Visalus Sciences Canada inc. c. Lemieux

2013 QCCS 2405

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 

 

N° :

500-17-076784-134

 

 

 

DATE :

26 avril 2013

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L'HONORABLE CLAUDE DALLAIRE, J.C.S.

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VISALUS SCIENCES CANADA INC.

Demanderesse

c.

VINCENT LEMIEUX

-et-

9262-6548 QUÉBEC INC.

-et-

FRANÇOIS LAROQUE

Défendeurs

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TRANSCRIPTION RÉVISÉE D'UN JUGEMENT RENDU

SÉANCE TENANTE LE 19 AVRIL 2013 [1]

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[1]            CONSIDÉRANT que le 14 mars, Visalus a reçu de l'information fiable que les défendeurs auraient joint les rangs d'un compétiteur important, soit Vemma;

[2]            CONSIDÉRANT que le démenti de cette information par les défendeurs, les 14 et 18 mars, a amené une enquête de Visalus afin de faire la lumière sur l'information reçue de part et d'autre;

[3]            CONSIDÉRANT que les 22, 26, 29 et 30 mars, Visalus a obtenu de l'information additionnelle de diverse nature lui permettant de conclure que les défendeurs entretenaient des liens avec Vemma avant l'annonce de leur démission, le 28 mars, qu'ils avaient sollicité ou aidé Vemma à solliciter d'autres promoteurs Visalus à quitter avec eux pour poursuivre leurs activités chez Vemma et que ces activités se sont poursuivies après leur départ;

[4]            CONSIDÉRANT que la procédure d'injonction de Visalus a été signifiée le 15 avril;

[5]            CONSIDÉRANT que les défendeurs ont obtenu le report de l'audition de l'injonction provisoire afin de présenter des affidavits et de la preuve visant à préciser et corriger les affidavits de Visalus, ce qu'ils ont fait;

[6]            CONSIDÉRANT que la chronologie révélée par la preuve explique adéquatement le temps pris par Visalus pour signifier ses procédures d'injonction, que le délai est raisonnable et qu'il démontre que Visalus considère la situation urgente afin de lui éviter des dommages additionnels imminents;

[7]            CONSIDÉRANT que les arguments soulevés par les défendeurs au sujet de leur consentement ou non aux conditions des pièces P-5 et P-6, directement ou par un mandataire, sont en apparence invraisemblables [2] , puisqu'ils admettent par ailleurs avoir profité de plusieurs des avantages découlant d’un tel contrat et d'une telle politique [3] ;

[8]            CONSIDÉRANT que ce sujet devra faire l'objet d’une analyse plus poussée du juge qui sera saisi de la prochaine étape, une fois la preuve plus complète, et que ces arguments n'ont pas d'impact en l'espèce, vu ce qui suit;

[9]            CONSIDÉRANT que la preuve convainc le Tribunal du droit apparent de Visalus à l'injonction parce que les défendeurs reconnaissent avoir eu un lien d'affaires avec Visalus [4] et qu’ils reconnaissent avoir un devoir de loyauté à l'égard de cette dernière [5] , lequel devoir découle de cette relation d'affaires et comprend par définition une obligation de non-sollicitation;

[10]         CONSIDÉRANT que cette obligation de loyauté repose sur les articles 6 , 7 et 1375 du Code civil du Québec, ce qui constitue un fondement juridique suffisant pour demander une injonction en l'espèce [6] ;

[11]         CONSIDÉRANT que les faits et gestes révélés par les affidavits de monsieur O'Toole et de madame Legall, ceux que les courriels et les copies de communications SMS démontrent, l'information provenant de monsieur Jacob et les enregistrements qu'il a faits des propos du défendeur Lemieux, l'information fournie par monsieur Trudeau, de même qu'une partie des documents déposés par les défendeurs [7] démontrent prima facie une situation qui fait naître une présomption grave, précise et concordante que les défendeurs ont commencé à entretenir des liens d'affaires avec Vemma avant leur démission du 28 mars et qu'ils se sont livrés à de la sollicitation auprès de plusieurs promoteurs de Visalus pour les inciter à les suivre chez Vemma, tant avant leur démission qu'après [8] ;

[12]         CONSIDÉRANT qu'ils avaient un intérêt à faire une telle sollicitation [9] ;

[13]         CONSIDÉRANT qu'ils n'ont pas nié avoir signé le projet de contrat déposé en preuve [10] ;

