Raymond, Joyal, Cadieux, Paquette & Associés ltée c. Buono |
2013 QCCQ 6175 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-127676-114 |
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DATE : |
20 juin 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
FRANÇOIS BOUSQUET, J.C.Q. |
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RAYMOND, JOYAL, CADIEUX, PAQUETTE & ASSOCIÉS LTÉE ; 1100, boulevard |
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Crémazie Est. Suite 110. Montréal (Québec) H2P 2X2 |
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Demanderesse |
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c. |
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GIOVANNA BUONO ; […] . Montréal (Québec) |
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[…] |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse réclame le paiement d'honoraires pour les services professionnels d’évaluation qu'elle allègue avoir fournis à la demande du mandataire de la défenderesse, Me Elio Cerundolo.
[2] À la fin de l’année 2009 ou au début de l’année 2010, la défenderesse retient les services de Me Elio Cerundolo afin de négocier le montant du loyer lors du renouvellement du bail d’un local commercial occupé depuis plusieurs années par la Banque de Montréal.
[3] Il est admis que Me Elio Cerundolo retient alors les services de la demanderesse mais il est difficile de déterminer avec précision les termes et conditions du contrat de service parce qu'il n'a pas été conclu par écrit.
[4] Les éléments de preuve les plus pertinents relativement à ce contrat sont deux lettres que Me Elio Cerundolo a fait parvenir au représentant de la demanderesse les 21 janvier et 2 février 2010 dont les extraits pertinents se lisent comme suit :
« Le 21 janvier 2010
Tel que promis, vous trouverez ci-joint du bail original ainsi que des trois (3) renouvellements du même bail inclusivement celui de l'option à partir du 1 er mai 2010 jusqu'au 30 avril 2015.
Après étude du bail original et des renouvellements le locataire en plus du loyer de base tel qu'établit dans les différents baux et renouvellements il paye de plus:
a) L'électricité;
b) La taxe d'eau et d'affaires;
c) À partir de l'année 1980 toute augmentation dans les taxes foncières en prenant comme année de base l' année qui va du 1 er janvier 1980 au 31 décembre 1980;
d) Toute augmentation des coûts de chauffage à partir de l'année de base telle que ci-haut décrite;
LE BAILLEUR PAYE :
a) Les taxes foncières et municipales;
b) Le chauffage;
c) L'eau chaude;
Après votre visite j'ai quand même fais mes démarches auprès d'amis et ces derniers m'ont confirmé que pour des baux net net le loyer au pied carrées est supérieure à 16-17,00$ le pied carré.
Encore une fois je vous souviens que l'emplacement de ma cliente en est un qui n'a rien à envier avec les emplacements du Centre-ville et je vous fais remarquer que le prix à être déterminer c'est pour des locaux similaires dans la région de Montréal, donc les meilleures places du Centre-ville sont exclus.
Veuillez sur réception des présentes me recontacter si d'autres explications ou informations sont nécessaires. » [1] [ Sic ]
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« Le 2 février 2010
Faisant suite à notre conversation téléphonique de ce matin, la présente a pour but de vous confirmer que ma cliente m'a confirmé de vous donner le mandat de procéder à une évaluation du loyer à être renégocié avec la Banque de Montréal pour les cinq (5) prochaines années dont le coût sera situé entre 2 800,00$ et 3 000,00$.
Également afin de procéder à une visite des lieux, voulez-vous avoir l'obligeance de me le faire savoir avec un préavis de trois à quatre jours afin que je puisse fixer le rendez-vous et être personnellement présent aussi. » [2] [ Sic ]
[5] Le représentant de la demanderesse dit avoir compris que la tâche demandée consistait à déterminer la valeur locative d'un local utilisé pour l'exploitation d'une succursale bancaire seulement.
[6] Selon son témoignage, il a entrepris ses travaux en fonction de cette demande et il a été surpris de recevoir, quelque temps plus tard, une lettre dans laquelle Me Elio Cerundolo faisait état de la valeur locative d’un local commercial, quelle que soit son utilisation. L'extrait pertinent de cette lettre se lit comme suit :
« Le 25 février 2010
Vous trouverez ci-joint les informations relativement à des locaux commerciaux adjacents au local loué par la Banque de Montréal que j'espère vous servirons à déterminer le loyer à être payé par la Banque de Montréal. Après avoir discuté avec ma cliente, cette dernière m'a confirmé d'insister auprès de vous que votre expertise doit porter sur des locaux « suivants les taux qui prévaudront pour des locaux similaires dans la région de Montréal ».
