9138-1228 Québec inc. c. 9072-8189 Québec inc. |
2013 QCCS 2174 |
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JB4495
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TROIS-RIVIÈRES |
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N° : |
400-17-002184-105 |
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DATE : |
22 avril 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
JACQUES BLANCHARD, j.c.s. |
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9138-1228 QUÉBEC INC. , personne morale ayant une place d’affaires au 259, route du Port, Nicolet (Québec), J3T 1R7 |
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Demanderesse / défenderesse reconventionnelle |
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c. |
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9072-8189 QUÉBEC INC. , personne morale ayant son siège social au 74, route de l’Église, à Saint-Guillaume (Québec) J0C 1L0 |
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Défenderesse / demanderesse reconventionnelle |
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JUGEMENT |
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Le contexte
[1] Le samedi 31 octobre 2009, alors que le chantier de construction est désert, un immeuble en voie d'édification appartenant à la demanderesse 9138-1228 Québec inc. (9138) s'écroule.
[2] Au moment de cet effondrement, la défenderesse 9072-8189 Québec inc. (9072) est engagée pour ériger la structure de l'immeuble.
[3] Le mardi 3 novembre 2009, 9138 décide de le reconstruire en retenant encore une fois les services de 9072.
[4] 9138 réclame 61 246,74 $ de 9072 à titre de dommages résultant de l'écroulement de l'immeuble et 50 945 $ pour corriger des vices de structure qui affectent la nouvelle bâtisse.
[5] 9072 conteste la réclamation de 9138 pour plusieurs motifs et en demande le rejet. Elle requiert également du Tribunal une condamnation contre 9138 au montant de 31 669,98 $ pour ses travaux impayés lors de la reconstruction du nouvel immeuble.
[6] Au début de l'audition, 9072 admet le quantum des pièces P-1, P-2, P-3 et P-4, soit 33 103,16 $. Quant à 9138, elle admet également le quantum de la demande reconventionnelle, soit 31 669,88 $ [1] .
Les faits
[7] La demanderesse 9138 œuvre dans le domaine de la construction générale, résidentielle, commerciale et l'installation de piscine [2] .
[8] À ce titre, elle détient une licence d'entrepreneur général émise par la Régie du bâtiment du Québec et ce, depuis le 18 août 2004 [3] .
[9] À l'automne 2009, 9138 fait l'acquisition d'un terrain à Nicolet pour y construire un immeuble commercial comprenant quatre locaux.
[10] Le 18 septembre 2009, monsieur Michel Camirand, président et actionnaire majoritaire de 9138, entreprend des pourparlers avec la Banque Laurentienne du Canada (Banque) afin d'obtenir du financement pour la construction de l'immeuble.
[11] Les 21, 23 et 25 septembre 2009, 9138 signe à titre de locateur trois baux pour des espaces locatifs dans son futur immeuble. Les trois baux ont une durée de cinq ans et prévoient un début d'occupation le 1 er décembre 2009 [4] .
[12] Le 7 octobre 2009, monsieur Camirand obtient d'un architecte des plans révisés pour la construction du bâtiment et l'émission d'un permis [5] .
[13] Monsieur Camirand se procure également le permis de construction auprès de la municipalité [6] .
[14] Il entreprend également certaines démarches pour l'obtention de diverses soumissions d'entrepreneurs spécialisés.
[15] Ces soumissions concernent la réalisation, entre autres, de la fondation, de la plomberie, de l'électricité, du montage de la structure de l'immeuble, de la pose de la couverture et du revêtement ou pour la fourniture de fermes de toits, de fenêtres et de portes.
[16] Monsieur Camirand choisit et retient lui-même les services de chaque entrepreneur spécialisé et 9138 les paye.
[17] Connaissant la défenderesse pour avoir déjà retenu ses services pour la construction d'un immeuble de huit logements, monsieur Camirand communique avec monsieur Martin Cournoyer de 9072 vers la fin du mois de septembre 2009.
