Nahoul c. Singer |
2013 QCCQ 5301 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE MONTRÉAL |
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LOCALITÉ DE MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-123877-104 |
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DATE : |
Le 24 mai 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE Martine l. TREMBLAY, J.C.Q. |
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nabil nahoul |
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Demandeur |
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c. |
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dr michael singer |
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Défendeur |
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JUGEMENT |
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JT 1615 |
[1] Le demandeur réclame 7 000,00 $ du défendeur auquel il reproche d'avoir permis à son résident de traiter quatre (4) taches brunes au dos de sa main droite par cryothérapie avec azote liquide sans avoir obtenu son consentement préalable et éclairé. Le traitement aurait provoqué l'hyperpigmentation des taches. Or, selon le demandeur, non seulement ces taches sont devenues plus foncées, mais leur diamètre aurait augmenté, passant d'environ deux (2) millimètres à environ cinq (5) millimètres.
QUESTIONS EN LITIGE
A. L'obligation d'information imposée au médecin a-t-elle été correctement remplie?
B. Dans la négative, quels sont les dommages pour lesquels le demandeur est en droit d'être indemnisé?
Les faits
[2] Le Tribunal résume ainsi les faits pertinents qui se dégagent de l'ensemble de la preuve.
[3] Le défendeur, un dermatologue depuis 1995, a complété une surspécialité en pharmacologie reliée à la dermatologie où son intérêt primaire de recherche était les effets secondaires des médicaments et le consentement éclairé pour les soins en dermatologie. En plus d'une pratique en cabinet, le défendeur est professeur adjoint à l'Université McGill.
[4] Le 4 février 2010, le demandeur, qui veut faire disparaître des taches brunes sur le dessus de ses mains droite et gauche, se présente à la clinique de dermatologie de l'hôpital universitaire The Sir Mortimer B. Davis Jewish General Hospital où le défendeur est alors en charge de superviser les soins offerts par les résidents.
[5] Le demandeur reconnaît qu'il est d'abord rencontré par un résident, auquel il explique son problème. Puis, le défendeur serait entré dans la salle d'examen avec un groupe d'étudiants et aurait discuté de son cas avec le résident. Le demandeur témoigne que le défendeur parlait au groupe comme si le demandeur était absent et que les termes utilisés étaient techniques et incompréhensibles. Le résident serait ressorti avec le groupe pour revenir après quinze (15) minutes et informer le demandeur qu'il pouvait d'abord lui offrir un traitement sur quelques-unes des taches de sa main droite. Si celui-ci fonctionnait, cela serait tant mieux, sinon un autre traitement serait offert. Le demandeur cite le résident comme lui ayant dit: « The worst case scenario, it will not work. You will come back in two or three weeks and we will see. Usually, it works. »
[6] Le demandeur affirme que s'il avait su que les taches pouvaient être aggravées par le traitement, il aurait refusé et aurait consulté un autre dermatologue à leur sujet.
[7] Selon le défendeur, la clinique de cette journée-là s'est déroulée comme toutes les autres. À son arrivée dans la salle, le résident a expliqué son diagnostic, le traitement proposé au patient et les risques associés. Le défendeur s'est alors adressé au demandeur pour s'assurer que celui-ci comprenait le diagnostic, le plan de traitement proposé et les risques.
[8] Les notes du résident, pièce P-2 A, indiquent qu'au niveau des mains, le diagnostic est celui de « solar lentiges » (lentigines) pour lesquels il a écrit au sujet du traitement recommandé : «Cryotherapy for solar lentiges [sic] (warn about hyperpigmentation & blisters) »
[9] Il est à noter que le demandeur, contrairement à la recommandation du résident, n'a pas pris de rendez-vous de suivi dès sa sortie de la salle de traitement. Cependant, constatant l'aggravation des taches, il s'est présenté à la clinique de dermatologie, sans rendez-vous, le 29 avril 2010 où le défendeur a constaté que le risque inhérent d'hyperpigmentation de la zone traitée s'était réalisé. Il a alors recommandé au demandeur d'appliquer une crème solaire ou une crème blanchissante, ce qui a été catégoriquement refusé. Le demandeur justifie que son refus par de sa perte de confiance envers le défendeur.
[10] Le défendeur reconnaît par ailleurs que lors de cette rencontre du 29 avril 2010, il a regardé avec le demandeur son dossier médical et lui a mentionné que le risque d'hyperpigmentation lui avait été révélé en raison de la note apportée au dossier par le résident. Le demandeur voudrait que le Tribunal considère cette note comme ajouté après les faits. Or, le demandeur n'a aucune preuve à offrir à cet égard et le défendeur explique que la page du dossier était numérisée, de sorte que sa consultation, cette journée-là, était via l'écran de l'ordinateur.
analyse
[11] Le 8 janvier 2013, lorsque le Tribunal a accordé la demande de remise formulée par le défendeur, il a mentionné à ce dernier qu'il serait préférable que son témoignage, en l'instance, soit appuyé par un rapport d'expert. Or, le demandeur a alors déclaré et a maintenu, lors de l'audience du 20 mars 2013, qu'il n'avait pas besoin d'expertise puisque sa cause reposait sur le fait qu'il n'avait pas été informé adéquatement et que seuls lui et le médecin savent ce que le défendeur lui a réellement dit lors de cette rencontre.
[12]
Or, le Tribunal conclut que la preuve prépondérante est à l'effet que le
risque inhérent d'hyperpigmentation a été expliqué au demandeur avant le
traitement. Ainsi, outre le témoignage du défendeur à cet effet, la note
contemporaine du résident, pièce P-2 A, le mentionne. Or, dans l'arrêt
Ares
c. Venner
,
« Les dossiers d’hôpitaux, y compris les notes des infirmières, rédigés au jour le jour par quelqu’un qui a une connaissance personnelle des faits et dont le travail consiste à faire les écritures ou rédiger les dossiers, doivent être reçus en preuve, comme preuve prima facie des faits qu’ils relatent . »
[13]
Tel que l'exprime le juge Michel Delorme dans
Charbonneau c. Centre
Hospitalier Laurentien,
« [ 39 ] Cette force probante s'explique par le fait qu'il s'agit de notes prises de façon contemporaine par des professionnels qui n’ont en principe, au moment où ils les inscrivent, aucun intérêt à écrire autre chose que ce qui s’est effectivement produit. »
[14] Le Tribunal ajoute que le choix de ne traiter que quelques taches pour commencer, afin de voir comment réagira la peau, confirme que le médecin a une conduite qui prend en compte le risque d'hyperpigmentation. Puisque le résident en est conscient, il n'y a aucune raison de douter qu'il l'a expliqué, comme il le précise dans sa note.
[15] De plus, le demandeur a le fardeau de prouver que toute l'information pertinente ne lui a pas été donnée [1] . Seul un expert peur indiquer au Tribunal qu'elle est cette information et le seul expert entendu a confirmé que l'information donnée était conforme et suffisante pour obtenir le consentement éclairé du demandeur.
[16] Le Tribunal conclu donc que l'obligation d'information imposée au défendeur a, en l'espèce, été correctement remplie et qu'il n'y a donc pas eu faute du défendeur. Il ne lui sera donc pas nécessaire de répondre à la deuxième question.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
REJETE l'action du demandeur; et
CONDAMNE le demandeur à payer au défendeur les frais judiciaires de 159,00 $.
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_________________________________ _ MARTINE L. TREMBLAY, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
20 mars 2013 |
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