Payette c. Chalifoux |
2013 QCCS 2576 |
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JG 1421
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
JOLIETTE |
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N° : |
705-17-004079-115 |
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DATE : |
7 juin 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
JEAN GUIBAULT, J.C.S. |
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DANIELLE PAYETTE |
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MARIAN MARINESCU RAIU |
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MÉLANIE SIGOUIN |
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MICHEL OUELLETTE |
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MARIE-ÈVE NAUD |
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GILBERT LEMARIÉ |
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Requérants |
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c. |
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LUC CHALIFOUX |
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CHRISTINE NEVEU |
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Intimés |
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JUGEMENT |
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[1] Les requérants, tous propriétaires d’une résidence située en bordure d’un chemin privé portant le nom de rue des Bruants dans la municipalité de Chertsey, district judiciaire de Joliette, sollicitent une ordonnance d’injonction permanente à laquelle est jointe une réclamation en dommages pour faire respecter leur droit de passage sur un immeuble, propriété des intimés, leur permettant d’accéder à leur résidence à partir du chemin public connu sous le nom de rue Sokol.
[2] À leur action en complainte et en injonction permanente était jointe une ordonnance de sauvegarde pour avoir accès à leur résidence durant l’instance puisque l’intimé M. Luc Chalifoux, après l’envoi d’une mise en demeure, a utilisé sa « pépine » pour creuser deux tranchées de plusieurs pieds de profondeur en travers de la rue des Bruants empêchant tous les requérants d’accéder ou de sortir de leur propriété.
[3] À titre de dommages et intérêts pour troubles et inconvénients, les requérants réclament chacun de l’intimé M. Luc Chalifoux une somme de 4 000 $.
[4] Une comparution a été déposée au dossier de la cour le 25 août 2011 par Me Manseau pour l’intimé Luc Chalifoux, et en cours d’instance, sans assignation particulière, s’est ajoutée au dossier Christine Neveu à titre de cointimée puisque cette dernière est copropriétaire de l’immeuble sur lequel s’exerce le droit de passage réclamé par les requérants.
[5] Les intimés contestent la demande au motif que leur propriété, le lot 28-46, rang 6 du cadastre officiel du canton de Chertsey, circonscription foncière de Montcalm, ne comporte aucune servitude de droit de passage en faveur des requérants et que ceux-ci ne peuvent prétendre à aucun droit à leur égard. Ils concluent donc au déplacement de l’assiette du droit de passage sur les lots prévus à cet effet et ils concluent à des dommages et intérêts pour un montant de 3 000 $ à l’égard de chacun des requérants pour troubles, inconvénients et stress. S’ajoute à cette demande le remboursement de tous les honoraires extrajudiciaires encourus jusqu’à la date du jugement pour assurer leur défense ainsi que le paiement d’une somme de 5 000 $ à titre de dommages punitifs au motif que la demande présentée par les requérants constitue un abus de procédure et de droit.
[6] Tous les lots concernés dans la présente instance sont des subdivisions du lot originaire numéro 28, rang 6, canton de Chertsey, et pour chacun des requérants, leur adresse civique est inscrite comme étant la rue des Bruants.
[7] Dans le cas des intimés, il s’agit plus particulièrement du lot 28-46, soit le premier lot à l’intersection de la rue des Bruants et du chemin public connu sur le nom de rue Sokol, et l’adresse civique de leur résidence indique la rue Sokol.
[8] La requérante, Mme Danielle Payette, a acheté son immeuble avec André Charbonneau le 8 mai 2002 et son adresse civique est le 530, rue des Bruants (R-5); Marian Marinescu Raiu, de son côté, a acheté le lot 28-27 le 10 septembre 2007 (R-4); Mélanie Sigouin et Michel Ouellette ont acheté les lots 28-24 et 28-25, le 16 octobre 2007 (R-2); Marie-Ève Naud a fait l’acquisition de son immeuble, lot 28-26, le 14 janvier 2010 (R-3) et Gilbert Lemarié s’est porté acquéreur avec Caroline Guay d’une partie du lot originaire 28, le 14 avril 2003 (R-6).
[9] Comme tous les requérants sont propriétaires de lots enclavés, leurs titres d’acquisition font référence à une servitude de droit de passage donnant accès au chemin public sur un chemin privé connu sous le nom de chemin, rue ou avenue des Bruants, ou encore à une servitude de droit de passage sur les lots 28-29 et 28-30 du rang 6, lots qui ont été créés spécifiquement pour les fins d’exercer un droit de passage donnant accès à tous ces lots enclavés.
