Lambert c. Aseervatham |
2013 QCCQ 6065 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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LOCALITÉ DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-125438-103 |
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DATE : |
Le 17 juin 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
ALAIN BREAULT, J.C.Q. |
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RONALD G. LAMBERT […] Montréal-Nord (Québec) […] |
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Demandeur et défendeur reconventionnel |
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c.
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JESINQUINTUS ASEERVATHAM […] Montréal (Québec) […] |
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Défendeur et demandeur reconventionnel |
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JUGEMENT |
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[1] Ronald G. Lambert, demandeur et défendeur reconventionnel ("le demandeur"), réclame des dommages-intérêts totalisant 6 500$ à Jesinquintus Aseervatham [1] , défendeur et demandeur reconventionnel ("le défendeur"). La réclamation concerne des heures travaillées impayées, des pertes de revenus sur des contrats manqués et la valeur d'outils dont le demandeur allègue avoir été illégalement dépossédé par le défendeur.
[2] Le défendeur conteste la réclamation et se porte demandeur reconventionnel. En bref, il allègue que le demandeur a été entièrement rémunéré pour les travaux qu'il a exécutés, travaux qui n'ont de toute façon pas été parachevés, et que ses outils lui ont été entièrement remis.
[3] Le défendeur, à son tour, lui réclame des dommages-intérêts totalisant 7 000$. La demande recherche une indemnité pour les frais supplémentaires qu'il soutient avoir payé et le temps qu'il a lui-même consacré pour que les travaux soient complétés (1400$) et des dommages-intérêts pour les frais de son avocat (1 000$) et à titre de pénalité (4 600$).
[4] Le procès s'est étalé sur deux jours. Le demandeur, comme il l'avait annoncé à la fin de la première journée, ne s'est pas présenté pour la suite du procès, bien qu'il fût dûment informé de la nouvelle date. Le Tribunal a ordonné que le procès se poursuive en son absence.
LE CONTEXTE
[5] Le défendeur est pasteur et fondateur d'une église connue sous le nom de "Calvary Church of God".
[6] En 2010, il était propriétaire d'un triplex où il habitait et présidait son église.
[7] Le demandeur, à la suite d'une référence d'un ami, le rencontre au sujet de travaux devant être effectués au balcon. Il inspecte l'état des lieux et fait savoir au défendeur que non seulement le balcon doit être réparé, mais aussi l'escalier qui doit être refait au complet.
[8] Le demandeur relate qu'il évalue le prix de ses travaux à une somme allant de 800$ à 900$. Pour lui, il s'agit du meilleur prix qui peut être offert. Il ajoute qu'ils se sont entendus pour un montant de 800$.
[9] Les parties, selon le témoignage du demandeur, ne se ménagent à ce moment aucun écrit pour confirmer leur entente.
[10] Les travaux commencent. Le demandeur explique que le défendeur lui demande presque aussitôt de faire d'autres travaux que ceux dont ils avaient discuté. Il relate lui avoir alors mentionné que le prix total deviendrait dès lors plus important, soit 1 800$. Il témoigne qu'il a préparé un document écrit pour confirmer les termes de cette entente entre eux.
[11] Le demandeur déclare qu'une mésentente s'installe entre eux par la suite sur la nature des travaux à effectuer et les montants devant être payés par le défendeur. Le 17 août 2010, un document écrit, pièce D-1, est rédigé et le demandeur le signe. Il précise que le premier "papier" a alors été déchiré.
[12] Le document détaille les travaux qui doivent être exécutés, établi le coût total des rénovations à 1 800$ et fait état de certains paiements qui auraient été effectués par le défendeur.
[13] Le ou vers le 27 août 2010, le demandeur abandonne les travaux. Il témoigne que le défendeur ne lui paie rien et que ses demandes se compliquent encore. À plusieurs reprises par la suite, dit-il, il tente de le rencontrer pour obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues.
