Lussier c. Tremblay

 

 

 

 

 

 

2013 QCCQ 6039

JL2829

 
COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE  LONGUEUIL

LOCALITÉ DE LONGUEUIL

« Chambre civile »

 

N° :            505-32-030069-125

 

DATE :     Le 3 juin 2013

 

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE   L’HONORABLE MICHELINE LALIBERTÉ, J.C.Q.

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MANON LUSSIER

 

                        Partie demanderesse

 

c.

 

MARIE-CLAUDE TREMBLAY

 

et

 

YANNICK LAVALLÉE

 

                        Parties défenderesses

 

 

 


JUGEMENT

 

 


[1]         VU la preuve testimoniale et documentaire (P-1 à P-10. D-1) offerte par les parties;

[2]         CONSIDÉRANT que la partie demanderesse Manon Lussier réclame la somme de 6 682,00 $ (par amendement séance tenante) pour les motifs ainsi énoncés à sa demande datée du 30 août 2012 :

«*      Le 18 mai 2012 aller voir voiture et dépôt 200$.

1.       Le 22 mai 2012, la partie demanderesse a acheté des biens de la partie défenderesse, suite à une entente verbale.

2.       L'entente a été conclue à St-Constant, Québec. Avec chèque 3.800$ + taxe de vente 202$.

3.       La vente portait sur les biens suivants: Voiture Subaru Impreza 2.5TS 2002.

4.       La partie demanderesse n'a pas fait inspecter le bien avant d'acheter.

5.       Les défauts sur les biens achetés sont les suivants: Problèmes mécaniques majeurs dont sous-cadre, courroies, gasket de tête de moteur, thermostat etc, plus de 5000$ de réparation sont nécessaires.

6.       La partie demanderesse a constaté que les biens étaient défectueux pour la première fois le 30 mai 2012.

7.       La partie demanderesse n'a pas constaté les vices et/ou défauts avant cette date pour les raisons suivantes: Un expert était nécessaire pour constater les défauts.

8.       La partie demanderesse n'a pas effectué de travaux d'urgence.

9.       La partie demanderesse a informé verbalement la partie défenderesse des vices et/ou défauts du bien acheté.

10.     Le prix d'achat du bien est de 4 202,00 $.

11.     La partie demanderesse a payé le bien en totalité.

12.    La partie demanderesse réclame également la somme de 2 000,00 $, pour les raisons suivantes: Puisque la voiture était inutilisable pour des raisons de sécurité, j'ai dû acheter un autre véhicule pour mes déplacements.» (sic)

[3]         CONSIDÉRANT que les parties défenderesses Marie-Claude Tremblay et Yannick Lavallée refusent de payer la somme réclamée pour les motifs ainsi énoncés à leur contestation datée du 18 septembre 2012 :

«…

10.     La partie demanderesse s'est contentée d'un bref examen sommaire de la voiture et elle a choisi de ne pas effectuer ou faire effectuer un examen sérieux et attentif du bien avant l'achat;

11.   Or, il n'a fallu, semble-t-il, qu'une simple inspection visuelle du garagiste de la partie demanderesse plus d'une semaine après l'achat pour constater l'étendue des prétendus problèmes, comme l'a fait remarquer à la partie défenderesse la partie demanderesse lors de leur premier entretien téléphonique le 31 mai 2012, soit près de deux semaines après l'achat;

12.   Il a ainsi été dévoilé pour la première fois à la partie défenderesse, dans le cadre de ce premier entretien, les problèmes prétendus sur un ton plutôt hostile (menace de mise en demeure et de poursuite dès le premier contact avant même que la partie défenderesse n'ait eu le temps de répondre);

13.   Par ailleurs, la partie demanderesse s'était déclarée satisfaite de la voiture lors de l'essai routier (sur route cahoteuse et sur autoroute) avant l'achat;

14.   Tous les entretiens réguliers ont été faits sur la voiture et rien ne permettait d'envisager un problème quelconque sur la voiture, comme en témoigne les fiches d'entretien jointes en tant que pièce D-1;

15.   De plus, la partie demanderesse sait pertinemment que la voiture est âgée d'au moins 10 ans. Ainsi, nul ne devrait ignorer que des entretiens et des réparations attribuables à l'usure sont à prévoir à court et moyen termes pour un véhicule de cet âge. La partie demanderesse savait aussi qu'aucun traitement antirouille n'avait été effectué sur la voiture puisque la partie défenderesse le lui avait mentionné. Sachant tout cela et malgré les traces de rouilles apparentes sur la carrosserie du véhicule, la partie demanderesse s'était déclarée satisfaite de l'apparence et de la condition de la voiture. Si la partie demanderesse souhaitait un véhicule «neuf», elle devait ajuster son tir en conséquence et s'intéresser à une autre voiture;

