCE INTELLECTUELLE ET EN TROUBLE ENVAHISSANT DU DÉVELOPPEMENT (CRDITED) DE LA MONTÉRÉGIE-EST |
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L’ « EMPLOYEUR » |
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ET : |
SYNDICAT DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS DU CRDI MONTÉRÉGIE-EST (CSN) |
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LE « SYNDICAT » |
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GRIEFS
NOS : 4-2011-019, 2-2011-046, 2-2011-047,
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Contestation de déplacement illégal |
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SENTENCE |
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Tribunal : |
M. René Beaupré, cria |
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Comparution pour l’Employeur : |
Me Rhéaume Perreault,
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Comparution pour le Syndicat : |
Mme Élyse Gagnon
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Lieu de l’audience : |
Longueuil |
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Date de l’audience : |
8 janvier 2013 |
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Date de la sentence : |
12 avril 2013 |
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Dossier n o RB-1211-10002-GAS Sentence n° 172-13 |
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[1] Le tribunal est saisi de six griefs déposés par le Syndicat et cinq salariées [1] , des catégories 2 et 4 [2] , contestant la décision de l’Employeur de ne pas avoir respecté la convention collective à la suite du déplacement de ces dernières lors de la rénovation de leur service. L’Employeur conteste cette prétention et allègue qu’il a plutôt procédé à un changement de port d’attache pendant la durée des travaux de rénovation.
[2] En début d’audience, les parties reconnaissent que la procédure a été suivie et que le soussigné a pleine compétence pour présider la cause. Elles demandent au tribunal de rendre sentence sur le fond des griefs et de conserver compétence, le cas échéant, sur la fixation du quantum pouvant découler de sa décision.
[3] Le grief syndical est libellé de la manière suivante :
« En vertu de la convention collective, nous contestons la décision de l’employeur de procéder au déplacement de la résidence Dupré pour rénovation sans respecter la convention collective.
Nous réclamons immédiatement le respect de la
convention collective
»
[Reproduit tel quel]
[4] Les griefs des salariées sont tous rédigés de la même façon et, à titre d’exemple, celui déposé par Mme Bourque se lit ainsi :
« Par la présente, je désire contester la décision de l’employeur, de ne pas avoir respecté la convention collective concernant mon déplacement suite à la fermeture temporaire pour rénovation de mon service : la résidence Dupré.
Je demande que mes droits et privilèges prévus à la convention collective en matière de remboursement de frais de déplacement ainsi que du paiement du temps de déplacement supplémentaire me soit restitué.
Je demande donc :
- Le paiement des heures de déplacement supplémentaire entre mon port d’attache habituel (résidence Dupré) et la résidence Malo.
- Le paiement du kilométrage supplémentaire entre mon port d’attache habituel (résidence Dupré) et la résidence Malo.
-
ainsi
que tous les droits prévus à la convention collective et dédommagements pour
préjudices subis, incluant les dommages moraux et exemplaires, ainsi que le
préjudice fiscal, le tout rétroactivement avec les intérêts au taux prévu au
Code du travail, et sans préjudice aux autres droits dévolus. »
[Reproduit tel quel]
[5] La preuve est constituée, outre les documents déposés de part et d’autre, d’une série d’admissions préparées par les parties et du témoignage de Mme Lucie Bouthillette, travailleuse sociale, à la demande du Syndicat et de celui de Mme Micheline Dion, chef du Service des relations de travail et de la liste de rappel, à la demande de l’Employeur.
[6] Les admissions se lisent ainsi :
1. Les parties reconnaissent que la procédure a été suivie et que l’arbitre, Monsieur René Beaupré, a pleine compétence pour présider la cause;
2. Les parties s’entendent pour plaider les griefs sur le fond et demandent à l’arbitre de conserver sa juridiction pour la fixation de quantum, si nécessaire;
3. Le CRDITED est un établissement public du réseau de la santé et des services sociaux. Il offre des services spécialisés d’adaptation et de réadaptation aux personnes présentant une déficience intellectuelle (DI) ou un trouble envahissant du développement (TED), de même que des services de soutien et d’accompagnement à l’entourage (famille, proches, partenaires, milieux de vie) de ces personnes sur le territoire de la Montérégie Est;
4. Le Syndicat représente des personnes salariées des catégories 2, 3 et 4;
5. Le CRDITED, dans certaines situations, effectue des déménagements notamment d’unité résidentielle afin de procéder à des rénovations ou à des réaménagements de ses effectifs et/ou de ses opérations;
6. Le différend entre les parties porte sur le déménagement et la réaffectation de tous les clients, les équipements et le personnel de la résidence Dupré dans une autre bâtisse;
7. La résidence Dupré était située au 200, rue Dupré à Belœil, et les clients, les équipements et le personnel ont été déménagés temporairement au 2625, rue Malo, Brossard (résidence Malo) pour effectuer des rénovations pour une période se situant entre le 15 mars 2011 et le 16 octobre 2011. La distance séparant les deux résidences est approximativement de vingt-six (26) kilomètres;