[10] Par acte intervenu le 20 novembre 1953, les auteurs communs des parties, tant en demande qu’en défense, ont acquis l’ensemble du lot originaire no 28 (R-32).
[11] En 1958, ces mêmes propriétaires ont procédé à une subdivision du lot 28 et pour les fins de donner un accès pour chacune des subdivisions au chemin public, ils ont créé deux subdivisions précises, soit les lots 28-29 et 28-30, ultérieurement identifiés comme rue des Bruants.
[12] Postérieurement à la création desdites subdivisions, les auteurs communs ont construit un chemin d’accès et ce chemin d’accès a été en partie construit parallèlement au lot 28-30, mais à l’extérieur de celui-ci, tout au long de la ligne de séparation entre ledit lot 28-30 et le lot maintenant propriété des intimés (partie du lot 28 maintenant le lot 28-46).
[13] Il y a donc empiétement et l’assiette de la servitude de droit de passage se retrouve sur le lot 28-46 à la limite nord-ouest dudit lot, propriété des intimés, plutôt que sur le lot 28-30 proprement dit.
[14] Il n’est cependant pas possible pour le Tribunal de déterminer précisément la date d’implantation de l’assiette du droit d’accès utilisé par les requérants pour se rendre à leurs résidences réciproques.
[15] Dans leur procédure, les requérants allèguent que la route aurait été construite telle qu’on la retrouve présentement, il y a plus de 50 ans, peu de temps après le dépôt du plan de subdivision du lot 28 lorsque les auteurs communs ont vendu séparément toutes et chacune des subdivisions du lot 28 ayant comme route d’accès au chemin public la rue des Bruants.
[16] Sur une photo aérienne datant de 1964 et produite sous la cote R-23, le témoin M. Michel Ouellette a identifié de façon précise la rue des Bruants telle qu’elle est actuellement utilisée par l’ensemble des requérants sans être cependant en position d’indiquer au Tribunal si l’assiette proprement dite a pu être changée de place depuis cette date non plus si l’assiette originale correspond de façon précise à l’assiette telle que présentement utilisée.
[17] Les requérants ont fait entendre à titre de témoin M. Pierre Mercier, directeur général de la Municipalité de Chertsey, lequel a confirmé au Tribunal qu’il connaissait très bien la rue des Bruants et que son tracé actuel datait de plus de 25 ans. Il a ajouté que les poteaux électriques implantés en plein centre de l’assiette proposée de la servitude sur le lot 28-30 étaient antérieurs à sa venue à titre d’employé de la municipalité; il y a même sur un des poteaux, une indication à l’effet que sa mise en place date de 1974, soit il y a plus de 38 ans (R-20).
[18] Appelé à préparer une description technique du résidu du lot 28 et de certaines de ses subdivisions en 1997, l’arpenteur-géomètre Roger Beausoleil a décrit à la fois sur le plan qu’il a préparé ainsi que sur sa description technique, l’empiétement objet du présent litige sur une partie du lot 28, maintenant le lot 28-46, propriété des intimés (R1).
[19] Il faut donc conclure de ce témoignage que tout au moins depuis 1997 et fort probablement depuis plus de 50 ans, l’assiette du droit de passage a toujours été telle qu’on la connaît présentement.
[20] Les requérants soumettent au Tribunal que bien que l’assiette de la servitude de droit de passage soit localisée à l’extérieur du lot 28-30 spécifiquement créé pour les fins de l’exercice d’un droit de passage, ils sont en droit d’utiliser la route qu’ils utilisent depuis l’acquisition de leurs terrain et résidence et qui est connu comme la rue des Bruants, et que c’est sans droit et de façon abusive que les intimés exigent le déplacement de l’assiette de la servitude pour qu’elle corresponde à ce qui avait été originalement prévu sur le lot 28-30.
[21] Les intimés de leur côté allèguent qu’aucune servitude n’affecte le lot qu’ils ont acquis en juin 2011, qu’ils sont bien fondés d’exiger le déplacement de l’assiette de la servitude pour qu’elle corresponde au lot créé à cet effet en 1958, et qu’ils sont également bien fondés de réclamer des dommages pour les troubles et inconvénients causés par les requérants.
[22] Il y a de grandes et nombreuses similitudes entre le présent dossier et la cause McLachla n c. Lyrette [1] où le juge Frenette, confirmé par la Cour d’appel, a conclu à prescription de l’assiette d’une servitude de droit de passage construite à l’extérieur des subdivisions spécifiquement prévues à cet effet dans un plan de subdivision exactement comme dans le présent dossier où l’auteur commun a aménagé le chemin d’accès à des lots enclavés à l’extérieur des limites des subdivisions initialement prévues pour les fins de l’exercice desdits droits.
