TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N o de dépôt :

2013-5361

 

Date :

le 2 mai 2013

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DEVANT L’ARBITRE :

   Me Joëlle L’Heureux

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Le Syndicat des enseignantes et enseignants des Laurentides

Ci-après appelé « le Syndicat »

Et

La Commission scolaire des Laurentides

Ci-après appelé « l’Employeur »

 

 

Plaignante :

Lydia Verdoni

 

 

Grief:  2015-0000675-5110

 

Convention collective :

E1 2010-2015

 

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SENTENCE ARBITRALE

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[1]            Le greffe du tribunal d’arbitrage de l’éducation a confié au présent tribunal trois griefs, portant les numéros 2015-0000354-5110, 2015-0000648-5110 et 2015-000675-5110. À la demande des parties, les griefs 2015-0000354-5110, 2015-0000648-5110 sont mis en suspens et la présente décision porte sur le grief 2015-000675-5110.

[2]            Les p rocureurs ont consenti aux admissions d’usage voulant que la procédure de grief ait été régulièrement suivie, que l’arbitre soit valablement saisi du grief et qu’il ait compétence pour en disposer.

[3]            Le grief déposé le 10 novembre 2011 au nom de madame Lydia Verdoni dit ceci :

« Faits à l’origine du grief :

Le ou vers le 25 octobre 2011, la direction du campus primaire Mont-Tremblant a signifié formellement à madame Lydia Verdoni, une enseignante orthopédagogique, de rédiger un projet de plan d’intervention sous peine de mesures plus sévères.

L’attitude et la décision de la direction sont injustifiées, abusives, excessives, illégales et non fondées en faits et en droit. De plus, la direction a communiqué directement avec cette enseignante et a alors par ses paroles exercé à l’endroit de l’enseignante des pressions indues afin qu’elle fasse des plans d’intervention et ce en faisant sentir l’enseignante coupable face à son refus, en invoquant notamment « Tu savais, quand tu as accepté le poste d’ortho que tu avais à faire les plans d’intervention, toutes les orthopédagogues font les plans. Tu es la seule à ne pas vouloir les faire. J’espère juste que ce n’est pas de la mauvaise volonté de ta part. C’est dommage parce que ce sont nos petits loups qui vont en souffrir ! » L’enseignante a mentionné « J’avoue que j’ai été ébranlée et que j’étais triste. Elle a le tour de choisir les mots pour déstabiliser. J’ai eu de la difficulté à faire mon avant-midi. »

L’attitude, la décision et les communications de la direction auprès de cette enseignante sont injustifiées, abusives, excessives, illégales et non fondées en faits et en droit.

Il s’agit aussi de comportements vexatoires qui sont répréhensibles, malicieux, hostiles et non désirés.

Ces comportements portent atteinte à la dignité, à l’intégrité psychologique ou physique de la salariée et entraînent pour celle-ci un milieu de travail néfaste.

La commission contrevient donc à l’entente 2010-2015, plus particulièrement, mais non limitativement, aux dispositions de l’article 8-9.00, dont la clause
8-9.09, et à l’article 96.14 de la Loi sur l’instruction publique, à l’article 14-3.00 de la convention collective, aux articles 6 et 7 du Code civil du Québec, à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, à la Loi sur les normes du travail ainsi qu’à la Loi sur la santé et la sécurité du travail. »

[4]            À l’audience, le syndicat a retiré les conclusions portant sur les allégations de harcèlement psychologique . Il reproche principalement à la commission d’avoir confié à madame Verdoni, enseignante orthopédagogue, la responsabilité des plans d’intervention. Il demande au tribunal d’ordonner à la commission de se conformer à la convention collective et à la Loi sur l’instruction publique , de cesser d’agir de la sorte , de déclarer que la commission a agi de manière abusive et illégale envers madame Verdoni et de réserver compétence sur le quantum.

[5]            Pendant le délibéré, j’ai pris connaissance d’une décision rendue le 18 mars 2013, Commission scolaire de Portneuf et Syndicat de l’enseignement de Portneuf, SAET 8653. Cette décision porte sur les mêmes questions que celles soulevées dans le présent grief. Le 12 avril 2013, j’ai demandé aux procureurs de me faire parvenir leurs commentaires sur cette décision, ce qui a été fait dans les deux cas pour le 19 avril, tel que demandé.

LA PREUVE

[6]            Dans le cadre de la preuve du syndicat, l e tribunal a entendu le témoignage de madame Lydia Verdoni, la plaignante, de monsieur Patrick Terrisse, directeur adjoint des services éducatifs, et de madame Julie Richer, directrice du campus primaire Mont-Tremblant. L’employeur a aussi fait témoigner madame Richer ainsi que madame Chantal Cyr, qui était à l’époque directrice des ressources humaines.

[7]            Madame Richer est directrice du campus primaire de Mont-Tremblant depuis la rentrée scolaire 2011-2012. Elle était auparavant, pendant six ans, directrice de la polyvalente des Monts. Le campus primaire de Mont-Tremblant regroupe plusieurs pavillons. Madame Richer décrit sommairement ses fonctions et responsabilités. En plus d’être directrice du campus, elle est directrice adjointe à l’école Trois-Saisons, une des écoles du campus. Madame Carmen Charbonneau est directrice adjointe à l’école Tournesol , une autre école du campus .

[8]            Madame Verdoni est enseignante depuis 1991, et enseignante orthopédagogue à la Commission scolaire des Laurentides depuis 2003. Elle y a occupé des postes de titulaire enseignante, et d’enseignante orthopédagogue. En 2011-12, madame Verdoni est affectée , à titre d’enseignante orthopédagogue , à l’école Troi s-Saisons, qui compte environ 200 élèves de 5 e et 6 e année, et à l’école Tournesol, qui compte une centaine d’élèves de 4 e année. À titre d’enseignante orthopédagogue, madame Verdoni n’est pas titulaire d’un groupe. Elle agit en soutien avec les élèves à risque ou en difficulté d’apprentissage, ou avec les élèves ayant des troubles spécifiques. Son horaire est déposé en preuve.

[9]            La preuve porte sur ce qu’est un plan d’intervention, de façon générale, et sur la préparation des plans d’intervention pour l’année 2011-2012.

Le plan d’intervention

[10]         La Loi sur l’instruction publique [1] (la Loi) et la convention prévoient l’obligation d’élaborer un plan d’intervention pour certains élèves. Les parties ne contestent pas que la Loi confie cette responsabilité à la direction d’école.

[11]         Madame Verdoni explique ce qu’est un plan d’intervention. Elle dépose le formulaire de cinq pages. L’objectif du plan d’intervention est tourné vers l’élève. Il s’agit d’aider l’élève dans son cheminement académique et dans ses apprentissages. Le formulaire est divisé en cinq parties. La plaignante en fait la description suivante :

-        Première partie - Constat des besoins de l’élève : il s’agit d’identifier les capacités de l’élève, ses forces; de faire l’analyse de la situation, ce qui signifie définir pourquoi l’élève a besoin d’un plan d’intervention, et les besoins de l’élève par rapport à l’analyse précédente;

-        Deuxième partie - Mesures d’appui à l’élève : les mesures sont déterminées par rapport aux besoins identifiés; par exemple, pour un besoin qui consiste à améliorer les capacités en lecture, les moyens pourront être un suivi en orthopédagogie, une approche personnalisée par l’enseignant, un moyen d’adaptation en classe comme un aide-mémoire sur le pupitre, un portable doté d’un logiciel spécialisé…;

-        Troisième partie - Suivi aux mesures d’appui à l’élève : après deux ou trois mois, il faut faire une nouvelle rencontre avec les parents, titulaires, l’élève pour voir si l’objectif est atteint, si on poursuit ou si on modifie les mesures d’appui;

-        Quatrième partie - Évaluation du plan d’intervention : l’évaluation se fait à la fin de l’année scolaire, par le biais d’une rencontre avec les personnes susmentionnées, et sert aussi à mettre en place le plan d’intervention pour l’année suivante;

-        Cinquième partie - Mesures de soutien accordées aux enseignants concernés : la plaignante n’a pas été impliquée à cet égard, c’est l’enseignant titulaire qui fait sa demande à la direction.

[12]         Documents à l’appui, madame Richer indique qu’il y a au total 206 plans d’intervention sur 860 élèves sur le campus. Il y avait 35 ou 36 plans d’intervention à l’école Trois-Saisons en 2011-2012, incluant les plans d’intervention pour les élèves en trouble de comportement et en difficulté scolaire. Les parties ne s’entendent pas sur le nombre de plans d’intervention faits par madame Verdoni. La plaignante parle d’une quarantaine et l’employeur d’un peu plus d’une vingtaine.