[14]         CONSIDÉRANT que le défendeur Lemieux a participé à une partie de la rencontre qui a eu lieu entre un représentant de Vemma appelé Michel et une dénommée «  Gigi  », alors promoteur Visalus, rencontre au cours de laquelle Michel a tenté de convaincre Gigi de joindre les rangs de Vemma, qu’il s’y serait mal pris et aurait indisposé cette dernière et qu’à l’issue de la participation à la dernière partie de cette rencontre le défendeur Lemieux s’est vanté d'avoir réussi à «  exciter  » les deux parties pour «  closer le deal  » et que cela constitue un exemple patent de sollicitation [11] ;

[15]         CONSIDÉRANT que la preuve révèle que les défendeurs tentent de se cacher derrière le fait qu'il n'y aurait pas de preuve écrite de leurs activités illégales de sollicitation [12] , ce qui est en partie inexact [13] ;

[16]         CONSIDÉRANT que les défendeurs se fient sur le fait que les personnes qu’ils sollicitent sont des amis proches et des parents, de sorte qu'il serait normal que ces personnes décident par elles-mêmes de les suivre chez Vemma sans que l’on puisse prouver la participation des défendeurs à ces décisions [14] ;

[17]         CONSIDÉRANT que tant le contexte dans lequel la preuve orale a été recueillie que son contenu jettent un doute sérieux sur la crédibilité des défendeurs lorsqu'ils allèguent ne pas avoir exercé de telles activités de sollicitation [15] et que la preuve résultant des enregistrements audio est a priori légale puisqu'une des deux personnes participant à ces conversations les enregistre;

[18]         CONSIDÉRANT que les affidavits des défendeurs n'ont pas réussi à soulever un doute dans l'esprit du Tribunal, du fait notamment que plusieurs éléments importants de la preuve de Visalus sont non contredits, inexpliqués, voire même laissés en suspens;

[19]         CONSIDÉRANT , à titre d’exemple, que le défendeur Lemieux ne fait que préciser la date de l’annonce de son arrivée chez Vemma, en prenant bien soin de ne pas fournir la date précise à laquelle il a joint les rangs de ce compétiteur;

[20]         CONSIDÉRANT que le défendeur Lemieux n’a jamais nié avoir signé le «  draft performance agreement  » déposé en preuve, ni avoir récolté les bonus qui y sont compris, ce dernier s’étant uniquement contenté de nier que ce document n’a pas été signé lors du voyage en Arizona en février [16] ;

[21]         CONSIDÉRANT , à titre d’exemple, que le défendeur Larocque n’explique pas comment l’équipe américaine de Vemma lui aurait ouvert un compte à son insu pour qu’il commence ses démarches de recrutement pour leur bénéfice, que ce compte est ouvert au nom de sa compagnie, qu’un courriel en lien avec ce compte lui a été adressé à son adresse personnelle, et qu’il ne fait que supposer que quelqu’un l’a fait en son nom [17] ;

[22]         CONSIDÉRANT , à titre d’exemple, que le défendeur Larocque ne nie également pas avoir signé le «  draft performance agreement  » déposé en preuve, ni avoir encaissé les bonus qui y sont mentionnés;

[23]         CONSIDÉRANT que les deux affidavits concordent sur une période d’inactivité d’un mois avant l’annonce de la démission des défendeurs, le 28 mars [18] , ce qui nous ramène à la fin février, date à laquelle ils reviennent de l’Arizona, après avoir rencontré ni plus ni moins que le CEO de Vemma, qui a pris soin de préparer un projet de contrat à présenter à ses nouvelles recrues et qui a fait réviser les aspects légaux de ce projet de contrat avant de les rencontrer [19] ;

[24]         CONSIDÉRANT que cette période d’inactivité ne s’explique pas à la lumière des autres allégations des affidavits dans lesquelles ces derniers se plaignent d’avoir subi une baisse importante de revenus, de la nécessité et l’imminence de devoir se trouver un nouvel emploi pour vivre convenablement [20] ;

[25]         CONSIDÉRANT que toutes les allégations des défendeurs au sujet de la sollicitation à laquelle se livrerait Visalus à l’égard d’autres promoteurs et d’autres compagnies n’est pas pertinente à la démonstration de la théorie des mains propres relativement à l’injonction en l’espèce, puisqu’aucun des faits allégués ne vise de façon spécifique la relation entre Visalus et les défendeurs;

[26]         CONSIDÉRANT , à cette étape, que le Tribunal n’est pas tenu d’analyser la conduite générale de Visalus à l’égard de d’autres personnes que les défendeurs;

[27]         CONSIDÉRANT que l’apparence sérieuse de droit à la majorité des ordonnances recherchées est démontrée, tant en faits qu’en droit;