[18] Ayant en sa possession une soumission au montant de 30 000 $ pour l'érection de la structure et la pose de la couverture et du revêtement, monsieur Camirand s'informe auprès de monsieur Cournoyer de son intérêt à réaliser un tel ouvrage à ce prix.
[19] Monsieur Cournoyer refuse de réaliser les travaux à forfait, mais indique pouvoir accepter de les faire uniquement sur une base d'un tarif horaire de 55 $ par ouvrier.
[20] Monsieur Camirand accepte l'offre formulée par monsieur Cournoyer.
[21] Monsieur Camirand informe monsieur Counoyer que l'immeuble doit être livré pour le 1 er décembre 2009 puisque 9138 a des locataires qui doivent entrer dans leurs locaux à cette date.
[22] Monsieur Cournoyer nie s'être engagé à livrer l'immeuble pour cette date.
[23] Lundi le 26 octobre 2009, alors que la fondation et la dalle de béton sont réalisées, 9072 débute ses travaux.
[24] Les matériaux [7] pour l'érection des murs sont déjà sur place. Monsieur Camirand indique les avoir achetés sur recommandation de monsieur Cournoyer. Ce que nie cependant ce dernier.
[25] De plus, contrairement aux plans d'architecture, monsieur Camirand achète du carton fibre noir au lieu de panneaux d'aspenite.
[26] Les 26 et 27 octobre 2009, 9072 installe les quatre murs de l'immeuble qui sont maintenus par vingt-six étais tous situés à l'intérieur du bâtiment [8] .
[27] Monsieur Cournoyer mentionne qu'en l'absence d'ancrage dans la fondation, les ouvriers de 9072 attachent les murs avec des clous à béton.
[28] Le 27 octobre 2009, Toiture Mauricienne livre les fermes de toit au chantier [9] .
[29] Les 28 et 29 octobre 2009, 9072 procède à l'installation du revêtement extérieur sur les quatre murs.
[30] Les quatre murs sont prêts à recevoir les fermes de toit et 9072 les met en place le vendredi 30 octobre 2009 à l'aide d'une grue louée par 9138 [10] .
[31] Samedi le 31 octobre 2009, en fin d'après-midi, alors que monsieur Camirand se trouve au chantier, l'immeuble s'effondre.
[32] Le Tribunal souligne que l'emploi du temps de monsieur Camirand ce jour-là diffère entre son témoignage à la Cour et celui fait à son interrogatoire après défense.
[33] En effet, monsieur Camirand indique au procès qu'il se rend sur le chantier pour y installer un drain agricole alors qu'à son interrogatoire après défense, il s'y présente pour s'assurer qu'il n'y a pas eu de vol [11] .
[34] Suivant cet effondrement, monsieur Camirand communique avec monsieur Cournoyer pour l'informer de l'événement.
[35] Dimanche le 1 er novembre 2009, monsieur Cournoyer se rend au chantier pour constater les dégâts. Il remarque alors qu'un nettoyage des lieux a été amorcé.
[36] Dans l'avant-midi du mardi 3 novembre 2009, les ouvriers de 9072 avec l'aide de monsieur Camirand, procèdent au déplacement des débris à l'aide d'une grue [12] .
[37] En après-midi du 3 novembre 2009, 9072 débute la reconstruction de l'immeuble aux mêmes conditions que l'entente verbale intervenue en septembre 2009.
[38] Pour ce faire, monsieur Camirand achète la même quantité et les mêmes matériaux pour l'érection des murs sauf qu'il opte cette fois pour des panneaux d'aspenite et non du carton fibre noir.
[39] Monsieur Cournoyer mentionne qu'entre l'effondrement et le début de la reconstruction de l'immeuble que monsieur Camirand ne l'avise jamais qu'il tient responsable la défenderesse de cet événement.
[40] Monsieur Nicolas Morin, représentant de la Banque, indique qu'elle soumet le 4 novembre 2009 une offre de financement à 9138.
