Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 12 février 2013

Référence neutre : 2013 QCTAQ 02143

Dossier  : SAS-Q-186643-1210

Devant le juge administratif :

PRESHA BOTTINO

 

K… V…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]               Le Tribunal est ici saisi d’un secours intenté par la requérante à l'encontre d’une décision rendue en révision le 12 octobre 2012 par l’intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec.

[2]               Cette décision maintient la suspension de quatre-vingt-dix jour du permis de conduire du requérant en raison du fait que la requérante avait la garde ou le contrôle d’un véhicule et qu’elle a subi une épreuve d’alcootest dont le résultat de l'alcoolémie s'es révélée être supérieur à 80 mg d’alcool par 100 ml de sang.

 

La preuve

[3]               Le Tribunal dispose de la preuve documentaire, du témoignage de la requérante, du témoignage de l’agente Priscilla Massé, ainsi que des arguments des parties.

[4]               La preuve documentaire se compose entre autres du procès-verbal de suspension du permis, du procès-verbal de saisie du véhicule routier, du certificat du technicien qualifié, du rapport d’enquête de capacités affaiblies, du scénario de consommation et condition physique.

[5]               Les documents précités peuvent faire preuve des constatations y mentionnées selon l’article 202.6.7 du Code de la sécurité routière , qui dispose :

« 202.6.7. Le procès-verbal et tout autre document pertinent dressés par l'agent de la paix peuvent tenir lieu de ses constatations si ce dernier y atteste qu'il a lui-même constaté les faits qui y sont mentionnés. Il en est de même de la copie du procès-verbal certifiée conforme par une personne autorisée.

Certificat du technicien qualifié.

Une copie du certificat du technicien qualifié visé à l'article 258 du Code criminel fait preuve de son contenu sans qu'il soit nécessaire de prouver la signature ou la qualité officielle du signataire ou que la copie est une copie conforme.»

[6]               On retrouve au rapport d’enquête de capacités affaiblies certains passages qui éclairent le Tribunal sur les évènements survenus le 13 septembre 2012 :

« INTERCEPTION

Le 13 septembre 2012, je, Priscilla Massé, …je patrouille seule à bord du véhicule de patrouille…En soirée, une visite de courtoisie est prévue au Bar A…Vers les 21h50, en arrivant dans le stationnement du bar, je remarque une Mazda Protégé de couleur pâle qui est stationné du côté nord du Bar. Les feux de position sont allumés. L’endroit est sombre…Lorsque je m’apprête à entrer dans le bar, je remarque alors une femme qui sort du véhicule en question…Elle est seule à bord de son véhicule. Les feux de position de son véhicule sont maintenant éteints…Nous entrons donc à l’intérieur du bar…Quelques secondes après notre entrée, je remarque que la femme aperçue plus tôt est maintenant assise au comptoir et qu’une bière qui me semble pleine, grand format, se trouve en avant d’elle…Après avoir terminé notre visite…Pendant que je suis dans le stationnement (stationnement avec une légère pente)… j’aperçois, tout à coup, à l’arrière de mon véhicule une mazda protégé dans le fossé,… Je m’approche du véhicule et constate qu’il n’y a personne à bord… Je regarde à l’intérieur et constate que le bras d’embrayage (transmission manuelle) est à la position neutre et que le frein à main n’est pas actionné. De plus, il n’y a aucune clé dans l’ignition et un sac à main de femme se trouve à l’arrière du siège conducteur, je crois alors qu’il s’agit probablement du Mazda qui était stationné au nord du bar à mon arrivée et qui a reculé de lui-même dans le fossé….Au même moment, ...pour apprendre que la propriétaire du véhicule est K. V. J’entre donc à l’intérieur pour aviser la femme aperçue plus tôt que son véhicule se trouve dans le fossé mais en entrant, je constate que la femme n’y est plus…

[…]


OBSERVATION DU SUSPECT

Quelques secondes après ma sortie,…j’ai vu la femme aperçue plus tôt dans le mazda protégé et assise par la suite au bar marcher à quatre pattes dans la  haie de cèdres. Elle avait réussi à s’asseoir en s’appuyant le dos contre le mur du bar… J’ai remarqué immédiatement, en étant près d’elle et en l’éclairant avec ma lampe de poche, qu’elle avait les pupilles dilatées, et qu’elle dégageait une forte odeur d’alcool. Je savais qu’elle était en état d’ébriété avancée juste à voir son visage. Elle me confirme qu’elle est bien K.V, la propriétaire du véhicule mazda protégé dans le fossé.