8. Le CRDITED a fait parvenir une lettre aux personnes salariées touchées par ce déménagement le 21 février 2011. Dans cette lettre, il était question du déménagement temporaire de la résidence Dupré à la résidence Malo à partir du 15 mars, tel qu’il appert des lettres déposées en annexe pour valoir comme si récité;
9. Le CRDITED a également fait parvenir une lettre au Syndicat, le 4 mars 2011, pour l’informer de la situation, tel qu’il appert de la lettre déposée en annexe pour valoir comme si récité;
10. Les personnes salariées qui ont été visées par ce déménagement sont : Claudiane Coutu-Arbour, Joëlle Boissonnault, Nathalie Bourque, Stéphanie Verner et Marie-Pier Levasseur, Étienne Smith, Annie Lemaître, Brigitte Rivest, Véronique Champoux, Isabel Bourgon, Isabelle Faucher, Karine Thivierge, Kathleen Royer et Vanessa Lamothe. Parmi ces salariés, seuls ceux mentionnés au paragraphe 15 ont formulé un grief;
11. Toutes les personnes salariées, sauf Marc Béland, ont accepté volontairement d’aller travailler à la nouvelle résidence temporaire située à Belœil. Marc Béland a, pour sa part, décidé librement de prendre un congé sans solde à ses frais;
12. Outre le lieu de travail, les conditions de travail des personnes salariées visées n’ont aucunement changé. Il n’y a eu aucun changement de statut ou de poste;
13. À aucun moment, avant ce déménagement temporaire, les parties ont négocié ou échangé sur les modalités entourant celui-ci;
14. Le 21 mars 2011, le Syndicat a fait un grief afin de contester le déménagement de la résidence Dupré. Cette position est vigoureusement contestée par le CRDITED;
15. En octobre 2011, les griefs suivants ont été déposés par certaines des personnes salariées visées par le déménagement : 4-2011-101 (Marie-Pier Levasseur), 4-2011-033 (Claudiane Coutu-Arbour), 2-2011-047 (Joëlle Boisonneault), 2-2011046 (Nathalie Bourque), 2-2011-052 (Stéphanie Verner). Tous les griefs réclament le paiement des heures de déplacement supplémentaire ainsi que le paiement du kilométrage supplémentaire entre le port d’attache habituel et la résidence Malo. Encore une fois, tous ces griefs sont vigoureusement contestés par le CRDITED;
16. La position du CRDITED est notamment qu’il peut, en vertu de son droit de gérance, changer le port d’attache des personnes salariées, et ce, conformément aux dispositions locales et nationales et à la pratique passée;
17.
La
prétention du Syndicat est à l’effet que le CRDITED contrevient à l’article
5.02 4) des dispositions locales parce que la fermeture temporaire de la
résidence Dupré a excédé le quatre (4) mois prévus, donc il aurait dû y avoir
une entente entre les parties
.
(Reproduit tel quel)
[7] Mme Bouthillette témoigne de la distinction existant entre les unités résidentielles, où chacune équivaut à un service comportant un seul port d’attache correspondant à l’adresse civique de la résidence, et les autres activités du CRDITED, tel le maintien à domicile, qui sont organisées en fonction des territoires des CSSS et comportent donc plusieurs ports d’attache.
[8] En contre-interrogatoire, elle confirme que la liste identifiée à l’Annexe « 1 » des dispositions locales ne reflète plus les services actuels chez l’Employeur, les services étant maintenant divisés par CSSS alors qu’au moment de la signature desdites ententes locales, les services correspondaient aux équipes multidisciplinaires.
[9] Elle ne peut confirmer par ailleurs les prétentions de l’Employeur que des résidences ont changé d’adresse civique et que le transfert du personnel se soit alors fait par changement de port d’attache.
[10] Mme Dion, pour sa part, témoigne que les services de réadaptation du CRDITED en hébergement sont des services de 2 e ligne et la présence des résidents comporte un début et une fin, car l’objectif des services est de permettre à un résident en désorganisation de reprendre son contrôle. Le client sera ensuite acheminé vers d’autres ressources, le cas échéant, mieux adaptées à sa situation chronique.
[11] Mme Dion précise également que l’Employeur n’est pas propriétaire des résidences qu’il utilise, mais il les loue de « Les Maisons Butters » émanant de la Fondation du même nom qui recueille des dons pour venir en aide à la clientèle desservie par l’Employeur.
[12] Concernant le transfert des salariés de la résidence Dupré à la résidence Malo, Mme Dion témoigne que des travaux majeurs devaient être effectués à la résidence Dupré pour permettre d’offrir les services spécialisés qui devaient y être dispensés. En mars 2011, l’ensemble des résidents, du personnel et des équipements sont transférés à la résidence Malo pendant la durée des travaux qui doit s’étendre sur plusieurs mois. La résidence Malo est un bâtiment vacant du parc immobilier du CRDITED qui est donc utilisé pendant la durée des travaux à la résidence Dupré.
[13] La direction a procédé par changement de port d’attache, car, selon elle, il ne s’agissait pas d’un changement de poste des salariés, étant donné qu’ils continuent à offrir les mêmes services à la même clientèle, mais dans des locaux différents.
[14] Répliquant au témoignage de Mme Bouthillette qui prétend que le service équivaut à l’adresse civique des unités résidentielles, Mme Dion explique que, pour l’Employeur, l’unité résidentielle correspond à la notion de service prévue à la convention collective, mais que l’adresse civique en constitue le port d’attache et est indicative, selon son interprétation de la convention collective.