[23] La volonté des auteurs communs d’établir l’assiette du droit de passage à l’endroit précis où on la retrouve actuellement ne peut être mise en doute. Plus particulièrement la présence de deux poteaux électriques dont un a été planté en plein milieu du lot 28-30 devant servir à l’exercice d’un droit de passage, et ce, il y a plus de 30 ans, permet au Tribunal de conclure que c’est en pleine connaissance de cause que les auteurs communs ont établi l’assiette de la servitude sans tenir compte de façon précise du plan de subdivision déposé en 1958.
[24] Le déplacement de l’assiette et la construction d’une nouvelle route peut représenter, selon les requérants, une dépense de l’ordre de 12 000 $ à 25 000 $, et à cette somme, il faudra ajouter le déplacement de deux poteaux électriques, ce qui pourrait représenter également plusieurs milliers de dollars, occasionnant ainsi d’importantes dépenses aux requérants. Il y aurait grave préjudice à leur égard si le Tribunal devait conclure au déplacement de l’assiette.
[25] Par contre, le préjudice pour les intimés est de peu d’importance dans la mesure où l’empiétement de l’assiette de la servitude est situé à l’extrême limite nord-ouest du lot 28-46, un lot d’une dimension de 90 962 pieds carrés, tout au long de la ligne de division entre ledit lot et le lot 28-30. Cet empiétement n’affecte aucune des constructions projetées et sa superficie est de peu d’importance compte tenu de la superficie totale du lot 28-46, propriété des intimés.
[26] Il en serait tout autrement si l’empiétement se situait au milieu du lot 28-46.
[27] Les intimés ont soutenu qu’il n’y avait eu aucune preuve de l’utilisation de l’assiette de la servitude antérieure aux dates d’acquisition des différentes résidences par les requérants, la plus ancienne acquisition ne datant que de 2002. Comme la demande d’injonction n’a été signifiée qu’en août 2011, les requérants ne pourraient, selon les intimés, se prévaloir de la prescription acquisitive de dix ans.
[28] En réponse à cet argument, le Tribunal détermine suivant des faits graves, précis et concordants que l’assiette de la servitude telle qu’elle existe présentement date de plus de 50 ans et qu’à tout le moins, elle existe et a été très bien décrite dans le plan et dans la description technique préparée par les arpenteurs-géomètres Beausoleil, Melançon, en 1997. L’assiette de la servitude présentement utilisée par les requérants existait donc depuis plus de 10 ans lors de l’acquisition du lot 28-46 par les intimés en juin 2011 et lors de la signification de la requête en injonction en août 2011, et les requérants sont en droit de se prévaloir de la prescription acquisitive décennale.
[29] En effet, la jurisprudence a établi que bien qu’une servitude ne puisse être créée par prescription, l’assiette et l’usage peuvent se prescrire suivant les règles de la prescription acquisitive de dix ans.
[30] Dans McLachlan , le juge Frenette écrit :
« La prescription de l’assiette d’une servitude
[ 37 ] Nous avons vu précédemment qu’une servitude peut être créée par quatre moyens et exige un titre, mais lorsqu’elle est créée, l’assiette d’une servitude de passage, peut être établie par la prescription acquisitive.
[ 38 ] La doctrine et la jurisprudence énoncent que lorsque le titre constitutif d’une servitude est silencieux ou ambigu , les tribunaux peuvent fixer judiciairement l’assiette d’une servitude conventionnelle en interprétant la volonté des parties.
[ 39 ] Les tribunaux tiennent compte alors de la conduite des parties, de l’exercice constant de la servitude à un endroit précis et de la tolérance du propriétaire du fonds servant.
[ 40 ] La période de prescription de l’assiette d’un droit de passage peut être trentenaire (avant le 1 er janvier 1994) et (avec titre déficient) décennale (avant et après 1994), (sans titre). Donc, l’assiette d’un droit de passage peut s’acquérir par prescription de dix ans. » [2]
[31] Et aux paragraphes 49 et suivants, le juge Frenette ajoute :
« [ 49 ] La preuve a clairement démontré que les immeubles des demandeurs sont enclavés au sens de la loi, ne bénéficiant pas d’un accès en véhicule automobile, à la voie publique.