ARRESTATION ET COMMUNICATION DES DROITS

À 22H13, j’informe verbalement Mme V. qu’elle est en état d’arrestation pour garde et contrôle d’un véhicule à moteur. Madame V. me dit alors que ce n’est pas elle qui conduisait son auto… Je l’aide donc à se relever en la prenant par le bras droit. Sa démarche est incertaine, faisant des pas de côté et non toujours un en avant de l’autre. Je l’escorte jusqu’à mon véhicule de patrouille…je lui fais la lecture de ses droits garantis par la Charte. Pour la mise en garde, à la question : «Avez-vous bien compris?» Mme V. répond : «oui» Pour le droit à l’avocat, à la question «Avez-vous bien compris?» Mme V. répond «oui» À la question «Désirez-vous consulter un avocat de garde ou tout autre avocat?» Mme V. répond «non merci»…je fais la lecture de l’ordre de fournir les échantillons d’haleine à l’aide d’un alcootest approuvé…À 22h21, je lui ai demandé où se trouvait ses clés, ce à quoi elle a répondu : «Mes clés étaient dans la switch». Je lui explique que nous l’avons arrêtée puisque nous l’avons vue en garde et contrôle de son véhicule à notre arrivée…Mme V., celle-ci lui explique que son frein à main est défectueux, car elle a acheté son véhicule dans cet état il y a 6 mois.

À 22h41, Mme V. est amenée au local no. 211. Sa démarche est toujours chancelante… je vois que Mme V. a les yeux vitreux et dégage toujours une odeur d’alcool.


DÉROULEMENT DES TESTS

À 23H01, Mme V. est conduite au local alcootest…Elle fait part de son désir finalement de communiquer avec un avocat…Elle opte pour un avocat de l’aide juridique…Mme V. s’entretient de façon confidentielle avec l’avocate de 23h04 à 23h09…

Un premier test est effectué et le résultat est de 240 mg d’alcool par 100 ml de sang.

À 23h11,…Après lui avoir spécifié qu’elle pouvait compléter le formulaire scénario de consommation de façon libre et volontaire, Mme V. débute celui-ci à 23h12…

À 23h25, je lui demande ce qu’elle faisait dans son auto lorsque nous sommes arrivés au bar. Mme V. déclare :  «j’étais peut être dans l’auto pour aller chercher de la musique!»

À 23h29, nous retournons au local alcootest où l’agt Veilleux procède à un deuxième test. Le résultat est de 233 mg d’alcool par 100 ml de sang…

LIBÉRATION

Mme V. est libérée par citation à comparaître…Je lui explique la suspension de permis et la saisie de son véhicule….»

 

Témoignage de la requérante

[7]               À l’audience, la requérante témoigne et souligne que lors de l’incident du 13 septembre 2012, elle n’était pas dans le véhicule, elle n’avait pas les clés, et elle n’avait pas l’intention de conduire.

[8]               Elle soutient par conséquent qu’elle n’avait pas la garde et le contrôle du véhicule.

[9]               La requérante spécifie qu’elle travaille au Bar A depuis 2008.

[10]            Elle raconte que le soir du 13 septembre 2012, elle a passé la soirée au Bar A, soit à partir de 17h30 à 22hres. Durant cette période, elle a consommé cinq ou six bières.

[11]            Elle précise que les clés de sa voiture étaient derrière le comptoir du Bar, et qu’un ami devait aller la reconduire chez elle.

[12]            La requérante admet toutefois qu’après 21hres, mais avant l’arrivée des policiers, elle est sortie du Bar pour aller chercher un CD de musique dans sa voiture et mettre, par la même occasion, son chèque de paie dans le coffre à gants.

[13]            Elle soutient par contre qu’elle est entrée dans la voiture du côté passager et qu’elle ne s’est ni assise ni a allumé les lumières.

[14]            Elle ajoute qu’en quittant elle a fermé la portière du véhicule sans la barrer.

[15]            La requérante déclare qu’elle ne s’est jamais assise à la place du conducteur et qu’elle n’avait pas les clés du véhicule.