[15] Mme Dion réfère par ailleurs à de nombreux cas antérieurs où l’Employeur a procédé de la même façon que dans le cas de la résidence Dupré sans que le Syndicat ou les salariés contestent sa décision. Elle cite notamment les déménagements de la résidence Bromelea à la résidence Larouche, de la résidence de Normandie qui a changé d’adresse, des résidences Supra et Potvin déménagées et fusionnées dans la nouvelle résidence Supra, située à Saint-Hyacinthe.
[16] Tous ces déménagements se sont effectués par le biais d’un changement de port d’attache.
[17] A contrario, elle décrit le changement de vocation de la ressource Brigham dont les services sont maintenant assurés à la résidence Lily Butters. Dans ce cas, la clientèle ne demeurait pas la même et la nature des services était modifiée. L’Employeur a donc procédé par le biais d’une fermeture de service en vertu du paragraphe 14.06 de la convention collective nationale.
[18] En contre-interrogatoire, elle reconnait que les déménagements mentionnés plus haut étaient permanents, par opposition au transfert de la résidence Dupré qui était temporaire et a duré sept mois.
[19] Le Syndicat dépose également deux griefs déposés lors de la fermeture de la résidence Bromelea et de la résidence Trépanier. Mme Dion précise que ces griefs ne sont pas en lien avec la notion de port d’attache, mais touchent d’autres aspects des transferts.
[20] Les dispositions de la convention collective nationale, pertinentes à la solution du présent litige sont les suivantes :
ARTICLE 14
PROCÉDURE DE MISE À PIED
[…]
14.05 Fermeture d’un ou plusieurs services avec création d’un ou plusieurs autres services
1) Fermeture d’un ou plusieurs services avec création d’un autre service
Dans le cas de la fermeture d’un ou plusieurs services avec création d’un autre service, l’employeur donne un avis écrit au syndicat d’au moins deux (2) mois et la procédure suivante s’applique :
Les personnes salariées travaillant dans le ou les services ainsi fermés seront transférées dans le même titre d’emploi dans le nouveau service, le tout en fonction des emplois disponibles selon les dispositions suivantes :
a) Dans l’éventualité où le nombre d’emplois à combler dans le même titre d’emploi est inférieur au nombre de personnes salariées possédant la sécurité d’emploi et susceptibles d’être transférées, celles-ci devront choisir par ordre d’ancienneté, entre se prévaloir de la procédure de supplantation et/ou mise à pied ou combler un emploi disponible dans le nouveau service. S’il reste des emplois disponibles, ils devront alors être comblés par les personnes salariées ayant le moins d’ancienneté parmi celles qui possèdent la sécurité d’emploi.
b) Dans l’éventualité où le nombre d’emplois à combler dans le même titre d’emploi est égal ou supérieur au nombre de personnes salariées possédant la sécurité d’emploi et susceptibles d’être transférées, ces emplois devront être comblés par les personnes salariées possédant ou non la sécurité d’emploi, par ordre d’ancienneté.
Les personnes salariées qui refuseront ce transfert seront réputées appartenir à la liste de rappel de l’établissement.
Faute d’emplois disponibles dans le même titre d’emploi, les autres personnes salariées devront se prévaloir de la procédure de supplantation et/ou mise à pied. À défaut de ce faire, elles seront réputées appartenir à la liste de rappel de l’établissement.
[…]
[21] Les dispositions locales [3] pertinentes à la solution du présent litige sont les suivantes :
Article 1 Notion de postes
1.01 Poste
Désigne une affectation de travail identifiée par les attributions de l’un des titres d’emploi prévus aux dispositions nationales de la convention collective ainsi qu’aux ententes annexées aux dispositions nationales de la convention collective et touchant des titres d’emploi, à l’intérieur d’un service où cette affectation est assumée.
[…]
Article 2 Notion de service
2.01 Le mot service s’entend au sens du budget de l’établissement. Une unité de réadaptation ou un programme équivaut un service. Cependant, l’établissement peut diviser un service en territoires lorsque l’organisation du travail le justifie. Chacun de ces territoires constitue un service au sens du présent article.
Une unité résidentielle équivaut à un service sauf si deux ou plusieurs unités résidentielles sont situées dans le même bâtiment et sous la responsabilité du même cadre de premier niveau.
L’employeur consulte préalablement le syndicat, lors d’un comité local de relations de travail (CRT), à l’égard de toute modification qu’il entend apporter à la structure de ses services au sens du présent article.
L’annexe 1 comprend l’ensemble des services de l’établissement au moment de l’entrée en vigueur des dispositions locales.
2.02 Mobilité du personnel à l’intérieur d’un service
Les parties conviennent que la mobilité du personnel dans un service est effectuée en tenant compte des points suivants :
A) Avant de procéder à l’affichage d’un poste vacant, l’employeur informe les personnes salariées du service concerné, soit par un avis écrit, un courriel ou une réunion d’équipe, afin de leur permettre d’exprimer par écrit au supérieur Immédiat, un intérêt pour un changement de port d’attache. L’employeur s’efforce de tenir compte de l’ancienneté et du choix de la personne salariée en autant qu’elle réponde aux exigences normales de la tâche et que les besoins du service soient respectés.
B) Changement de port d’attache :
1. Lors d’un changement de port d’attache, la personne satanée reçoit, par écrit, un préavis de sept (7) jours. Une copie est remise au syndicat. Ce changement de port d’attache peut s’effectuer dans un délai plus court avec le consentement de la personne salariée.