[41] Une des conditions préalables au premier déboursement de la Banque est l'obtention d'une copie des baux de la demanderesse dont la valeur mensuelle totale doit être d'au moins 2 800 $. Monsieur Morin confirme que la Banque a reçu les copies des baux [13] .
[42] Le 13 novembre 2009, la demanderesse acquitte la facture de la défenderesse pour les travaux réalisés avant l'effondrement [14] .
[43] Le 20 novembre 2009, 9138 accepte l'offre de financement de la Banque.
[44] Le 1 er décembre 2009, l'immeuble est toujours en construction et monsieur Camirand indique que deux des trois locataires résilient leur bail intervenu avec 9138.
[45] Le 15 janvier 2010 marque la fin des travaux de 9072 et celle-ci remet à 9138 sa dernière facture concernant la reconstruction de l'immeuble [15] .
[46] Le 21 janvier 2010, la demanderesse transmet une mise en demeure à 9072 dans laquelle elle la tient responsable des dommages subis des suites de l'écroulement de l'immeuble survenu le 31 octobre 2009 [16] .
[47] Le 26 janvier 2010, suivant la réception de l'attestation de la fin des travaux, la Banque effectue un premier déboursement à 9138.
[48] À cette époque, la Banque ignore que 9138 n'a plus qu'un seul locataire, les deux autres s'étant désistés en raison du retard à livrer les locaux
[49] Le 23 mars 2010, par mise en demeure, la demanderesse informe la défenderesse que l'immeuble comporte certains vices et exige de cette dernière qu'elle procède aux corrections appropriées [17] .
Positions des parties
[50] Selon 9138, n'eut été de la négligence et le défaut de respecter les règles de l'art par 9072, son immeuble ne se serait pas effondré et elle n'aurait pas subi des dommages reliés à cet événement. Quant au nouveau bâtiment, 9138 reproche à 9072 de lui avoir livré un immeuble affecté d'un vice de structure.
[51] La défenderesse plaide que ses services ont été retenus pour procéder à l'érection de la structure, la pose de la couverture et du revêtement extérieur de l'immeuble.
[52] Avant l'effondrement, elle soutient avoir exécuté les travaux requis par la demanderesse selon les règles de l'art en semblables matières et n'a commis aucune faute puisqu'elle s'est comportée en entrepreneure compétente, prudente et diligente.
[53] Selon elle, la cause de l'effondrement est attribuable à deux causes; les rafales de vent violent qui ont soufflé sur la région la journée du 31 octobre 2009 et à l'enlèvement d'étais par monsieur Camirand au même moment.
[54] De plus, elle affirme qu'elle était en droit de recevoir une mise en demeure préalable à l'exécution des travaux de reconstruction afin qu'elle puisse examiner elle-même la cause des dommages. Cette omission est, selon 9072, fatale et doit entrainer le rejet du recours de 9138.
[55] Quant au nouveau bâtiment, celui-ci ne comporte aucun vice.
[56] La défenderesse prétend au surplus que les dommages réclamés sont inexistants et nettement exagérés.
Questions en litige
[57] À l'occasion de la présente affaire, le Tribunal tranchera les questions suivantes :
A. 9072 est-elle responsable de l'effondrement?
B. Si le Tribunal tient responsable 9072 de cet effondrement, quel montant 9138 est-elle en droit d'obtenir?
C. 9138 devait-elle transmettre une mise en demeure à 9072?
D. L'immeuble reconstruit est-il affecté de vices ou de malfaçons?
Si oui, quel montant 9138 est-elle en droit d'obtenir?
Analyse
A. 9072 est-elle responsable de l'effondrement?
[58] Selon la règle de la prépondérance de preuve, le Tribunal doit retenir la cause la plus probable parmi tous les faits entourant la survenance du dommage [18] .