[14] Les policiers doivent même se rendre au domicile du pasteur.
[15] Le demandeur mentionne qu'il est aussi incapable de reprendre ses outils. Le défendeur les retient et il ne veut pas les lui remettre. Un avocat est engagé et des procédures de saisie avant jugement sont entreprises. Elles ne donnent toutefois rien.
[16] Le demandeur raconte que le défendeur était introuvable. Les procédures ne peuvent donc pas lui être signifiées. Son avocat se désiste finalement des procédures entreprises.
[17] Le demandeur soutient que, pour tous les travaux exécutés, le défendeur lui doit la somme totale de 3 850$. Cela représente 275 heures de travail réparties sur 14 jours, à raison de 9 à 10 heures par jour. En plus, il réclame une indemnité pour la perte de ses outils et d'autres contrats de rénovations qu'il n'a pu acceptés ou qu'il a été incapable d'exécuter pour cette raison.
[18] Le défendeur, de son côté, plaide que le demandeur a été entièrement payé pour les travaux qu'il a exécutés. De fait, il affirme lui avoir payé un montant totalisant 1300$ par divers versement effectués en argent liquide.
[19] Il ajoute avoir lui-même subi des dommages en raison du refus du demandeur de parachever les travaux qu'il s'était engagé à faire. En reconventionnel, il lui réclame les montants qu'il a versés à des tiers pour que soient parachevés les travaux et d'autres indemnités pour être compensé des pertes de temps et d'autres frais qu'il a engagés.
ANALYSE ET MOTIFS
[20]
L'article
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée
[21] Les auteurs Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée [2] expliquent ainsi la portée de cet article :
156 -
Fondement
- Le principe énoncé
à l'article
[ … ]
190 - Généralités - La partie qui a le fardeau de persuasion perd son procès si elle ne réussit pas à convaincre le juge que ses prétentions sont fondées. Ainsi, l'action du demandeur sera rejetée si celui-ci n'établit pas les actes ou les faits générateurs de son droit. D'autre part, le défendeur sera condamné à exécuter sa prestation s'il ne prouve pas son extinction.
[22] En l'espèce, la preuve est contradictoire et le Tribunal constate que, sur certains éléments importants, le témoignage de chacune des parties est incompatible avec la preuve documentaire produite au dossier.
[23] En premier lieu, le Tribunal estime que le demandeur n'a pas satisfait à son fardeau d'établir par une preuve convaincante les éléments essentiels de sa réclamation.
[24] Le Tribunal, d'abord, tire une inférence négative de l'absence du demandeur lors de la deuxième journée de procès. Par ailleurs, il témoigne que le défendeur ne lui a rien payé, "pas un sou", disait-il.
[25] Or, cette affirmation est manifestement en opposition avec l'écrit, pièce D-1, qu'il a signé le 17 août 2010. Cet écrit énonce que les montants de "900$" et "200$" sont "déjà payer (sic)" et "200$" le 17 août 2010. Le demandeur, en l'absence d'un commencement de preuve, ne pouvait pas contredire verbalement cet écrit qu'il avait signé.
[26] Enfin, au sujet des outils, la seule preuve indépendante découle de la présence de deux policiers au domicile du défendeur le 27 août 2010.
[27] Ces derniers ont témoigné devant le Tribunal lors de la deuxième journée de procès. Ils ne se souviennent de presque rien. Cependant, sur le rapport informatique faisant l'historique de l'appel, les commentaires au sujet de l'objet du litige entre les parties se limitent à dire qu'il s'agit d'une mésentente sur le "montant à payer pour terminer les travaux".
[28] Rien n'est mentionné au sujet d'un conflit portant sur les outils.
[29] Le Tribunal souligne que le demandeur n'a présenté aucune preuve documentaire ou par expertise aux fins d'établir son titre de propriété et la valeur de ses outils. Certains outils semblent aussi avoir été loués. En conséquence, si tant est que le demandeur eût raison sur cet élément, le Tribunal aurait été incapable d'associer une valeur précise à ses outils.