2. Lors d’un changement de port d’attache, l’employeur informe les personnes salariées du service concerné, soit par un avis écrit, un courriel ou une réunion d’équipe, afin de leur permettre d’exprimer par écrit au supérieur immédiat, un intérêt pour un changement de port d’attache. L’employeur s’efforce de tenir compte de l’ancienneté et du choix que la personne salariée a exprimé par écrit en autant que les exigences normales de la tâche et que les besoins du service soient respectés.
3. Pour les services dont le territoire à desservir est le territoire en entier de l’employeur ainsi que les services ayant des ports d’attache à plus de cinquante (50) kilomètres l’un de l’autre, advenant qu’un changement de port d’attache au-delà de cinquante (50) kilomètres soit nécessaire, les dispositions suivantes s’appliquent, en autant qu’à chaque étape, le mouvement puisse se faire en respectant les exigences normales de la tâche et en répondant aux besoins du service :
3.1 Si l’employeur doit procéder à un changement de port d’attache au-delà de cinquante (50) kilomètres, la personne salariée en est informée par écrit. Cette personne salariée affectée par ce changement peut le refuser si elle n’est pas la moins ancienne du service à l’intérieur d’un rayon de cinquante (50) kilomètres, du titre d’emploi et du statut visé;
3.2 advenant un refus, la personne salariée la moins ancienne du service à l’intérieur d’un rayon de cinquante (50) kilomètres, du titre d’emploi et du statut visé est affectée. Les autres personnes salariées du service, du même titre d’emploi et du même statut doivent satisfaire aux besoins du service;
3.3 la personne salariée affectée par l’application du paragraphe précédent peut supplanter la personne salariée du même statut ayant le moins d’ancienneté parmi les titulaires de postes pour lesquels elle rencontre les exigences normales de la tâche à l’intérieur d’un rayon de cinquante (50) kilomètres;
3.4 la personne salariée affectée par l’étape précédente est assignée au poste libéré
[…]
Article 5 Notion de déplacement
5.01 Déplacement :
Désigne la mutation d’une personne salariée exigée par l’employeur.
5.02 En aucun cas, la personne salariée n’est tenue d’accepter un déplacement si ce n’est dans les cas spécifiques suivants, pourvu que les postes soient compatibles et de même ordre :
1- Dans un cas fortuit ou de force majeure.
Tel déplacement se fait en tenant compte de l’ancienneté.
2- Dans le cas d’absence imprévue occasionnant un besoin urgent et impératif de personnel dans un service déterminé.
Dans une telle éventualité, l’employeur ne peut déplacer une personne salariée si l’utilisation des autres moyens s’avère opportune.
Tel déplacement ne peut excéder la durée d’un quart de travail.
L’employeur convient également que la même personne ne peut être déplacée d’une façon répétitive.
3- Dans le cas de la personne salariée qui, après avis, sera mise pied.
4- Dans le cas de fermeture temporaire, totale ou partielle d’un service en raison de la période de vacances, en raison de travaux de réfection, de construction, ou de décontamination lorsque celle-ci nécessite l’évacuation des usagers; telle fermeture ne peut excéder quatre (4) mois.
À l’occasion de ces déplacements temporaires, l’employeur affiche une liste des affectations disponibles pendant une période de sept (7) jours (sauf dans les cas de décontamination) et les personnes salariées y inscrivent leur préférence dans l’ordre de leur ancienneté. Dans l’éventualité où certaines personnes salariées n’expriment aucun choix, l’employeur procède au déplacement des personnes salariées en commençant par la moins ancienne, ou autrement si les parties en conviennent. Ces déplacements s’effectuent en tenant compte des exigences normales de la tâche.
5- Dans toute autre situation dont les parties conviennent localement, afin de répondre à des besoins particuliers, notamment dans les cas où les parties constatent qu’aucun autre moyen de remplacement n’est adéquat, ainsi que dans le cas où les parties constatent qu’une fluctuation des opérations justifie le déplacement d’une ou de plusieurs personnes salariées.
[…]
ARTICLE 7 Règles de mutations volontaires
[…]
7.02 Les seules indications devant apparaître sur les affichages sont :
1- le titre et le libellé apparaissant aux dispositions nationales de la convention collective;
2- l’échelle de salaire :
3- le service;
4- la période d’affichage;
5- le statut rattaché au poste (temps complet, temps partiel);
6- dans le cas d’un poste à temps partiel, le nombre minimum d’heures de travail par période de quatre (4) semaines,
L’affichage peut comporter également, à titre purement indicatif :
1- le quart de travail;
2- toute autre indication susceptible de renseigner les personnes salariées quant au lieu habituel ou à l’aire habituelle de travail.
Dans le cas d’un poste de l’équipe volante, l’affichage comprend tous les éléments constitutifs du poste.
Dans le cas d’un poste fusionné, l’affichage comprend les éléments constitutifs du poste, établis conformément aux dispositions de l’article 1 (Notion de postes) des dispositions locales de la convention collective.
[…]
ARTICLE 26 Allocations de déplacement
26.01 Lorsque la personne salariée doit accomplir ses fonctions à l’extérieur de l’établissement, à la demande de l’employeur, elle est considérée comme étant au travail durant tout le temps employé à son déplacement.
26.02 Le calcul des allocations à être versées est effectué à partir du port d’attache auquel la personne salariée est affectée; une personne salariée ne peut avoir plus d’un port d’attache.