[59] En vertu du contrat intervenu entre les parties, l'obligation de 9072 n'est pas une obligation de moyen ou de diligence, mais une obligation de résultat. Le Tribunal estime qu'un entrepreneur spécialisé comme la défenderesse 9072, qui accepte d'exécuter un travail précis dans son champ d'expertise, est responsable s'il ne peut atteindre le résultat prévu au contrat.
[60] Le Tribunal souligne qu'aucun expert n'a eu l'opportunité d'inspecter le bâtiment d'origine avant que les lieux ne soient nettoyés.
[61] Monsieur Alain Proteau, de la compagnie Inspec de Francheville, a témoigné pour 9138 à titre d'expert en construction de bâtiment et en inspection.
[62] Quant à 9072, elle fait entendre monsieur Luc Muyldermans, de la firme Thermtech inc., comme expert en génie civil.
[63] À l'audience, madame Diane Desfossés, conjointe de monsieur Camirand, dépose dix-sept photographies [19] prises le lendemain de l'effondrement. Ce n'est qu'au moment de leurs témoignages que les experts de chaque partie ont pu en prendre connaissance pour la première fois.
[64] Après avoir entendu les témoignages des experts et les représentants des parties, le Tribunal est d'avis que la cause la plus probable de l'effondrement de l'immeuble résulte d'une installation inadéquate des fermes de toit faite par 9072 et le manque de contreventement de celles-ci.
[65] Le témoignage de l'expert Proteau est plus convaincant et crédible que ceux de monsieur Cournoyer et de l'expert Muyldermans quant à la cause de l'effondrement.
[66] En effet, le Tribunal retient l'opinion de l'expert Proteau qui se montre critique de la rapidité avec laquelle 9072 installe les fermes de toit.
[67] À cet effet, monsieur Cournoyer indique qu'il ignore à quelle distance il doit installer les contreventements temporaires sur les fermes de toit car il n'a pas consulté le plan de montage de celles-ci.
[68] Il décide plutôt d'installer les contreventements conformément à son expérience. Il ajoute qu'il comptait, le lundi suivant, étudier le plan de montage pour finaliser l'installation des contreventements et ancrer plus solidement les murs dans la fondation.
[69] Il justifie cette façon de faire en mentionnant qu'il faut travailler rapidement lors de la pose des fermes de toit afin de maximiser la rentabilité du grutier et de son équipement. Il précise que s'il prend le temps d'installer tous les contreventements nécessaires, il ne peut compléter l'installation des fermes de toit dans la même journée.
[70] Enfin, il reconnaît de plus n'avoir installé aucun étai à l'extérieur de l'immeuble afin de stabiliser les fermes de toit.
[71] De l'avis du Tribunal, il faut plutôt en pareil cas prendre le temps de les installer et s'assurer de mettre des liens continus en longueur sur chacune d'elle. Ce qu’a omis de faire 9072.
[72] Le Tribunal partage également l'opinion de l'expert Proteau à l'effet que de n'installer, comme l'a fait 9072, que trois étais temporaires en forme de T sur des fermes de toit d'une longueur de soixante pieds est téméraire et insuffisant pour un immeuble de cette envergure.
[73] Le Tribunal est aussi d'avis que des fermes de toit d'une telle longueur sont lourdes, et offrent une résistance importante au vent et qu'il est inadéquat de les retenir uniquement au moyen de clous insérés à une profondeur de 2" dans le bois. Cette procédure n'assure pas la solidité des étaiements et des fermes de toit.
[74] Par ailleurs, le Tribunal rejette la thèse de 9072 voulant que le vent ait joué un rôle dans l'effondrement de l'immeuble. Le fait que monsieur Cournoyer ressente de forts vents le 31 octobre 2009 alors qu'il se trouve à St-Bonaventure, soit à 40 kilomètres de Nicolet, n'a rien de convaincant.
[75] Le témoignage de l'expert Muyldermans sous cet aspect n'est que spéculation.