[13]         Madame Richer déclare que c’est la direction de l’école qui détermine si l’élève a besoin d’un plan d’intervention. L’équipe du plan d’intervention est mise en place à la suite de cette décision. Cependant, la majeure partie des plans d’intervention à faire sont des plans reconduits d’une année à l’autre. Madame Richer dit s’assurer que les plans d’intervention sont établis et du suivi des plans d’intervention qui existent. 

[14]         Madame Richer et madame Verdoni évoquent des pratiques différentes d’une école à une autre, et non seulement au campus de Mont-Tremblant, quant aux personnes présentes aux rencontres de l’équipe du plan d’intervention.  

[15]         Madame Verdoni considère que la direction d’école doit être présente aux rencontres, car il y a des décisions à prendre au niveau des ressources (achat de matériel, affectation de personnel), et des suivis à faire auprès des enseignants. Elle peut donner son opinion à titre d’enseignante orthopédagogue, mais elle ne peut dire quoi faire à un autre enseignant ou affecter les ressources de la commission.

[16]         Madame Richer explique qu’une pratique était établie à l’école Trois-Saisons au niveau des rencontres pour les plans d’intervention. C’est l’orthopédagogue qui rencontrait les intervenants avec les titulaires, les parents, l’élève et autres intervenants, et c’est cette équipe qui rédigeait les plans d’intervention.

[17]         Madame Richer ajoute qu’à chaque fin d’étape, soit en novembre et en février, elle rencontrait titulaires, orthopédagogues et autres intervenants pour faire un retour sur l’étape pour chaque élève. Ces rencontres sont les « rencontres
multi ». À ce moment elle s’assur e du suivi sur chaque plan d’intervention, car elle est responsable de la mise en œuvre des plans d’intervention. Madame Richer distingue les rencontres de l’équipe du plan d’intervention de celles des « rencontres multi ».

[18]         Les documents suivants sont déposés :

-        « Le plan d’intervention… au service de la réussite de l’élève »  : il s’agit du cadre de référence publié par le Ministère pour l’établissement des plans d’intervention, qui décrit les rôles et responsabilités de chacun ;

-        l a politique de la commission sur l’ « Organisation des services éducatifs aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d’adaptation et d’apprentissage (secteur des jeunes) », entrée en vigueur en 2008 (la Politique) : cette politique prévoit, conformément à l’article 235 de la Loi, les modalités d’organisation des services éducatifs aux élèves susmentionnés. La politique établit les responsabilités des divers intervenants, dont la direction de l’école et les enseignants;

-        la version du 9 mars 2011 du « Cadre d’organisation du service en orthopédagogie » : ce document, selon les termes du témoin monsieur Terrisse, conceptualise une nouvelle façon d’organiser les services d’orthopédagogie dans les écoles. Il y est prévu que la direction d’établissement élabore un plan d’intervention au besoin et en assure le suivi. L’enseignant pour sa part participe à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation du plan d’intervention des élèves de sa classe. Il y est aussi prévu que l’orthopédagogue participe à la démarche du plan d’intervention et collabore avec les partenaires externes.

[19]         Monsieur Terrisse est questionné sur la responsabilité de l’enseignant de participer à l’élaboration des plans d’interventio n. Il explique que cela signifie être en présence du parent avec l’élève et les autres personnes désignées par la direction de l’école, dans le but de déterminer des objectifs en commun. Cela signifie aussi recueillir l’information, voir à la consignation de l’information, ou se voir confier une tâche d’animation des rencontres de plans d’intervention.

L’élaboration des plans d’intervention en 2011-2012

[20]         Le 25 octobre 2011, madame Richer a écrit à madame Verdoni pour lui demander de rédiger un projet de plan d’intervention pour les élèves en difficulté d’apprentissage . La lettre a pour objet la « Rédaction de projets de plan d’intervention pour les élèves en difficultés d’apprentissage ». Elle se lit comme suit.

« Madame,

Cette missive vise à vous signifier formellement ma demande à l’effet de rédiger pour les élèves en difficultés d’apprentissage, un projet de plan d’intervention propre à chacun d’eux en collaboration avec le titulaire, les spécialistes, le TES et les autres professionnels s’il y a lieu.

Ces différents projets devront m’être soumis au plus tard le 30 novembre 2011.

Si vous estimez avoir besoin d’aide pour rencontrer mes attentes, sachez que je suis disposée à échanger avec vous à ce sujet et à mettre à votre disposition les ressources dont la Commission dispose à cette fin.

À défaut de vous conformer à cette exigence, des mesures plus sévères pourront être prises à votre endroit. […] »

[21]         Cette lettre faisait suite à une demande de la part de madame Richer. Selon madame Verdoni, madame Richer lui a dit , à un moment non précisé, qu’en raison de la lourdeur de ses tâches administratives elle ne pouvait s’occuper de tout, qu’elle pouvait déléguer et qu’elle (la plaignante) était la meilleure personne pour faire les plans d’intervention. Madame Verdoni explique avoir répliqué qu’elle n’était pas à l’aise et que ça ne faisait pas partie de sa tâche. Elle a consulté le syndicat. Elle a parlé à madame Richer trois ou quatre fois, et a signifié son refus. Madame Richer a maintenu sa demande. À l’audience, m adame Verdoni dit bien que la directrice « s’attendait à une ébauche de plans d’intervention ». La demande de la directrice était qu’elle rencontre toutes les personnes impliquées sauf les parents. La directrice devait appeler les parents pour qu’ils signent le plan d’intervention. Comme madame Richer ne changeait pas d’avis, madame Verdoni a demandé une lettre.

[22]         Madame Richer ajoute qu’elle avait avisé madame Verdoni de cette tâche, lorsque le poste d’enseignante orthopédagogue lui a été offert, ce que madame Verdoni nie. Pourtant, cette mention apparaît aussi au libellé du grief produit par le syndicat. Elle a écrit la lettre du 25 octobre 2011, car les plans d’intervention n’avaient pas débuté, et qu’une première ébauche devait être produite dans le mois de novembre. Madame Verdoni n’est pas la seule à qui elle a demandé de lui soumettre des plans d’intervention. Les autres enseignants qui ont élaboré des plans d’intervention les ont laissés dans une chemise dans son pigeonnier, afin, dit madame Richer, qu’elle puisse en prendre connaissance et les signer.

[23]         Le 27 octobre, madame Verdoni a répondu par un refus de représenter la direction, en soulignant qu’elle participerait aux rencontres. La lettre dit ceci :

« Mme Richer,

En tant qu’enseignante dispensant des services d’orthopédagogie et dans le cadre de mes fonctions, je participerai et collaborerai à l’établissement des plans d’intervention des élèves présentant des difficultés d’apprentissage. Mais tel que prévu à l’article 96.14 de la Loi sur l’instruction publique, je ne peux pas me permettre de me substituer à la direction ou de la représenter. »

[24]         Questionnée sur ce qui est arrivé par la suite, madame Verdoni dit avoir colligé les informations qu’elle détenait, à titre d’orthopédagogue, sur les élèves nécessitant un plan d’intervention. Elle a remis s es notes à madame Richer autour du 7 novembre. Elle dépose une copie de celles-ci (S-8). Il s’agit d’un document manuscrit où quelques commentaires sont inscrits, sur un ou deux paragraphes pour chacun des 25 élèves dont le nom apparaît.

[25]         Madame Verdoni dit ne pas avoir eu de nouvelles de madame Richer avant la fin novembre. Elle ajoute qu’elle pensait , selon ses termes, que c’était correct. Vers le
27 ou 28 novembre, elle rencontre madame Richer dans le corridor. Cette dernière lui dit de ne pas oublier de lui remettre, toujours selon les termes utilisés par la plaignante à l’audience, les ébauches de plans d’intervention. La plaignante lui a répondu avoir remis un document , e t madame Richer a précisé qu’elle voulait que ce soit complété sur le formulaire prévu pour le plan d’in tervention . À la suite de cette rencontre, m adame Verdoni a contacté le syndicat. Ils ont convenu qu e la plaignante fasse les plans d’intervention avec les parents et les titulaires, le temps que le litige se règle.

[26]         Le 28 novembre, madame Verdoni a transmis à madame Richer, par courriel, un court message qui dit ceci :

« Bonjour Julie,

Concernant les plans d’intervention, je suis disposée à les faire en attendant que la situation se règle (en ce qui a trait à ce litige), en autant qu’ils se fassent comme avant, c’est-à-dire que tu puisses convoquer les parents, les titulaires et autres personnes, s’il y a lieu, par l’entremise de ton secrétaire (Clément).