Le port d’attache est déterminé par l’employeur selon les critères suivants
1- l’endroit où la personne salariée exerce habituellement ses fonctions;
2- l’endroit où la personne salariée reçoit régulièrement ses instructions;
3- l’endroit où la personne salariée fait rapport de ses activités.
Le kilométrage remboursé est basé sur la distance nécessaire et effectivement parcourue par une personne salariée lors de l’exercice de ses fonctions.
Malgré ce qui précède, lorsque la personne salariée doit se rendre de son domicile à un lieu de travail autre que son port d’attache, sans passer par celui-ci, elle n’est indemnisée que pour l’excédent de la distance qu’elle doit normalement parcourir pour se rendre de son domicile à son port d’attache, et ce, autant à l’aller qu’au retour
[…]
ANNEXE 1 Liste des services du CRDI Montérégie-Est
[…]
Services Coordonnateur des services de réadaptation spécialisée (services résidentiels)
✓ Pavillon St-Charles
Chefs de service
✓ Résidence Jeunesse
✓ Résidence spécialisée Brigham
✓ Résidence Potvin
Services Coordonnateur des services de réadaptation résidentiels
Chefs de service
✓ Résidence Robert
✓ Résidence Lansdowne
✓ Résidence Kennedy
✓ Résidence Larouche (Bromelea)
✓ Résidence Dupré
✓ Résidence Pacific
✓ Foyers Communautaires
[…]
[22] La procureure syndicale propose que la question à trancher soit la suivante : est-ce que le déménagement de la résidence Dupré constitue un déplacement en vertu du paragraphe 5.02, alinéa 4 des dispositions locales ?
[23] La preuve révèle qu’il y a eu une fermeture physique de la résidence Dupré pendant une période de sept mois sans discussion préalable avec le Syndicat. Or, la résidence Dupré constitue un service au sens du paragraphe 2.01 des dispositions locales et l’Employeur ne peut déplacer le personnel d’un service par un changement de port d’attache, car cela contrevient aux dispositions claires du paragraphe 5.02, alinéa 4, des mêmes dispositions locales. Ces textes sont clairs et n’ont pas besoin d’être interprétés.
[24] Ledit alinéa 4 du paragraphe 5.02 vise directement la situation en litige, car les parties y ont expressément prévu les cas de fermeture pour rénovation. Le Syndicat ne peut voir dans quelles circonstances ce paragraphe pourrait s’appliquer si ce n’est pas dans celle à l’étude.
[25] En effet, le service est un élément constitutif du poste et changer les salariés de service en les transférant à la résidence Malo constitue clairement un changement de poste visé par le paragraphe 5.02. Cette résidence est à 26 kilomètres de la résidence Dupré et le transfert du personnel lui cause un préjudice.
[26] Permettre à l’Employeur de déplacer ainsi les salariés sans compensation ou sans entente avec le Syndicat crée un préjudice important aux salariés.
[27] Sur la prétention de pratique passée soulevée par l’Employeur, ce dernier n’a soumis aucune situation comparable à celle à l’étude dans le présent dossier, car dans tous les cas soumis, il s’agissait d’une fermeture permanente de la résidence en cause. Dans la situation actuelle, la fermeture est temporaire et les salariés seront appelés à réintégrer leur service après les travaux de rénovation. De plus, le Syndicat a contesté au moins un cas de déplacement soumis par l’Employeur.
[28] Le Syndicat demande au tribunal de faire droit au grief et de conserver compétence sur le quantum si les parties ne peuvent s’entendre sur celui-ci.
[29] À l’appui de ses prétentions, la procureure syndicale dépose la doctrine et la jurisprudence suivante :
Pavillon du Parc et Syndicat des employé-e-s du CEV d’Aylmer (CSN ), M. Gilles Ferland, arbitre, 16 décembre 1996, AAS 96A-304 ;
Les infirmières et infirmiers unis, section MGH, IIU (FIIQ) et Hôpital général de Montréal , Me Jean-Yves Durand, arbitre, 16 juin 1997, AAS 97A-127 ;
Blouin, Rodrigue et Morin, Fernand,
Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 330 et ville de Saint-Hubert et Syndicat des pompiers du Québec, section locale Saint-Hubert , Me Diane Veilleux, arbitre, 8 décembre 1999, 1999 CanLII 3830 (QC SAT);
Syndicat des salariés des plastiques M & R (FISA) et Plastiques M & R. inc. , M. Gilles Lavoie, arbitre, 29 avril 1996, 1996 CanLII 1987 (QC SAT);
Syndicat national des employés(es) de l’Hôpital St-Ferdinand (CSN) et Centre de services en déficience intellectuelle Mauricie-Centre du Québec , Me Jean-Marie Lavoie, arbitre, 24 septembre 2002, AAS 02A-220.
[30] Le procureur patronal formule la question à trancher de façon différente de celle formulée par le Syndicat. L’Employeur demande au tribunal de déterminer si le déménagement survenu en mars 2011 constitue une fermeture de service au sens de l’article 5.02 (4) des dispositions locales.
[31] Le procureur soumet que l’article 5 des dispositions locales ne s’applique pas au présent litige puisque, selon lui, il n’y a pas eu de déplacement au sens de celles-ci. Il ajoute que, selon sa prétention, il n’y a jamais eu de fermeture de service, mais simplement un changement de port d’attache des salariés pendant la période des rénovations essentielles à la résidence Dupré.