[ 50 ] Le titre de toutes les parties à ce litige, émane d’un auteur commun, soit William R. Pawley, qui a créé conventionnellement, soit dans les actes d’acquisition et dans son plan de subdivision auprès de la municipalité, un droit de passage à la voie publique par la rue 17A-18, Rang 12 en faveur des acquéreurs.
[ 51 ] À mon avis, cette conclusion ressort clairement de la preuve. Mais subsidiairement, il n’y a aucun doute que les immeubles des demandeurs sont enclavés au sens de la loi et bénéficient de la théorie de l’enclave économique, tel qu’élaboré précédemment.
[ 52 ] Donc, la servitude de droit de passage des demandeurs est évidemment établie dans les titres et le plan de subdivision. D’ailleurs, dans l’arrêt Vienneau c. Beaudoin , le titre n’a consisté que d’un plan de subdivision. Quant à l’assiette de ce droit de passage, il est évident qu’elle n’a pas été érigée à l’endroit prévu dans les actes et le plan de subdivision .
[ 53 ] Toutefois, l’assiette du droit de passage, pour les motifs déjà explicités, a été située à l’endroit du chemin actuel en 1974, et utilisée depuis par tous les intervenants incluant les défendeurs . À mon avis, l’assiette du droit de passage a été créée par prescription décennale, soit plus de vingt-trois ans (en 1999) lors de la prise de l’action. » [3]
[32] Plus particulièrement, le Tribunal détermine que cette assiette sur le lot 28-46, et originalement sur une partie du lot 28, a été établie et voulue par les auteurs communs des parties et qu’elle résulte tout comme dans la cause précitée de McLachlan d’une servitude par destination du propriétaire puisque à défaut d’une telle servitude, il y aurait eu enclave pour tous les lots propriétés des requérants; le Tribunal ajoutant que l’aménagement des lieux incluant la mise en place de deux poteaux d’Hydro-Québec dans l’emprise de la servitude projetée ne laisse place à aucune autre interprétation d’autant plus que cet empiétement était connu du vendeur et des intimés lors de la vente intervenue entre eux le 2 juin 2011.
[33] Tout comme le constate la Cour d’appel dans McLachlan [4] , il est évident que la voie d’accès telle qu’utilisée par les requérants et leurs auteurs depuis plus de 10 ans et fort probablement depuis plus de 50 ans, est le trajet le plus avantageux pour les fonds enclavés et le moins désavantageux pour le fonds servant, et ce, à la connaissance des intimés lors de leur achat en juin 2011 et par leur auteur antérieurement à cette transaction.
[34] Il est cependant malheureux que le dossier des requérants soit incomplet et qu’en l’absence de toute description technique et conclusion à cet effet, le Tribunal ne puisse constater l’existence d’une servitude de droit de passage de façon précise sur le lot 28-46. Il serait sans doute approprié pour les requérants d’entreprendre à leurs frais toutes les démarches, arpentage, piquetage et description technique de la servitude pour qu’elle puisse être opposable et bénéficie sans contestation possible à tout acquéreur subséquent des lots concernés.
[35] Vu l’absence de conclusion à cet effet, le Tribunal se limitera aux conclusions contenues dans l’action en complainte, injonction permanente et en dommages puisque le Tribunal ne peut se prononcer au-delà des conclusions recherchées.
[36] Le 2 juin 2011, les intimés ont acquis de Corinne Pothier le lot 28-46, rang 6 à Chertsey, avec l’intention d’y construire une résidence (R-7). Immédiatement après leur achat, les intimés ont requis de Beausoleil, Melançon, arpenteurs-géomètres, un certificat d’implantation et un certificat de piquetage, et sur le certificat de piquetage en date du 7 juin 2011 , il y a une description précise de l’assiette de la servitude, objet du présent litige, et qui empiète comme nous l’avons vu sur le lot 28-46 (I-7).
[37] L’acte de vente intervenu entre Mme Pothier et les intimés (R-7) faisait suite à une promesse d’achat intervenue entre les vendeurs et M. Chalifoux, en date du 6 mai 2011 et les intimés ne peuvent en aucune circonstance prétendre avoir été pris par surprise lors de la réception du certificat de piquetage préparé par Beausoleil, Melançon en juin 2011 puisqu’il est fait référence de façon spécifique dans la promesse d’achat au fait qu’il y a empiétement de la rue des Bruants sur le lot 28-46 acheté par les intimés (Annexe II).