J’attends de tes nouvelles. »

[27]         Madame Richer a répondu par une lettre datée du même jour, et écrit « je comprends que vous allez procéder à l’élaboration des projets de plans d’intervention pour les élèves du pavillon Trois-Saisons identifiés comme ayant des difficultés d’apprentissage ». Madame Richer confirme que le soutien demandé sera donné, et joint à sa lettre la liste des élèves visés , qui compte 23 noms [2] . Tous ces élèves avaient déjà un plan d’intervention élaboré l’année précédente . La plaignante convient qu’il n’y a pas une grande différence entre le plan d’intervention d’une année à l’autre . Certains moyens d’action ou d’adaptation peuvent varier. Il faut prendre en compte les titulaires et les exigences des parents.

[28]         Tel que mentionné dans sa lettre du 28 novembre, madame Verdoni a fait les plans d’intervention. Une fois chaque plan d’intervention complété, la plaignante a déposé l’original dans les dossiers au secrétariat, en a remis une copie au titulaire, une copie aux parents et a conservé une copie. La plaignante confirme ne jamais avoir demandé au secrétaire de remettre les plans d’intervention à madame Richer. La plaignante est questionnée par le procureur de l’employeur sur le fait d’avoir remis les plans d’intervention aux parents, alors que la direction lui avait demandé de rédiger d es projets de plans d’intervention. La plaignante répond évasivement à la question. Elle déclare que le mot « projet » est un nouveau mot pour elle, que madame Richer lui a demandé, lorsqu’elle lui a remis son document manuscrit déposé sous S-8, de compléter les plans d’intervention sur les formulaires.

[29]         Un peu avant les fêtes, madame Richer a demandé à madame Verdoni si elle avait fait les plans d’intervention. Madame Verdoni a répondu que oui, mais qu’il lui en restait quelques-uns. Elle dit ne pas avoir été étonnée que la directrice lui demande si elle avait fait les plans d’intervention qui étaient déjà dans les dossiers, car madame Richer était occupée. Le 12 mars 2012, madame Verdoni a reçu un courriel de madame Richer lui disant qu’elle n’a vait toujours pas reçu les projets de plans d’intervention. Madame Verdoni lui a répondu que les plans étaient faits depuis longtemps et qu’elle complétait les suivis des plans d’intervention , que si elle voulait voir les plans d’intervention, ils étaient dans les dossiers.

[30]         Lorsque madame Richer a su que les plans d’intervention étaient dans les dossiers, elle est allée les chercher pour en prendre connaissance et les signer, et regarder ce qui avait été mis en place. Elle explique ce délai jusqu’au mois de mars, car elle était au courant du grief de harcèlement et ne voulait pas mettre de l’huile sur le feu avant que ça se règle. Le 12 mars, elle a écrit à la plaignante, car elle devait avoir les plans d’intervention pour faire le suivi des adaptations mises en place.

[31]         En 2011-2012, la directrice a participé à quatre ou cinq rencontres de plans d’intervention pour les élèves en trouble d’apprentissage . Elle explique sa présence à ces rencontres en disant qu’il s’agissait de cas plus problématiques, que le personnel a besoin de support lorsque les parents collaborent moins ou lorsque les demandes sont plus pointues et que l’orthopédagogue ne peut répondre aux exigences des parents. Elle confirme que c’est elle, en tant que directrice, qui organise les services offerts à l’école. Son équipe savait que si un enjeu particulier survenait lors d’une rencontre de plan d’intervention, elle pouvait être rejointe . Toujours en 2011-2012, madame Richer a rédigé tous les plans d’intervention pour les élèves en difficulté de comportements .

ARGUMENTATION

Argumentation du syndicat

[32]         La preuve démontre que la plaignante devait concevoir les plans d’intervention, sauf dans certains cas où la directrice s’est impliquée davantage. Pour le reste, c’est la plaignante qui élaborait les plans d’intervention. Madame Richer, la directrice, se contentait de les recevoir, de les lire et de les signer.

[33]         Le syndicat souligne que l’enseignant orthopédagogue est un enseignant. Il conteste que la commission puisse imposer à ses enseignants la responsabilité des plans d’intervention. L’encadrement législatif prévoit que la direction d’école établit le plan d’intervention, avec les parents, le personnel et l’élève. Selon la Loi , l’enseignant n’est pas seul. L’enseignant a un rôle à jouer, mais la responsabilité du plan d’intervention est celle de la direction d’école. La direction d’école établi t , voit à la réalisation et à l’évaluation périodique (article 96.14 de la L oi ) du plan d’intervention . L’enseignant participe. Participer implique de ne pas être seul. Établir ne veut pas dire recevoir, lire et signer. La lourdeur de la tâche invoquée par madame Richer n’est pas un motif pour contrevenir à la L oi .

[34]         La commission ne peut déléguer la responsabilité des plans d’intervention à un enseignant et l’équipe du plan d’intervention est incomplète sans la présence active de la direction d’école. L’enseignant , dans les circonstances décrites, est placé dans une situation de surcroît de travail, dans une situation qui ne respecte pas la Loi et la convention, et aussi, dans une situation conflictuelle et inconfortable. L’enseignant n’a ni l’information ni l’autorité nécessaire pour mobiliser des ressources . La tâche de suivi du plan d’intervention implique aussi d’évaluer le travail fait par les intervenants qui sont des collègues. Selon l’article 235 de la Loi, le plan d’intervention permet de coordonner les actions . Un enseignant ne peut coordonner les ressources de la commission. La liste des fonctions de l’enseignant, à la clause 8-2.01 de la convention,  n’implique pas que l’enseignant doive établir des plans d’intervention. Par contre, la clause 8-9.02 prévoit que l’enseignant participe à l’établissement du plan d’intervention.

[35]         À la clause 8-9.09, on voit que la direction d’école peut mettre en place l’équipe du plan d’intervention. La responsabilité de leader de cette équine ne peut être donnée à une enseignante. L’absence de certains membres de cette équipe est prévue, mais pas l’absence du représentant de la direction d’école.

[36]         L’idée qui se dégage de l’encadrement législatif, de la convention, et de la P olitique est celle d’une communauté d’intervenants chapeautés par la direction d’école qui doit assumer le leadership . Pour ce faire, la direction d’école doit être présente aux rencontres et doit prendre en charge la responsabilité des plans d’intervention . La direction d’école ne peut demander à la plaignante, enseignante orthopédagogue, d’être responsable des plans d’intervention.

[37]         Dans ses commentaires écrits sur la sentence de Commission scolaire de Portneuf , le procureur syndical réitère certains arguments et mentionne que l’obligation donnée à l’enseignante de convoquer et de diriger les rencontres relève d’un pouvoir de gestion et de direction. Les enseignants ont un rôle de participation et d’information, mais pas de gestion ou de direction. Il conclut, à l’instar de l’arbitre Côté, que la direction doit faire partie de l’équipe du plan d’intervention. Il ajoute qu’elle doit être présente aux réunions, les convoquer et les diriger, en plus d’en assumer la responsabilité.

Argumentation de l’employeur

[38]         Pour l’employeur, la direction d’école n’a jamais cédé ses responsabilités à la plaignante. Ce que la direction a demandé à madame  Verdoni est de rédiger les plans d’intervention et de lui soumettre, pour qu’elle les établisse formellement. L’enseignante orthopédagogue est celle qui peut identifier les besoins, mais c’est la direction qui décide par la suite. Dans cette situation, le rôle de la direction ne se limite pas à recevoir les plans d’intervention et à les signer. Elle en prend connaissance et lorsqu’elle signe un plan d’intervention, elle l’approuve.

[39]         Nulle part on ne précise quel sera le niveau de participation des intervenants et à quel titre l’enseignant va participer à l’élaboration des plans d’intervention. Le procureur trouve étonnant que le syndicat considère que la rédaction des plans d’intervention ne fasse pas partie de la tâche de l’enseignant orthopédagogique. C’est au contraire directement dans sa tâche de cibler les besoins des élèves, de rencontrer les parents et les titulaires. Quant au rôle de la direction d’école, la preuve révèle qu’elle a établi les plans d’intervention et s’est aussi assurée de l’atteinte des objectifs. Il rappelle que la direction d’école participe à toutes les rencontres multi.

