C A N A D A                                             ARBITRAGE                                             ____________________________________     

PROVINCE DE QUÉBEC

                                             AUTOMOBILES CANBEC INC. 

DATE :  14 mars 2013            (BMW CANBEC)

                              Employeur

No de dépôt : 2013-3677

        et-

 

SYNDICAT NATIONAL DE L'AUTOMO-BILE, DE L'AÉROSPATIALE, DU TRANSPORT ET DES AUTRES TRA-VAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DU CANADA (TCA-CANADA)

 

                              Syndicat

 

 
ARBITRE :   Me Michel Bolduc

____________________________________­

 
Dans le grief de:  M. Sylvain Gouger

__________________________________­__

 

PROCUREUR  DE L’EMPLOYEUR  :

 

- Me Richard Auclair                                                  

 

PROCUREUR  DU SYNDICAT :

 

- Monsieur Gérald Sarfati

 

____________________________________

 

Nomination à titre d’arbitre :            20/01/11

Audiences à l’arbitrage :  10/11/11, 10/02/12,

                                       14/06/12 et 23/01/13 ____________________________________

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

         Le grief du plaignant est en date du 25 octobre 2010 et ainsi libellé:

 

« … Que s'est-il passé Violation et abus du droit de gérance.

 

Article(s) de la convention, ou autre type de grief L'article 4 et l'article 2 de la convention collective, la convention collective, la Loi, ainsi que tous les articles pertinents reliés à cette affaire et toutes les règles de justice naturelle .

 

Remède (préciser le calcul de la réclamation) Que l'employeur annule immédiatement la sanction dont j'ai été victime soit d'être suspendu.  De plus, je réclame que l'employeur ne me fasse pas subir de préjudice causé par cette situation.  Que l'employeur me rembourse toutes les sommes d'argent perdues incluant les intérêts et un montant minimum de 1000.00$ en dommages punitifs et moraux lesquels seront à parfaire.  Je demande également, réparation intégrale du préjudice subit et que Monsieur Sébastien Quintal ne soit plus en contact avec moi.  Qu'il me soit accordé tous les droits et privilèges prévu par la convention collective, à la Loi, aux règles de justice naturelle ainsi que tous les autres articles en relation avec cette affaire . … »

 

(Pièce S-1)

 

 

Il s'agit d'une allégation de violation et abus du droit de gérance dont aurait été victime le plaignant et le principal responsable serait le mécanicien M. Sébastien Quintal.

 

Dans l'ordre les témoins entendus ont été:

 

- M. Sylvain Gouger, le plaignant, commis aux pièces et délégué syndical

-  M. Sébastien Quintal, technicien, aujourd'hui chez "Ferrari Qué-bec"

-  M. Michel Rainville, Directeur services après vente, aujourd'hui chez "Ferrari Québec"

-  M. Pierre-Luc Longpré, Directeur des pièces

 

Le 2 novembre 2010 le plaignant a, en plus de son grief du 25 octobre, déposé une réclamation à la CSST ainsi libellé:  "Dans le cadre de mon travail, j'ai subi du harcèlement et de l'intimidation de la part d'un autre travailleur".

 

Le 17 janvier 2011 la CSST refuse la réclamation pour un accident du travail dont le diagnostic est celui de trouble d'adaptation et de dépression majeure et l'avise qu'aucune indemnité ne lui sera versée.

 

Le 11 mars 2011 la réviseuse Madame Marie-Josée Beaudry rend sa décision le 1er février 2011 laquelle confirme la décision du 17 janvier 2011 et déclare que le travailleur n'a pas subi de lésion professionnelle le 25 octobre 2010 et qu'il n'a pas droit aux prestations prévues à la loi.

 

Une date d'audience a été prévue suite à la contestation de cette décision par le plaignant et ce devant la Commission des lésions profes-sionnelles.

 

De l'analyse des documents déposés, une preuve similaire administrée devant nous a été produite devant la CSST, laquelle ne nous lie effectivement pas puisqu'il s'agit de deux instances totalement différentes.

 

 

.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.

 

 

Le plaignant est commis aux pièces au service de l'Employeur depuis quelques vingt-deux (22) ans.  Suite aux incidents du 25 octobre 2010 il est en absence maladie depuis ce jour et ce jusqu'au 18 juillet 2011.  Les conclusions d'une expertise psychiatrique du psychiatre Hans Lamarre le déclare "en rémission complète" dans son rapport du 28 juin 2011 et ses notes médico-administratives du 14 juillet 2011.

Le travail principal du commis aux pièces est de servir les mécaniciens pour leurs besoins de travaux sur les voitures et il est donc en contact fréquent avec ceux-ci au comptoir des pièces.

 

Depuis quelques sept (7) ans le plaignant est délégué syndical et participe aux négociations de la convention collective et souvent en relation avec le Directeur général Monsieur Noël Levac et le Directeur du départe-ment des pièces Monsieur Pierre-Luc Longpré.

