Section des affaires sociales
En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière
Référence neutre : 2013 QCTAQ 05329
Dossier : SAS-M-206668-1301
NATALIE LEJEUNE
c.
SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC
[1] Le requérant conteste la décision de l’intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec, (la S.A.A.Q.), du 8 novembre 2012, qui lui impose une évaluation complète auprès de l’Association des Centres de réadaptation en dépendance du Québec, avant d’obtenir un nouveau permis de conduire.
[2] Le requérant témoigne. Originaire du Salvador, il est au Québec depuis qu’il a 11 ans. Il est âgé de 26 ans au moment de l'audience.
[3] Les événements discutés ont eu lieu en 2008 alors que le requérant avait 21 ans. Il était allé à une fête avec un ami. Ils sont sortis pour quitter, mais son ami avait oublié quelque chose à l’intérieur, où la fête avait lieu. Le requérant s’est installé dans l’auto, incliné son siège et a mis la radio. Le son devait être incommodant puisque c’est un voisin qui a appelé la police pour s’en plaindre.
[4] Les policiers se sont rendu sur les lieux de la plainte et ont arrêté le requérant qui s’était endormi. Il ne conduisait pas son auto.
[5] Le requérant n’a pas conduit depuis son arrestation du 13 juillet 2008. Déclaré coupable le 17 juin 2009, il a des problèmes à payer l’amende et c’est pour cette raison qu’il ne s’est inscrit à l’évaluation sommaire qu’à l’automne 2012.
[6] Il a une copine depuis 5 ans et ils demeurent ensemble depuis un an. Il étudie pour devenir expert en sinistre et travaille en même temps.
[7] L’évaluation sommaire complétée le 29 octobre 2012 ne s’est ni bien, ni mal déroulée. L’évaluatrice lui a bien expliqué le déroulement des étapes et elle est restée près de lui. Cependant, il a souvent hésité à lui poser des questions parce qu’elle faisait ou recevait des appels téléphoniques.
[8] Le coût de cette évaluation sommaire lui laissait croire qu’il ne s’agissait que d’une étape et que ces tests n’étaient pas déterminants. Il n’a pas bien compris certaines questions et quelquefois lorsqu’il était vraiment embêté, il répondait « incertain ».
[9] Il conteste les questions d’ordre social et démographique. Il considère plusieurs d’entre elles discriminatoires. Entre autres, il est dans une relation qui dure depuis 5 ans et qui est stable. Ils ont, lui et sa copine, des projets communs.
[10] Les questions en lien avec le facteur de risque quant aux attitudes lui ont donné des problèmes. La rédaction n’était pas claire et il n’a pas saisi les questions 30, 31 et 40.
[11] Les deux réponses aux questions 16 et 22 d’un sous-test du même facteur de risque sont également contestées.
[12] Enfin, il demande au Tribunal de tenir compte également d’un rapport [1] sur une démarche d’orientation qu’il a réalisée avec l’aide d’Emploi-Québec qui défraie maintenant les coûts de son programme de formation.
[13] Comme requis par le Code de la sécurité routière [2] , le requérant s’est soumis à une évaluation sommaire le 29 octobre 2012 et l’a échouée. Ce processus est imposé au requérant à la suite de sa déclaration de culpabilité du 17 juin 2009 pour avoir conduit avec les facultés affaiblies.
[14] Le requérant conteste ces résultats puisqu’il n’a pu éclaircir certaines questions. Avec l’investissement personnel requis, il ne veut pas être obligé de recommencer. Il reconnaît que les réponses aux évaluations sont les siennes.
[15] Le fardeau de preuve appartient au requérant et il l’a rencontré.