16.   Ainsi, comme il est indiqué dans La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, 2 e édition, Montréal, Wilson & Lafleur ltée, 2008, de Jeffrey Edwards :

                «[…] les tribunaux québécois ont toujours refusé de considérer comme des vices selon la garantie les «détériorations», les «déficiences», ou même les «vices» attribuables au «vieillissement normal», à l'«usure normale» ou à la «vétusté» du bien. À vrai dire, les justifications offertes à ce sujet sont fort sommaires. Dans bien des cas, la simple affirmation que la détérioration est due à l'usure, au vieillissement ou à la vétusté suffit généralement pour écarter l'application de la garantie. Au fil des jugements rendus, les tribunaux n'ont pas nécessairement apprécié tous les tenants et aboutissements théoriques de la conception du vice comme un fait entraînant un déficit d'usage. Ils ont néanmoins observé que la détérioration due à l'usure, au vieillissement ou à la vétusté, n'est pas visée par l'usage mentionné dans l'article 1726 C.c.Q., car l'acheteur devait «s'[y]attendre» et la «prévoir».»

17.   Pour ces raisons, la partie demanderesse a donc failli à son obligation de prudence et de diligence compte tenu de l'âge de la voiture et de son kilométrage élevé;

18.  Enfin, la partie défenderesse ne saurait être responsable du mode de paiement choisi par la partie demanderesse pour régler son achat ni des intérêts qui en découle.» (sic)

[4]         CONSIDÉRANT qu'il n'est pas contesté que la partie demanderesse Manon Lussier a acheté de la partie défenderesse Marie-Claude Tremblay une voiture de marque Subaru Impreza 2002, ayant parcouru 165 000 kilomètres, le 22 mai 2012, moyennant la somme de 3 800,00 $ plus les taxes;

[5]         CONSIDÉRANT qu'il n'est pas non plus contesté que la partie demanderesse Manon Lussier n'a pas fait inspecter le véhicule automobile par un mécanicien qualifié avant l'achat;

[6]         CONSIDÉRANT que la partie demanderesse Manon Lussier allègue l'existence de vices cachés au véhicule automobile acheté le 22 mai 2012, conformément à l'article 1726 du Code civil du Québec :

« 1726.  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.»

[7]         CONSIDÉRANT que la partie demanderesse Manon Lussier a prouvé avoir fait inspecter le véhicule automobile le 30 mai 2012 (P-1), soit après l'achat, et que des réparations totalisant la somme de 5 103,08 $ étaient nécessaires;

[8]         CONSIDÉRANT que la partie demanderesse a fait entendre le témoin mécanicien Jean-François Signori, ayant procédé à l'examen du véhicule, lequel a déclaré qu'il y avait la présence de rouille très importante au sous-cadre de la suspension avant du véhicule, où l'on pouvait voir également plusieurs fissures et trous attribuables à la présence de rouille;

[9]         CONSIDÉRANT que le témoin Jean-François Signori a également déclaré qu'il était très évident que cette partie du véhicule était sérieusement affectée par la rouille, qu'il était très facile de le constater en regardant sous le véhicule, tel que le démontrent également les photographies produites en preuve;

[10]      CONSIDÉRANT qu'en l'espèce, le Tribunal est d'avis qu'il ne peut s'agir de vices cachés au sens de l'article 1726 précité, mais davantage de vices apparents, soit des défectuosités majeures dont la partie demanderesse Manon Lussier aurait pu facilement prendre connaissance si elle avait jeté un coup d'œil sous le véhicule avant de l'acheter;

[11]      CONSIDÉRANT que le Tribunal ne peut retenir les allégations au soutien de la demande à l'effet que seul un expert pouvait constater l'état véritable de la suspension avant du véhicule, les photographies produites en preuve par la demanderesse étant fort éloquentes et révélant incontestablement la présence de défectuosités majeures au véhicule;

[12]      CONSIDÉRANT qu'au surplus, le Tribunal est d'avis que la partie demanderesse Manon Lussier a acheté un véhicule âgé de 10 ans, ayant parcouru 165 000 kilomètres, et qu'elle n'a pas agi en acheteur prudent et diligent en omettant d'examiner elle-même ou de faire examiner par quelqu'un de compétent l'état réel et apparent de la suspension avant de l'automobile;

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[13]      REJETTE la demande,

[14]      CONDAMNE la partie demanderesse Manon Lussier à rembourser à la partie défenderesse Marie-Claude Tremblay ses frais de contestation de 152,00 $ et au défendeur Yannick Lavallée ses frais de contestation de 152,00 $.

 

 

 

__________________________________

                                                              MICHELINE LALIBERTÉ, J.C.Q.