[40]         Le procureur invite le tribunal à faire preuve d’un certain réalisme. Le législateur, en disant que la direction d’école était responsable d’établir les plans d’intervention, n’a pas voulu que la direction soit systématiquement présente, physiquement, à toutes les rencontres et rédige tous les plans d’intervention. Il y a dans la notion d’établir une manifestation d’autorité.  Il s’agit de mettre en vigueur. Établir ne signifie pas rédiger. Dans son rôle, la direction d’école peut confier des tâches. La demande faite à madame Verdoni n’est aucunement abusive. L’animation de rencontres et la rédaction des plans d’intervention sont au cœur de sa tâche d’enseignante orthopédagogue. La pratique quotidienne montre que tout se déroule bien. En cas de problèmes, la direction peut être appelée.

[41]         La clause 8-9.09 n’impose pas la présence de la direction d’école. On y parle d’un représentant de la direction d’école. Rien n’empêche que cette fonction soit déléguée à l’orthopédagogue. Rien n’oblige que cette personne soit un cadre. Le droit de gérance de l’employeur n’est pas restreint. La délégation est possible et est même prévue au Cadre de référence publié par le ministère. Le procureur souligne aussi l’importance du rôle de l’enseignant comme premier intervenant.

[42]         Le procureur de l’employeur commente particulièrement la décision de l’arbitre Côté quant à ses conclusions sur la composition de l’équipe du plan d’intervention et sur la présence du représentant de la direction aux rencontres de l’équipe du plan d’intervention. Bien qu’il ne puisse contester que le représentant de la direction fasse partie de l’équipe du plan d’intervention, il considère que la clause 8-9.09 ne prévoit pas l’obligation pour cette représentante ou ce représentant, bien qu’il compose l’équipe du plan d’intervention, d’être présent aux rencontres. Il soumet qu’imposer cette exigence ne tient pas compte de la Loi et vient stériliser les réponses données aux questions préalables par l’arbitre Côté. De plus, la clause 8-9.09 ne mentionne pas que ce représentant de la direction doit être la directrice ou la directrice adjointe. Cette fonction peut donc être déléguée, à condition que la direction ne se décharge pas de sa responsabilité prévue à l’article 96.14 de la Loi.

LES MOTIFS

[43]         Aucune des parties ne remet en cause que la responsabilité d’établi r le s plans d’intervention appartient à la direction d’école , pas plus qu’il n’est contesté que l’enseignant doive participer à l’établissement des plans d’intervention.

[44]         Le libellé du grief reproche à la directrice d’avoir signifié formellement à madame Lydia Verdoni, une enseignante orthopédagogique, de rédiger un projet de plan d’intervention sous peine de mesures plus sévères. Le syndicat considère que l’employeur, en agissant ainsi, a contrevenu à la Loi et à la convention en confiant à une enseignante orthopédagogue la responsabilité d’établir les plans d’intervention, et aussi en confiant à une enseignante des tâches de gestion et de direction.

[45]         Le syndicat considère aussi que l’employeur a contrevenu à la convention, car l’équipe du plan d’intervention était incomplète en l’absence de représentant de la direction nommé et présent parmi le groupe.

La jurisprudence

[46]         Le 18 mars 2013, l’arbitre André C. Côté a rendu une décision dans Commission scolaire de Portneuf et Syndicat de l’enseignement de Portneuf, SAET 8653. Les questions en litige étaient très similaires à celles soulevées dans le présent dossier. L’arbitre Côté campe ainsi le litige :

« Par son grief (S-3), le Syndicat conteste la légalité de la décision, prise et communiquée par la direction de l' école du Perce-Neige à la rentrée 2011, de confier à des membres de l'unité syndicale, notamment à des enseignantes orthopédagogues, la responsabilité de convoquer et de diriger, sans participation de la direction, des rencontres de plan d'intervention et d'en rédiger les conclusions, avant de les remettre pour signature à la  direction de l' école.

Le Syndicat conteste la décision attaquée essentiellement pour trois motifs :

- elle constituait une sous-délégation illégale par la direction de l’école d'une discrétion administrative qui lui est conférée par la "Loi sur l'instruction publique" (L.R.Q. c. I-13.3), notamment à son article 96.14;

- elle était contraire à plusieurs des dispositions du chapitre 8-0.00 de la convention collective portant sur la "Tâche de l'enseignante ou l'enseignant et son aménagement", notamment l'article 8-2.00 relatif à la "Fonction générale", l'article 8-5.00 relatif à la "Semaine régulière de travail", l'article 8-6.00 relatif à la "Tâche éducative" et l'article 8-9.00 traitant des "Dispositions relatives aux élèves à risque et aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage";

- elle a été prise et appliquée de mauvaise foi, de façon vexatoire, abusive et déraisonnable, de telle manière qu'elle constituait un abus de droit au sens des articles 6 , 7 , 1375 et 2087 du " Code civil du Québec ". »

[47]         Il s’agit de la seule décision connue par le tribunal qui porte spécifiquement sur les questions soulevées par ce grief. Les faits sont un peu différents en raison du contexte particulier du présent dossier, mais cela n’affecte pas le fond du dossier. Mes conclusions rejoignent en très grand partie celles de l’arbitre Côté, malgré que j’ai choisi de ne citer que de courts extraits de sa décision.

[48]         La décision Commission scolaire des Bois-Francs et Syndicat de l’enseignement des Bois-Francs , 2009-04-02, SAET 8276, de l’arbitre Marcel Morin, déposée par l’employeur, aborde la question de la présence ou de la participation de la direction d’école au plan d’intervention. Cependant, cette décision est antérieure à la nouvelle disposition 8-9.09 de la convention. L’autre sentence déposée traite du cas d’un enseignant qui contestait devoir fournir du matériel adapté aux plans d’intervention (SAET 8466).

La conclusion sur les faits

[49]         Il faut dans un premier temps statuer sur les faits. Les deux parties ont une vision différente des choses.

[50]         Le témoignage de madame Verdoni est variable. À certains moments, elle affirme que madame Richer lui a demandé de faire les projets de plans d’intervention, parlant même d’ébauches de plans d’intervention. À d’autres moments, elle dit que le mot « projet » est nouveau pour elle. Elle dit ne pas avoir été avisée, lorsqu’elle a accepté le contrat, qu’elle aurait cette tâche à faire. Cette affirmation est surprenante dans le contexte où lors de la rédaction du grief, elle impute à madame Richer des paroles qui impliquent qu’elle a effectivement été avisée, ce que confirme madame Richer à l’audience. Que madame Verdoni ait été avisée ou non ne change rien au fond du grief, mais son témoignage sur cet aspect de la preuve, comme sur d’autres aspects, amène le tribunal à mettre en doute la fiabilité de celui-ci. Le même commentaire s’applique pour le nombre de plans d’interventions que madame Verdoni a complété.

[51]         Par ailleurs, le témoignage de madame Richer est constant, et la preuve documentaire non contestée. En conséquence, je retiens de la preuve testimoniale et documentaire que madame Richer a demandé à madame Verdoni d’élaborer des projets de plans d’intervention pour un certain nombre d’élèves en situation de trouble d’apprentissage, et de lui remettre les projets pour la fin novembre.

[52]         Apr ès quelques pourparlers avec la directrice et avec son syndicat, madame Verdoni a procédé à faire les plans d’intervention dans le cas d’une vingtaine d’élèves ayant des troubles d’apprentissage et ayant déjà un plan d’intervention. Elle a spécifiquement demandé à la directrice de convoquer les rencontres, ce qui fut fait.

[53]         Madame Verdoni n’a pas expliqué, de façon détaillée, comment les rencontres se sont déroulées. La demande qui lui avait été faite était de préparer des projets de plans d’intervention avec le titulaire, les spécialistes, le TES et les autres professionnels. Madame Verdoni a aussi voulu rencontrer les parents. Elle a demandé à la directrice de convoquer les parents, les titulaires et les autres personnes. Je comprends donc que toutes ces personnes étaient présentes aux rencontres.

[54]         Après avoir préparé les plans d’intervention avec ce groupe, madame Verdoni les a remis aux titulaires, les a fait signer par les parents sans les montrer à la directrice, et les a tout simplement déposés dans les dossiers, encore une fois sans les montrer à la directrice. Ce n’était certainement pas ce que la direction lui avait demandé. Madame Verdoni a remis les plans d’intervention à tout le monde, sauf à la directrice. Elle dit maintenant devant le tribunal qu’elle a tout fait seule.

