Pierre-Gilles c. Groupe immobilier SNT inc. |
2013 QCCQ 5441 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
SAINT-FRANÇOIS |
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LOCALITÉ DE |
SHERBROOKE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
450-32-016202-129 |
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DATE : |
22 avril 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
ALAIN DÉSY, J.C.Q. |
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MARIE-JEANINE PIERRE-GILLES , domiciliée et résidant au […] , Sherbrooke (Québec) […] |
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Partie demanderesse |
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c. |
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LE GROUPE IMMOBILIER S.N.T. INC. , ayant un établissement au 893, rue Galt Est, Sherbrooke (Québec) J1G 1Y6
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Partie défenderesse |
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c. L'UNION CANADIENNE , ayant un établissement au 2475, boul. Laurier, Québec, G1T 1C4 |
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Partie appelée |
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JUGEMENT |
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Nature du litige
[1] La présente affaire concerne un recours en dommages contre un propriétaire d'immeuble commercial et son assureur suite à des blessures corporelles subies lors d'une chute au moment de se diriger vers le bâtiment en vue d'y accéder.
Objet du litige
[2] La demanderesse réclame des défenderesses la somme de 7 000 $ à titre de dommages en raison de blessures corporelles et les dommages accessoires qu'elle a subis le 2 mai 2011 alors qu'elle se rendait au commerce de souliers situé au numéro civique 893 rue Galt Est à Sherbrooke.
[3] La défenderesse, Le Groupe Immobilier S.N.T. inc., était propriétaire de l'immeuble au moment de l'accident, et la défenderesse/appelée en garantie, L'Union Canadienne, son assureur.
[4] En plus du montant précité, la demanderesse réclame des défenderesses des intérêts légaux, ainsi que le remboursement du montant qu'elle a dû payer au greffe de la Cour pour pouvoir y produire sa réclamation.
[5] Le montant de 7 000 $ réclamé par la demanderesse se détaille comme suit :
· vêtements endommagés .................................................. 500,00 $
· lunettes endommagées...................................................... 659,11 $
· médicaments......................................................................... 76,19 $
· frais de déplacements en taxi.............................................. 46,00 $
· préjudice esthétique, douleurs, souffrances, inconvénients et déficit corporel anatomique............................................ 5 718,70 $
[6] Les défenderesses contestent les sommes réclamées par la demanderesse et elles nient responsabilité.
Les faits
[7] Le 2 mai 2011, vers 11 h 30 de la matinée, c'est nuageux sans précipitation, donc il fait clair; la demanderesse stationne son véhicule dans le stationnement adjacent au bâtiment où se loge le commerce de souliers, le véhicule stationné du côté opposé au bâtiment, et elle se dirige en marchant vers le commerce.
[8] La demanderesse déclare connaître les lieux pour s'être rendue à cet établissement à une dizaine de reprises auparavant.
[9] La demanderesse âgée de 74 ans, au moment de l'accident, traverse le stationnement en marchant, étant chaussée de souliers à talons bas, et ayant en main son sac à main seulement.
[10] Un trottoir surélevé d'environ quatre pieds de largeur longe le bâtiment en avant, et aussi sur le côté Est où est situé le stationnement.
[11] Le trottoir longeant le stationnement est surélevé d'environ cinq à six pouces, et celui devant le commerce est situé environ à quatre à cinq pouces plus haut.
[12] Là où le piéton accède à ces deux niveaux de trottoir menant à la façade du bâtiment, une bande de peinture jaune d'environ quatre pouces de largeur, sur le dessus et sur le côté, marquait les accès (voir la surélévation des trottoirs), à l'accotement des trottoirs.
[13] Au moment de franchir le palier du premier trottoir longeant le stationnement, la demanderesse a chuté vers l'avant pour se frapper le visage contre le deuxième niveau de trottoir.
[14] La demanderesse déclare que le bout de son soulier a sans doute accroché le rebord du trottoir longeant le stationnement au moment où elle déplore qu'il n'y ait pas eu de rampe de sécurité à l'endroit d'accès à l'un et l'autre des trottoirs.
[15] La demanderesse a ainsi subi des blessures corporelles sérieuses, dont au front du visage.
[16] Avant de s'attarder à la nature des blessures et des dommages, le Tribunal doit d'abord se prononcer sur la responsabilité.
Analyses
[17] Le Tribunal doit décider en fonction de la preuve qui lui est soumise lors du procès.
[18] La demanderesse déclare qu'elle a chuté en se rendant au commerce, donc elle doit être indemnisée.
[19]
Or, il en va autrement en droit pour statuer dans cette affaire, car la
demanderesse doit établir en preuve et par prépondérance le bien-fondé en faits
et en droit de ses prétentions, nous dictent les articles
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[20]
En outre, nous sommes ici dans une cause où la responsabilité civile
entra-contractuelle des défenderesses est invoquée, donc la demanderesse doit
établir une faute de la part du propriétaire de l'immeuble. L'article
1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.
[21] Tel que l'a souligné la juge Hélène Langlois de la Cour supérieure dans la cause Trudeau c. Ballester [1] .
[28] Plus particulièrement, en matière de responsabilité en lien avec une chute, au fil du temps, les tribunaux ont émis certains énoncés de principe.