[16]            Elle souligne que même après que la voiture ait glissé dans le fossé, les clés n’ont pas été retrouvées.

[17]            Elle plaide que la voiture était donc inopérable car dans le fossé, elle ne pouvait par conséquent mettre sa vie, ou celle des autres, en danger.

[18]            La requérante plaide qu’elle n’avait donc pas la garde et le contrôle du véhicule.

 

Témoignage de l’agente, madame Priscilla Massé

[19]            La policière témoigne que le 13 septembre 2012, vers 21h50, elle s’est rendue dans le stationnement du Bar A.

[20]            Elle mentionne que son attention a été attirée par les feux de position arrière allumés d’une voiture. Elle a donc stationné derrière ce véhicule en diagonale.

[21]            Elle soutient que si les feux de position arrière étaient allumés par conséquent le moteur du véhicule devait être nécessairement en marche.

[22]            Elle raconte qu’elle a lors vu la portière du véhicule, côté conducteur, s’ouvrir et la requérante sortir et entrer dans le Bar.

[23]            Elle spécifie que les feux de position se sont éteints lorsque la requérante est sortie du véhicule.

[24]            La policière indique qu’elle est entrée dans le Bar et qu’elle a alors aperçu de nouveau la requérante assise, cette fois,  au comptoir avec une bière devant elle.

[25]            La policière ajoute que, lorsqu’elle est sortie du Bar, la voiture de la requérante était alors dans le fossé adjacent au stationnement.

[26]            Elle précise qu’en inspectant le véhicule dans le fossé, elle a alors constaté que la transmission manuelle était à la position neutre, que le frein à main n’était pas actionné et qu’il n’y avait pas de clé dans la voiture. De plus, la portière était déverrouillée.

[27]            La policière raconte qu’après avoir cherché la requérante, elle a finalement interpellé cette dernière qui se trouvait à quatre pattes dans la haie de cèdre à côté du Bar.

[28]            Elle dit qu’elle a alors constaté que la requérante avait les pupilles dilatées, qu’une forte odeur d’alcool se dégageait de son haleine et qu’elle avait une démarche chancelante.

[29]            Elle souligne que, lorsque questionnée, la requérante a répondu avoir bu trois grosses bières mais ne pas se souvenir où étaient les clés de la voiture.

[30]            Elle indique qu’elle a donc mis la requérante en état d’arrestation pour garde et contrôle d’un véhicule avec les facultés affaiblies, elle lui a fait la lecture de ses droits et ordonner de subir un alcootest.

 

[31]            Après avoir pris connaissance de la preuve documentaire, entendu le témoignage de la requérante, ainsi que les arguments de l’intimée et sur le tout dûment délibéré, le Tribunal conclut que le recours de la requérante ne peut être accueilli et ce pour les motifs ci-après exprimés.

[32]            Il s’agit ici de l’application des articles 5.1 , 202.1 , 202.1.1 ., 202.3 , 202.4 du Code de la sécurité routière [1] , ainsi que l’article 258 (1)a) du Code criminel [2] dont les dispositions stipulent :

« 5.1. Pour l’application des articles 35 , 36, 97, 98.1, 202.2, 202.2.1, 202.4, 202.6.6, 519.70, une personne est présumée avoir la garde ou le contrôle d’un véhicule routier lorsqu’elle occupe la place ou la position ordinairement occupée par le conducteur dans des circonstances qui permettent de croire qu’elle risque de mettre le véhicule en mouvement.»  

« 202.1  La suspension des permis d'apprenti-conducteur, permis probatoire, permis de conduire et permis restreint visée à la présente section a pour but de protéger le titulaire du permis et le public. »

« 202.1.1 Les dispositions de la présente section sont applicables:

 1° non seulement sur les chemins publics mais également sur les chemins soumis à l'administration du ministère des Ressources naturelles et de la Faune ou entretenus par celui-ci, sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler;

 2° au conducteur d'un véhicule routier et à la personne qui en a la garde ou le contrôle ainsi qu'au conducteur d'un véhicule hors route et à la personne qui en a la garde ou le contrôle.»