[55]         À cause du grief de harcèlement déposé et qui la mettait en cause, la directrice a attendu au 12 mars pour demander, par écrit, ce qui arrivait avec les plans d’intervention. Parmi les plans d’intervention demandés à la plaignante, la directrice a assisté aux rencontres pour environ cinq cas plus complexes pour les élèves présentant des troubles d’apprentissage. Elle était aussi présente à toutes les rencontres pour les élèves présentant des troubles de comportement. La plaignante n’est pas intervenue dans ces dossiers.

[56]         Il y a donc lieu d’analyser le bien-fondé du présent grief en fonction de ce que la direction a demandé à madame Verdoni. Au départ , madame Richer avait demandé à madame Verdoni de lui remettre les projets de plans d’intervention afin qu’elle en prenne connaissance et les approuve, le cas échéant, avant qu’ils ne soient mis en œuvre. C’est d’ailleurs ce que le grief lui reproche.

[57]         La façon dont madame Verdoni a décidé de procéder par la suite, sans transmettre les plans d’intervention à la directrice, découle de son choix à elle et non d’une demande de la direction, au contraire. Dans les circonstances, le syndicat ne peut, en se basant sur cette conduite de la plaignante, reprocher à l’employeur que madame Richer ne faisait que signer les projets de plans d’intervention. La preuve démontre que la directrice a plutôt demandé que des projets de plans d’intervention lui soient remis.

La directrice a-t-elle confié à la plaignante la responsabilité d’établir les plans d’intervention ou des tâches de gestion et de direction, contrairement à la Loi et à la convention

[58]         Les dispositions de la Loi auxquelles les parties ont référé sont principalement l’article 96.14, l’article 96.21 et l’article 235.

Art. 96.14

Le directeur de l’école, avec l’aide des parents d’un élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, du personnel qui dispense des services à cet élève et de l’élève lui-même, à moins qu’il n’en soit incapable, établit un plan d’intervention adapté aux besoins de l’élève. Ce plan doit respecter la politique de la commission scolaire sur l’organisation des services éducatifs aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage et tenir compte de l’évaluation des capacités et des besoins de l’élève faite par la commission scolaire avant son classement et son inscription dans l’école.

Le directeur voit à la réalisation et à l’évaluation périodique du plan d’intervention et en informe régulièrement les parents.

Art. 96.21

Le directeur de l’école gère le personnel et détermine les tâches et responsabilités de chaque membre du personnel en respectant les dispositions des conventions collectives ou des règlements du ministre applicables et, le cas échéant, les ententes conclues par la commission scolaire […].

Art. 235

La commission scolaire adopte, après consultation du comité consultatif des services aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, une politique relative à l'organisation des services éducatifs à ces élèves qui assure l'intégration harmonieuse dans une classe ou un groupe ordinaire et aux autres activités de l'école de chacun de ces élèves lorsque l'évaluation de ses capacités et de ses besoins démontre que cette intégration est de nature à faciliter ses apprentissages et son insertion sociale et qu'elle ne constitue pas une contrainte excessive ou ne porte pas atteinte de façon importante aux droits des autres élèves.

Cette politique doit notamment prévoir:

1° les modalités d'évaluation des élèves handicapés et des élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, lesquelles doivent prévoir la participation des parents de l'élève et de l'élève lui-même, à moins qu'il en soit incapable;

2° les modalités d'intégration de ces élèves dans les classes ou groupes ordinaires et aux autres activités de l'école ainsi que les services d'appui à cette intégration et, s'il y a lieu, la pondération à faire pour déterminer le nombre maximal d'élèves par classe ou par groupe;

3° les modalités de regroupement de ces élèves dans des écoles, des classes ou des groupes spécialisés;

4° les modalités d'élaboration et d'évaluation des plans d'intervention destinés à ces élèves.

Une école spécialisée visée au paragraphe 3° du deuxième alinéa n'est pas une école visée par l'article 240.

[59]         Que prévoient ces dispositions ? Selon l’article 96.14, le directeur d’école établit les plans d’intervention, avec l’aide des parents d’un élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, du personnel qui dispense des services à cet élève et de l’élève lui-même . Le premier paragraphe de l’article 96.14 dit aussi qu e les plans d’intervention doivent respecter la politique adoptée par la commission. C’est cett e politique qui, selon l’article 235, devra prévoir les modalités d'élaboration et d'évaluation des plans d'intervention destinés à ces élèves.

[60]         L a « Politique d’organisation des services éducatifs aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage » est déposée. Les deux parties y réfèrent. Il y est prévu que la direction d’école et les enseignants sont responsables des actions suivantes :

« La direction de l’école est responsable :

·          D’assurer l’application de la présente politique;

·          D’établir un plan d’intervention avec (Loi art. 96.14);

·          De participer au PSII, le cas échéant [3] ;

·          D’informer le Conseil d’établissement de la réalité des EHDAA de l’école;

·          De libérer le personnel enseignant de sa tâche jusqu’à concurrence de 6 jours pour établir le PI et/ou en assurer le suivi. Pour au moins deux de ces journées, les élèves doivent fréquenter l’école;

·          D’établir le comité local EHDAA ;

·          De faciliter la concertation et la consultation des différents intervenants ;

·          De voir à ce que les parents ou le responsable soient informés adéquatement sur les services éducatifs offerts et sur l’évolution de leurs enfants ;

·          De fournir aux enseignants concernés les renseignements touchant cet élève. […]

Les enseignants ont la responsabilité :

·          De référer à la direction de l’école les élèves qu’ils jugent en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage;

·          De participer à l’élaboration, à l’application et à l’évaluation du plan d’intervention de leurs élèves en difficulté;

·          De communiquer avec les parents […];

·          D’adapter, dans le cadre du projet éducatif, leurs interventions […]. »

[61]         La référence à la Politique permet de voir que le rôle donné à la direction de l’école en est un de gestionnaire, d’organisation, de facilitateur, de surveillance. Selon la Politique, la direction d’école est responsable, entre autres, d’établir un plan d’intervention, de libérer le personnel pour établir le plan d’intervention, de faciliter la concertation et la consultation des intervenants, de voir à ce que les parents soient informés adéquatement. Par opposition, l’enseignant participe à l’élaboration, à l’application, à l’évaluation du plan d’intervention. Il est responsable de communiquer avec les parents. Il adapte ses interventions.

[62]         Les parties ont référé à la définition du mot « établir » . Établir signifie « mettre en vigueur, en application ». L’article 96.14 impose donc à la direction de l’école de mettre en œuvre, ou de mettre en application les plans d’intervention. Cette mise en œuvre va se faire en collaboration avec les parents, le personnel visé, et l’élève. Finalement, l ’article 96.14 dit que la commission devra adopter une Politique et s’y conformer.

[63]         Avoir la responsabilité d’établir, ou de mettre en œuvre, implique, selon le Cadre de référence du ministère, que le directeur d e l ’école est imputable relativement à l’ensemble des décisions prises dans ce plan d’intervention et qu’il lui appartient d’en assurer le suivi [4] . Le Cadre de référence précise aussi que les modalités mises en place pour s’acquitter de cette responsabilité peuvent varier, en fonction des caractéristiques de chaque milieu.

[64]         Le tribunal n’est pas lié par le contenu de cette publication. Cependant, ces extraits, à mon avis, reflètent bien le rôle et les responsabilités du directeur d’école au sens de l’article 96.14 de la Loi. Avoir la responsabilité d’établir les plans d’intervention signifie être garant de leur mise en œuvre et en rendre compte .

[65]         Pour répondre au grief, il faut donc se demander si la direction d’école a confié à madame Verdoni la responsabilité de la mise en œuvre des plans d’intervention. La réponse est évidemment non.

[66]         Cette lecture de l’article 96.14 trouve aussi écho dans les dispositions négociées par les parties à la convention. Les parties à la convention ont prévu un ensemble de dispositions sur les plans d’intervention. Celles qui sont particulièrement visées par le présent grief touchent l’équipe du plan d’intervention.

  8-9.02 Organisation des services

B) Politique de la commission

La commission adopte une politique relative à l’organisation des services éducatifs aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage; cette politique doit notamment déterminer les modalités d’intégration et les services d’appui à l’intégration.

H) Plan d’intervention

1) Un plan d’intervention doit être établi pour tout élève handicapé ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage et peut également l’être pour tout élève à risque. L’enseignante ou l’enseignant doit participer à l’établissement du plan d’intervention.

2) Le plan d’intervention est un outil de concertation et de référence pour les intervenantes et intervenants.

[…]

8-9.09 Équipe du plan d’intervention

A) Dans le cadre des différentes actions pouvant être posées par la direction de l’école, celle-ci peut mettre en place l’équipe du plan d’intervention en vue d’assumer une ou plusieurs des responsabilités énoncées au paragraphe D) suivant.