[16]
À la suite d’une déclaration de culpabilité le 17 juin 2009 pour une
infraction à l’article
[17] Des conditions particulières s’appliquent en pareil cas à l’obtention du nouveau permis, tel que l’énonce l’article 76, alinéa 4, (1)b) du Code de la sécurité routière [3] , dont l’extrait pertinent se lit comme suit :
« 76. Aucun permis ne peut être délivré à une personne dont le permis a été révoqué ou dont le droit d’en obtenir un a été suspendu à la suite d’une déclaration de culpabilité pour une infraction à l’article 180 avant l’expiration d’une période d’un, de trois ou de cinq ans consécutive à la date de la révocation ou de la suspension selon que, au cours des dix années précédant cette révocation ou cette suspension, elle s’est respectivement vu imposer aucune, une seule ou plus d’une révocation ou suspension en vertu de cet article.
(…)
Dans le cas où l’infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension en est une visée au paragraphe 4 o du premier alinéa de l’article 180, les conditions additionnelles suivantes s’appliquent à la délivrance du nouveau permis.
1 o si, au cours des dix années précédant la révocation ou la suspension, la personne ne s’est vu imposer ni révocation, ni suspension en vertu du paragraphe 4 o du premier alinéa de l’article 180, elle doit alors :
a) suivre avec succès le programme d’éducation reconnu par le ministre de la Sécurité publique et destiné à sensibiliser les conducteurs aux problèmes de la consommation d’alcool ou de drogue;
b) établir à la satisfaction de la Société , au terme d’une évaluation sommaire faite par une personne dûment autorisée œuvrant au sein d’un centre de réadaptation pour personnes alcooliques et autres personnes toxicomanes ou au sein d’un centre hospitalier offrant un service de réadaptation pour de telles personnes, que son rapport à l’alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d’un véhicule routier de la classe demandée. En cas d’échec, il doit être satisfait à cette exigence au moyen d’une évaluation complète;
(…) »
(Nos soulignés)
[18] Conformément à l’article 76, le requérant s’est soumis à une évaluation sommaire. La conclusion fut de recommander qu’il se soumette à une évaluation complète afin de s’assurer que ses habitudes de consommation d’alcool ne soient pas incompatibles avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.
[19] Cette condition d’une évaluation complète est requise par la décision de l’intimée du 8 novembre 2012 que le requérant conteste.
[20] Le rôle du Tribunal consiste à s’assurer que les différentes étapes du processus de l’évaluation sommaire ont été correctement appliquées et qu’il n’y existe aucune erreur de nature à l’invalider.
[21] Tel qu’il appert de la preuve au dossier, l'évaluation sommaire a été faite selon les normes, par une personne dûment habilitée en cette matière, mais quelques erreurs ont été relevées dans l’application des questionnaires où le requérant a démontré ne pas avoir compris certaines questions et donc influence l’interprétation des résultats.
[22] L’évaluation sommaire est détaillée et comporte l’appréciation de plusieurs facteurs de risques. L’attention et la participation de chacune des personnes doivent être sollicitées avec précision. C'est-à-dire que chaque personne doit être avisée correctement et les explications données avant et en cours d’évaluation se doivent d’être le plus juste possible. Les conséquences de l'échec ont un impact important pour la suite. Surtout depuis juillet 2012 où l'intimée a non seulement introduit une étape, mais a renforcé chacune des étapes évaluées.
[23] Dans la présente affaire, le requérant a rendu un témoignage crédible et honnête. Ces explications sur le déroulement de l’évaluation démontrent les difficultés de compréhension de certaines questions et son embarras à requérir chaque fois l’aide de l’évaluatrice.
[24] Le requérant avait le fardeau de la preuve et avec les multiples exemples qu’il a donnés en cours de témoignage et l’absence de preuve contraire, le Tribunal croit qu’il y a eu lacune dans l'administration de l'évaluation.
[25] Cette conclusion, malgré les mesures impératives du Code de la sécurité routière permet de conclure que la décision n’est pas bien fondée.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
- ACCUEILLE le recours;
- INFIRME la décision contestée du 8 novembre 2012;
- MODIFIE la recommandation pour y lire qu’elle est favorable; et
- INTERDIT de divulguer, publier ou autrement utiliser les renseignements relatifs à l’évaluation sommaire.
René Labrosse, avocat
Procureur de la partie requérante
Dussault, Mayrand
Me Mario Forget
Procureur de la partie intimée
/jj