« 202.3. Un agent de la paix qui a des raisons de soupçonner la présence d'alcool dans l'organisme d'une personne soumise à l'interdiction prévue à l'article 202.2 peut lui ordonner de lui fournir immédiatement l'échantillon d'haleine qu'il estime nécessaire pour l'analyser à l'aide d'un appareil de détection approuvé par le ministre de la Sécurité publique et conçu pour déceler la présence d'alcool dans le sang d'une personne. Cet appareil doit être entretenu et utilisé conformément aux normes prévues par règlement et par des personnes ayant reçu la formation prévue par règlement.»

Aux fins de prélever les échantillons d'haleine, l'agent de la paix peut ordonner à cette personne de le suivre.»

« 202.4. Un agent de la paix suspend sur-le-champ au nom de la Société:

 1° pour une période de 90 jours, le permis de toute personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle et dont l'alcoolémie se révèle, par suite d'une épreuve d'alcootest effectuée conformément aux dispositions du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46), supérieure à 80 mg d'alcool par 100 ml de sang;

 2° pour une période de 90 jours, le permis de toute personne soumise à l'interdiction prévue à l'article 202.2 ou 202.2.1 qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle et dont une épreuve de dépistage effectuée en vertu de l'article 202.3 révèle quelque présence d'alcool dans l'organisme ou dont l'alcoolémie se révèle, par suite d'une épreuve d'alcootest effectuée conformément aux dispositions du Code criminel, égale ou inférieure à 80 mg par 100 ml de sang.

La suspension vaut à l'égard de tout permis autorisant la conduite d'un véhicule routier et du droit d'en obtenir un.»

« 258(1) Dans des poursuites engagées en vertu du paragraphe 255(1) à l’égard d’une infraction prévue à l’article 253 ou au paragraphe 254(5) ou dans des poursuites engagées en vertu de l’un des paragraphes 255(2) à (3.2) :

a ) lorsqu’il est prouvé que l’accusé occupait la place ou la position ordinairement occupée par la personne qui conduit le véhicule à moteur, le bateau, l’aéronef ou le matériel ferroviaire, ou qui aide à conduire un aéronef ou du matériel ferroviaire, il est réputé en avoir eu la garde ou le contrôle à moins qu’il n’établisse qu’il n’occupait pas cette place ou position dans le but de mettre en marche ce véhicule, ce bateau, cet aéronef ou ce matériel ferroviaire, ou dans le but d’aider à conduire l’aéronef ou le matériel ferroviaire, selon le cas;

[…]»

[33]            Ainsi, ces articles autorisent un agent de la paix à suspendre immédiatement un permis de conduire de toute personne qui conduit un véhicule routier ou qui en a la garde ou le contrôle lorsque le taux d’alcoolémie du titulaire se révèle, par suite d’une épreuve d’alcootest, être supérieur à 80mg d’alcool par 100ml de sang. Le but de la Loi étant de protéger le titulaire du permis ainsi que le public.

[34]            Ces dispositions s’appliquent tant au conducteur d’un véhicule routier qu’à la personne qui en a la garde ou le contrôle.

[35]            Quant à l’article 202.6.6 . dudit Code, il indique dans quelles circonstances la suspension peut être levée. Il stipule :

« 202.6.6. La Société lève la suspension du permis ou du droit d'en obtenir un si la personne concernée établit de façon prépondérante:

 1° dans le cas d'une interdiction prévue à l'article 202.2, qu'il n'y avait pas présence d'alcool dans son organisme;

 2° qu'elle conduisait le véhicule routier ou en avait la garde ou le contrôle sans avoir consommé une quantité d'alcool telle que son alcoolémie dépassait 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang;

 3° qu'elle avait une excuse raisonnable pour ne pas avoir obtempéré à un ordre donné par un agent de la paix en vertu des articles 202.3 ou 636.1 du présent code ou de l'article 254 du Code criminel;

 4° qu'elle ne conduisait pas un véhicule routier ou n'en avait pas la garde ou le contrôle dans les cas prévus au présent article.

Lorsqu'une suspension est levée, la Société rembourse les frais de révision qui lui ont été payés.»

[36]            Le Tribunal rappelle que le fardeau de la preuve incombait ici à la requérante.

[37]            Pour réussir son recours, la requérante devait démontrer, par prépondérance de preuve, conformément aux dispositions déjà citées, que son taux d’alcoolémie ne dépassait pas les limites permises ou qu’elle ne conduisait pas ou n’avait pas la garde ou le contrôle de son véhicule automobile.

