Côté c. Gauthier

 

 

2013 QCCQ 4439

JH5355

 
 COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT D'

ALMA

« Division des Petites créances »

N° :

160-32-000167-119

 

 

 

DATE :

9 mai 2013        

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE 

MONSIEUR LE JUGE

JEAN HUDON, J.C.Q.

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NICOLE CÔTÉ

   

Demanderesse

 

c.

MARCEL GAUTHIER

ET

FRANCE LEMAY      

                    

Défendeurs

et

 

ROULOTTES D-PAR INC.

 

          Défenderesse en garantie

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JUGEMENT

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[1]            Nicole Côté poursuit Marcel Gauthier et France Lemay pour un somme de 6 155,45 $ en raison de vices cachés affectant une roulotte acquise de ces derniers.

[2]            De leur côté, Marcel Gauthier et France Lemay nient toute responsabilité envers Nicole Côté et appellent en garantie Roulottes D-Par inc. [ci-après appelée: « D-Par »] qui leur a vendu ladite roulotte de marque Palomino, d'une longueur de 25 pieds, de l'année 2005.

Question litige

Les problèmes d'infiltration d'eau constatés à la roulotte constituent-ils un vice caché ?

Les faits

[3]            Marcel Gauthier et France Lemay acquièrent de D-Par, le 24 août 2009, la roulotte faisant l'objet du présent litige, et ce, pour une somme de 15 660 $ incluant une garantie prolongée au montant de 951,89 $ d'une durée de 36 mois à compter du mois de mai 2010, date de la prise de possession.

[4]            Marcel Gauthier et France Lemay installent la roulotte au camping de St-Gédéon et, au cours de l'été 2011, Nicole Côté se déclare intéressée par leur roulotte et, finalement, le 24 juillet 2011, elle l'achète pour un prix de 10 500 $ et en prend possession le 14 août 2011.

[5]            Une semaine après l'acquisition, Nicole Côté constate une infiltration d'eau dans la roulotte et en fait part à Marcel Gauthier et France Lemay qui, de leur côté, en informent D-Par.

[6]            Après avoir fait inspecter la roulotte à la suite de la découverte de l'infiltration, Nicole Côté apprend qu'il y a une fissure à l'extérieur de la roulotte; ladite fissure étant cachée par une pièce de métal qui faisait partie du revêtement de la roulotte.

Analyse et droit

[7]            Le litige opposant Nicole Côté à Marcel Gauthier et France Lemay est régi par la garantie de qualité du vendeur, plus spécifiquement stipulée à l'article 1726 C.c.Q.:

1726 - Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[8]            Il existe quatre conditions pour qu'il y ait présence de vices cachés, soit que le vice est antérieur à la vente, que le vice est inconnu de l'acheteur, que le vice est occulte et que le vice est grave.

[9]            L'infiltration d'eau s'étant manifestée un mois après l'achat et les photos démontrant que cette situation existait au moment de la transaction, le 24 juillet 2011, le vice était donc antérieur à la vente.

[10]         Il était également inconnu de l'acheteur puisque le vendeur, lui-même, l'ignorait.

[11]         Quant au caractère occulte, Nicole Côté et son conjoint ont procédé à une inspection visuelle de la roulotte et ils n'ont constaté aucun indice laissant supposer un problème et les vendeurs n'ont fait aucune représentation à cet effet, puisque eux-mêmes n'avaient jamais rencontré quelque problème que ce soit pendant la période où ils en ont été propriétaire. Le vice est donc occulte.

[12]         Au surplus, Nicole Côté a été une acheteuse prudente et diligente, de sorte que la troisième condition est également rencontrée.

[13]         La fissure extérieure n'était pas visible et aucun indice ne laissait présager qu'il y avait déjà eu des travaux à cet endroit. Non seulement Marcel Gauthier et France Lemay ne l'ont pas vue, mais D-Par non plus ne l'a pas constatée alors que c'est un commerçant en semblable matière.

[14]         Les travaux de réparation suivant la soumission déposée par Nicole Côté s'élèvent à 5 614,68 $ alors que suivant celle déposée par D-Par, ils s'élèvent à 3 281,04 $. Dans les deux cas, il s'agit donc de travaux élevés par rapport au prix de la roulotte, ce qui démontre la gravité du vice.

[15]         Le Tribunal conclut donc à la présence d'un vice caché et à la responsabilité des vendeurs Marcel Gauthier et France Lemay.

[16]         La mention «telle (sic) que vue» écrite au contrat de vente ne constitue pas une exclusion de garantie comme le mentionne Me Jeffrey Edwards [1] :

284 - En deuxième lieu, les tribunaux ont décidé que la clause d'acceptation du bien dans l'état où il se trouve n'exclut pas la garantie. Le même sort est réservé à la clause selon laquelle l'acheteur accepte le bien «tel que vu et examiné» ou «après l'avoir vu et visité». Cette règle jurisprudentielle constitue une extension de la règle d'interprétation restrictive observée précédemment. Les déclarations de ce genre sont généralement des clauses de style qui ne possèdent ni la clarté ni la spécificité requises pour opérer l'exclusion. De fait, des déclarations semblables cohabitent même dans certains cas avec des clauses énonçant que la vente est conclue «avec garantie».

 

 

Réclamation

[17]          Nicole Côté a déposé une soumission de Dallaire St-Bruno, entreprise spécialisée en roulotte, au montant de 5 614,68 $ alors que D-Par a déposé une évaluation des travaux à 3 281,04 $.

[18]         La différence entre les deux rapports réside dans le fait que Dallaire inclut des travaux et du matériel que D-Par n'inclut pas.

