D'Anjou c. Tardif

2013 QCCQ 4963

JB 1145

 
 COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LAVAL

LOCALITÉ DE

LAVAL

« Chambre civile  »

N° :

540-32-023105-107

 

 

 

DATE :

 3 mai 2013

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

JEAN-PIERRE BOURDUAS, J.C.Q.

 

 

 

FRÉDÉRIC D'ANJOU

et

SIMON SHEDLEUR

Demandeur

c.

LINDA TARDIF

Défenderesse / demanderesse en garantie

et

DIANE ALARIE

Appelée en garantie

 

 

 

JUGEMENT

 

 

 

[1]            Les demandeurs, Frédéric D'Anjou et Simon Shedleur, réclament 7 000 $ de la défenderesse, Linda Tardif, en dédommagement de ce qu'il leur en a coûté pour enrayer un vice caché qui affectait leur résidence.

[2]            Linda Tardif nie que la résidence vendue ait été affectée par la présence de pyrite qui mettait en cause la solidité de la résidence vendue. La défenderesse appelle en garantie Diane Alarie qui soulève la tardiveté de l'appel en garantie et soulève aussi le bien-fondé de la réclamation originale : les travaux n'étaient pas nécessaires, les symptômes étant purement esthétiques!

LES FAITS

[3]            Les demandeurs achètent le […], à Laval, le 9 janvier 2006, au prix de 212 000 $ (pièce P-4). Préalablement à l'acte d'achat, une inspection pré-achat fut effectuée le 8 juin 2005 par AmeriSpec (pièce P-6). À la page 6 de 16, l'inspecteur note dans le garage:

«  404   Dalle    Béton. Fissures observées. Nous recommandons de réparer et

sceller les fissures.  »

Pièce P-6, page 6 de 16

[4]            Le 18 février 2010, les demandeurs recevaient une offre d'achat acceptée au prix de 254 000 $, mais conditionnelle à une inspection. Ce rapport (pièce P-7) fut réalisé par Brian Crewe de Les entreprises Bransen. À la page 11 de 16, à la section 14 Garage on y note:

«  Fissures au plancher:  Indication de possibilité de problème associé avec la pyrite, il y a des fissures en étoile avec du soulèvement et sulfatation, un test de pyrite fortement recommandé.

                                      Pièce P-7

[5]            La firme Pyritest recommandée procède à une expertise et en rédigea un rapport le 3 mars 2010. On y conclut que le remblai « a un potentiel de gonflement qualifié de faible (IPPG de 16). Le géologue est d'avis que des désordres de nature esthétique pourraient apparaître avec le temps. Par "désordre", nous entendons des fissures (avec ou sans soulèvement) sur la dalle de béton sans toutefois affecter les murs de fondation. Il n'est pas impératif de procéder à des travaux correctifs. »

[6]            Jean Gagné, le vice-président de Pyritest, appuie sur le fait que le potentiel de gonflement est qualifié de faible (IPPG de 17). Il précise que les fissures peuvent révéler la présence de pyrite, mais aussi d'autres causes soit sulfatation du béton, retrait du béton, affaissement, gel/dégel, etc. Il ajoutera qu'il pourrait y avoir des poussées latérales sur les murs de fondation, mais qu'il n'est pas impératif de procéder à des travaux correctifs.

[7]            Les acheteurs exigent des travaux correctifs, faute de quoi, ils se désistent de leur promesse d'achat. Les demandeurs s'engagent à effectuer les travaux entre le 16 mai et le 10 juin 2012 (pièce P-3).

[8]            C'est la firme Paramount qui effectuera les travaux du 24 au 28 mai au coût de 6 162,98 $ (pièce P-9). Il en aurait coûté pour les tests de l'expertise 563,25 $ et 50 $ pour le permis, pour un total des déboursés de 6 926,23 $.

[9]            Le 19 avril 2010, les demandeurs auraient mis en demeure celle qui leur avait vendu la résidence en 2006, Linda Tardif, de leur payer la somme de 6 876,23 $ (pièce P-1).

[10]         Le 2 juin 2010, l'avocat de Linda Tardif, Russel Ramage niait toute responsabilité et avisait que toute procédure serait contestée (pièce P-2). Linda Tardif rappelle que les fissures dans le plancher du garage existaient en 2005 et que l'inspecteur les qualifiait d'ordres esthétiques. Il n'y avait pas de soulèvement ni de trace d'efflorescence.

[11]         L'appelée en garantie, Diane Alarie, a fait construire cette résidence en 1995, et dès la première année, le plancher du garage est légèrement fissuré. S'il y a vice, le vice était déjà apparent dès l'achat des demandeurs et ceux-ci ont procédé à d'importants travaux alors que l'inspecteur ne les recommandait même pas. Il n'y a pas eu de mouvements latéraux qui pouvaient mettre en cause la structure. L'article 1726 du Code civil du Québec n'aurait pas d'application sinon son dernier paragraphe:

«  1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.  »

[12]         Dans une affaire similaire, la juge Micheline Laliberté le 30 juillet 2010 écrivait ce qui suit [1] :

«  Rappelons que la seule présence de pyrite dans un matériau de remblai ne constitue pas en soi un vice caché, non plus que la seule présence d'un indice élevé de potentiel de gonflement.  Selon l'article 1726 précité, la preuve d'un déficit d'usage est essentielle pour conclure à vices cachés, et les demandeurs devaient démontrer l'existence de désordres importants ou la probabilité de désordres importants dans l'avenir (Petit c. Ricard REJB 123771, Lapointe c. Ferron REJB 25448, Lavoie c. Bertrand REJB 26922, Lafortune c. Tech-Écologie inc. CanLII 16635).  »

[13]         CONSIDÉRANT que le potentiel de gonflement a été qualifié de faible, que les fissures peuvent révéler la présence de pyrite, mais aussi d'autres causes, qu'il n'est pas impératif de procéder à des travaux correctifs;

[14]         CONSIDÉRANT qu'il n'y a aucun déficit d'usage et que dès 2005, il y avait certaines manifestations d'un désordre possible qui n'a pas sérieusement évolué;

[15]         CONSIDÉRANT que les demandeurs n'ont pas établi à la satisfaction du Tribunal qu'il s'agissait d'un vice caché;

[16]         CONSIDÉRANT les articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec ;

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[17]         REJETTE l'action avec dépens, y compris les frais de l'appel en garantie.

 

 

 

__________________________________

Jean-Pierre Bourduas, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

1 er février 2013

 



[1]     Beauregard c. Gauthier (C.Q., 2010-07-30), 2010 QCCQ 7654 , SOQUIJ AZ-50671070 ,

      2010EXP-3212