 

Les problèmes débutent peu après l'arrivée d'un nouveau mécanicien M. Sébastien Quintal; confrontation entre les deux au cours de l'été 2010 et le plaignant avoue que ce Monsieur Quintal ne lui était pas du tout sympathique.  Au sujet d'une pièce qui manquait à la commande de Monsieur Quintal celui-ci revient au comptoir et le contact s'embrouille alors avec le plaignant qui affirme avoir été frustré par l'attitude de ce mécanicien qui s'est retourné et a sifflé.  Offusqué nous dit-il, il aurait refusé de continuer à servir Monsieur Quintal et a demandé à l'autre commis aux pièces de prendre la relève.  Et les deux ne se parlèrent plus.

 

Quelques semaines plus tard, l'incident du miroir;  le plaignant et Monsieur Quintal doivent alors s'expliquer pour cette pièce et la discussion s'envenime et Monsieur Quintal aurait répondu sèchement en disant:  "c'est pas à moi de te dire quoi faire", et le plaignant demande encore une fois à l'autre commis de continuer à servir Monsieur Quintal en se disant:  "Je crois que Quintal me cherche là".

 

Ce fut plus intense que la première fois nous dit le plaignant et il dut aller fumer dehors une dizaine de minutes; en revenant au comptoir Monsieur Quintal se serait approché de son visage pour lui dire:  "C'est quoi ton ostie de problème, il me reste un mois avant d'être syndiqué et là je vais te câlisser des griefs par la tête".

 

Peu après le plaignant appela le président du Syndicat, Monsieur Sylvain Murfay pour lui expliquer cette situation inacceptable et Monsieur Murfay lui suggéra de rencontrer la Direction.  Et une rencontre a lieu avec trois directeurs, Messieurs Levac, Rainville et Longpré; le plaignant se dit abattu et exige que Monsieur Quintal s'excuse.  Cette journée-là, aucun contact entre les deux et le plaignant nous dit qu'il est sous le choc et décide même de ne plus jamais servir Monsieur Quintal.

 

Quelques jours plus tard une rencontre se tient entre le plaignant, son substitut syndical Monsieur Brunet et Monsieur Rainville qui est alors le Directeur des services après vente et Monsieur Quintal lui-même.  Là à sa manière, Monsieur Quintal s'excuse mais le plaignant ne les accepte pas.  Et par la suite nous dit encore le plaignant, ce Monsieur Quintal aurait continué à l'intimider et le harceler.

 

Un troisième événement au comptoir des pièces alors que Monsieur Quintal "a garoché une pièce" toujours selon la version du plaignant et là "c'est fini", le plaignant en discute avec Monsieur Levac et celui-ci accepte qu'il ne serve plus ce mécanicien.

 

Mais, besoin exigeant, le 21 octobre 2010 Monsieur Levac demande au plaignant de resservir Monsieur Quintal au comptoir des pièces mais le plaignant a refusé et n'a plus servi Monsieur Quintal.   Et le 25 octobre le plaignant est convoqué au bureau de Monsieur Rainville en présence d'un autre représentant syndical, Monsieur Sylvestre et de Monsieur Longpré.

 

Le plaignant se dit blessé et incapable de servir Monsieur Quintal, il exige qu'on déplace Monsieur Quintal au lieu de lui;  la direction ordonne clairement au plaignant de devoir servir Monsieur Quintal sinon de retourner chez lui.  Le plaignant refuse d'obéir et s'en va chez lui de son propre gré.  "C'est mon droit de refuser un travail dangereux", avoue-t-il mais le plaignant n'a pas exercé le droit de refus permis par la loi.

 

Pendant presque neuf mois, du 25 octobre 2010 au 18 juillet 2011, le plaignant est en absence maladie;  trouble d'adaptation diagnostiqué le 26 octobre 2010 et dépression majeure le 14 décembre 2010.

 

Monsieur Sébastien Quintal a été mécanicien chez Canbec Inc. du 15 mars 2010 au 6 juin 2011 et selon son témoignage, le climat aurait changé lorsqu'il aurait discuté avec le plaignant au sujet de "l'Union".  Au sujet du premier incident d'une pièce manquante, Monsieur Quintal nous dit que c'est le plaignant qui était de mauvaise humeur et c'est lui qui commença à l'engueuler d'où les froids contacts par la suite, puis autre incident au sujet du questionnement du plaignant parce que lui n'avait pas à poser des pneus, et l'affaire du miroir où c'est le plaignant qui ne voulait pas collaborer et voulait se chamailler.  Et le plaignant refusa de le servir au comptoir.  Monsieur Quintal s'avoue plutôt pro-patronal que pro-syndical; cela explique en partie ses relations difficiles avec le plaignant, délégué syndical.  La direction demanda à Monsieur Quintal d'être raisonnable et lors d'une rencontre, il a offert des excuses au plaignant qui les refusa.   Monsieur Quintal quitta en juin 2011, toujours pendant l'absence maladie du plaignant.