[76] Le témoignage non contredit de monsieur Camirand qui démontre qu'il a peu venté la journée de l'effondrement à Nicolet est beaucoup plus crédible à cet égard.
[77] Le Tribunal rejette également l'argument voulant que l'enlèvement de certains étais par monsieur Camirand ait fragilisé la stabilité du bâtiment et causé son effondrement.
[78] La preuve ne révèle pas de façon prépondérante que monsieur Camirand ait enlevé un ou des étais le samedi 31 octobre 2009.
[79] À cet effet, monsieur Cournoyer témoigne qu'à deux ou trois occasions entre le 26 et 30 octobre 2009, lorsqu'il arrive au chantier le matin, il manque un ou deux étais sur les vingt-six installés par 9072 pendant cette période. Ce que nie monsieur Camirand.
[80] Monsieur Cournoyer constate également la même chose lors de la reconstruction de l'immeuble. Il explique qu'à son départ un vendredi soir, tous les étais sont en place. Mais qu'à son retour le lundi matin, il ne retrouve que deux étais pour retenir les murs.
[81] Fait étonnant, bien que seulement deux étais retiennent les murs du nouveau bâtiment, aucun effondrement n'est survenu.
[82] Le Tribunal est donc d'avis que l'enlèvement de un ou deux étais entre le 26 et 30 octobre 2009 par monsieur Camirand n'est pas suffisant pour conclure que ce geste est la cause de l'effondrement.
[83] Les indices ne sont pas suffisamment graves, précis et concordants pour démontrer de façon prépondérante, que la demanderesse 9138 est à l'origine de l'effondrement.
B. Si le Tribunal tient responsable 9072 de cet effondrement, quel montant 9138 est-elle en droit d'obtenir?
[84] La demanderesse détaille comme suit les dommages qu'elle réclame :
Temps (Témax) |
P-1 |
8 454,30 $ |
Bois |
P-2 |
6 633,49 $ |
Fermes de toit |
P-3 |
16 400,74 $ |
Grue |
P-4 |
1 614,63 $ |
Grue (enlèvement des débris) |
P-5 |
586,95 $ |
Baux (perte de loyer) |
P-6 |
7 600,00 $ |
Nettoyage du terrain |
P-7 |
838,10 $ |
Nettoyage du terrain |
P-8 |
2 359,09 $ |
Location terrain adjacent (débris) |
P-9 |
3 386,25 $ |
Frais d'enfouissement |
P-10 |
103,19 $ |
Location d'une plate forme additionnelle |
P-11 |
2 018,21 $ |
Machine pour chauffer |
P-12 |
152,08 $ |
Essence pour chauffer |
P-13 |
604,71 $ |
Salaires (9 heures x 55 $ / heure) |
P-14 |
495,00 $ |
Dommages et inconvénients de Michel Camirand |
|
10 000,00 $ |
TOTAL |
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61 246,74 $ |
[85]
L'article
« En matière contractuelle, le débiteur n’est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir au moment où l’obligation a été contractée, lorsque ce n’est point par sa faute intentionnelle ou par sa faute lourde qu’elle n’est point exécutée; même alors, les dommages-intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution. »
[86] La jurisprudence relativement à cette disposition législative précise « que les dommages prévisibles sont ceux qu'une personne raisonnable et avisée pouvait prévoir [20] » .
[87] De l'avis du Tribunal, une personne placée dans la situation de monsieur Cournoyer, gérant de projet et charpentier menuisier, se devait de prévoir qu'un manque de précaution lors de l'érection de la structure, entraînerait des dommages de la nature de ceux constatés en l'espèce.
[88] Le coût déboursé pour le temps (P-1), le bois (P-2), les fermes de toit (P-3), les grues (P-4 et P-5), les frais d'enfouissement (P-10), location d'une plate forme additionnelle (P-11) et machine à chauffer (P-12) sont des dommages directs et prévisibles que 9072 devra payer, soit un montant totalisant 35 963,59 $.