B) Dans les cas prévus au sous-paragraphe 2) du paragraphe C) de la clause
8-9.07, la direction de l’école met en place l’équipe du plan d’intervention dans les 15 jours qui suivent la réception du formulaire. 

C)         1) L’équipe du plan d’intervention est composée des personnes
suivantes : une représentante ou un représentant de la direction de l’école, l’enseignante ou les enseignantes ou l’enseignant ou les enseignants concernés, et les parents de l’élève;

2) l’absence des parents ne peut en aucun cas retarder ou empêcher le travail de l’équipe du plan d’intervention;

3) l’élève lui-même participe aux travaux de l’équipe à moins qu’il en soit incapable;

4) en tout temps, l’équipe peut s’adjoindre d’autres ressources si elle le juge nécessaire.

D) L’équipe du plan d’intervention a notamment comme responsabilités :

1) d’analyser la situation et d’en faire le suivi, le cas échéant;

2) de demander, si elle l’estime nécessaire, les évaluations pertinentes au personnel compétent;

3) de recevoir tout rapport d’évaluation et d’en prendre connaissance, le cas échéant;

4) de faire des recommandations à la direction de l’école sur le classement de l’élève et son intégration, s’il y a lieu;

5) de faire des recommandations à la direction de l’école sur la révision de la situation d’un élève;

6) de faire des recommandations à la direction de l’école sur les services d’appui à fournir (nature, niveau, fréquence, durée, etc.);

7) de collaborer à l’établissement, par la directrice ou le directeur de l’école, du plan d’intervention en faisant les recommandations appropriées;

8) de recommander ou non à la direction de l’école, lors de l’application du sous-paragraphe 2) du paragraphe C) de la clause 8-9.07, la reconnaissance d’un élève comme élève présentant des troubles du comportement, ou comme élève en difficulté d’apprentissage, suivant le cas.

E) La direction de l’école décide de donner suite aux recommandations de l’équipe du plan d’intervention, ou de ne pas les retenir, dans les 15 jours de ces recommandations, à moins de circonstances exceptionnelles.

(…)

[67]         C es dispositions font partie de la clause 8-9.00, qui porte sur les dispositions relatives aux élèves à risque et aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage. La clause 8-9.02 paragraphe B) reprend l’obligation pour la commission d’adopter une politique relative à l’organisation des services éducatifs . La clause 8-9.02 H) réit ère qu’un plan d’intervention doit être établi. Les parties y ont précisé que l’enseignant doit participer à l’établissement du plan d’intervention.

[68]         Conformément aux alinéas 1 à 6 de la clause 8-9.09 D), l’équipe du plan d’intervention a la responsabilité, entre autres, de faire des recommandations sur le classement de l’élève et son intégration, sur la révision de la situation d’un élève, et sur les services d’appui à fournir à l’élève.

[69]         L’équipe du plan d’intervention doit identifier les besoins et les moyens, ou les services, susceptibles de répondre aux besoins d’un élève en difficulté d’apprentissage. Elle doit collaborer à l’établissement, par la directrice de l’école, du plan d’intervention en faisant les recommandations appropriées.

[70]         Dans le présent dossier, en demandant à madame Verdoni de rédiger les projets de plans d’intervention et de les lui remettre pour vérification et approbation, la directrice a confié à madame Verdoni , enseignante orthopédagogue, des responsabilités tout à fait compatible s avec les responsabilités prévues à la clause
8-9.09 D) de la convention.

[71]         Cette clause ne dit pas, noir sur blanc, que l’équipe du plan d’intervention prépare l’ébauche ou le projet de plan d’intervention et le soumet à la direction pour approbation. Cependant, il faut bien constater que l’essence de ce qui est énoncé comme responsabilités correspond à préparer un projet, en prenant en compte tous les éléments pertinents à l’élaboration d’un plan d’intervention, et à le soumettre à la direction. L’équipe du plan d’intervention a un large pouvoir de recommandation, incluant les recommandations sur les services à fournir à l’élève. Toutefois, malgré ces pouvoirs importants, lorsque l’équipe du plan d’intervention exerce lesdits pouvoirs, elle n’établit pas le plan d’intervention au sens prévu à l’article 96.14 de la Loi. Selon la clause 8-9.09 D) alinéa 7, l’équipe du plan d’intervention collabore à l’établissement, par la directrice ou le directeur de l’école, du plan d’intervention. Par la suite, la direction décide de donner suite, ou non, aux recommandations (clause 8-9.09 E).

[72]         Il ne faut pas confondre la responsabilité d’établir les plans d’intervention avec la tâche de rédiger un projet de plan d’intervention ou de faire des recommandations . En demandant à une enseignante orthopédagogue de rédiger des projets de plans d’intervention en collaboration avec les titulaires et le personnel concerné , la directrice a confié des tâches qui s’inscrivent tout à fait dans la nature des tâches qui peuvent être confiées à l’équipe du plan d’intervention .

[73]         L orsque la direction d’école confi e à l’équipe du plan d’intervention les responsabilités énumérées à la clause 8-9.09 D) , elle conserve sa responsabilité d’établir le plan d’intervention. Le même raisonnement s’applique en l’espèce, même si la composition de l’équipe du plan d’intervention est remise en question par le syndicat. D’une part, la nature des tâches confiées ne change pas en fonction de la composition de l’équipe. D’autre part, la preuve confirme que madame Richer a bien demandé à madame Verdoni de préparer des projets de plan d’intervention, en collaboration avec les titulaires et le personnel concerné.

[74]         S’agit-il, par ailleurs, de tâches de gestion ou de direction. La clause 8-2.01 de la convention prévoit les attributions caractéristiques de l’enseignant ou de l’enseignante :

8-2.01

L'enseignante ou l'enseignant dispense des activités d'apprentissage et de formation aux élèves et elle ou il participe au développement de la vie étudiante, les activités étudiantes1 faisant partie intégrante de la fonction d’enseignante ou d’enseignant.

Dans ce cadre, les attributions caractéristiques de l'enseignante ou l'enseignant sont :

1) de préparer et de dispenser des cours dans les limites des programmes autorisés;

2) de collaborer avec les autres enseignantes ou enseignants et les professionnelles ou professionnels de l'école en vue de prendre les mesures appropriées pour servir les besoins individuels de l'élève;

3) d'organiser et de superviser des activités étudiantes et d’y participer;

4) d'organiser et de superviser des stages en milieu de travail;

5) d'assumer les responsabilités d'encadrement auprès d'un groupe d'élèves;

6) d'évaluer le rendement et le progrès des élèves qui lui sont confiés et d'en faire rapport à la direction de l'école et aux parents selon le système en vigueur; ce système est un objet soumis à l’organisme de participation des enseignantes et enseignants déterminé dans le cadre du chapitre 4-0.00;

7) de surveiller les élèves qui lui sont confiés ainsi que les autres élèves lorsqu'ils sont en sa présence;

8) de contrôler les retards et les absences de ses élèves et d'en faire rapport à la direction de l'école selon le système en vigueur; ce système est un objet soumis à l’organisme de participation des enseignantes et enseignants déterminé dans le cadre du chapitre 4-0.00;

9) de participer aux réunions en relation avec son travail;

10) de s'acquitter d'autres fonctions qui peuvent normalement être attribuées à du personnel enseignant. »

[75]         Questionnée sur qui était en mesure de fournir l’information pour compléter un plan d’intervention, madame Verdoni a convenu qu’il s’agissait de l’enseignante orthopédagogue et du titulaire, et à l’occasion d’autres professionnels impliqués dans le dossier d’un élève. Ces personnes sont celles qui peuvent définir les besoins de l’élève et qui peuvent identifier les mesures d’appui à l’élève. Ces actions relèvent essentiellement d’une évaluation professionnelle et non d’une tâche de gestion. Il faut d’ailleurs souligner que l’on parle toujours de mesures d’appui à l’élève, et non des mesures de soutien accordées aux enseignants. Cette dernière partie du plan d’intervention, selon la preuve, n’est pas complété e par l’équipe du plan d’intervention, mais par l’enseignant qui transmet sa demande à la direction.