 

C'est Monsieur Michel Rainville, alors Directeur des services après vente qui a embauché Monsieur Quintal au printemps 2010;  Monsieur Rainville avait fréquemment à discuter de condition de travail avec le plaignant, relations parfois faciles et parfois explosives, nous dit-il jusqu'à un jour une grève qualifiée d'illégale.  Monsieur Quintal n'aurait pas été accueilli chaleureusement à son arrivée, toujours selon Monsieur Rainville.

 

Lors de l'incident du miroir, Monsieur Rainville rencontra le plaignant et Monsieur Quintal pour des explications parce que le plaignant se sentait menacé et exigea des excuses, ce que fit Monsieur Quintal pour calmer la situation mais Monsieur Rainville confirme que le plaignant ne les accepta pas et cessa même de servir Monsieur Quintal au comptoir des pièces.  Les relations difficiles entre le plaignant et Monsieur Quintal sont confirmées par Monsieur Rainville; ce mécanicien avait été embauché pour infiltrer le Syndicat, lui disait le plaignant.

 

À un moment donné, devant les problèmes occasionnés par cette situation difficile entre Monsieur Quintal et le plaignant, Messieurs Rainville et Levac ont discuté de déplacer le plaignant à la récep-tion/expédition.

 

Monsieur Rainville mentionne les trois demandes faites au plaignant par Monsieur Levac d'avoir à servir Monsieur Quintal et de son refus catégorique où on lui demande de quitter, faute d'obéir, et le plaignant de s'en aller chez lui, ce 25 octobre 2010.

 

Monsieur Pierre-Luc Longpré, le Directeur du service, n'a pas toujours eu des relations faciles avec le plaignant, lequel piquait ses crises à quelques occasions.  Le plaignant s'est même plaint à lui au sujet de Monsieur Quintal qui n'était là que pour foutre le trouble dans l'atelier.  Monsieur Longpré confirme la rencontre avec Monsieur Rainville, Monsieur Franco un technicien et le plaignant au bureau de Monsieur Rainville ce 25 octobre 2010.  C'est là qu'on exigea du plaignant de servir Monsieur Quintal lorsque l'autre commis n'était pas là, qu'on offrit même au plaignant un travail ailleurs; le plaignant refusa en mentionnant ses vingt (20) ans d'ancienneté, que c'était à Monsieur Quintal de changer de place.  À deux reprises, "jamais", "jamais" répéta le plaignant et c'est alors qu'on lui dit de retourner chez lui.

 

.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.

 

 

Au libellé du grief, il est exigé de ne plus être en contact avec Monsieur Quintal et bien cela est déjà fait puisque ce mécanicien a quitté l'entreprise au mois de juin 2011, pendant l'absence du plaignant.

 

De plus le plaignant allègue avoir été suspendu; dans les circonstances précédemment décrites il ne s'agit pas d'une suspension mais d'une décision personnelle du plaignant d'accepter de rentrer chez lui et ayant refusé l'offre d'être déplacé s'il refusait toujours de servir Monsieur Quintal.

 

Des montants sont exigés en dommages mais aucune preuve n'a été faite à ce sujet.

 

Le titre du grief est:  "Violation et abus du droit de gérance".

 

Les procureurs ont référé à des articles de la convention collective, des articles des lois applicables et à de nombreuses causes de jurisprudence, dont certaines au sujet du harcèlement psychologique.

 

Vu le grief, il s'agit ici d'une question d'exercice d'un droit par l'Employeur.

 

Tout exercice d'un droit doit être raisonnable, c'est-à-dire non arbitraire, non discriminatoire et non abusif;  c'est l'exercice d'un droit fait par une personne diligente et consciente, donc normalement et objectivement.

 

Comment l'Employeur a-t-il exercé son droit?

 

Il faut d'abord bien comprendre que l'Employeur est ici placé dans une situation délicate où deux collègues de travail sont souvent en conflit.  Dans un monde du travail, dans un atelier de garage, il y a toujours des situations à contrôler et tout le monde doit y vivre.

 

Devant les relations tendues entre le plaignant et Monsieur Quintal, les deux employés sont d'abord rencontrés et confrontés par la direction et des excuses sont même exigées de Monsieur Quintal en présence du plaignant.

 

Pour éviter plus de problèmes il est même convenu par la direction avec le plaignant de ne plus servir Monsieur Quintal pour un moment.

 

Devant les besoins du service, à l'automne, la direction demande au plaignant de resservir Monsieur Quintal et on offre même au plaignant de le déplacer si cette exigence est trop pénible.

 

Refus d'être déplacé, refus de servir Monsieur Quintal; une personne diligente et consciente, placée dans ces circonstances, aurait exercé un droit d'une manière raisonnable en demandant au plaignant de retourner chez lui.

 

 

POUR TOUS CES MOTIFS:

 

- Le grief est rejeté.

 

 

 

Montréal, le 14 mars 2013.

 

 

                                                                  (s) Michel Bolduc

                                                                  MICHEL BOLDUC, arbitre

 

 

COPIE CONFORME

 

 

 

MICHEL BOLDUC, arbitre