[89] Le montant réclamé pour les baux (P-6) est un dommage direct. Par ailleurs, 9138 doit tenir compte des frais d'exploitation qu'elle aurait eu à supporter si l'immeuble avait été en opération. En l'absence d'une preuve du coût de ces frais, le Tribunal réduit le montant à 1 000 $ que devra payer 9072.
[90] Le nettoyage de terrain (P-7) est un dommage direct mais le taux horaire réclamé pour la main-d'œuvre est nettement exagéré. Le Tribunal réduit le taux horaire à 10,50 $. Le montant que devra payer 9072 est de 210,23 $ avec taxes ((12 ½ hres x 10,50 $) + 55,00 $ équipement).
[91] Le nettoyage de terrain (P-8) est aussi un dommage direct mais le taux horaire réclamé pour la main-d'œuvre est nettement exagéré. De plus, le Tribunal ne croit pas que monsieur Camirand puisse avoir travaillé à l'extérieur à la fin de mois de novembre trente-deux heures en deux jours. Le Tribunal réduit le taux horaire à 10,50 $ et fixe le même nombre d'heures indiquées à la pièce P-7, soit 6.25 heures par jour. Le montant que devra payer 9072 est de 520,63 $ avec taxes ((12 ½ hres x 10,50 $) + 330,00 $ équipements).
[92] La réclamation pour location du terrain adjacent (P-9) est rejetée car 9138 n'a pas fait la preuve du paiement et la facture déposée n'est pas datée.
[93] La réclamation pour l'essence pour chauffer (P-13) est rejetée puisque les dates qui apparaissent sur les factures soumises ne correspondent pas à celles de location de la machine chauffante (P-12).
[94] La réclamation pour le salaire (P-14) est rejetée puisque la preuve sous ce chef n'est pas concluante et aucune date n'apparaît sur la facture.
[95] La réclamation de Michel Camirand pour dommages et inconvénients est rejetée car elle est sans fondement en l'espèce.
C. 9138 devait-elle transmettre une mise en demeure à 9072?
[96] 9072 plaide que 9138 devait la mettre en demeure avant d'effectuer la reconstruction de l'immeuble. Cette omission est, selon elle, fatale et doit entraîner le rejet de sa réclamation quant à ses prétendus dommages subis lors de l'effondrement de son immeuble.
[97] Le Tribunal est d'avis, pour les motifs qui suivent, que l'argument de 9072 n'a aucun mérite et qu'une réponse négative s'impose à cette question en litige.
[98]
L'article
[99] Le Tribunal est d'avis que c'est la situation en l'espèce. La défenderesse 9072 a, par sa faute, rendu impossible l'exécution en nature de l'obligation d'ériger la structure de l'immeuble.
[100]
En fait, le 31 octobre
2009, le préjudice était réalisé et il y avait impossibilité de compléter le
contrat d'érection de la structure à cause de la faute de 9072. Cette dernière
était donc en demeure de plein droit (article
D. L'immeuble reconstruit est-il affecté de vices ou de malfaçons?
Si oui, quel montant 9138 est-elle en droit d'obtenir?
[101] De l'avis du Tribunal, l'immeuble n'est pas affecté de vices ou de malfaçons en raison des travaux réalisés par 9072.
[102] L'expert Muyldermans qui a visité l'immeuble et y a pris des mesures à l'aide d'un pointeur laser, d'un niveau à bulle ou d'une ficelle affirme que les murs de l'immeuble sont droits, que le carré du bâtiment est adéquat et qu'il n'a noté aucune variation de la verticalité des arêtes sur les murs intérieurs.
[103] Il note une seule variation de ½" en façade de l'immeuble. Or, le témoignage de l'expert Proteau est à l'effet que cette tolérance de ½" est limite mais acceptable.
[104] Par ailleurs, le témoignage de l’expert Proteau ne convainc pas le Tribunal que la structure de l'immeuble est hors d'aplomb ou que le carré du bâti ainsi que le revêtement métallique ne sont pas à l'équerre.