[38]            La Loi requiert ici une preuve prépondérante, ce qui signifie que soulever un doute n’est pas suffisant.

[39]            Par ailleurs, les contraintes personnelles, tels les besoins pour son travail, pouvant être engendrés par la suspension du permis de conduire ne sont pas des motifs de contestation prévues par la Loi.

[40]            Or, la requérante ne s’est pas déchargée ici de son fardeau de la preuve.

[41]            Le permis de la requérante a été suspendu au motif qu’elle avait la garde ou le contrôle de son véhicule alors que ses facultés étaient affaiblies par l’alcool.

[42]            Ici, la requérante ne conteste pas les résultats des alcootests effectués par les policiers et démontrant des taux d’alcoolémie supérieurs à la limite légale permise. Elle ne conteste pas le fait que ses facultés étaient affaiblies par l’alcool.

[43]            Au contraire, lors de son témoignage la requérante a admis avoir passé la soirée au Bar A, soit entre 17h30 et 22hres, et y avoir consommé cinq ou six bières.

[44]            Ici, la question en litige consiste plutôt donc à savoir si la requérante avait la garde ou le contrôle de son véhicule alors que ses facultés étaient affaiblies par l’alcool.

[45]            En l’instance, d’une part, à son arrivée dans le stationnement du Bar, la policière a constaté directement que les feux de position arrière, du véhicule de la requérante, étaient allumés.

[46]            De plus, la policière a déclaré avoir vu la portière, côté conducteur, s’ouvrir et la requérante sortir du véhicule.

[47]            Plus tard en inspectant le véhicule dans le fossé, la policière a également constaté que la transmission manuelle était à la position neutre, que le frein à main n’était pas enclenché et que la portière n’était pas verrouillée.

[48]            D’autre part, la requérante a reconnu être allée dans son véhicule. Elle a par contre déclaré qu’elle est entrée dans la voiture du côté passager, elle ne s’est jamais assise à la place du conducteur, elle n’a jamais allumé les lumières du véhicule. En quittant, elle a fermé la portière sans la verrouiller.

[49]            Elle a soutenu qu’elle n’avait pas la garde ou le contrôle du véhicule car elle n’avait pas les clés de la voiture qui, par ailleurs, n’ont jamais été retrouvées. De plus un ami devait la reconduire ce soir là chez elle.

[50]            Elle a soutenu également, qu’après s’être retrouvée dans le fossé, la voiture était devenue inopérable, donc elle ne pouvait mettre sa vie, ou celle des autres, en danger. Par conséquent, elle n’avait pas la garde ou le contrôle du véhicule.

[51]            Or, le Tribunal retient plutôt les arguments de la procureure de l’intimée qui  plaide que la requérante était ici dans une situation de garde et contrôle de son véhicule.

[52]            La procureure plaide que la présomption de garde et contrôle s’applique en l’instance car celle-ci n’a pas été renversée par une preuve prépondérante démontrant que la requérante n’avait pas la garde ou le contrôle de son véhicule.

[53]            Elle allègue que la requérante a posé des gestes relatifs à la garde et au contrôle, et que ces gestes ont pu mettre son véhicule en marche de façon volontaire ou non, causant la chute dans le fossé.

[54]            La procureure plaide qu’il y avait donc ici un risque que la requérante conduise avec les facultés affaiblies. Par conséquent, cette dernière constituait un danger pour elle-même et pour la sécurité du public.

[55]            Effectivement, en vertu de la présomption qu’on retrouve à l’article 5.1 du Code précité, toute personne est présumée avoir la garde ou le contrôle d’un véhicule lorsqu’elle occupe la place du conducteur dans des circonstances qui permettent de croire qu’il existe un risque que le véhicule automobile soit mis en marche ou en mouvement de façon volontaire ou pas.

[56]            En l’instance, il incombait à la requérante de renverser cette présomption établie contre elle, par l’article 5.1 du Code précité, ceci par une preuve prépondérante à l’effet qu’elle n’avait pas la garde ou le contrôle du véhicule. Ce qui n’a pas été fait ici.

[57]            Le fardeau de la preuve reposait ici sur la requérante et il fallait une prépondérance de probabilité pour la renverser.