[30] Dans un autre ordre d'idées, le défendeur n'a pas du tout convaincu le Tribunal que les dommages-intérêts qu'il réclame en reconventionnel sont bien fondés.
[31] Il faut dire, de façon générale, que les explications qu'il a fournies pendant son témoignage pour justifier les sommes qu'il réclame sont incompatibles ou se démarquent à plusieurs égards par rapport à ses allégations écrites ou aux documents qu'il avait produits pour exposer sa contestation.
[32] De plus, la version du défendeur au sujet de la remise des outils n'est pas très rassurante. Il témoignage que les outils ont été donnés au demandeur le jour même où les policiers se sont rendus à son domicile et en leur présence. Or, comme déjà mentionné, les policiers ne se souviennent de rien à ce sujet et le rapport informatique ne contient aucune mention sur cette remise d'outils.
[33] Le Tribunal rejette la réclamation du défendeur (1 400$) au sujet des montants payés à des tiers pour que les travaux soient parachevés et pour son propre temps consacré à ces tâches.
[34] La preuve révèle que le montant payé aux tiers est bien inférieur à celui que le défendeur réclame pour lui-même. Ce dernier n'a fait valoir aucun argument suffisant ni aucune information précise et détaillée quant aux heures pendant lesquelles il aurait travaillé. La preuve offerte est insuffisante pour justifier légalement cette réclamation pour lui-même.
[35] Par ailleurs, le montant payé aux tiers, plutôt modique, semble davantage confirmer que le demandeur était en droit d'exiger un montant supplémentaire pour que tous les travaux demandés soient exécutés. Enfin, les tiers ne sont manifestement pas des travailleurs réguliers de la construction. Ils ne peuvent donc pas témoigner de façon probante sur la qualité des travaux réalisés par le demandeur.
[36] La réclamation du défendeur à titre de pénalité (4 600$) ne repose sur aucun fondement juridique. Elle ne s'appuie sur aucune clause contractuelle et le défendeur ne peut justifier cette demande en l'espèce sur la base de dommages punitifs. Elle est surtout déraisonnable et exagérée et elle exprime l'idée que le défendeur cherche à s'enrichir indûment au détriment du demandeur.
[37] Est aussi mal fondée la dernière réclamation pour les honoraires et autres frais de son avocat (1 000$). Ces frais sont liés pour l'essentiel aux procédures de saisie avant que le demandeur avait intentées.
[38] La jurisprudence enseigne que, lorsqu'ils choisissent librement de défendre ou faire valoir leurs droits, les justiciables, sauf dans certains cas exceptionnels, doivent supporter seuls les frais qu'ils acquittent et le temps qu'ils consacrent à leur dossier.
[39] La preuve ne révèle ici aucune circonstance particulière ou exceptionnelle pouvant justifier le Tribunal d'écarter l'application de cette règle.
[40] Les parties sont les seules personnes qui savent ce qui s'est réellement passé entre elles. Eu égard aux règles de preuve applicables, ni l'une ni l'autre n'a convaincu le Tribunal que sa version était celle qui devait prévaloir. Aussi, de tout ce qui précède, tant la demande principale du demandeur que la demande reconventionnelle du défendeur seront rejetées.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la demande principale du demandeur ;
REJETTE la demande reconventionnelle du défendeur ;
LE TOUT , chaque partie payant ses frais judiciaires.
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__________________________________ ALAIN BREAULT, J.C.Q. |
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Dates d’audience : |
Les 11 février et 4 juin 2013 |
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[1] Le demandeur a incorrectement décrit le nom du défendeur dans sa demande judiciaire. Le Tribunal, par les présentes, amende la procédure aux fins de corriger le nom du défendeur.
[2]
Jean-Claude
ROYER et Sophie LAVALLÉE,