Norris c. Leduc |
2013 QCCQ 4554 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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LOCALITÉ DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-121960-100 |
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DATE : |
10 avril 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
SYLVAIN COUTLÉE, J.C.Q. |
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alexander norris |
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et |
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alison macgregor |
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Demandeurs |
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c. |
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maryse leduc |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Les demandeurs réclament de la défenderesse la somme de 4 571,19 $ à titre de dommages compensatoires qui se détaillent comme suit : 2 021,19 $ en remboursement des honoraires professionnels payés par les demandeurs à la défenderesse. Les demandeurs réclament aussi, chacun, une compensation pour le temps perdu (30 heures) suite à l’erreur de la défenderesse, soit : 1 200 $ pour le défendeur Alexander Norris et 1 050 $ pour la demanderesse Alison MacGregor, pour un total de 4 571,19 $.
[2] La défenderesse nie devoir quelque somme que ce soit aux demandeurs. Elle nie la faute qui lui est reprochée et soutient que les demandeurs n’ont subi aucun préjudice.
Les faits
[3] En 2006, les demandeurs rénovent de façon majeure le triplex qu’ils possèdent, rue Gilford à Montréal. Ils consultent la défenderesse pour élaborer une proposition pour l’aménagement de la cuisine du troisième étage. Les demandeurs rencontrent la défenderesse à trois reprises, soit au mois de juin, août et novembre 2006. À l’issue de la deuxième rencontre, la défenderesse dessine, à main levée, une esquisse de ce que pourrait être un concept de cuisine considérant l’environnement, les ouvertures (fenestration) et les dimensions de l’espace à aménager.
[4] Le 29 novembre 2006, la défenderesse remet une série de plans (D-1) qui élabore plus avant le concept qu’elle avait fait à main levée en présence des parties (D-4). On peut lire, en marge des plans, que ces plans sont émis pour « esquisses ». Il ne s’agit donc pas de plan prêt pour la construction (D-2).
[5] Après la remise des plans préliminaires, la défenderesse n’entend plus parler des demandeurs. Ce n’est qu’au début du mois de janvier 2007 que le demandeur, Norris, lui envoie un courriel lui demandant de transmettre ses plans sur fichier informatique à un bureau d’architectes (EKM Architecte) qui supervise les travaux de rénovation du triplex.
[6] Le 15 janvier 2007, la demanderesse transmet par voie électronique les fichiers numériques contenant les plans préliminaires qu’elle avait remis aux demandeurs le 29 novembre 2006.
[7] La défenderesse est convaincue que le mandat se termine ainsi. Elle exige donc d’être payée de ses honoraires avant de transmettre les fichiers numériques des plans. Les demandeurs acquittent la facture de la défenderesse.
[8] Le 9 mars 2007, soit près de deux mois après la transmission des fichiers numériques des plans préliminaires, les demandeurs adressent un courriel dans lequel ils accusent la défenderesse d’avoir commis une grave erreur dans les dimensions qu’elle a indiquées au plan. En effet, la largeur de la cuisine indiquée sur le plan préliminaire de la défenderesse indique une largeur de 17’-5 3/8 , alors que la mesure réelle est de 13’-8½ (P-11).
[9] Les demandeurs soutiennent que cela leur a causé un grave préjudice. Ils allèguent qu’ils ont perdu 30 heures chacun à réviser l’aménagement de la cuisine suite à cette erreur sérieuse.
[10] En conséquence, ils réclament le remboursement des honoraires payés, ainsi que la perte de temps encourue causée par la faute de la défenderesse.
Discussion et décision
[11] Pour réussir dans leur réclamation, les demandeurs doivent prouver que la défenderesse a commis une faute, que cette faute leur a causé un dommage et que le dommage subi est directement lié à la faute reprochée.
[12] Les demandeurs allèguent que la différence dans les dimensions mentionnées au plan, en comparaison aux dimensions réelles, constitue une faute de la défenderesse.