[38] Le 15 juin 2011, les intimés mettaient en demeure les requérants de déplacer l’assiette du chemin connu sous le nom de rue des Bruants et qui empiétait sur le lot acheté 28-46. Cette mise en demeure accordait un délai d’une semaine de la réception pour déplacer l’assiette de la route pour qu’elle corresponde à la servitude plus amplement décrite dans les titres de propriété des requérants. Dans les jours qui suivirent cette mise en demeure, les intimés dans un premier temps installèrent en travers de la route une corde avec affiches indiquant une interdiction de passage sur le chemin alors utilisé par les requérants pour se rendre à leur résidence.
[39] Comme les requérants n’ont pas obtempéré à la mise en demeure dès sa réception et comme les cordes installées en travers de la rue étaient insuffisantes pour empêcher les requérants de se rendre à leur résidence, le 12 juillet 2011, soit moins d’un mois après l’envoi de la mise en demeure, l’intimé M. Chalifoux a entrepris de creuser deux tranchées de plusieurs pieds avec sa « pépine » en travers de la route pour empêcher les requérants d’utiliser de quelque façon que ce soit, la rue des Bruants pour accéder ou encore sortir de leur résidence.
[40] C’est ainsi que les requérants ont dû, jusqu’au jugement entérinant un consentement à jugement en injonction provisoire en date du 28 août 2011, stationner leurs véhicules sur le chemin public et accéder à leur résidence à pied en contournant les excavations effectuées par l’intimé, et que pour les requérants dont le véhicule était stationné sur leur terrain lors des excavations, ceux-ci se sont vu dans l’impossibilité d’utiliser leur véhicule et ont dû avoir recours à des tiers pour les véhiculer.
[41] En plus de compromettre la sécurité des requérants, les intimés ont obligé tous les requérants à ne voyager qu’à pied avec leurs achats et leurs vidanges, et il en fût de même pour tous leurs invités.
[42] Lorsque approché par M. Lemarié pour discuter de l’empiétement sur la propriété des intimés, M. Chalifoux s’est montré très agressif à son égard et tout en utilisant un langage des plus vulgaires, il lui a indiqué qu’il avait deux jours pour réaménager les lieux. Le langage utilisé par M. Chalifoux est d’ailleurs tout à fait conforme avec les gestes posés par la suite lorsqu’il a entrepris de creuser deux tranchées en travers de la route pour empêcher les requérants d’accéder avec leur véhicule à leur propriété ou encore en bloquant toute issue de sortie pour ceux dont le véhicule était déjà stationné sur leur terrain.
[43] Le comportement de M. Chalifoux est à ce point abusif et inacceptable, et il a fait preuve d’un tel mépris à l’égard des requérants que le Tribunal ne peut de quelque façon que ce soit le cautionner et détermine qu’il y a lieu à sanction.
[44] Il va sans dire que la requête pour injonction provisoire s’imposait dans de telles circonstances et la demande d’indemnité pour troubles et inconvénients est tout à fait justifiée.
[45] Par contre, le délai qui s’est écoulé entre les travaux effectués par M. Chalifoux et la présentation de la requête en août ne peut de quelque façon être attribuable à l’intimé, et les requérants avaient l’obligation de mitiger les dommages en procédant le plus rapidement possible à une demande d’injonction provisoire.
[46] Ceci dit, le Tribunal détermine qu’il y a lieu d’accorder un montant nominal de 1000 $ à titre de dommages et intérêts à chacun des requérants pour troubles et inconvénients.
[47] ACCUEILLE l’action en complainte;
[48] PRONONCE une injonction permanente et ORDONNE aux intimés, leurs ayants droit et proches de s’abstenir de poser toute clôture, haie, mur ou autre obstacle, ou encore d’effectuer quelques travaux visant à empêcher ou nuire à l’exercice du droit de passage sur le chemin privé connu sous le nom de rue ou avenue des Bruants, telle que l’assiette existe actuellement et affectant le lot 28-46, propriété des intimés;
[49] CONDAMNE l’intimé M. Chalifoux à payer à chacun des requérants la somme de 1000 $ à titre de dommages pour troubles, stress et inconvénients avec intérêt, y compris l’indemnité additionnelle prévue par la loi, à compter de la date du présent jugement;
[50] LE TOUT, avec dépens;
[51] REJETTE sans frais la défense et demande reconventionnelle présentée par les intimés.
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__________________________________ JEAN GUIBAULT, J.C.S. |
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Me Mark Savard |
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Centre légal fleury |
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Procureurs des requérants |
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Me Alain Manseau |
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Manseau, avocats |
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Procureurs des intimés |
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Dates d’audience : |
18 au 20 mars 2013 |
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