[28]         CONSIDÉRANT que les agissements des défendeurs justifient la demande d’ordonnance visant le respect de la confidentialité et la préservation de la preuve, mais que la demande de remise de matériel sur laquelle il serait impossible de revenir n’est pas de la nature d’une demande provisoire et qu’il n’y a donc pas lieu de l’accorder pour ce motif;

[29]         CONSIDÉRANT que les défendeurs ont probablement déjà causé préjudice à Visalus [21] et que la preuve justifie les craintes de cette dernière que leurs faits et gestes se poursuivent [22] ;

[30]         CONSIDÉRANT que les deux défendeurs sont maintenant passés à la compétition et qu’ils bénéficient d’une motivation financière importante pour solliciter ou inciter à solliciter des promoteurs Visalus, des clients, et peut-être des employés de cette dernière;

[31]         CONSIDÉRANT que l’affidavit de madame Legall révèle que 104 autres promoteurs Visalus ont quitté l’entreprise à la même période que les défendeurs;

[32]         CONSIDÉRANT que les allégations de madame Legall expliquent que le succès de Visalus repose sur le système d’opérations décrit aux paragraphes 7 et 8 de la requête et que le positionnement occupé par les trois défendeurs, alors qu’ils étaient chez Visalus, laisse présumer de leur ascendant sur d’autres promoteurs dans leur lignée ou dans des lignées connexes [23] ;

[33]         CONSIDÉRANT que ce type de préjudice est difficilement évaluable et qu’il correspond à un préjudice irréparable;

[34]         CONSIDÉRANT que les défendeurs reconnaissent eux-mêmes que certains promoteurs ont déjà quitté [24] ;

[35]         CONSIDÉRANT que l’approche décrite par monsieur Larocque aux paragraphes 80 à 87 de son affidavit justifie Visalus de craindre que d’autres promoteurs suivront les défendeurs;

[36]         CONSIDÉRANT que nous n’avons pas besoin d’étudier le critère de la balance des inconvénients puisque l’apparence de droit est jugée sérieuse;

[37]         CONSIDÉRANT que même si nous avions dû l’étudier, elle aurait favorisé Visalus, puisque les ordonnances recherchées n’empêchent pas les défendeurs de travailler pour la compétition mais visent uniquement à protéger Visalus du recrutement par les défendeurs à l’interne et à s’assurer que les défendeurs respectent leur obligation de loyauté [25] ;

[38]         CONSIDÉRANT que les ordonnances ont un caractère limité, notamment du fait que celles que le Tribunal s’apprête à émettre ne sont que pour une durée de dix jours;

[39]         CONSIDÉRANT que si les ordonnances recherchées n’étaient pas émises Visalus en subirait un plus grand préjudice que les défendeurs;

[40]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL  :

[41]         THE COURT:

[42]         GRANTS the present Motion as per the following orders:

[43]         ORDERS the Defendants, Vincent Lemieux, 9262-6548 Québec Inc. and François Larocque, to immediately REFRAIN, CEASE and DESIST from soliciting, by any means whatsoever, directly or indirectly, employees and Promoters (whether active or inactive) of the Plaintiff, Visalus Sciences Canada Inc.;

[44]         ORDERS the Defendants, Vincent Lemieux, 9262-6548 Québec Inc. and François Larocque, to immediately REFRAIN, CEASE and DESIST from soliciting , recruiting or hiring, by any means whatsoever, directly or indirectly, Visalus Sciences Canada Inc.’s customers, suppliers, agents or other persons under contract or doing business with Visalus Sciences Canada Inc. and with whom they have had dealings by virtue of their contractual relationship with Visalus Sciences Canada Inc. within the preceding twelve (12) months of the date of the order to be rendered herein;

[45]         ORDERS the Defendants, Vincent Lemieux, 9262-6548 Québec Inc. and François Larocque, to immediately REFRAIN , CEASE and DESIST from disclosing and/or using, directly or indirectly, in any manner whatsoever, any confidential and proprietary information of the Plaintiff, Visalus Sciences Canada Inc., for any purpose whatsoever, including any information, materials or documents, in any form whatsoever, pertaining to the identity of customers, information with respect to the pricing or timing of any contracts, information relating to existing and potential suppliers, markets, marketing plans, programs, requirements, strategies, concepts, ideas, products, apparatuses, devices, materials, technology, know-how, data, processes, inventions, developments, formulations, compounds, applications, methods of manufacture as well as the similar confidential information of third parties that Visalus Sciences Canada Inc. has agreed to keep confidential and that would have been communicated to them;

[46]         ORDERS the Defendants, Vincent Lemieux, 9262-6548 Québec Inc. and François Larocque, NOT TO DESTROY OR DISPOSE of any material evidence with respect to the facts alleged in the present proceedings such as letters, emails, SMS or any written communications or documents;

[47]         AUTHORIZES the service of the present orders to be rendered herein outside legal hours, by telecopier and by certified mail, by leaving certified copies of same in the mailboxes of the Defendants or sous l’huis de la porte or by any other means in the absence of the Defendants, or should the Defendants refuse to answer or to accept such service;

[48]         ORDERS the execution of the present provisional injunction orders notwithstanding appeal;

[49]         ORDERS that the present provisional Orders remain in full force and effect until 5: 00 PM on April 29, 2013 ;

[50]         DISPENSES the Plaintiff, Visalus Sciences Canada Inc., from providing security;

[51]         WITH COSTS.