[76]         Madame Verdoni a mentionné que cette tâche était lourde. Je n’ai pas à me prononcer à cet égard. Ce qui importe ici est de savoir s’il s’agit de tâches de gestion ou de direction. Je retiens qu’aucun des allégués du syndicat dans ses exemples pour illustrer qu’il s’agissait de tâches de gestion ou de direction n’a été démontré. La preuve ne révèle aucunement que la plaignante devait évaluer ses collègues, ni qu’elle devait décider des moyens à mettre en place,  ou encore mobiliser et coordonner des ressources. Il n’a pas davantage été mis en preuve que la plaignante intervenait dans l’horaire des autres enseignants. L’équipe a peut-être eu à évaluer si certains moyens d’aide étaient efficaces, ce qui est bien différent d’évaluer un collègue, et encore là la preuve à cet égard est contradictoire, car madame Richer dit bien, sans être contredite, qu’elle assurait la mise en œuvre et le suivi des plans d’intervention par le biais des
« rencontres multi ».

[77]         Il faut donc conclure que la participation demandée à madame Verdoni demeurait dans le cadre de son expertise professionnelle d’enseignante orthopédagogue. Elle a participé à l’établissement du plan d’intervention et a aussi agi en collaboration avec les autres membres de l’équipe du plan d’interventio n.

[78]         Le syndicat insiste sur le fait que madame Verdoni ait animé et aussi convoqué les rencontres. Selon la preuve, c’est la directrice qui convoquait les rencontres, la plaignante lui ayant demandé, s’adressant à madame Richer, que « tu puisses convoquer les parents, les titulaires et autres personnes, s’il y a lieu, par l’entremise de ton secrétaire ». Quant à l’animation des rencontres, je comprends mal comment cela, en soi, peut devenir une tâche de gestion ou de direction. Animer ne veut pas dire prendre des décisions que la direction doit prendre. Animer une réunion peut très bien signifier être modérateur, encourager la discussion, suivre un ordre du jour, consigner les positions. Encore là, la preuve n’a pas du tout permis de conclure que la plaignante devait, pour répondre au mandat confié par la directrice, exercer une position d’autorité, de décideur ou d’arbitre. Au risque de me répéter, la directrice avait bien demandé un projet de plan d’intervention fait en collaboration avec les autres intervenants visés. Il s’agit d’évaluer des besoins, dans le cadre d’une expertise professionnelle, et de suggérer des mesures.

[79]         Il faut donc répondre à ces deux questions par la négative , pour les motifs susmentionnés . La direction n’a pas confié à la plaignante la responsabilité d’établir les plans d’intervention . La preuve démontre que les tâches confiées à la plaignante correspondent aux tâches prévues à la clause 8-9.09 D). La directrice a conservé la responsabilité des plans d’intervention, ce qui implique de décider, de coordonner, de mettre en œuvre.

[80]         Cette conclusion rejoint celle de l’arbitre Côté dans l’affaire précitée . L’arbitre Côté considère que l’article 96.14 impose au directeur d’école des actes de gestion administrative. Il fait aussi référence au sens du mot « établir », pour conclure que :

« La responsabilité statutaire première du directeur de l’école quant au plan d’intervention est donc de faire en sorte de la mettre en place et non de l’élaborer, de la préparer ou de le rédiger lui-même. Il doit ensuite voir à son application et à son évaluation périodique. »

[81]         L’arbitre Côté cite quelques dispositions de la convention, dont la clause sur l’équipe du plan d’intervention. C’est lorsque la direction de l’école donne suite aux recommandations de l’équipe du plan d’intervention qu’elle établit le plan d’intervention. Il poursuit ainsi :

« Le rôle de l'équipe du plan d'intervention consiste en effet essentiellement à procéder à des analyses et à des évaluations, ainsi qu'à faire des recommandations à la direction de l’école quant aux voies et moyens à privilégier en appui à l'élève identifié comme étant en difficulté. Il revient alors à cette dernière d'entériner et de mettre en application ces avis et recommandations de l'entité qu'elle a ainsi mandatée en application de la convention collective pour analyser la situation et planifier les interventions.

[…]

Le rôle de la directrice de l' école n'est donc pas de procéder elle-même à l'analyse des capacités et besoins de l'élève, ce qui fait partie des responsabilités de l'équipe du plan d'intervention aux termes de la clause 8-9.09 D), mais bien de s'assurer que cette analyse se fasse sous son autorité. »

[82]         La direction n’a pas davantage confié à la plaignante des tâches de gestion et de direction. La plaignante, à titre d’enseignante orthopédagogue, doit participer à l’établissement du plan d’intervention. Ses tâches étaient celles d’une professionnelle, et non des tâches de gestion ou de direction. Les allégations à cet égard ne sont pas démontrées.

L’employeur a-t-il contrevenu à la convention sur la composition de l’équipe du plan d’intervention

[83]         Le syndicat considère que la plaignante ne pouvait être la représentante de la direction au sein de l’équipe du plan d’intervention. Il souligne qu’un représentant de la direction de l’école doit faire partie de l’équipe du plan d’intervention. À son avis, cette personne doit être présente en tout temps lors des rencontres et doit assurer le leadership des rencontres.

[84]         L’arbitre Côté dans sa récente sentence avait à décider, en plus, si l’employeur avait mis sur pied l’équipe du plan d’intervention. Ce moyen n’a pas été soulevé devant la soussignée. Le cas échéant, j’aurais aussi conclu que la directrice, en demandant à la plaignante de rédiger les projets de plan d’intervention et en convoquant les parents, les titulaires et autres personnes, mettait sur pied l’équipe du plan d’intervention. Madame Verdoni devait, à la suite de ces rencontres, remettre à la directrice les projets de plans d’intervention.

[85]         Sur la composition de l’équipe du plan d’intervention, l’arbitre Côté s’exprime ainsi :

« Ce texte est clair et ne laisse place à aucune interprétation. Il oblige la direction de l’école, lorsqu'elle met en place l'équipe du plan d'intervention, à y nommer un représentant de la direction de l’école, ce qui ne peut vouloir dire autre chose, dans le contexte de la convention collective, qu'un membre de la direction de l’école.

Ce dont il est question ici c'est autre chose que de la supervision et du contrôle de l'élaboration et du suivi du plan d'intervention qui intervient sous l'autorité de la direction de l’école à l'occasion des diverses rencontres de concertation qui ponctuent l'année scolaire, comme on l'a vu en preuve.

On parle ici bel et bien de la présence d'un représentant de la direction sur l'équipe du plan d'intervention, ce qui implique de façon nécessaire que cette personne partage, entièrement et en toute collégialité, les responsabilités confiées par la direction à l'équipe en application des paragraphes A) et D) de la clause 8-9.09.

En introduisant cette disposition nouvelle à la convention collective, les parties ont manifestement voulu que la direction soit partie prenante à la démarche même de concertation impliquant les enseignants concernés, les parents et les autres ressources internes ou externes pouvant être associés à cette étape de l'élaboration ou de la révision du contenu du plan d'intervention.

Il est tout à fait possible qu'en ce faisant, les parties aient également eu à l'esprit certaines des préoccupations que le Syndicat a véhiculées à l'appui de son grief, comme, par exemple, que les discussions sur les moyens envisagés interviennent en toute connaissance des ressources humaines et matérielles disponibles, ou encore, que la présence de la direction facilite et augmente le poids de la démarche en manifestant concrètement auprès des parents l'engagement des autorités de l' école tout au long du processus.

Quoi qu'il en soit, en ne désignant pas de représentant de la direction de l ’école sur l'équipe du plan d'intervention dans les cas visés par le grief, Mme Brière contrevenait indubitablement à la clause 8-9.09 de la convention collective. »

[86]         Je partage ces conclusions dans leur quasi-totalité.

[87]         La clause 8-9.09 C) a été adoptée sous la convention 2010-2015. Il s’agit donc d’une clause récente. L’équipe du plan d’intervention existait sous la convention précédente, mais sa composition n’était pas précisée. L ’équipe du plan d’intervention , selon cette nouvelle clause 8-9.09 C), est composée d’un représentant de la direction d e l ’école, de l’enseignant ou des enseignants concernés, et des parents. L es parties ont prévu à la clause 8-9.09 C) 2 ième paragraphe, que l’absence des parents n’empêchait pas le travail de l’équipe. Quant à l’élève, il participe, sauf s’il en est incapable.

[88]         En prévoyant que l’absence des parents et de l’élève n’empêchaient pas le travail de l’équipe du plan d’intervention, les parties ont certainement voulu que cette équipe ne soit pas paralysée par le défaut de collaboration des parents ou encore par l’incapacité de leur part, ou de celle de l’élève, de participer aux travaux de l’équipe du plan d’intervention. Une telle mention n’apparaît pas pour les enseignants concernés et pour le représentant de la direction de l’école. Il faut donc minimalement en conclure qu’un représentant de la direction de l’école doit faire partie de l’équipe du plan d’intervention, comme les enseignants concernés et les titulaires.