[58]            De plus, la jurisprudence constante du Tribunal a souligné l’importance de considérer le risque que le véhicule soit mis en mouvement et devienne dangereux, même involontairement, et non de considérer exclusivement l’intention de la personne de ne pas conduire ou de ne pas mettre en marche le véhicule.

[59]            Ce risque est évalué en tenant compte de l’ensemble des circonstances entourant l’utilisation du véhicule et de ses accessoires.

[60]            Ainsi, dans l’appréciation de ce que constitue la garde ou le contrôle d’un véhicule, il ressort de la jurisprudence constante du Tribunal  que l’intention, de ne pas conduire ou de ne pas mettre le véhicule en marche, n’est pas pertinente.

[61]            Ce qui importe, c’est d’évaluer si une personne, avec les facultés affaiblies et qui se trouve dans un véhicule, a les moyens de contrôler ou de mettre en mouvement ou en marche ledit véhicule ce qui pourrait constituer un risque ou un danger pour elle-même et pour la sécurité du public.

[62]            En l’espèce, la preuve a démontré qu’à l’arrivée de la policière, celle-ci a constaté que les feux de position arrière du véhicule de la requérante étaient allumés.

[63]            Également, la policière a vu la portière, côté conducteur, s’ouvrir et la requérante sortir du véhicule. Ce qui implique que la requérante a dû occuper la place du conducteur. Les feux de position se sont éteints lorsque la requérante est sortie du véhicule.

[64]            De plus, lorsque la voiture s’est retrouvée dans le fossé, la policière a constaté que la transmission manuelle était à la position neutre, le frein à main n’était pas enclenché et la portière n’était pas verrouillée.

[65]            Or la requérante n’a pu expliquer à la policière comment sa voiture a pu se retrouver dans le fossé.

[66]            Par ailleurs, la requérante a admis que son frein a main ne fonctionnait pas.

[67]            Or, comment expliquer ce qui s’est passé? Le fait d’avoir manipulé le véhicule, alors que ses facultés étaient affaiblies par l’alcool, semble être la seule explication probable dans les circonstances.

[68]            Ainsi la requérante en manipulant son véhicule et en laissant le levier de vitesse à la position neutre, sans mettre le frein à main, a laissé sa voiture dans une position dangereuse et à risque. Ce qui a été la cause probable de la chute dans le fossé qui s’est ensuivie.

[69]            Ainsi, alors que son alcoolémie démontrait un taux d’alcool dépassant la limite permise, la preuve a démontré qu’il y avait effectivement un risque réel que la requérante mette en mouvement, même si non volontaire, son véhicule. Ce qui est effectivement survenu ici.

[70]            Le fait, que la requérante n’avait pas l’intention, de conduire ou de manipuler sa voiture, ne démontre pas qu’elle n’avait pas la garde ou le contrôle du véhicule. Son intention n’étant pas pertinente.

[71]            Également n’est pas pertinent en l’instance, le fait que par la suite le véhicule se soit retrouvé dans le fossé et soit devenu inopérable.

[72]            Par conséquent, le Tribunal estime que la preuve prépondérante démontre qu’avant que le véhicule ne se soit retrouvé dans le fossé, la requérante avait donc effectivement la possibilité de démarrer et de conduire le véhicule à tout moment et ainsi créer un risque pour sa sécurité et celle d’autrui.

[73]            Le Tribunal estime qu’effectivement, avant que le véhicule ne se retrouve dans le fossé, la requérante a posé des gestes permettant de conclure qu’elle exerçait la garde et le contrôle de son véhicule alors qu’elle avait les facultés affaiblies par l’alcool et qu’elle avait à sa portée les moyens de conduire ledit véhicule, créant ainsi un risque pour elle-même et autrui.

[74]            Par conséquent, le Tribunal conclut que la requérante avait effectivement la garde ou le contrôle de son véhicule alors qu’elle avait les facultés affaiblies par l’alcool.

 

POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

-         REJETTE le recours de la requérante; et

-         CONFIRME la décision rendue en révision le 12 octobre 2012 par l’intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec.


 

 

PRESHA BOTTINO, j.a.t.a.q.


 

Me Karine Giroux

Procureure de la partie intimée


 



[1] Idem 1 .

[2] L.R.C. 1985 c. C-46.