 

 

 

__________________________________

HONORABLE CLAUDE DALLAIRE, J.C.S.

 

 

 

Me Pierre-Paul Daunais

 

Me Alexandre Thériault-Marois

 

Stikman Elliot LLP

 

Avocats du demandeur

 

 

 

Me Magali Fournier

 

Brouillette & Associés

 

Avocate des défendeurs

 

 

 

Date d’audience :

19 avril 2013

Transcription demandée le :

19 avril 2013

 



[1]           Le jugement a été rendu séance tenante. Comme le permet Kellogg's Company of Canada c. P.G. du Québec , [1978] C.A. 258 , 259-260, le Tribunal s'est réservé le droit, au moment de rendre sa décision, d'en modifier, amplifier et remanier les motifs. La soussignée les a remaniés pour en améliorer la présentation et la compréhension.

[2]     Affidavit de Legall, par.7, 8, 23, comparé à l’affidavit du défendeur Larocque, par.5, 12-13, 43, 91-98 et à l’affidavit du défendeur Lemieux, par.12-13, 43-46.

[3]     Affidvit du défendeur Larocque, par.7, 34, FL8 ;affidavit du défendeur Lemieux, par.15, 18, 69.

[4]     Affidavit du défendeur Lemieux, par. 9 , 11, 14 , 16, 18, 45 , 54, 77, et VL1 ; affidavit du défendeur Larocque, par.11, 13-16, 18, 29, 93 ,114.

[5]     Affidavit du défendeur Lemieux, par. 54 ; affidavit du défendeur Larocque, par. 103.

[6]     Bric solutions inc. c. Bélair, 2010, QCCS 726, par.28 et 30 ; Novoderm c. Centeno Garzon, 2011 QCCS 7500 , par.36-41, 56.

[7]     Pièce FL-5.

[8]     Affidavit Legall, par. 42, pièces P-19-20.

[9]     Voir le Draft performance agreement P-12 et P-15; affidavit du défendeur Larocque, par. 69-70.

[10]    P-12, et P-15 ; rien d’autre dans l’affidavit du défendeur Lemieux que les paragraphes 23, 39 et 56 entourant ce sujet; rien d’autre dans l’affidavit du défendeur Larocque que les paragraphes 49-52, 65, 70, 76, 83-86, 101, 105 entourant ce sujet.

[11]    Voir pièce P-22 et Valeurs Mobilières Desjardins inc. c. Financière Banque Nationale inc., 2008 QCCA 99 , par.20-24.

[12]    Voir enregistrement entre Vincent Lemieux et Colo Jacob, P-22.

[13]    Voir les messages sms émanant de Vincent Lemieux, pièce p-20 et courriel de Vincent Lemieux, P-19 ;

[14]    Affidavit du défendeur Larocque, par.78-80, 87 et 90 ; affidavit du défendeur Lemieux, par. 41

[15]    Affidavit du défendeur Lemieux, par.31-33 ; affidavit Legall, O’toole, courriels de Colo Jacob et contenu de l’enregistrement de la conversation entre Jacob et Lemieux ;

[16]    Paragraphes 39 et 23 de son affidavit.

[17]    Paragraphes 83 à 89 de son affidavit.

[18]    Affidavit du défendeur Lemieux, par. 56; affidavit du défendeur Larocque, par. 55 et 105.

[19]    Pièce P-12.

[20]    Affidavit du défendeur Larocque, par. 29, 30, 32, 33, 36, 39, 62, 69; affidavit du défendeur Lemieux, par.14, 15 et 36.

[21]    Affidavit Legall, par.19-21, 9-13, 42 et … ; P-19 et P-20 ;

[22]    Pièce P-24 pour des comportements dénoncés le 13 avril.

[23] Affidavit Legall, par. 5-6, 9-13 ; voir aussi affidavit du défendeur Larocque, par. 4,8,16 ;

[24] Affidavit de monsieur Larocque au paragraphe 80.

[25] Novoderm, précitée, note 6, par.47.