[89]         Madame Verdoni n’était pas la représentante de la direction de l’école au sein de l’équipe du plan d’intervention . Cette conclusion s’impose avant même d’analyser si une enseignante orthopédagogue peut être la représentante de la direction de l’école. Il n’y a aucune preuve confirmant ou même indiquant que madame Richer ait désigné madame Verdoni comme représentante de la direction de l’école. Je ne peux absolument pas inférer du fait que madame Richer a demandé à madame Verdoni de rédiger les projets de plan d’intervention et de tenir les rencontres, qu’elle la désignait à titre de représentante de la direction de l’école. Madame Verdoni a, selon la preuve prépondérante, été désignée à titre d’enseignante orthopédagogue, car elle était la personne la mieux placée pour rédiger les projets de plans d’intervention. Elle n’a pas été désignée comme représentante de la direction.

[90]         La directrice a d’ailleurs témoigné à l’effet que l’équipe était constituée comme dans les années précédentes. La clause 8-9.09 C) étant nouvelle, il n’y avait pas antérieurement de représentant de la direction au sein de l’équipe du plan d’intervention, du moins pas de façon obligatoire.

[91]         Il n’y avait donc pas de représentant de la direction de l’école au sein de l’équipe du plan d’intervention. Je ne peux cependant m’en tenir à cette conclusion. Je dois aborder la question suivante, soit déterminer si une enseignante orthopédagogue peut se voir confier ces tâches. Il s’agit en effet d’un élément important dans la position du syndicat qui considère que l’enseignante orthopédagogue est placée dans une situation irrégulière s’il n’y a pas de représentant de la direction au sein de l’équipe du plan d’intervention.

[92]         À mon avis, u ne enseignante orthopédagogue ne peut être désignée comme représentante de la direction de l’école au sein de l’équipe du plan d’intervention. J’arrive à ce constat en raison du libellé de la clause 8-9.09 C). L’équipe du plan d’intervention est composée d’un représentant de la direction de l’école, de l’enseignant (titulaire) et des autres enseignants concernés, des parents et de l’élève. Les parties ont prévu la présence d’un représentant de la direction de l’école , et non la désignation d’un responsable parmi les enseignants qui sont déjà membres du groupe . Il s’agit de deux concepts différents. Voilà le premier motif. Aussi, l a clause 8-9.09 C) parle bien d’un représentant de la direction de l’école. Il faut donc que cette personne représente la direction. Représenter signifie, en principe, agir au nom de quelqu’un. L’enseignant ne représente pas la directio n. Il est présent sur cette équipe en tant qu’enseignant orthopédagogue . L’enseignant agit comme professionnel, dans le cadre de ses fonctions.

[93]         La dernière question soulevée consiste à déterminer si seuls le directeur (la directrice) ou son adjoint peuvent être nommés comme représentant de la direction de l’école au sein de l’équipe du plan d’intervention. Le procureur de l’employeur souligne que les termes de directeur ou de directeur adjoint sont connus des parties. Si elles avaient voulu y faire référence, elles l’auraient fait.

[94]         On peut effectivement déduire qu’en utilisant des termes différents les parties ont voulu dire autre chose. Il faut aussi noter que la responsabilité confiée au directeur de l’école à l’article 96.14 de la Loi, et la participation d’un représentant de la direction de l’école à l’équipe du plan d’intervention, sont des rôles différents. On ne peut inférer de l’article 96.14 que le directeur de l’école doit faire partie de l’équipe du plan d’intervention pour respecter son obligation d’établir des plans d’intervention. L’employeur ajoute qu’il est concrètement impossible pour la direction, dans certaines situations, d’être présente sur toutes les équipes de plan d’intervention.

[95]         Certains éléments laissent donc penser que la réponse à cette question n’est pas si simple et peut aussi dépendre de certains facteurs, dont l’organisation administrative de l’école. Étant donné que dans le présent dossier je n’ai pas de tels facteurs à évaluer, et que dans les faits personne n’a été nommé représentant de la direction de l’école au sein de l’équipe du plan d’intervention, je dois conclure que cette question déborde de l’objet du présent grief, tout comme celle de savoir si le représentant de la direction de l’école doit être présent en tout temps et à tout moment lors des rencontres.

[96]         En l’espèce, il faut donc con stater que l ’équipe du plan d’intervention n’était pas conforme à la convention, car il n’y avait aucun représentant de la direction de l’école sur cette équipe. La commission a donc contrevenu à la clause 8-9.09 C) de la convention.

[97]         Cette absence d’un représentant de la direction de l’école pour l’année visée par le grief est réelle, et a eu comme impact que madame Verdoni a été placée dans une situation où il n’y avait pas de représentant de la direction de l’école au sein de l’équipe du plan d’intervention. Cet impact est toutefois très difficile à évaluer. Le partage des tâches entre les membres de l’équipe du plan d’intervention n’est pas régi par la convention. Rien ne dit que le représentant de la direction d e l ’école doit rédiger les projets de plans d’intervention, et rien ne dit que l’enseignante orthopédagogue ne peut rédiger les projets de plans d’intervention .

[98]         Le tribunal doit prendre garde de ne pas imposer plus de conditions que le législateur et les parties ne l’ont fait.

[99]         On peut même penser que cette absence de précisions n’est pas un oubli, compte tenu de la référence à la Politique que l’on retrouve à l’article 96.14. Les parties peuvent ainsi prévoir des façons de faire qui correspondent à leur réalité, sans contrevenir à la Loi ou à la convention [5] . Il revient, à mon avis, aux parties de déterminer le fonctionnement de l’équipe du plan d’intervention, dans la mesure où, comme le souligne le syndicat, des tâches de gestion et de direction ne sont pas confiées aux enseignants.

[100]      Finalement, je souligne que les conclusions sur un comportement abusif de la part de la direction n’ont pas été reprises par le syndicat dans son argumentation finale du 19 avril 2013. Elles avaient été effleurées lors de l’audience, malgré le retrait des allégations de harcèlement. Ces conclusions sont rejetées. Il n’y a pas de preuve de comportement abusif de la part de la direction.

[101]      Le seul reproche démontré contre la commission est celui d’avoir omis de désigner un représentant de la direction d’école au sein de l’équipe du plan d’intervention. Le tribunal réservera sa compétence pour déterminer le quantum des dommages subis par madame Verdoni en raison de cette omission de la part de l’employeur.

 


POUR CES MOTIFS , le tribunal  :

ACCUEILLE en partie seulement le grief 2015-0000675-5110;

REJETTE  la conclusion principale du grief, soit que la direction a confié à la plaignante la responsabilité des plans d’intervention, et DÉCLARE conséquemment que la direction d’école a effectivement pris en charge la responsabilité d’établir les plans d’intervention, conformément à l’article 96.14 de la Loi sur l’instruction publique ;

REJETTE aussi la conclusion que la direction a confié à la plaignante des tâches de gestion et de direction, en lui confiant la tâche de rédiger des projets de plans d’intervention en collaboration avec le titulaire, les spécialistes, les autres spécialistes et les parents;

ACCUEILLE la conclusion à l’effet que la commission a contrevenu à la convention en omettant de désigner un représentant de la direction de l’école au sein de l’équipe du plan d’intervention, conformément à la clause 8-9.09 C);

ORDONNE à la commission de respecter la clause 8-9.09 C), en nommant un représentant de la direction de l’école au sein des équipes de plans d’intervention;

RÉSERVE compétence sur le quantum des dommages subis par madame Verdoni en raison d u non-respect de la clause 8-9.09 C) de la convention;

PARTAGE les frais en fonction des conclusions précédentes soit deux tiers au syndicat et un tiers à l’employeur.

 

 

________________________________ __

Joëlle L’Heureux, arbitre

 

Pour le syndicat :

Me Charles-David Brulotte

 

Pour l’employeur :

Me René Paquette

 

Dates  d’audiences :

 

Dépôt de commentaires et date de délibéré :

29 mars 2012, 21 juin 2012 et 27 février 2013

 

 

 

19 avril 2013

 



[1]     LRQ c. I-13.3.

[2]     La plaignante déclare que d’autres élèves se sont ajoutés, mais elle n’a pas de chiffre précis.

[3]     Plan de service individuel intersectoriel.

[4]     Voir 3.4 Les rôles et responsabilités.

[5]     À cet égard, je dois constater que la Politique mise en preuve est antérieure à l’adoption de la convention 2010-2015, donc à la nouvelle clause 8-9.09 C).