[32] Reprenant les éléments de preuve, le représentant patronal soutient qu’à la suite de l’évaluation des besoins, la résidence Dupré nécessitait d’importants travaux de rénovation.
[33] Les clients, le personnel et l’équipement ont donc été déménagés pendant le nombre de mois nécessaires à l’exécution des travaux. Aucun titre d’emploi, statut ou condition de travail n’a changé pendant cette période et les salariés ont continué à effectuer les mêmes tâches auprès des mêmes résidents. En conséquence, il n’y a eu aucune fermeture de service, mais simplement un changement d’adresse civique, ce qui constitue, au sens de la convention collective, un changement de port d’attache.
[34] Si les parties avaient voulu amalgamer un service à une adresse civique, elles auraient dû l’écrire de façon explicite dans la définition de « service ».
[35] Quant au port d’attache, les critères afin de le déterminer sont prévus au paragraphe 26.02 des dispositions locales et ceux-ci ne réfèrent pas à la notion de service, mais plutôt à l’endroit où le salarié exerce habituellement ses fonctions, reçoit ses instructions et fait rapport de ses activités. De plus, il est prévu au paragraphe 7.02 des dispositions locales que le port d’attache est à titre indicatif et peut donc être changé selon les besoins du service.
[36] Pour qu’il y ait déplacement au sens du paragraphe 5.01 des dispositions locales, il faut une mutation d’une personne salariée exigée par l’Employeur. Or, une mutation est un changement de poste. Comme il n’y a eu aucun changement de poste, il n’y a pas de déplacement au sens du paragraphe 5.01.
[37] Par ailleurs, l’Employeur a démontré avoir agi de la même manière, dans plusieurs situations similaires, dans le passé, sans que le Syndicat ne conteste ses agissements. Donc, dans la mesure où le tribunal juge que les textes sont ambigus, il peut utiliser la pratique passée pour interpréter ceux-ci et constater que la pratique passée va dans le sens des prétentions de l’Employeur.
[38] Finalement, l’Employeur allègue que le tribunal n’a pas compétence pour ordonner le paiement des sommes réclamées par les griefs, car il ajouterait alors au texte de la convention collective, aucune disposition dans cette dernière ne permettant de tels bénéfices.
[39] À l’appui de ses prétentions, le procureur patronal soumet la jurisprudence suivante :
Syndicat canadien des communications, de
l’énergie et du papier, section locale 1210
et
Société de
protection des forêts contre le feu, base principale de Roberval
, Me
Gabriel-M. Côté, arbitre, 6 mai 2002,
Syndicat canadien de la fonction publique,
section locale 2805
et
Centre d’accueil de Vaudreuil
, Me
Jean-Denis Gagnon, arbitre, 26 janvier 1998,
Réseau de la santé et des services sociaux des
Aurores boréales (CH La Sarre)
et
Syndicat des employés et employées du
Centre hospitalier La Sarre
, M. Viateur Larouche, arbitre, 30 octobre
2001,
AAS
Syndicat canadien de la fonction publique,
section locale 1841
et
Centre de réadaptation de
l’Ouest-de-Montréal
, Me Jean-Denis Gagnon, arbitre, 6 avril 1999,
Syndicat des employées et employés professionnels
et de bureau, section locale 574 (Unité Trader)
et
Trader,
Classified Media
, Me Carol Jobin, arbitre, 4 février 2005,
[40] Par leurs griefs, le Syndicat et les salariées contestent le non-respect par l’Employeur des conditions afférentes à leur déplacement à la suite de la fermeture temporaire de l’unité résidentielle où elles exerçaient leur fonction. Elles réclament le paiement d’heures supplémentaires de déplacement pour se rendre à la résidence Malo et les frais de kilométrage supplémentaires qu’elles ont dû assumer pendant la période des rénovations de la résidence Dupré.
[41] L’Employeur pour sa part prétend qu’il pouvait agir en changeant simplement leur port d’attache puisque, selon lui, les salariées sont toutes demeurées dans leur poste et qu’il n’y a pas eu de déplacement au sens de la convention collective.
[42] Pour résoudre ce litige, il faut donc, dans un premier temps, vérifier s’il y a effectivement eu déplacement des salariées et, si oui, si ces dernières ont droit au dédommagement qu’ils réclament.
[43] La définition de déplacement est prévue au paragraphe 5.01 des dispositions locales, qui se lit ainsi :
« désigne la mutation d’une personne salariée exigée par l’employeur »
[44] Pour qu’il y ait déplacement, il est donc nécessaire qu’il y ait une mutation d’une personne salariée. Pour le tribunal, la notion de mutation réfère nécessairement à un changement de poste d’un salarié. Les parties utilisent d’ailleurs cette appellation de « mutation » à l’article 7 des dispositions locales lorsqu’elles parlent de mutations volontaires. Cet article précise les règles applicables lorsqu’un salarié désire changer de poste et celles que doit respecter l’Employeur lorsqu’un poste devient vacant ou est nouvellement créé.
[45] De la même manière, les parties ont utilisé le terme « mutation » dans la convention collective nationale, aux paragraphes 1.04, 1.05 et 1.06, lorsqu’elles définissent les notions de promotion, transfert et rétrogradation. Elles réfèrent chaque fois à la notion de mutation d’un poste à un autre comportant une échelle de salaire, supérieure, identique ou inférieure, selon le cas.