J'ajoute que si vous aviez des banques proches à notre sujet, je comprendrai que vous prendrez en considération ces loyers mais à l'exception de la Banque Nationale sur Bélanger et Papineau, il n'y en a pas de plus proches. » [3]
[7] Le représentant de la demanderesse affirme que les instructions transmises dans cette lettre avait pour conséquence de changer, sans son consentement, la tâche convenue lors de la conclusion du contrat de service et qu’il a donc voulu discuter de ce problème avec Me Elio Cerundolo.
[8] Selon son témoignage, il n'a toutefois jamais réussi à lui parler et, pour ce motif, il a exécuté le mandat tel qu'il l'avait compris initialement. Conséquemment, un peu plus de 3 mois plus tard, soit en juin 2010, il a transmis à Me Elio Cerundolo un projet de rapport d’évaluation de la valeur locative d'un local utilisé pour l'exploitation d'une succursale bancaire.
[9] Ces affirmations sont compatibles avec l'extrait suivant de la requête introductive d’instance :
« 4. Au cours des mois de février et mars 2010 la défenderesse, par l'entremise de son procureur, a fait parvenir divers documents additionnels au représentant de la défenderesse, lesquels ont eu pour effet de transformer le mandat initial occasionnant un travail additionnel, le tout tel qu'il appert de trois lettres datées des 17 et 25 février et du 10 mars 2010, dénoncées à la défenderesse comme pièce P-3 ;
5. Le ou vers le 22 mars 2010, le représentant de la demanderesse a communiqué avec le procureur de la défenderesse et n'a jamais eu de retour, le tout tel qu'il le sera démontré lors de l'enquête et audition au mérite;
6. N'ayant eu aucune communication, le représentant de la demanderesse a transmis au mois de juin 2010 à l'attention du procureur de la défenderesse, un projet de rapport d'évaluation, le tout tel qu'il appert audit projet ainsi qu'à une lettre de Me Cerundolo datée du 7 juin 2010, dénoncés à la défenderesse comme pièce P-4;
7. Sur réception de la lettre du 7 juin 2010, le représentant de la demanderesse a adressé une réponse au procureur de la défenderesse, le tout tel qu'il appert d'une lettre du 23 juin 2010, dénoncée à la défenderesse comme pièce P-5 ;
8. N'ayant reçu aucune communication additionnelle, le représentant de la demanderesse a fait parvenir à la défenderesse, le ou vers le 19 juillet 2010, copie de son rapport d'évaluation accompagnée d'un compte d'honoraires, le tout tel qu'il appert desdits documents et des preuves de transmissions, dénoncés à la défenderesse comme pièce P-6;
9. La défenderesse a par la suite indiqué au représentant de la demanderesse qu'elle n'avait aucunement l'intention d'acquitter le compte d'honoraires P-5, le tout tel qu'il appert de deux lettres des procureurs de la défenderesses, datées des 20 juillet et 28 octobre 2010, dénoncées à la défenderesse comme pièce P-7; » [4]
[10] La défenderesse conteste la réclamation pour les motifs suivants :
La demanderesse a refusé ou négligé de fournir une évaluation conforme à ses instructions.
Le rapport de la demanderesse était inutile pour le but recherché, soit la négociation du montant du loyer lors du renouvellement du bail.
Elle a dû payer un autre évaluateur pour obtenir l’évaluation recherchée et c’est grâce au rapport de ce dernier qu’elle a pu conclure une entente de renouvellement de bail.
[11] La version du représentant de la demanderesse, quant à la nature de la tâche demandée, est incompatible avec la première lettre de Me Elio Cerundolo datée du 21 janvier 2010. En effet, dans celle-ci, Me Elio Cerundolo précise que l’évaluation recherchée concerne des « locaux similaires » et non pas les locaux occupés pour exploiter une succursale bancaire.
[12] En supposant, pour les fins de la discussion, que la demande ait été imprécise, il appartenait à la demanderesse, à titre de prestataire de service, de s’informer de la nature exacte du travail demandé avant de conclure une entente relative au prix de ses services et, surtout, avant de débuter son travail.
[13] Quoi qu'il en soit, après la transmission de la lettre du 25 février 2010, aucune ambiguïté n'était possible relativement à la nature de la tâche demandée. Conséquemment, la demanderesse devait immédiatement cesser d'effectuer l'évaluation de la valeur locative d'un local utilisé exclusivement pour l'exploitation d'une succursale bancaire puisqu'elle savait que ce n'était pas ou, à tout le moins, que ce n'était plus la tâche demandée par sa cliente.