[105] La procédure de mesure de l’expert Proteau manque de rigueur, de précision et laisse place à plus d'erreurs que les outils utilisés par l'expert Muyldermans.
[106] De plus, les photographies qui accompagnent le rapport d'expertise de monsieur Proteau n'amènent pas le Tribunal à conclure que la structure de l'immeuble est hors d'aplomb ou que carré du bâtiment et le revêtement métallique ne sont pas à l'équerre.
[107] À titre d'exemple, il mentionne qu'un mois après la livraison de l'immeuble, celui-ci bouge. Il réfère le Tribunal à la photographie 9 de son rapport d'expertise qui démontre une déformation sur le revêtement métallique.
[108] Le Tribunal retient l'opinion de l'expert Muyldermans qui explique que cette déformation ne peut être attribuable au mouvement de l'immeuble. Si tel était le cas, il y aurait une déformation à la grandeur du recouvrement métallique et ses mesures prises aux quatre coins de l'immeuble auraient été erronées.
[109] Cette déformation résulte plutôt d'une visse trop serrée.
[110] Enfin, les deux experts sont d'opinion qu'il manque de liens continus et de contreventements entre les fermes de toit.
[111] De l'avis du Tribunal, bien que ce manquement constitue une malfaçon, le témoignage non contredit de monsieur Cournoyer est clair.
[112] En effet, la demanderesse 9138 a décidé de réaliser certains travaux et avise monsieur Cournoyer qu'elle va installer elle-même l'isolant, la fourrure de bois (forence), les liens continus et les contreventements manquants.
[113] Or, elle ne l'a pas fait et 9072 n'est pas responsable des travaux que 9138 a décidé de ne pas lui confier.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[114] ACCUEILLE l'action de 9138-1228 Québec inc. contre 9072-8189 Québec inc.;
[115]
CONDAMNE
9072-8189
Québec inc. de payer à 9138-1228 Québec inc. la somme de 37 694,45 $ avec
intérêts au taux légal depuis la mise en demeure du 21 janvier 2010 majorés de
l'indemnité additionnelle prévue à l'article
[116] ACCUEILLE la demande reconventionnelle de 9072-8189 Québec inc. contre 9138-1228 Québec inc.;
[117]
CONDAMNE
9138-1228
Québec inc. de payer à 9072-8189 Québec inc. la somme de 31 669,88 $ avec
intérêts au taux légal depuis la mise en demeure du 1
er
février 2010
majorés de l'indemnité additionnelle prévue à l'article
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__________________________________ JACQUES BLANCHARD, j.c.s. |
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M e Yves Boucher Boucher, Duplessis, Avocats 200, Bonaventure Trois-Rivières (Québec) G9A 2B1 Procureur de la demanderesse |
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M e Guillaume Daigneault Crochetière Pétrin, s.e.n.c.r.l. 100, Belvédère Sud, bureau 310 Sherbrooke (Québec) J1H 4B5 Procureur de la défenderesse |
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Date d’audience : |
13 et 14 février 2013 |
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[1] Pièce D-1.
[2] Pièce D-0.2.
[3] Id .
[4] Pièce P-6.
[5] Annexe 1 du rapport d'expertise de Luc Muyldermans.
[6] Interrogatoire après défense de Michel Camirand, 27 janvier 2011, page 12.
[7] Pièce P-2.
[8] Pièces D-6 et D-7.
[9] Pièce P-3.
[10] Pièce P-4.
[11] Interrogatoire après défense de Michel Camirand, 27 janvier 2011, page 26.
[12] Pièce P-5.
[13] Pièce P-6.
[14] Pièce P-1.
[15] Pièce D-1.
[16] Pièce P-15.
[17] Pièce P-16.
[18] Brault & Bisaillon (1986) inc . c. Les Éditions Le Canada Français et als et Richelieu Métal inc ., REJB
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[19] Pièce D-18.
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