[46] Pour qu’il y ait déplacement au sens de l’article 5 des dispositions locales, il est donc nécessaire que l’Employeur exige d’un salarié qu’il change de poste.
[47] Le terme « poste » est défini au paragraphe 1.01 des dispositions locales :
« Désigne une affectation de travail identifiée par les attributions de l’un des titres d’emploi prévus aux dispositions nationales de la convention collective ainsi qu’aux ententes annexées aux dispositions nationales de la convention collective et touchant des titres d’emploi, à l’intérieur d’un service où cette affectation est assumée. »
[48] Lorsque l’on réfère à un poste, il s’agit donc :
· d’une assignation de travail identifiée par les attributions de l’un des titres d’emploi;
· touchant des titres d’emploi;
· à l’intérieur d’un service.
[49] Par ailleurs, la jurisprudence [4] a également reconnu que les caractéristiques suivantes, mentionnées au paragraphe 7.02 des dispositions locales, sont également constitutives du poste :
1- le titre et le libellé apparaissant aux dispositions nationales de la convention collective;
2- l’échelle de salaire;
3- le service;
4- la période d’affichage;
5- le statut rattaché au poste (temps complet, temps partiel);
6- dans le cas d’un poste à temps partiel, le nombre minimum d’heures de travail par période de quatre (4) semaines .
[50] Ce même paragraphe 7.02 précise par ailleurs un certain nombre de caractéristiques qui ne sont pas constitutives du poste, mais qui sont identifiées à titre indicatif et peuvent donc être modifiées par l’Employeur selon les besoins du service. Ces éléments indicatifs sont :
· le quart de travail
· le lieu ou l’aire habituelle de travail.
[51] Le poste réfère donc aux tâches effectuées par un salarié, à temps complet ou à temps partiel, dans un titre d’emploi donné, selon une échelle de salaire prévue à la convention collective et s’exerçant à l’intérieur d’un service.
[52] Dans le dossier qui nous occupe, c’est cette dernière notion de service qui pose litige, les parties ne s’entendant pas sur le sens et la portée de cette notion dans notre cas d’espèce.
[53] Cette notion de « service » est définie dans les dispositions locales, au paragraphe 2.01. Il s’entend au sens du budget de l’établissement. Une unité de réadaptation ou un programme équivaut à un service et une unité résidentielle équivaut également à un service.
[54] Dans notre cas, la résidence Dupré, étant une unité résidentielle, constitue donc un service. La question qui se pose est ensuite de déterminer si ce service équivaut à l’adresse civique, comme le prétend le Syndicat, ou, plutôt, à l’ensemble des activités qui y sont pratiquées, sa clientèle, son personnel et ses équipements, comme le prétend l’Employeur ?
[55] De l’avis du tribunal, appuyé en cela par une jurisprudence largement majoritaire, un service est caractérisé par la finalité de ses activités, à savoir notamment sa clientèle et les actes professionnels qui y sont posés, et ne sont pas rattachés à un lieu physique précis ou à un local spécifique.
[56] L’arbitre Jean-Denis Gagnon, dans la décision Centre d’accueil de Vaudreuil , précitée, établit la distinction entre le lieu physique où un salarié exerce ses fonctions et le service :
« À la lecture de la définition du mot poste apparaissant à l’article 1.01 de l’entente, on constate qu’il n’y est fait aucune référence au lieu physique où un salarié exerce ses fonctions. Suivant cette clause, le poste occupé par un salarié est caractérisé par les fonctions qui s’y rattachent et le service auquel son titulaire est intégré, et non pas par le lieu précis où il exerce ses activités. »
[57] L’arbitre Gagnon précise sa pensée dans la décision Centre de réadaptation de l’Ouest de Montréal , précitée :
« Le porte-parole du Syndicat a rappelé au cours de sa plaidoirie que, bien que situés à faible distance les unes des autres, les résidences qui forment un ilot, n’en demeurent pas moins des lieux physiques différents, ce qui tendrait à les faire apparaitre comme des services distincts. Le soussigné ne partage pas ce point de vue. Comme le souligne l’arbitre Hamelin, une unité de soins peut très bien occuper des lieux ou locaux différents, sans que son homogénéité ne soit compromise. Le même point de vue peut très bien être retenu en ce qui concerne les ilots dont il s’agit ici. »
[58] Cette opinion est partagée par l’arbitre Viateur Larouche dans la décision Réseau de la santé et des services sociaux des Aurores boréales , précitée.
[59] Le service dans lequel travaille un salarié n’est donc pas tant le lieu physique où celui-ci exerce ses fonctions que les fonctions elles-mêmes, la clientèle desservie et la finalité des activités exercées. Le seul changement de lieu physique ne constitue donc pas en soi un changement de service au sens de la convention collective.
[60] En ce sens, le déménagement de la clientèle, du personnel et de l’équipement de la rue Dupré à la résidence Malo ne constitue pas un déplacement au sens du paragraphe 5.01, car les salariés n’ont pas changé de poste, demeurant dans les mêmes fonctions, le même titre d’emploi, le même statut et dans le même service. Il n’y a donc pas eu de « mutation » d’un salarié à la demande de l’Employeur.
[61] Le Syndicat prétend que le paragraphe 5.02-4 vise directement la situation en litige, car ce paragraphe mentionne le cas de travaux de rénovation. La représentante syndicale questionne l’utilité de cet alinéa s’il ne s’applique pas à la présente situation.