[19]         Dans sa soumission, Dallaire estime à 32 heures la durée nécessaire pour effectuer les travaux, à raison de 79,95 $ de l'heure pour un total de 2 558,40 $ alors de D-Par estime à 28 heures lesdits travaux à raison de 80 $ de l'heure pour une somme de 2 240 $.

[20]         Le Tribunal retient la soumission de Dallaire qui évalue à 32 heures les travaux de main-d'œuvre plutôt que 28 heures dans celle de D-Par, car dans sa soumission, cette dernière ne tient pas compte du temps pour les travaux de réparation du mur et le Tribunal estime raisonnable que les 4 heures de différence sont nécessaires pour effectuer cette réparation et qui contient tous les travaux et matériaux reliés aux vices cachés.

[21]         Lorsqu'il y a lieu de se prononcer sur les dommages, le Tribunal doit tenir compte de la plus-value, de l'âge du bien et il ne faut pas que l'acheteur s'en trouve enrichi, comme le mentionnent les auteurs Pierre Gabriel Jobin et Michel Cumyn: [2]

… Mais on voit souvent les tribunaux évaluer la réduction du prix en prenant plutôt comme base de calcul le coût des réparations qui seront nécessaires pour remédier au vice; ce coût est réduit, dans les cas appropriés, en fonction de la plus-value que les travaux apporteront au bien compte tenu de son âge (i.e. sa dépréciation), car l'acheteur ne doit pas s'enrichir indûment à l'occasion des réparations. …

[22]         Or, la roulotte ayant sept ans d'usure et considérant que les travaux effectués lui donneront assurément une plus-value, le Tribunal applique une dépréciation de 30%, de sorte que le montant retenu par le Tribunal est de 3 930,28 $.

Appel en garantie

[23]         De son côté, l'appel en garantie est régi par la Loi sur la protection du consommateur puisque D-Par est un commerçant et que Marcel Gauthier et France Lemay sont des consommateurs.

[24]         En matière de vices cachés, les articles 38 et 53 de la Loi sur la protection du consommateur s'appliquent:

38 - Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

53 - Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l'objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

Il en est ainsi pour le défaut d'indications nécessaires à la protection de l'utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.

Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu'ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

 

[25]         Dans la présente affaire, Marcel Gauthier et France Lemay utilisent la roulotte pendant  un été et demi et n'effectuent aucune réparation sur celle-ci. Ils ne rencontrent pas de problème d'infiltration d'eau avec la roulotte.

[26]         Richard Verrault, conseiller et évaluateur de dommages pour D-Par, témoigne et  explique plusieurs des photos qui sont déposées en preuve montrant les endroits où l'eau a pu s'infiltrer.

[27]         Pour lui, la responsabilité des infiltrations d'eau vient du fait que les joints se sont fissurés et qu'il appartenait à Marcel Gauthier et France Lemay de vérifier l'étanchéité de ceux-ci une à deux fois par année.

[28]         Il dit que les traces d'eau démontrent qu'il y a un écoulement d'eau depuis quelques mois, mais n'est pas en mesure de dire si ce problème existait au moment où D-Par a vendu la roulotte à Marcel Gauthier et France Lemay.

[29]         Lorsque D-Par vend la roulotte, il fait une inspection, comme il le fait habituellement, et ne constate rien.

[30]         Il n'a pas vu non plus qu'une réparation extérieure avait été effectuée, car il croit que la roulotte a été brisée à cet endroit par Marcel Gauthier, France Lemay ou Nicole Côté.

 

 

Le droit

[31]         Marcel Gauthier et France Lemay doivent également faire la preuve de l'existence des quatre conditions mentionnées précédemment pour qu'il y ait présence d'un vice caché.

[32]         Tout comme dans l'action principale, la preuve révèle que le vice était inconnu de Marcel Gauthier et France Lemay. Le vice était occulte puisqu'il n'y avait aucun indice le laissant présager et le vice est grave vu le montant des travaux correctifs.

[33]         En ce qui concerne l'antériorité du vice, le troisième alinéa de l'article 53 de la Loi sur la protection du consommateur précité crée une présomption de connaissance du vice par le commerçant.

[34]         La preuve fournie par Richard Verreault de D-Par ne convainc pas le Tribunal que D-Par a renversé la présomption de connaissance du vice ni que celui-ci n'était pas antérieur à la vente, d'autant plus que les photographies démontrent que la situation n'est pas récente sans compter que le bris extérieur existait au moment de la vente.

[35]         Il y a donc vice caché et D-Par en est responsable

[36]         Au surplus, nonobstant cette situation, l'article 38 de la Loi sur la protection du consommateur ci-avant mentionné aurait également trouvé application puisque la roulotte vendue 15 660,75 $ et qui n'a été utilisé qu'un été et demi n'a pas servi pour un temps raisonnable eu égard à son prix et D-Par n'a pas fait la preuve qu'il y avait eu un mauvais usage de la part de Marcel Gauthier et France Lemay.

[37]         Par conséquent, l'appel en garantie sera accueilli.

 

[38]       POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[39]       ACCUEILLE partiellement la demande principale;

[40]       CONDAMNE Marcel Gauthier et France Lemay à payer à Nicole Côté la somme de 3 930,28 $ avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec depuis le 23 novembre 2011;

[41]       LE TOUT avec dépens de 159 $;

[42]       ACCUEILLE l'appel en garantie;

 

[43]       CONDAMNE Roulottes D-Par Inc. à payer à Marcel Gauthier et France Lemay tout montant payé par ces derniers à Nicole Côté en capital, intérêts et frais, en plus des dépens de 148 $.

 

 

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JEAN HUDON,

Juge à la Cour du Québec

 

Date d'audience:  12 mars 2013

 

 

 



[1] La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, 2 e édition, Wilson & Lafleur, 2008

[2] La vente, 3 e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, p.180