[14] Cette conclusion du Tribunal est d'ailleurs compatible avec l'allégation de la demanderesse à l'effet que les documents transmis par Me Elio Cerundolo « ont eu pour effet de transformer le mandat initial occasionnant un travail additionnel » [5] .
[15]
La modification d'une partie essentielle d'un contrat de service, le cas
échéant, équivaut à une résiliation unilatérale au sens des articles
« 2125. Le client peut, unilatéralement, résilier le contrat, quoique la réalisation de l'ouvrage ou la prestation du service ait déjà été entreprise . »
« 2129. Le client est tenu, lors de la résiliation du contrat, de payer à l'entrepreneur ou au prestataire de services, en proportion du prix convenu, les frais et dépenses actuelles, la valeur des travaux exécutés avant la fin du contrat ou avant la notification de la résiliation, ainsi que, le cas échéant, la valeur des biens fournis, lorsque ceux-ci peuvent lui être remis et qu'il peut les utiliser.
L'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu, pour sa part, de restituer les avances qu'il a reçues en excédent de ce qu'il a gagné.
Dans l'un et l'autre cas, chacune des parties est aussi tenue de tout autre préjudice que l'autre partie a pu subir . »
[16] Comme on peut le constater, en cas de résiliation unilatérale, le prestataire de service n'a pas droit à la totalité du prix forfaitaire convenu mais seulement à la valeur des services déjà rendus.
[17] En supposant, pour les fins de la discussion, que la défenderesse ou son procureur ait résilié unilatéralement le contrat, il faudrait déterminer la valeur des services rendus par la demanderesse avant la réception des lettres et documents qui « ont eu pour effet de transformer le mandat initial occasionnant un travail additionnel » [6] .
[18] Or, en l'instance, il n’y a aucun élément de preuve permettant de déterminer la valeur des travaux déjà exécutés lorsque la demanderesse dit avoir été informée que le « mandat initial » était transformé.
[19] Le représentant de la demanderesse déclare en effet qu'il n'a pas noté le temps consacré au dossier ni la nature des tâches exécutées parce qu'il s'agissait d'un contrat à prix forfaitaire et qu'il n'avait donc pas à transmettre une facture d'honoraires détaillée.
[20]
Il est toutefois raisonnable de conclure que la valeur des travaux déjà
exécutés, au sens l'article
[21] En effet, le « mandat initial » a été confié le 2 février 2010 [7] , il aurait été « transformé », au plus tard, le 25 février 2010 [8] et le projet de rapport d'évaluation a été fait, au plus tôt, en mai 2010 [9] .
[22] La demande sera donc rejetée pour les motifs suivants :
Les services rendus ne sont pas ceux qui avaient été demandés puisque le « mandat initial » réfère à la valeur locative de « locaux similaires » et non pas seulement à celle des locaux occupés pour exploiter une succursale bancaire.
En supposant,
pour les fins de la discussion, que le «
mandat initial
» ait
été modifié, il n'y a aucun élément de preuve permettant de la déterminer la
valeur des services rendus, au sens l'article
[23] Compte tenu de cette décision, il est inutile d’analyser les autres motifs de contestation plaidés par la défenderesse.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la demande et condamne la demanderesse à rembourser à la défenderesse les frais de la contestation, soit la somme de 118$.
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__________________________________ FRANÇOIS BOUSQUET, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
10 juin 2013 |
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[1] Extrait de la lettre de 21 janvier 2010, faisant partie de la liasse de documents, pièce P-2.
[2] Extrait de la lettre du 2 février 2010, faisant partie de la liasse de documents, pièce P-2.
[3] Extrait de la lettre du 25 février 2010 faisant partie de la liasse de documents, pièce P-3.
[4] Extrait de la requête introductive d’instance.
[5] Extrait du paragraphe 4 de la requête introductive d’instance.
[6] Extrait du paragraphe 4 de la requête introductive d’instance.
[7] Lettre du 2 février 2010, reproduite précédemment, faisant partie de la liasse de documents, pièce P-2
[8] Lettre du 25 février 2010, reproduite précédemment, faisant partie de la liasse de documents, pièce P-3.
[9] Le projet de rapport porte la date du 17 mai 2010 mais cette date pourrait être inexacte puisque, selon l'allégation formulée au paragraphe 6 de la requête introductive d'instance « le représentant de la demanderesse a transmis au mois de juin 2010 à l'attention du procureur de la défenderesse, un projet de rapport d'évaluation ». (Soulignement ajouté)