[29] D’une part, «Un propriétaire n’est pas un assureur des personnes à qui il permet l’accès … Ce propriétaire est en droit de s’attendre à ce que ceux et celles qui circulent chez lui portent attention à ce qu’ils font et à ce qui s’y retrouve ou devrait s’y retrouver habituellement …» [2] .
[30] D’autre part, «(l)e propriétaire d’une résidence ou d’un immeuble est responsable d’un accident qui survient chez lui si le tribunal conclut que cet accident a un lien causal avec une situation équivalant à un piège, un danger que le propriétaire avait le devoir ou l’obligation d’écarter» [3] .
[31] La Cour suprême dans l’arrêt Rubis c. Gray Rocks [4] définissait ainsi la notion de piège :
L'infinie variété des faits empêche que l'on définisse avec précision ce que c'est qu'un piège. On peut cependant dire que le piège est généralement une situation intrinsèquement dangereuse. Le danger ne doit pas être apparent mais caché; par exemple une porte ouvrant non pas sur un véritable escalier comme on pouvait s'y attendre mais sur des marches verticales comme celles d'un escabeau: […] Il y a généralement dans l'idée de piège une connotation d'anormalité et de surprise, eu égard à toutes les circonstances […]
(Soulignement ajouté)
[32] Quant à l’intensité de l’obligation d’un propriétaire à l’égard d’une situation pouvant constituer un danger, il s’agit d’une obligation de moyen.
[22] La Cour d'appel du Québec [5] a repris en 1990 les critères énoncés au préalable par l'honorable juge Bissonnette [6] en 1950 concernant les chutes sur les trottoirs, et l'honorable Raoul Barbe les reprenait dans la cause Lebel c. Ivanhoe inc. [7] , et il a écrit :
Il n'est pas nécessaire de faire une étude extensive de cette jurisprudence. Il suffit d'en rappeler les principaux principes :
- le propriétaire d'un immeuble public n'est pas l'assureur de ceux qui se servent de ses trottoirs;
- il n'existe pas de présomption légale contre un propriétaire d'immeuble;
- le réclamant a le fardeau de la preuve et doit établir la faute du propriétaire;
- le réclamant doit démontrer qu'il y a eu négligence de la part du propriétaire;
- le propriétaire n'a pas une obligation de résultat et le réclamant ne peut exiger un degré de perfection;
- le propriétaire est tenu d'entretenir les lieux de façon sécuritaire en tenant compte des conditions climatiques. Son obligation est celle d'une personne prudente;
- les piétons ont en hiver une plus grande obligation de prudence.
[23] Ici, il est clair de la preuve que la demanderesse a chuté à cause de la dénivellation occasionnée par le trottoir longeant le stationnement.
[24] L'explication fournie par la demanderesse pour décrire sa chute est le fait que le bout de son pied aurait accroché le rebord du trottoir.
[25] La demanderesse n'a pas établi en preuve qu'une norme de construction, de sécurité ou d'entretien du bâtiment ou immeuble ici en cause n'a pas été suivie.
[26] Au contraire, M. Éric Archambault, estimateur en bâtiment, a déclaré à l'audition s'être rendu sur les lieux, et que rien d'anormal ou de non réglementaire ne lui est apparu à l'endroit où la chute est survenue.
[27] La preuve entendue à l'audition n'a aucunement établi que l'accès aux trottoirs constituait un piège pour les personnes désirant se rendre au bâtiment.
[28] Au contraire, les bandes de peinture jaune étaient apparentes à l'endroit où les piétons circulent pour franchir les trottoirs et se rendre au commerce.
[29] Oui, elles ont été peinturées à nouveau suite à l'accident, mais la preuve est prépondérante et non contredite à l'effet que des bandes de peinture de couleur jaune étaient apparentes également au moment de la chute de la demanderesse bien que moins foncées.
[30] Le soussigné s'est rendu sur les lieux, à l'insu des parties, suite à l'audition de la cause pour constater visuellement l'état des lieux.
[31] Dans le cas présent, la preuve n'a démontré rien d'anormal, ou constituant une surprise ou un piège pur la demanderesse, statue le Tribunal.
[32] Sa chute semble due à un malheureux accident causé par inattention ou maladresse dont les défenderesses ne peuvent être tenues responsables.
[33] Dans les circonstances, le Tribunal ne peut faire droit aux réclamations de la demanderesse, et son recours sera rejeté sans frais, vu les circonstances de cette affaire.
[34] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[35] REJETTE sans frais le recours de la demanderesse contre les deux défenderesses;
[36] REJETTE sans frais le recours de la défenderesse contre l'appelée.
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ALAIN DÉSY, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
3 avril 2013 |
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RETRAIT ET DESTRUCTION DES PIÈCES
Les parties doivent reprendre possession des pièces qu'elles ont produites, une fois l'instance terminée. À défaut, le greffier les détruit un an après la date du jugement ou de l'acte mettant fin à l'instance, à moins que le juge en chef n'en décide autrement.
Lorsqu'une partie, par quelque moyen que ce soit, se pourvoit contre le jugement, le greffier détruit les pièces dont les parties n'ont pas repris possession, un an après la date du jugement définitif ou de l'acte mettant fin à cette instance, à moins que le juge en chef n'en décide autrement. 1194, c. 28, a. 20.
[1]
[2]
Vivier
c.
Marquette
,
[3] Id.
[4]
[5]
Therrien-Sévigny c. Arguin,
[6] Laphkas c. Ryan , [1950] B.R. 695, 700.
[7]