[62] De l’avis du tribunal, cet alinéa vise plutôt une situation où l’Employeur ferme temporairement un service pour rénovation et répartit, pendant cette période, les clients et le personnel dans différentes autres unités résidentielles, faisant en sorte que l’intégrité du service en rénovation n’est pas maintenue. Dans le cas présent, l’Employeur a maintenu l’intégrité du service, avec les mêmes clients, le même personnel et les mêmes équipements, mais a changé le lieu physique de travail où ces activités sont effectuées.
[63] Le changement de lieu de travail ne constitue pas un élément constitutif du poste, comme cela est précisé clairement au paragraphe 7.02 des dispositions locales, cette information étant « purement indicative ».
[64] La présente interprétation est d’autant plus conforme au texte et à l’esprit des dispositions locales que les parties ont précisé, au paragraphe 2.02 B) 1, que l’Employeur peut changer le port d’attache d’un salarié en lui faisant parvenir par écrit un préavis de sept jours. Le changement de port d’attache peut donc s’effectuer par simple avis administratif et ne constitue donc pas un changement de poste. Faut-il rappeler que l’Employeur a respecté cette obligation dans le présent dossier.
[65] On précise également à l’alinéa C) de ce paragraphe 2.02 qu’un salarié peut refuser le changement de port d’attache situé à plus de 50 kilomètres s’il n’est pas le moins ancien du service. Dans le cas présent, le nouveau port d’attache de la rue Malo est situé à 26 kilomètres de la résidence Dupré et se situe donc à l’intérieur d’un rayon de 50 kilomètres. Les parties ont donc convenu que les salariés peuvent voir leur port d’attache être modifié dans un rayon de 50 kilomètres sans qu’ils puissent refuser une telle modification.
[66] L’Employeur pouvait donc changer le port d’attache des salariées comme il l’a fait dans le présent dossier.
[67] L’arbitre Jean-Marie Lavoie, dans la décision CRDI Mauricie Centre-du-Québec , précitée, précise bien que le port d’attache ou le lieu de travail ne font pas partie des éléments constitutifs du poste et n’ont donc pas la même durabilité. Il s’exprime ainsi :
« Toutefois, les éléments prévus à l’alinéa deux de l’article 13.02 ainsi que l’identification du port d’attache, exigée par l’article 6.2 du protocole, sont présentés, dans tous les cas, à titre purement indicatif ou à titre indicatif seulement. Ces derniers termes signifient d’abord que ces éléments - le quart de travail, le lieu de travail ou le port d’attache - sont fournis pour informer davantage les personnes salariées qui voudraient se porter candidates. De plus, ces termes impliquent que ces éléments ne sont pas garantis, quant à leur durabilité, comme le sont les éléments dits constitutifs du poste. L’employeur pourra donc les modifier, s’il le fait de bonne foi et pour des motifs de saine gestion, notamment en raison des besoins du service, sans être obligé, pour autant, de procéder par affichage. Il ne s’agit pas alors de la création d’un nouveau poste, mais de la modification permise d’un poste déjà existant. »
[68] Dans notre dossier, l’Employeur a procédé à un changement de lieu de travail et cet élément est identifié expressément, au paragraphe 7.02, comme étant un élément purement indicatif sur l’avis d’affichage. L’Employeur peut donc le modifier sans que cela constitue un changement de poste, si cette modification est effectuée de bonne foi et pour des motifs de saine gestion.
[69] La preuve non contredite démontre que la résidence Dupré, pour pouvoir continuer à desservir sa clientèle selon des normes acceptables, devait subir des rénovations majeures d’une durée d’environ sept mois. Les motifs pour changer temporairement les salariés de lieu de travail étaient donc tout à fait corrects, et correspondaient aux besoins du service, sans mauvaise foi de la part de l’Employeur.
[70] Le Syndicat n’a d’ailleurs jamais imputé de tels motifs à l’Employeur.
[71] Dans les circonstances, l’Employeur n’a pas enfreint la convention collective ou les dispositions locales en modifiant le lieu de travail des salariées en modifiant leur port d’attache, pendant les rénovations de la résidence Dupré.
[72] Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire de trancher l’argument relatif à la pratique passée.
[73] En conséquence, le tribunal, après avoir analysé la preuve tant testimoniale que documentaire et avoir délibéré sur le tout,
REJETTE les griefs des salariées et du Syndicat.
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Montréal, le 12 avril 2013 |
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________________________________ __ René Beaupré, arbitre |
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Pour l’EMPLOYEUR : Me Rhéaume Perreault
Pour le SYNDICAT : Mme Élyse Gagnon
Ministère du Travail
Dossier n o RB-1211-10002-GAS Sentence n° 172-13 |
[1] Mmes Natahlie Bourque, Joëlle Boissonnault, Marie-Pier Levasseur, Claudiane Coutu-Arbour et Stéphanie Verner
[2] Catégorie 2 : personnel para technique, services auxiliaires et de métier ; Catégorie 4 : techniciens et professionnels de la santé et des services sociaux.
[3] Pour les fins de reproduction des dispositions locales, seules celles du personnel de catégorie 2 sont reproduites, celles du personnel de la catégorie 4 étant identiques.
[4] Voir notamment la décision de Jean-Marie Lavoie dans le dossier CRDI Mauricie Centre-du-Québec, précitée, p.10