[13] Il faut voir que la différence est notable, approximativement quatre (4) pieds. Cependant, le plan remis aux demandeurs n’était pas un plan définitif pour fins de construction. Il s’agissait de plan préliminaire. C’était un concept élaboré par la défenderesse pour l’aménagement de la cuisine. D’ailleurs, en marge du plan on peut y lire qu’il s’agit d’une esquisse. Bien que les dimensions soient importantes, il existe plusieurs étapes avant de se rendre à un plan prêt pour la construction. À cet effet, en marge du plan remis on indique les différentes étapes et la raison d’être de ses plans. On peut y lire que le plan est émis pour : Esquisse/permis/soumission/construction. Dans le cas qui nous occupe, ce plan devait servir uniquement comme plan de départ d’un concept en élaboration de la cuisine des demandeurs (esquisse).
[14] Les demandeurs rencontrent la défenderesse trois (3) fois. La troisième fois (29 novembre 2006), elle leur remet le plan (P-1). Les demandeurs ne donnent plus signe de vie.
[15] Au début du mois de janvier 2007, les demandeurs réclament les fichiers numériques du plan. La défenderesse réclame le paiement de ses honoraires avant de transmettre les fichiers numériques. Les demandeurs paient la défenderesse et celle-ci transmet les fichiers numériques aux nouveaux architectes, la firme EKM Architecte. Il faut noter qu’un des associés de cette firme agit à titre de gérant de projet pour les demandeurs. Il est sur les lieux presque journalièrement. En plus, sa firme a le contrat de surveillance du chantier des rénovations de l’immeuble.
[16] En transmettant les fichiers numériques, la défenderesse perdait tout contrôle sur le concept. Il appert de la preuve que les services de la défenderesse n’étaient plus requis après cette date.
[17] La preuve révèle que les demandeurs n’ont jamais construit à partir du plan préliminaire de la défenderesse. Ils n’ont jamais commandé aucun mobilier, armoires de cuisine, comptoir, en se basant sur le plan de la défenderesse.
[18] Alors, quelle est la faute de la défenderesse ?
[19] Les défendeurs eux-mêmes reconnaissent qu’il s’agit de plans préliminaires. Ce concept aurait pu changer au gré des intentions des demandeurs. Pourtant, le plan final exécuté par une autre firme d’architectes est très similaire à ce que la défenderesse avait initialement conçu. Mais comme l’a fait remarquer le demandeur Norris, il y a des différences. Cela est la preuve qu’il ne s’agissait pas de plans finaux, prêts pour l’exécution des travaux.
[20] D’ailleurs, en marge du plan on peut lire ceci :
« Notes Générales
L’entrepreneur est tenu de vérifier toutes les cotes, les dimensions, dessins, détails et spécifications, ainsi que les conditions du site. L’entrepreneur rapportera toutes erreurs, omissions ou anomalies à l’architecte avant le début des travaux […] »
[21] Au début du mois de mars 2007, lorsque les demandeurs qualifient l’erreur dans les dimensions sur le plan, d’erreur sérieuse de la défenderesse, celle-ci n’a plus de mandat depuis le 15 janvier de la même année.
[22] Les demandeurs utilisent un plan qu’ils savent être un plan préliminaire, d’ailleurs, ils déposent une lettre de l’architecte Mulvey, gérant de projet, qui qualifie le plan de la défenderesse de plan préliminaire. Bien que monsieur Mulvey qualifie le plan de la défenderesse de « finish preliminary disign », ce dernier n’était pas présent à la Cour pour venir expliquer cette notion de plan préliminaire complété (traduction libre). La seule conclusion qu'on peut en tirer, c’est que le plan n’était pas un plan final prêt pour l’exécution des travaux.
[23] Dans l’esprit du Tribunal, la défenderesse n’a commis aucune faute. Elle a tout simplement couché sur papier le plan préliminaire de l’aménagement de la cuisine des demandeurs. Celle-ci n’a fait aucune modification au plan puisque les demandeurs lui ont retiré son mandat. Alors, comment peuvent-ils prétendre à une faute ?
[24] L’admission des demandeurs qu’il s’agit d’un plan préliminaire, les mentions en marge des plans informant le lecteur qu’il s’agit d’une esquisse et finalement, la clause « Note Générale » font en sorte que le commun des mortels sait qu’il s’agit d’un concept évolutif et que ce plan ne constitue pas un plan pour construction.
[25] Donc, en l’absence de faute de la défenderesse, la réclamation des demandeurs est rejetée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la réclamation des demandeurs;
Le tout avec dépens.
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__________________________________ SYLVAIN COUTLÉE, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
25 mars 2013 |
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